Dans l’univers, il y a mon papa, Gigi Bigot, Julia Spiers, Didier jeunesse, 2023, 14€
“Dans l’univers, il y a la terre. Sur la terre, il y a un pays.”
Cette structure narrative issue du poème Dans Paris il y a, d’Eluard, on la retrouve dans de nombreux albums.
Sans doute parce qu’elle permet de faire un focus sur un sujet qui préoccupe l’enfant.
J’aime voir la façon dont auteurs et illustrateurs s’en emparent pour en faire une œuvre singulière, qui reflète leur univers.
Ici, il y a les gouaches de Julia Spiers, qui attirent immanquablement le regard.
Au texte, Gigi Bigot joue sur l’effet de zoom et dé-zoom pour évoquer l’éloignement des êtres et du rapprochement des cœurs.
Car dans les rêves d’un enfant qui est ici, il y a un père qui est là-bas. Et dans ceux de ce papa qui est loin en mer, il y a son p’tit gars.
Les illustrations, qui mêlent l’étrangeté du rêve et le réalisme du quotidien abolissent les distances. Père et fils, réunis sur la couverture, sont ensemble grâce aux rêves qu’ils font l’un de l’autre.
Le thème de la séparation et de l’amour père enfant, mais aussi la douceur poudrée des illustrations et le rythme du texte rendent cet album très accessible aux tout petits. L’universalité du sujet attirera également les plus grands. Et le charme infini des images en font également un régal pour les adultes.
Dans l’univers il y a mon papa aurait donc toute sa place dans la sélection des cadeaux de naissance!
Un lien plus fort que tout, Inbal Leitner, Bayard, 2022, 10€90
Le déménagement est prêt. La valise sera lourde à porter, elle contient tout ce dont la petite narratrice aura besoin dans sa nouvelle maison. Bientôt elle prendra l’avion pour aller bien loin, là où les lacs gèlent en hiver.
Mais avant de partir, elle rend visite à sa grand-mère, qui restera ici, au chaud dans son atelier de couture.
Elle explique à sa petite fille qu’il ne faut pas s’inquiéter de cette séparation, un lien plus fort que tout les unit.
Pendant qu’elle parle, l’image la montre affairée à couper, épingler, coudre.
Alors que l’enfant évoque une carte routière qui permettrait à son aïeule de la retrouver au loin, l’illustration en échos montre le patron de couture qui va servir de modèle.
Deux narrations se répondent, le texte qui donne à entendre l’inquiétude de la petite et l’image qui montre la sérénité de sa grand-mère. Elle sait créer et maintenir du lien à distance, aussi sûrement qu’elle sait coudre solidement un bouton ou assembler un vêtement.
Au fil des pages, on la voit confectionner un manteau bien chaud, quand les lacs seront gelés, la fillette sera enveloppée de toute la chaleur offerte par sa grand-mère.
C’est un peu triste, mais c’est doux, très doux, cette histoire de filiation. Le rapport entre le texte et l’image permet de penser la nuance des sentiments. L’ambivalence qu’il y a sans doute dans tout départ.
Plus qu’une histoire de séparation ou de déménagement, il est ici question de liens, de confiance mutuelle.
L’illustration est très chaleureuse, elle joue sur les effets de matières, où l’on reconnaît parfois la trame du tissus, comme pour renforcer l’idée du fil conducteur, du lien. De nombreux symboles contribuent aussi à renforcer cette idée, a commencer par la bobine qui se déroule d’une page à l’autre mais aussi l’avion fabriqué par l’enfant, l’aimant avec lequel elle joue.
D’abord on l’entend, mais on ne le voit pas tout de suite. Le chant du merle entre dans la maison, et l’enfant le cherche. Il apparaît à la fenêtre, brièvement, et hop, le voilà parti. Sur la double page, il laisse un vide, matérialisation de l’absence. Mais bien vite il est de retour, encore une fois c’est son chant qui précède son apparition titu titu tiiiitutitutitu. Quand il s’absente trop longtemps l’enfant pense à lui, il le dessine. L’oiseau est dehors, libre, peut-être lui aussi pense-t-il à l’enfant? Le texte ne le précise pas.
D’ailleurs le bambin lui aussi vaque à ses occupations. Chacun fait sa vie mais ils se rejoignent de part et d’autres de la fenêtre à intervalle régulier. On devine le lien invisible qui les unit, l’intérêt que l’un porte à l’autre.
