Le petit chat de Lina, LEE, Komako Sakaï, école des loisirs
Tout commence par un petit miaulement derrière une porte. Miii, miii, miii, mais qui pleure ainsi? Lina et sa mère découvrent alors le chaton, tout petit, le poil ébouriffé. Sa mère est là aussi, avec ses deux autres petits. Si elle a accompagné son bébé jusqu’à la porte des humains, c’est qu’il a besoin de leur aide, il est malade, il faut le soigner.
Entre maman, on se comprend. La chatte et la mère de Lina échangent un regard. Et voilà le chaton adopté.
Il a les yeux mal en points mais il n’est pas aveugle, un petit tour chez le vétérinaire et tout rentrera dans l’ordre.
Au début, Lina trouve que ce chat est quand même moins mignon que ceux de l’animalerie, mais il faut bien avouer que quand elle le prend dans ses bras, l’écoute ronronner et le sent respirer elle est sous le charme.
Très vite, elle se sent responsable de lui, au point qu’elle est très inquiète quand il disparaît.
On sait que Komako Sakaï est incroyablement douée pour dessiner les traits de l’enfance. Ici elle arrive en outre à rendre parfaitement la fragilité du chaton, auquel il est impossible de rester indifférent.
Cet album est une histoire très charmante sur l’adoption, le soin qu’on peut apporter aux autres, le sentiment maternel et l’empathie.
Lina est une vraie petite mère pour le chat, puisqu’elle va s’en occuper, s’inquiéter pour lui et finalement, c’est elle qui va le baptiser.
Comme vous le savez (enfin, si vous vous suivez avec assiduité, ce dont je ne doute pas), nous sommes actuellement deux à alimenter ce blog.
Chloé, qui l’a crée et qui fait toutes les chroniques d’albums et depuis peu Caroline, qui fait les billet sur les essais destinés aux adultes. Billets que vous pouvez retrouver dans la catégorie Billets de Caroline (comme les choses sont bien faites)
Aujourd’hui, c’est Caroline qui prend la plume pour exposer un projet qui lui tient à cœur et pour lequel nous faisons appel aux nombreux éditeurs et auteurs qui suivent ce blog.
Aujourd’hui je suis… Mies Van Hout, Minedition, 14€
Depuis sa sortie en 2011, cet album s’est imposé dans les structures petite enfance comme une référence pour aborder les émotions avec les petits (sujet à la mode s’il en est!)
On y voit une galerie de portraits de poissons qui expriment, par un mot, leur humeur du moment.
Les images, à la craie ou au pastel sur fond noir, évoquent des dessins d’enfant sur un tableau à l’ancienne.
La forme semble donc simple mais chaque émotion est évoquée de multiples façons dans l’album.
Par le texte d’abord, bien entendu, par l’expression du poisson ensuite mais aussi par le choix de la typographie, la couleur de fond de la page de texte (en vis-à-vis de chaque page d’image), la place du poisson dans la page ou encore le sens dans lequel il est tourné.
Tout cela forme un tout cohérent, parfois drôle, souvent touchant, toujours esthétique, dans lequel l’émotion énoncée prend sens.
Nous autres, adultes, nous attendons bien des choses de la littérature enfantine.
Ces derniers temps, il y a une demande très fortes des professionnels pour des livres qui « parlent des émotions ».
Bon.
Moi, j’ai quand même tendance à penser que tous les livres le font mais admettons. Certains appuient plus que d’autres sur cet aspect, allons-y, proposons les aux enfants.
Mais, s’il vous plaît, n’utilisez pas les livres comme un quelconque outil pour « faire parler » les enfants, pour « les aider à exprimer leurs émotions », pour les aider à « se contrôler ». Les livres ne sont pas là pour ça. Et c’est souvent contre productif, si on cherche à faire aimer les livres aux enfants. Quand je lis Aujourd’hui je suis… à un enfant, jamais je ne me permets de lui demander comment il se sent lui, à ce moment là. Jamais je n’en profite pour lui dire comment il devrait être. Parfois les bambins le font spontanément, tant mieux. Mais s’ils ont envie de garder ça pour eux, c’est leur droit. Les sentiments des enfants relèvent de leur intimité.