Le jeu d’apparition/disparition est matérialisé par la fenêtre, qui permet de mettre en image l’absence de l’oiseau et sépare les espaces. L’intérieur pour l’enfant, l’extérieur pour l’oiseau, la vitre faisant lien ou séparation.
Elle disparaît d’ailleurs de l’image quand Merlito est montré seul, en l’absence de l’enfant qui pourtant semble le regarder, hors champ à son tour, puisqu’il lui parle “Ah, te voilà, tu es là…”
Le récit est essentiellement porté par les images, le texte, court, donne la parole au merle et à l’enfant tour à tour. On suppose que les titutitu du merle portent sensiblement le même sens que les paroles de l’enfant: “tu es là, tu n’y est plus, je te cherche, je te vois”.
Un jeu de coucou qui parle énormément aux enfants.
Bien que le traitement graphique soit très différent, on pense à Parti, dans lequel Jeanne Ashbé met également en scène un oiseau en relation avec un jeune enfant. Mais visuellement, c’est l’influence d’Anne Herbauts qu’il m’a semblé reconnaître dans ces images qui mêlent dessin, peinture et collage. Un petit quelque chose de Kitty Crowther aussi peut-être, en particulier quand l’enfant est au couché, ses doudous le surplombant sur la tête de lit. Il n’est pas étonnant que Florence Gilard, qui baigne dans la littérature enfantine soit inspirée par toutes ces grandes autrices (elle est comme moi lectrice professionnelle). Mais elle crée ici son propre univers graphique, nourrit de toutes ces influences mais singulier et original.
J’espère vivement que cet album connaîtra le succès qu’il mérite et plus encore qu’il sera suivi d’autres sous cette plume prometteuse.
Je t’attends, Corinne Dreyfuss, Thierry Magnier, 2021,16€
Dans cet album il y a une double narration pour la même histoire.
Un petit garçon attend sa mère qui lui a demandé de ne pas bouger avant son retour. Et un observateur extérieur, toujours hors champ, commente la scène, semble-t-il de loin, manifestement en s’adressant à quelqu’un.
“Regarde, c’est Léopold.”
“Qu’est-ce qu’il fait là Léopold, il a l’air pensif?”
Le texte seul s’étale sur une double page, laissant à l’imagination du lecteur le soin de faire des suppositions de contexte. On imagine alors un adulte, peut-être accompagné de son enfant, lequel est peut-être un camarade de classe de Léopold. Pas un proche, la suite du texte nous le confirme, plutôt une connaissance bienveillante.
Et en alternance avec ces pages noires, le point de vue de Léopold, qui est montré en plan rapproché, face au lecteur. Derrière lui, il n’y a pas de décor mais on devine une foule.
Alors qu’il semble plutôt confiant quand sa mère s’éloigne (on la voit sortir de l’image alors qu’il affirme, souriant “je t’attends”), l’inquiétude arrive rapidement et fait même place à de l’angoisse.
Le temps s’égraine, 1, 2, 3, tic-tac, à chaque seconde la crainte se fait plus présente. “Je ne la vois plus… Du tout…” Le texte devient tremblant, l’image est de plus en plus sombre.
Une silhouette s’approche, on ne sait pas si c’est une personne bienveillant (personnellement je ne le crois pas, il me semble plus menaçant qu’autre chose) mais Léopold sait ce qu’il doit répondre: “Non je ne suis pas tout seul, j’attends ma maman qui revient tout de suite”. La voix et le menton sont certes un peu tremblants mais inconnu s’éloigne.
Et entre chaque scène, toujours cet observateur extérieur, dont la présence rassure l’enfant lecteur, qui commente et semble prêt à intervenir “À qui il parle? Ce n’est pas sa maman? Pourquoi elle a laissé Léopold tout seul?”
Un instant les pensées de ce narrateur extérieur et de Léopold convergent en un mot: Perdue?
Mais le dénouement arrive enfin, Léopold retrouve le sourire en même temps que sa maman et constate qu’elle s’est à peine éloignée le temps de compter jusqu’à dix.
Avec une grande maîtrise, l’autrice instaure un rythme haletant et fait monter la tension, tout en préservant le jeune lecteur ce qui est un sacré tour de force.
Elle utilise toutes les potentialités de l’objet livre pour servir son propos: alternance de pages mates et brillantes, hors champ, très gros plan sur le visage de l’enfant et ses yeux qui s’emplissent de larmes, arrière plan qui devient un fond noir, tout contribue au sens. Elle s’autorise des pages sans aucune image, ce qui pourrait bien devenir sa marque de fabrique, après l’album “Pomme pomme pomme” où elle a déjà expérimenté ce procédé sur une page, puis “Caché” qui est un album entièrement sans image.
Je t’attends est un livre extrêmement travaillé et parfaitement accessible aux enfants. Il a surtout la grande qualité de leur faire confiance et de ne pas tout dire ni tout montrer, en comptant sur eux pour interpréter.
Attends-moi! Claire Garralon, A pas de loup, 12€ 2019
Maman poisson propose une promenade à son petit. Il la suit de près, mais déjà elle s’éloigne, c’est qu’elle nage plus vite que lui!
Elle avance sans se retourner, sourire aux lèvres, elle n’a pas l’air de s’inquiéter. Contrairement à son petit qui, très rapidement, commence à se sentir abandonné.
Déjà elle n’est plus avec lui sur la page de gauche. Voilà même qu’elle sort du champ puis disparaît totalement de sa vue!
Il traverse alors toutes les émotions d’un tout petit face à cette situation: peur, colère, abattement.
Mais la chute montre en image pourquoi il n’y avait pas vraiment de quoi se faire de la bile.
Comme tous les albums de cette autrice, “Attends-moi” fonctionne sur une économie de moyens, un graphisme épuré et une narration portée par l’image. C’est simple et efficace. Les couleurs vives, les formes simples et le texte court en font un album très adapté aux sections de bébés en crèche.
Les yeux verts, Li Lamarre, Odile Santi, éditions courtes et longues,19€90
Neige vit dans un monde où toutes les chattes ont les yeux jaunes et tous les chats les yeux bleus.
Elle grandit dans un environnement aimant, entourée de sa mère et de ses amis. Sa vie est douce, sieste la journée, chasse et jeux la nuit.
Déjà, elle est connue pour son caractère indépendant.
Quand arrivé le moment d’être adoptée, la séparation est difficile et jamais elle ne s’habitue à son nouvel environnement, pas assez de liberté, pas assez de tendresse.
Alors, elle part, seule.
Rejet des autres, froid, faim, la route est difficile.
Quelle distance elle parcourt? Le paysage change, tantôt immense étendue, on se croirait au Japon, tantôt cours de ferme à l’américaine.
C’est épuré, très précis, beau. Les animaux évoquent les illustrations d’Anne Crauzas, et les paysages mon font penser à Emilie Vast.
Neige fera finalement la rencontre de Tao, un chat libre, un chat qui a les yeux verts.
C’est alors qu’elle découvre que pendant le voyage, ses yeux aussi ont changé de couleur.
Il est vrai que la liberté transforme les êtres, la métamorphose de Neige est probablement bien plus profonde que la couleur de ses yeux.
Un très bel album, texte ciselé et image fortes. Et, cerise sur le gâteau, sa couverture est douce comme le pelage d’un chat.
Cache-cache, May Angeli, éditions des éléphants 14€
Brunette, la jeune ânesse, et La Grise, la jument se promènent en liberté dans le pré.
Elles regardent passer le train, et saluent Blanchette, la vache, de l’autre coté des rails.
Une liberté teintée d’un brin d’ennui pour les deux amies. Et puis Brunette, qui semble plus jeune, n’est pas rassurée: elle se colle à la jument et ne la quitte pas d’un sabot. La grise, agacée, organise alors une partie de cache-cache.
Brunette participe au jeu avec une certaine naïveté: elle crie “Je suis là” dès que la jument à finit de compter ou laisse dépasser ses oreilles. On comprend que, comme souvent les enfants, plus que de gagner la partie elle a surtout envie d’être retrouvée.
Petit à petit le jeu s’organise avec la participation aussi du chat et du chien (sans compter l’oiseau, témoin muet mais actif du jeu).
Les personnalités de chacun se dessinent: le chien joueur, le chat prétentieux, et la grise, qui fait figure d’aînée.
Par le jeu, Brunette apprend à se séparer en douceur, à tel point que, trop bien cachée, elle finit par s’endormir dans la grange. Se laisser aller au sommeil est vraiment le signe qu’on se sent en sécurité, la petite ânesse a fait bien du chemin en une après midi de jeu.