Nous, adultes, nous avons là dedans le rôle d’intermédiaire, nous leur offrons des lectures, parce que, ne sachant pas lire, ils ont besoin de nous pour y accéder. Ce qu’ils en font ne nous regarde pas. Faisons leur confiance, ils savent parfaitement exploiter ces moments de lecture pour faire fonctionner leur cerveau, qui ne demande que ça.
Les lectures que nous faisons aux enfants devraient toujours être données sans contrepartie.
Je sais que mon point de vue est minoritaire chez les professionnels de la petite enfance, n’hésitez pas à me faire part du vôtre en commentaire.
Collaborer avec les familles de personnes handicapées , Bruno Laprie et Brice Minana, ESF EDITEUR, Collection « Les guides Directions »
Prix: 14,90€
« La famille!…Impossible de vivre avec, et impossible de naître sans » Allan Gurganus, « La famille, ce havre de sécurité, et en même temps le lieu de la violence extrême » Boris Cyrulnik.
La notion de famille évoque chez chacun de nous des émotions diverses, des représentations, de l’épanouissement à la frustration voire à la rancœur. Cette question est d’autant plus travaillée dans le domaine du handicap. Nous changeons un peu d’horizon avec ce billet, nous tournant vers le champ de l’éducation spécialisée, ô combien présent et important dans notre société aujourd’hui, qui œuvre pour un mieux-être, un bien-être de ses usagers.
Accompagner une personne en situation de handicap, va de paire avec la prise en compte de sa famille et de son environnement social global, affirmation qui parait logique aujourd’hui et qui a été réaffirmée dans un contexte législatif. La « famille » peut s’entendre au sens large: filiation biologique, loi, représentations culturelles, foyer « nucléaire », famille « élargie et infinie », recomposition etc…
Toute parentalité implique des appuis « élargis »: familles, amis… Mais dans le contexte du handicap, les parents doivent s’appuyer À L’EXTERIEUR et accepter que l’éducation seule ne suffit pas, elle doit être spécialisée (rééducation, thérapies) et baignée dans le champ d’actions médico-social, vaste labyrinthe pour le novice, entre les diverses institutions, la multiplicité des appellations et la lourdeur administrative.
Cet ouvrage, croise l’évolution de la notion de famille, recadre de manière étayée, la définition de responsable légal dans notre pays et de solidarité familiale, en réaffirmant l’importance de préserver le lien familial et d’inclure les familles dans la vie des établissements où sont accueillis le membre de leur famille. La participation familiale semble aller de soi, surtout si elle est incitée par les établissements, mais il ne faut pas croire qu’elle ne va pas forcément de soi. En effet, ces familles entrent dans un monde méconnu, un peu par obligation et peuvent être en souffrance. Sans compter les sentiments de culpabilité et de disqualification qu’un accompagnement spécialisé peut engendrer, sans oublier la disponibilité que cela demande et le poids du regard social.
Cette culpabilité et ce sentiment d’incompétence peut créer un jeu de pouvoir dans les relations familles/institutions/personne accompagnée et dynamiser une forme de communication Sauveur/Victime/Persécuteur, décrit par le triangle de KARPMAN, qui n’est pas sans conséquence, notamment dans le rapport de travail qui en découle: partenaire, usager, client, collaborateur…
Bruno Laprie et Brice Minana mettent en valeur la notion de co-construction avec les familles, dont va découler le degré de leur participation. Cet investissement aura besoin d’une relation de confiance qui s’établit dans le temps, d’une écoute non jugeante, du respect des valeurs familiales et de communication positive.
Comme dans tout lieu d’accueil, nous le vérifions également dans nos structures d’accueil du jeune enfant, la collaboration commence dès l’admission et l’adaptation, le fait de rendre lisible les fonctions des professionnels accompagnant (organigramme par exemple), d’utiliser des supports de communication (cahier, tableaux d’affichage etc…), de démystifier le jargon dans lequel on baigne sont indispensables à un vrai travail en binôme, pour inclure réellement la famille dans ce nouveau monde.
« Si l’on n’est pas préparé à être parent ce rôle peut être encore plus complexe à jouer avec un enfant en situation de handicap car les repères de l’évolution de l’enfant sont brouillés ». Il y a là un enjeu de taille lorsqu’on accompagne ces parents. On ne naît pas parent, on le devient, et ils sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Toute l’alchimie se joue dans les frontières que chacun délimite (professionnel et parent), tout en convergent vers un chemin commun. Ce soutien passe donc par une place respectueuse de chacun et par des actions mises en place accompagnement dans l’annonce puis acceptation du handicap, dans l’explication de la maladie, espaces d’échanges et de dialogues entre familles, ateliers parents-enfants, médiateur, visite à domicile etc…
Collaborer avec les familles de personnes handicapées c’est aussi une inscription dans le temps, avec des objectifs des étapes du parcours de vie, des marqueurs des avancées (âge, sociales, éducatives etc…) avec des approches fonctionnelles (relations, capacités…) et situationnelles (mobilité, prendre soin de soi…) et la préparation au projet de vie adulte, de l’après-institution.
Ce livre est un rappel du cadre légal qui entoure le handicap aujourd’hui, une réflexion sur les postures professionnelles et les leviers possibles à utiliser, et un outil précieux dans l’accompagnement sur la durée de ces familles.
« Je ne comprends
toujours pas pourquoi on félicite et récompense ceux qui ont des beaux enfants,
comme si c’était leur faute. Pourquoi, alors, ne pas punir et mettre des
amendes à ceux qui ont des enfants handicapés ? » Jean-Louis Fournier
Brice Miñana est psychosociologue et consultant dans le
secteur médico-social.
Bruno Laprie est consultant en organisation et auditeur
qualité et dirige l’agence Celadon-conseil, organisme de
formation et de conseil spécialisé dans le secteur social et médico-social.
Pour aller plus loin:
-« Où on va papa? » Jean-Louis Fournier
-« Favoriser la participation des usagers en établissement médico-social » Bruno Laprie, Brice Manana
-« Motiver les équipes en travail social » François Charleux, Jean-René Loubat
-« Handicap et accompagnement, nouvelles attentes, nouvelles pratique » Henri-Jacques Stiker, José Puig, Olivier Huet
Le noir de la nuit, Chris Hadfield, The Fan Brothers, éditions des éléphants
En cette nuit de juillet 1969, Chris Hadfield est déjà un astronaute très occupé. A bord de sa fusée en carton, il sauve l’univers des extraterrestres. De sa baignoire, il voyage vers Mars.
Son imagination fertile ne connaît pas de repos, et à l’heure d’aller se coucher, elle lui joue des tours. Dans l’obscurité, les pires créatures venues du ciel semblent hanter sa chambre. Et pas question de se réfugier dans le lit parental, papa et maman ne sont plus d’accord.
Au point qu’ils finissent par user d’un argument de poids: dors, sinon demain nous serons trous trop fatigués pour aller chez les voisins.
Hors, les voisins sont les seuls à posséder une télévision. Et c’est devant ce petit écran en noir et blanc que le regard que Chris porte sur la nuit va changer à tout jamais.
Lui qui déjà rêvait d’aller sur la lune découvre avec émerveillement les images du premier homme à réaliser l’exploit.
Et la nuit prend un tout autre sens. L’univers, vu par la petite lucarne, est bien plus sombre que la chambre de l’enfant, mais il semble receler tant de mystères. Il devient un territoire à explorer. C’est désormais avec plus de curiosité que de peur que Chris regarde le ciel nocturne. Les yeux grands ouverts sur le ciel étoilé, il fait des rêves. Des rêves qui, on le sait, deviendront réalité pour lui, bien longtemps plus tard.
En épilogue de l’album, une brève bibliographie de l’astronaute et des photos, de lui enfant dans sa fusée en carton et adulte, à bord de l’ISS rendent l’histoire d’autant plus touchante.
Les grandes illustrations à fond perdu nous immergent dans l’ambiance de cette nuit d’été, sur une île canadienne. On ressent l’émotion palpable des adultes comme des enfants, l’importance de ce moment, qui sera fondateur dans la vie de Chris.
La piscine magique, Carl Norac, Clothilde Delacroix, Didier jeunesse 12 €50
Oyez oyez, aujourd’hui le roi, dans sa très grande générosité, a décidé d’ouvrir exceptionnellement son exceptionnelle piscine à quelques représentants du peuple. Triés sur le volet les représentant quand même, soyons sérieux. Le critère? L’élégance. Oui, parce que, manifestement, au sommet du pouvoir, c’est l’apparence qui compte. D’ailleurs, si vous vous demandez pour quelle étrange raison le roi lion accepte de faire entrer la plèbe en son domaine comme ça, ne cherchez plus, c’est juste qu’il a été vexé comme un poux qu’on puisse dire du mal de sa piscine. Sa piscine magique. Celle qui exauce les vœux qu’on prononce en plongeant dedans.
Vous la connaissez celle là? Si vous ne l’avez jamais entendu, trouvez n’importe quel enfant de maternelle, il saura vous la raconter.
Comptines, contes, blague de cour de récré, nous sommes habitués maintenant à voir le patrimoine oral brillamment revisité par l’éditeur Didier jeunesse.
J’ai été plus étonnée de voir Carl Norac dans ce registre, lui qui va volontiers chercher du coté de la tendresse et de la douceur. Mais son affection pour les mots, les sonorités, la poésie et les différents niveaux de langages se prêtent parfaitement à l’exercice. Il prolonge et enrichit la blague par des jeux autour de la langue, à travers les quels se glisse une légère impertinence et un brin de satire sociale qui n’est pas pour me déplaire.
Les images de Clothilde Delacroix contribuent indéniablement au comique de l’ensemble. Ah, qu’il est savoureux le petit slip à la superman du vaniteux roi lion. Qu’elle est expressive la tête du serpent
qui regarde une antilope essayer un maillot en peau… De serpent. Et comme elle a le menton haut, l’insupportable reine.
Colorées, aérées et dynamiques, les images qui attirent beaucoup les enfants racontent beaucoup plus de choses qu’il n’y parait au premier regard. Que je le présente ouvert ou fermé, il est très choisi par les
enfants. Et quand je travaille en présence de leurs parents, cet album les réuni dans un même éclat de rire. Une belle réussite donc, qui fait la joie des bambins de maternelle.
Apprécié aussi chez Bouma
Falgu le fermier va au marché, Chitra Soundar, Kanika Nair, Kaléidoscope, 15€
Vous vous souvenez de Falgu, le fermier qui cherchait le calme dans l’opus précédent? Manifestement, il s’est habitué aux bruits de sa ferme, puisqu’il y est toujours.
Mais aujourd’hui, c’est jour de marché, le revoilà donc en route, avec ses bœufs et sa charrette bien chargée: Tomates, oignons, piments coriandre, sans compter les œufs, les blancs, les bruns et ceux de la cane.
Normalement, à ce stade du récit, vous avez déjà l’eau à la bouche (en tout cas, moi, ça me donne faim)
Mais décidément, la route qui mène au marché n’est pas des plus calmes.
Entre les canards, qui traversent n’importe comment, les camions qui coupent la route de la charrette et les chèvres qui veulent brouter la coriandre, la marchandise est en bien piteux états quand Falgu atteint enfin son but.
Mais c’est qu’il est malin, il va bien trouver une solution pour avoir tout de même quelque chose à vendre.
Une fois de plus les grandes illustrations joyeuses et colorées font mouche. Ce sont elles qui nous indiquent que l’histoire se passe en Inde, même si elle est parfaitement universelle.
Nous retrouvons aussi un rythme enlevé, des onomatopées et une structure en randonnée.
La chute est un peu attendue mais cela ne déçois absolument pas les enfants, au contraire, ils sont généralement très contents d’avoir anticipé sur la suite du récit.
On passe vraiment un agréable moment à lire cet album.
La littérature enfantine, c’est bien connu, peut aborder tous les sujets. Ceux qui font l’actualité ne doivent pas être exclus des livres pour enfants, même jeunes, bien au contraire. Pour aborder la question des réfugiés, Barroux à choisi de nous présenter une famille d’ours, coincés sur un bout de glace qui s’est détaché de la banquise. des réfugiés climatiques en somme.
Ils dérivent sur une mer tantôt calme, tantôt déchaînée à la recherche d’une terre d’accueil.
Et ce n’est pas chose simple.
C’est que leur glaçon fond à vue d’œil et les terres sur lesquelles ils voudraient accoster sont peuplées de créatures bien peu accueillantes. Il y a toujours une raison de ne pas leur ouvrir les bras: « vous êtes trop grands, trop nombreux, trop poilus ». La mauvaise foi des personnages n’échappe pas aux enfants: Alors que le panda, confortablement installé sur des coussins, répond aux ours qu’il n’y a pas assez de place pour eux, les enfants repèrent bien l’espace vide, qui occupe presque toute la double page, et la petite taille des ours en comparaison. « Il ment! Y’a plein de place en vrai! » s’est écrié une fillette à la lecture de cette page.
La littérature enfantine se doit de laisser de l’espoir à ses lecteurs, aussi nos ours trouveront finalement un refuge et en feront une terre d’accueil pour tous. Certains jours, croyez moi, j’aimerais vivre dans un album jeunesse.
En attendant, la lecture de ce type d’album contribue, je l’espère, à préparer pour le futur des générations plus promptes à ouvrir leurs bras, leurs cœurs et leurs terres à ceux qui en ont besoin.
Pour tous ceux qui sont sensibles à la question des réfugiés et à la littérature jeunesse, ne manquez pas de visiter le site de la formidable association Encrages.
Au cœur des émotions de l’enfant, Isabelle Filliozat, éditions (Poche) MARABOUT, 6,50€.
« Derrière ce que les parents nomment « caprice », derrière un comportement bizarre, déplacé, excessif ou simplement non-ordinaire, cherchons l’émotion, cherchons le besoin. L’enfant nous dit quelque chose. Les caprices sont des inventions des parents, ils surgissent lorsque les parents se prennent les pieds dans les jeux de pouvoir ».
Avec cette vision des choses, Isabelle Filliozat pose un postulat fort et déroutant: le caprice n’existe pas. Ou du moins, uniquement dans la tête des adultes. Dur d’adhérer à cette croyance, tant les images et souvenirs que nous avons- en tant que professionnel et/ou parent- des nombreuses occasions de « scènes » et crises en tout genre parsèment notre mémoire.
Quand l’enfant se roule par terre parce qu’il veut le jouet de l’autre enfant, quand l’enfant hurle à ne plus avoir de souffle parce qu’un adulte lui a refusé ce qu’il voulait, quand l’enfant s’enferme dans une bouderie intense pour une « contrariété », nous glissons très facilement dans le « un caprice de plus, au secours! ». C’est sans prendre en compte le développement du cerveau de l’enfant encore immature, notamment en terme de gestion des émotions. C’est donc sans prendre en compte que l’enfant est un enfant et non un adulte miniature.
A travers de nombreux exemples, Isabelle Filliozat nous éclaire. Non, nous ne sommes pas des monstres d’avoir pensé CAPRICE, le tout étant de s’informer, se renseigner, se poser. L’accompagnement de l’enfant passe par la compréhension de ce qu’il vit, or qui dit le comprendre dit se mettre à sa place, connaître les capacités de son corps, de son esprit à son âge, et surtout, de remettre les choses dans un CONTEXTE.
Il ne faut pas oublier que la vie est le mouvement, que l’émotion est le mouvement de la vie EN SOI. On ne peut le nier aujourd’hui, « dans la société actuelle, la route du succès est ouverte par trois axes: la confiance en soi, l’autonomie et l’aisance relationnelle ». Un programme bien loin de la facilité. Il est prouvé aujourd’hui que posséder ces « qualités » est au moins égal aux compétences techniques que l’on peut avoir adulte. Les professionnels et les parents ont besoin de REPÈRES et non de conseils, et cela l’auteur du jour l’a bien compris.
Isabelle Filliozat nous propose de nous centrer autour de 7 questions dans notre accompagnement de l’enfant, afin d’ajuster au mieux nos comportements.
Tout d’abord, quel est le vécu de l’enfant? Car selon les évènements passés, il ne réagira pas du tout de la même manière au présent. Elle prend l’exemple d’une petite fille rejetée dans sa nouvelle école après avoir expliqué qu’elle était arrivée là car son papa était mort, et les autres enfants l’ont évitée par crainte d’une sorte de contagion, car l’idée de perdre l’un de ses parents est intolérable.
Que dit-il? La parole de l’enfant cache parfois bien autre chose. Cas concret d’un enfant disant tous les jours qu’il refuse d’aller à l’école, au point de somatiser, avec la découverte plus tard que son instituteur était un pédophile. Attention, cela ne veut pas dire qu’à chaque enfant qui ne veut pas aller à l’école il y a une gravité mais il est toujours essentiel de s’interroger. Le comportement est un symptôme, à nous d’en trouver les causes.
Quel message ai-je envie de lui transmettre? Est-ce que lorsque l’on devient hystérique pour un objet cassé, avec toute la colère versée sur l’enfant, nous ne transmettons pas que l’objet a plus de valeur que l’attention ou l’amour que nous lui portons? Il a dessiné un terrain de foot sur le sol de sa chambre avec grande fierté, la réaction que l’adulte aura de cette « œuvre » aura des conséquences, « nos réactions fassent aux créations de nos enfants vont conditionner ses croyances sur lui-même ».
Pourquoi je dis cela? Parfois, lorsque les enfants sont tranquillement dans un jeu et ne veulent pas l’arrêter ou ne veulent pas rentrer, on s’obstine à les presser. Et puis, un jour, on se dit: mais pourquoi je veux que l’on se dépêche? Il y a bien sûr des moments où il y a un impératif mais, si l’on s’observe un peu, nous nous rendrons compte qu’il y a bien des fois où l’on se met la pression tout seul. Il est au parc et ne veut pas rentrer, mais il faut rentrer pour faire la pâte à sel prévue, en quoi est-ce mieux que de traîner encore un peu dehors? Nous agissons aussi avec beaucoup d’automatismes, comme par exemple lorsque nous refusons à un enfant de commencer le repas par le dessert. Finalement, on dit non sans même s’interroger sur cette demande. Parce que nous sommes ancrer dans des habitudes culturelles, parce que nous avons peur qu’une réponse affirmative à une demande inédite soit le début d’une série de ces fameux caprices. Un peu de remise en question face à leurs questions?
Mes besoins sont-ils en compétition avec ceux de mes enfants? Nous attendons généralement des enfants de se comporter en adulte. En plus, leurs besoins sont généralement à l’opposé des nôtres. Cependant, la coopération restera toujours la meilleure alliée et la plus efficace, plutôt que d’être deux perdants dans une relation de pouvoir. Dire « comment peut-on faire pour que ce moment puisse se passer dans le calme » sera bien plus productif qu’un « tais-toi, tu es vraiment insupportable! »…L’enfant qui accuse quelqu’un d’autre de sa bêtise a tendance à nous exaspérer, mais assumer une bêtise revient à dire que l’on est mauvais et donc pas l’enfant parfait attendu… Nous avons tendance à calquer nos propres besoins sur les leurs, et les plus difficiles à contrôler sont ceux de notre propre petite enfance! Résolvons nos propres inachèvements et frustrations plutôt que d’entrer en compétition avec notre descendance ou les enfants que nous accompagnons au quotidien
Qu’est ce qui est le plus précieux pour moi? Comme dans l’exemple du vase cassé, les réactions fortes que nous avons transmettent des messages, même inconscients, aux enfants. Leur besoin est de savoir qu’ils sont aimés en toutes circonstances, même lorsqu’ils testent les limites.
Quel est mon objectif? Les notions de bien ou mal sont différentes pour chacun, chaque société et chaque culture. Il n’y a pas de réponse universelle, cela dépend de notre objectif avec cet enfant précis à ce moment précis.
Tout comportement exagéré et surtout
systématique, qu’il soit d’agressivité ou de passivité extrême,
de dépendance excessive à la mère ou de jalousie abusive,
d’incapacité à se concentrer ou d’opposition systématique, tout
cela a une motivation. Une émotion est bloquée, un besoin est caché
Il ne s’agit pas de « tout leur passer », mais de laisser sortir l’expression de leurs envies, sans pour autant toutes les combler mais accepter d’écouter une colère tout en faisant la différence besoin/envie. Un « pourquoi tu pleures » sera toujours moins efficace qu’un « que se passe t’il? ». L’inhibition est une PEUR ou une DOULEUR, pas une preuve d’un cerveau déficient, dont l’accompagnement doit avoir comme objectif d’éviter de blesser l’enfant et de l’amener à la confiance. La répression émotionnelle n’est pas bonne, par exemple un enfant qui dort énormément, qui ne dit rien face à un choc ou qui n’a peur de rien cherche à nous dire quelque chose…
N’oublions pas que les enfants nous observent et apprennent de nous, autant de nos gestes que de nos paroles, et que le respect des règles s’applique à nous, et que la quantité de joie, de bonheur et d’amour dont ils sont entourés est une enveloppe affective sécurisante.
Au delà de ces questions essentielles, Isabelle Filliozat traite des grandes émotions qui nous traversent: la peur (l’écouter, la traverser), la colère (oui c’est une réaction saine, qu’il faut savoir accompagner dans la non-violence), la joie (ça s’apprend-il? quelle est la place de l’amour?), la tristesse (le pouvoir des larmes, la force de la nostalgie), la dépression (cela existe à tout âge, comment la déceler, l’échec scolaire est-il un signe?), avec divers outils: l’écoute empathique, la communication corporelle etc…
Enfin, elle nous rappelle ce que l’on sait tous: que la vie n’est pas un long fleuve tranquille car nous avons tous côtoyé des séparations, morts, maladies, bouleversements et que l’on peut y faire face, qu’être heureux, et le cultiver est la clef à bien des problèmes.
En résumé, ce livre est pour moi une bible, je l’ai lu et relu et vous le conseille très fortement, souriez, vous êtes vivant 😉
Isabelle Filliozat est psychothérapeute et écrivain, notamment de best-seller dans le milieu de la petite enfance, elle est également formatrice, conférencière et anime des ateliers pour les parents. Elle décrit sa biographie avec détails sur son site internet.
Pour aller plus loin:
“L’intelligence du cœur” : Isabelle Filliozat
“Au cœur des émotions de l’enfant” :Isabelle Filliozat
“J’ai tout essayé”: Isabelle Filliozat
« Il me cherche »: Isabelle Filliozat
« Les chemins de la joie »: Isabelle Filliozat
‘Il n’y a pas de parent parfait »: Isabelle Filliozat
« Maman, je veux pas que tu travailles! »: Isabelle et Anne-Marie Filliozat
Cache-cache, May Angeli, éditions des éléphants 14€
Brunette, la jeune ânesse, et La Grise, la jument se promènent en liberté dans le pré.
Elles regardent passer le train, et saluent Blanchette, la vache, de l’autre coté des rails.
Une liberté teintée d’un brin d’ennui pour les deux amies. Et puis Brunette, qui semble plus jeune, n’est pas rassurée: elle se colle à la jument et ne la quitte pas d’un sabot. La grise, agacée, organise alors une partie de cache-cache.
Brunette participe au jeu avec une certaine naïveté: elle crie « Je suis là » dès que la jument à finit de compter ou laisse dépasser ses oreilles. On comprend que, comme souvent les enfants, plus que de gagner la partie elle a surtout envie d’être retrouvée.
Petit à petit le jeu s’organise avec la participation aussi du chat et du chien (sans compter l’oiseau, témoin muet mais actif du jeu).
Les personnalités de chacun se dessinent: le chien joueur, le chat prétentieux, et la grise, qui fait figure d’aînée.
Par le jeu, Brunette apprend à se séparer en douceur, à tel point que, trop bien cachée, elle finit par s’endormir dans la grange. Se laisser aller au sommeil est vraiment le signe qu’on se sent en sécurité, la petite ânesse a fait bien du chemin en une après midi de jeu.
Un très bel album assez contemplatif, qui nous plonge dans une ambiance douce et champêtre. Les gravures sur bois de May Angeli ont un charme fou, elles donnent du relief au paysage et aux personnages, elles sont chaleureuses et très plaisantes.