Un très bel album assez contemplatif, qui nous plonge dans une ambiance douce et champêtre. Les gravures sur bois de May Angeli ont un charme fou, elles donnent du relief au paysage et aux personnages, elles sont chaleureuses et très plaisantes.
Annette, Gabriel Schemoul, Grégory Elbaz, école des loisirs 13€50
Il y a des livres qui nous transportent ailleurs, loin, très loin de notre quotidien. Annette, sans aucun doute, est de ceux là.
Si l’étrangeté du récit et des images m’ont immédiatement séduite, je suis longtemps restée perplexe face à cet album.
Annette est une fillette, qui vit avec son père pêcheur sur une île. Ce jour là, la brume entoure le paysage. Elle aide son père à préparer le filet et le regarde la barque s’éloigner, debout sur le rivage. Il y a dans son attitude quand elle porte le filet toute la fierté des marins. Mais dès que son père a quitté l’île, l’angoisse semble la saisir.
Elle court, pieds nus dans sa chemise de nuit blanche, presque fantomatique. Un petit déjeuner préparé par papa l’attend.
Cette nourriture du corps servie dans une bonne vieille tasse de porcelaine est d’un grand réconfort, si ce n’est pour le personnage tout au moins pour le lecteur qui lit l’album. En tout cas moi, c’est cette image qui m’a permis de tourner la page et de poursuivre le récit.
Mais Annette ne semble pas rassurée, seule face à la table immense. Sa moue boudeuse, son regard éteint, son corps qui semble si fragile inquiètent. Le temps passe lentement et l’impatience se fait sentir, pour elle comme pour nous, lecteurs, captifs du récit, qui tournons les pages lentement à la recherche d’un signe rassurant dans l’image (qu’on ne trouvera pas).
Quand le père rentre enfin, le texte nous affirme qu’elle se blottit dans ses bras. Mais l’image laisse le réconfort à notre imagination, tout comme à la dernière page, alors que le texte parle des couleurs retrouvées de l’île, l’image reste garde son gris brumeux.
Cet album me fascine. Le malaise qu’il a provoqué chez moi à la première lecture a été immédiatement suivi du besoin de le relire, d’essayer de le comprendre, avant d’y renoncer.
J’ai toujours l’impression étrange qu’Annette est condamnée à revivre indéfiniment cette matinée de solitude. Que l’île est hors du temps, hors du monde.
Je n’ai pas amené cet album avec moi dans mon travail. D’une part parce que je travaille essentiellement avec des moins de 3 ans et qu’il me semble que cet album n’est pas adapté pour cette tranche d’âge. Mais aussi, surtout, parce que j’ai du mal à assumer dans le cadre professionnel l’inquiétude qu’il provoque chez moi.
Pourtant, l’expérience m’a depuis longtemps prouvé qu’il ne faut jamais présager de la faiblesse des enfants et qu’ils ont la capacité d’écouter des histoires étonnantes, déstabilisantes, inquiétante même. J’ai d’ailleurs souvent constaté que les livres aux quels ils s’attachent le plus sont des histoires comme celle là, des histoires fortes, qui ne laissent pas indifférents, des histoires qui gardent leurs mystères, des histoires nourrissantes.
En lisant et en relisant cet album, je pense au malaise qu’a provoqué Max et les maximonstres à sa sortie, chez les adultes. C’était un livre qu’ils ne comprenaient pas vraiment, alors ils se sont dit que ce n’était sans doute pas pour les enfants, qui ça allait les choquer. Annette est un album que je ne comprends pas vraiment alors, bêtement, j’ai l’idée qu’il faut en protéger les enfants.
J’espère que mon professionnalisme va reprendre le dessus et que je vais finir par travailler avec ce livre, je ne sais pas ce qu’il provoquera chez les enfants mais je suis à peu près sûre que ça ne sera pas de l’indifférence. Ça tombe bien, il n’y a rien de pire que l’indifférence.
En attendant, je vous invite à le découvrir et à me dire, à l’occasion, ce que vous en avez pensé.
Je l’avais repéré dans le tiroir à histoire et je me suis empressée de le commander. Quand il est arrivé à ma librairie, j’ai été agréablement surprise par son grand format, qui met en valeur de la grande beauté des images en papier découpé.
Dans un paysage neigeux, maman renard cherche ses petits. Les renardeaux sont des fripouilles, ils jouent à cache-cache pour prolonger le moment de la promenade.
Alors que leur mère s’inquiète, nous pouvons voir les petits qui gambadent joyeusement dans le soir tombant. Au gré des découpes dans la page, on aperçoit une petite oreille par ici, un museau par là.
Petit à petit, le ciel s’assombrit, les arbres se font plus présents
dans l’image, l’inquiétude de maman renard monte crescendo. Inquiétude
qu’on partage avec elle, l’espace d’un instant. Mais dès la page tournée
nous voilà rassurés, dans l’image la famille est réunie alors que maman
affirme “Je ne suis jamais loin de vous mes petits”.
La nuit est tombée à présent, il est temps d’aller se blottir dans le terrier.
La très grande beauté et la très grande douceur qui se dégage de cet album en font un très gros coup de cœur.
Il est idéal pour donner aux enfants un sentiment de sécurité: ici ce sont les enfants qui initient la séparation, la mère reste disponible.
Il y a des enfants qui ont du mal à écouter l’histoire des bébés chouettes jusqu’au bout (je ne pense pas qu’il soit nécessaire de le préciser mais au cas ou: ne jamais forcer un enfant à écouter une histoire, cela va sans dire, surtout une histoire qui risque de lui faire peur), Maman renard est une
alternative possible pour leur offrir une histoire sur la séparation qui les rassure et qu’ils soient en mesure d’apprécier.
Papa sur la lune, Adrien Albert, école des loisirs, 12€70
Mona dévale les escaliers avec son doudou à la main. Sa mère la presse, il est temps de décoller. Pour la lune. Là où habite le papa de Mona. La fillette à l’habitude de faire le voyage seule et l’organisation est bien roulée. Il suffit de prendre une fusée, un vaisseau et une capsule. Allez hop, la voilà prête.
D’emblée, on reconnaît le style d’Adrien Albert, qui inscrit toujours ses livres à la frontière entre vie quotidienne et univers imaginaire. Le monde dans le quel évolue Mona est celui de tous les jours, celui que vous et moi nous connaissons bien. Sa mère doit farfouiller dans un sac à main trop grand pour dénicher ses clefs, des livres traînent en pile sur une table basse, la plante verte à besoin d’être arrosée. Très normal tout ça. Mais Mona prend une fusée avec le même naturel que Pierre quand il va combattre un incendie. Voilà qui est moins habituel.
A part ça, c’est l’histoire toute simple d’un enfant qui va passer une nuit chez son père. On devine alors les parents divorcés ou le père qui travaille au loin, mais l’auteur a le tact de ne pas appuyer cet aspect. Ça n’est pas nécessaire. Les enfants savent très bien faire le lien si besoin et si ils ne le font pas, c’est qu’ils n’ont pas envie qu’une histoire leur montre à quel point ça peut être simple d’avoir un papa d’un côté et une mère de l’autre. Vous serez peut être surpris, mais certains enfants n’ont absolument pas envie de ce genre d’histoire même (surtout) si c’est le reflet de ce qu’ils vivent.
Bon, mettons donc cet aspect de coté. Mona décolle, donc, et pour récupérer la fusée, sa mère a eu le bon sens de l’attacher avec une loooongue corde. Si j’avais envie de pousser l’analyse un peu loin, je dirais que cette corde m’évoque un cordon ombilical. Sans aller jusque là, elle m’a vraiment fait penser au long tuyau qui relie Petit Pierre à Oran-Outang.
L’illustration se rapproche fortement de la BD, avec un clin d’œil à Tintin, elle est donc parfois un peu plus complexe à lire que dans d’autres albums. Avec ses cases et ses phylactères, ce livre se prête plus volontiers à une lecture individuelle que collective, malgré son grand format. Les variations de mise en page donnent son rythme à l’album.
Je ne vais peut être pas le dire à chaque fois que je fais un billet sur un de ses albums mais, vraiment, Adrien Albert, il est incroyablement talentueux, c’est sans aucun doute un auteur à suivre.
J’espère que vous aurez envie de lire cet album à plein d’enfants, sans vous demander si leurs parents sont divorcés, juste pour le plaisir de l’histoire (et pour la fusée, qui, il faut le dire attire beaucoup les enfants)
Et pour en voir un peu plus sur les images intérieures, il y a cette petite vidéo: