Des albums de littérature enfantine à proposer aux enfants dès 3 ans. Petites comptines, grandes histoires, imagiers, ils affirment leurs gouts et aiment à la fois relire inlassablement les mêmes albums et en découvrir de nouveaux. C’est le moment de leur faire découvrir la grande richesse de la production, de nombreux livres s’offrent à eux.
Encore un plouf, Isabelle Ricq, seuil jeunesse, 2024, 9€90
Il y a un truc que j’aime bien chez les enfants, c’est le peu de frontière qu’ils mettent entre le monde réel et leur imagination.
Quand on les observe jouer, ils passent de l’un à l’autre avec un naturel parfois déconcertant. Quand ils nous racontent une anecdote, il est parfois très difficile de savoir ce qui a vraiment eu lieux (remarquez, c’est pareil avec la plupart des adultes). L’album Encore un plouf joue avec cette porosité et la met en scène dans sa forme même. Un enfant dessiné se baigne au milieu de créatures qui semblent bien réelles puisque ce sont des photographies.
Visiblement l’eau est bonne, bien qu’on y croise un ours polaire. Tiens, c’est étrange d’ailleurs toute cette faune alors qu’il a sauté dans une piscine. Peu importe, le rythme de l’album nous entraine sans qu’on se pose trop de question. Mais en milieu d’histoire voilà qu’une voix venue d’un personnage hors champ interpelle l’enfant. Faudrait voir à se savonner!
Retournement de situation et hop, retournement d’album, habillement l’illustratrice nous incite à prendre le livre dans l’autre sens pour poursuivre la lecture. On a plongé vers les profondeurs, on remonte à présent, vers un environnement plus familier.
On sort la tête de l’eau et la situation achève sa mutation, ce sont à présent les humains qui sont fait de photos alors que les animaux sont dessinés sur le bord de la baignoire. Isabelle Ricq exploite toutes les possibilités de l’album, avec un sens d’ouverture inhabituel (format calendrier) elle utilise le pli central comme ligne d’horizon, qui sépare l’espace du dessous de celui du dessus, la forme même du livre ressemble à une piscine ou à une baignoire, elle mélange différents types d’illustrations.
L’imagier pas si sage, Aude Morel, Richard Magnier, Frimousse, 2024, 13€50
Tout commence comme un imagier classique, avec des représentations réalistes: Une paire de bottes rouges en vis-à-vis d’une banane. Mais dès la page suivante, cela dérape. Les bottes ont manifestement piétiné la banane qui se retrouve toute écrasée. Un narrateur commente la scène en appuyant bien sur sa désapprobation: « Oh, c’est pas vrai, une banane écrasée, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Quand, page suivante, un feutre bleu est mis en regard d’un t-shirt jaune (bien repassé précise le texte), nous (c’est à dire à la fois le narrateur, l’enfant avec qui on partage l’histoire et nous mêmes) sentons que ça va encore mal se passer. Ainsi, à chaque page, le petit lecteur est incité à mettre deux objets en relation pour anticiper sur ce qu’il découvrira sur la double page suivante.
Et, croyez-moi, à ce jeu-là ils sont super forts. Ils se doutent que les ciseaux vont servir à couper les cheveux de la poupée, et que les bonbons vont être mangés et ils ont beaucoup de plaisir à montrer qu’ils ont compris le procédé. Généralement, ils se marrent bien à cette lecture, et je doute qu’ils aient conscience de travailler des notions telles que la relation de cause à effet ou l’ordre des actions. Tout ce qu’ils voient, c’est des « bêtises » se dérouler sous leurs yeux envieux. Un (tout) petit brin d’impertinence n’a jamais fait de mal à personne, en tout cas pas aux enfants. Car voyez-vous, les bambins sont très tôt capables de repérer que certaines choses sont interdites, ils arrivent même généralement assez bien à se retenir de passer à l’acte mais, il faut bien le reconnaître, ils ont souvent plaisir à imaginer toutes les petites bêtises qu’ils pourraient faire. Ça doit être la raison pour laquelle quand un livre les montre, ils ne boudent pas leur plaisir. L’imagier pas si sage leur permet à la fois de montrer qu’ils savent bien ce qui est interdit (certains vont l’affirmer avec véhémence) et de s’y adonner par procuration.
Émile fait sa retraite, Vincent Cuvellier, Ronan Badel, Gallimard jeunese, 2024, 6€90
Vous connaissez Émile, le petit garçon atypique au caractère bien trempé ? Il affirme ses désirs avec autorité (parce que c’est comme ça et pas autrement) et noue des amitiés improbables, avec une vieille dame ou avec son voisin, monsieur Ferber, qui cache sa fantaisie derrière un costume et une cravate des plus austères.
Au fil d’une trentaine d’albums, ses petites spécificités se sont précisées. Il a toujours le regard franc tourné vers le lecteur, est généralement en dialogue avec un de ses parents mais on ne le voit jamais et il a des marottes des plus inattendues. Or donc, voilà qu’il décide de faire sa retraite, ce qu’on fait quand on a bien travaillé et qu’on est vieux. Ça tombe bien, Émile a bien travaillé et Émile est vieux, y’a qu’à voir, il porte une barbe. Ça prouve.
Quand vient le pot de départ de monsieur Ferber, tous deux sont ravis de recevoir le magnifique cadeau que l’entreprise a prévu pour eux. Un vélo pour monsieur Ferber et, heu, ben un klaxon pour Émile, qui n’était pas vraiment prévu au programme. Ils ne sont démonstratifs ni l’un ni l’autre mais derrière leur air pince sans rire on devine avec quelle malice ils se jouent des conventions et on envie le sens de la liberté dont ils font preuve.
C’est sans doute ce qui fait le succès de cette série d’ailleurs, Émile est un enfant hors du temps, hors des normes, émancipé des codes sociaux, facétieux sans en avoir l’air. Il est hors normes et pourtant, qu’est-ce qu’on se reconnaît en lui ! Un vrai plaisir à chaque album.
La chanson de Bernardo Mk Smith Despres, Hyewon Yum, Didier jeunesse 14€ 2024
Chaque matin, il y a un petit miracle qui se produit dans la forêt. Le chant des oiseaux perce l’air frais et fait se lever le soleil. Sur son nénuphar, Bernardo écoute et savoure ce moment. Il observe les fleurs s’ouvrir, la rosée s’évaporer, il s’émerveille. Il aimerait tant participer à ce chant qui éveille la nature quotidiennement. Mais il n’a pas la voix des oiseaux, son chant de grenouille est plus caverneux, il sonne creux, comme le bois et la nuit. Il tente bien de se fondre dans le petit monde des oiseaux, mais personne n’est dupe. Pourtant, la chanson de Bernardo est belle elle aussi, et tout comme celle des grives, fauvettes et autres stirelles, elle a son utilité dans la forêt. Bernardo est une petite grenouille très attachante et on est soulagés avec lu quand il finit par trouver sa place dans la musique de la nature.
Les images montrent une nature très délicatement représentée, les teintes chaudes de la journée nous plongent dans une ambiance accueillante tout comme les coloris sombres de la nuit nous entraînent vers le calme et la sérénité. Les expressions de Bernardo apportent une petite touche d’humour. Finalement dans une journée autour de l’étang il y a deux chansons pour accompagner deux moments qui ont autant d’importance l’un que l’autre. Un très joli album qui souligne à quel point la différence est une richesse.
Je suis un dragon, Sabina Hahn, école des loisirs, 2024, 14 €. Il y a bien des façons de parler d’identité aux enfants. On peut le faire de façon très frontale, et parfois, c’est nécessaire. Mais les enfants sont aussi réceptifs à des propos plus détournés. Et rien de tel que l’humour pour faire passer une idée l’air de rien. Quand un nouveau venu déboule dans la mare des grenouilles, elles n’ont aucun doute sur sa nature. C’est une grenouille, tout comme elles. La preuve, c’est vert et visqueux, ça vit dans l’eau, il n’y a pas à chercher plus loin, c’est une grenouille (grosse). Elles sont toutes réunies sur la page de droite, parlent d’une seule voix, sont pleines de certitude, il est difficile de leur faire entendre un autre point de vue.
Mais sur la page de gauche, la créature tient à affirmer son identité, il est un dragon, voyons. Un dragon, n’importe quoi, ça n’existe même pas ! C’est maman qui l’a dit, les dragons, les licornes, les girafes et les choux-fleurs, ça n’existe pas, point (ben oui, on est soit chou soit fleur, pas les deux). Elles sont plutôt marrantes, les grenouillettes. Pas agressives, pas méchantes ni rien, souriantes même, elles n’ont visiblement aucune conscience de la violence de leur propos même quand elles affirment : « C’est trop triste ! Tu ne sais même pas qui tu es. On va te le dire nous. Tu es une grenouille. »
Bon, il est temps de s’affirmer, il balance un tonitruant (et enflammé) « Je suis un dragon très en colère » Ça explose un peu quand ça sort, forcément (pourtant, c’est pas comme ça qu’il faut faire, maman grenouille l’a bien expliqué, quand on est en colère on compte jusqu’à dix, tavu) Le message finit par passer, il sera reconnu dans son identité, les grenouilles prennent une petite leçon d’acceptation de l’autre et le lecteur peut en retenir que la première impression n’est pas toujours la bonne. D’ailleurs, dans ce livre, y’a un truc, pendant tout l’album tu crois que c’est un rocher et en vrai c’est une tortue alors, ça prouve. Bref, pari réussi pour cet album qui traite avec malice et humour un sujet de société très actuel.
Loup gris et le gang des petits, Gilles Bizouerne, Ronan badel, Didier jeunesse, 2024, 13€50
J’avoue que quand une nouvelle aventure de Loup Gris sort, je ne boude pas mon plaisir. La collection atteint avec ce nouvel opus la dizaine d’albums, et l’auteur Gilles Bizouerne nous régale toujours de nouvelles trouvailles. Dans « loup gris et le gang des petits », notre beautiful loser préféré est aux prises avec une bande de marmots au caractère bien trempé. Et pourtant, il n’a même pas essayé de les croquer ni rien, ce sont eux, les bougres, qui l’agressent ! Faut dire que pour les petiots c’est pas marrant, leurs parents inquiets ne cessent de les entraver : « Reste dans le pré… Ne t’éloigne pas… Reviens vite dans le poulailler », qu’est-ce que c’est casse-pieds ! Alors, cette fois, c’est décidé, ce problème, ils vont le régler, le loup, ils n’en veulent plus du tout.
Loup Gris, bien entendu, ignore tout de leur projet, il est d’ailleurs particulièrement bien luné. Il doit avoir tourné végétarien, je ne vois que cela comme explication à sa bonne humeur, vu le peu de succès qu’il rencontre comme prédateur dans les épisodes précédents. Quoi qu’il en soit, il est pleinement détendu quand il tombe dans le premier des pièges tendu par les loustics. Il s’en tire avec quelques bosses et tente très vite de retrouver sa sérénité. Je pense qu’il a dû prendre des cours de développement personnel ou un truc comme ça, il fait tout bien ses exercices de respiration, mais le pauvre n’est pas au bout de ses peines. Je dois avoir un petit fond sadique, parce que j’adore le voir maltraité alors qu’il a pourtant toute ma sympathie. Je crois que c’est justement ce paradoxe qui fait le succès de la série, on est sans cesse partagé entre notre empathie pour le personnage et nos pulsions cruelles qui nous font savourer ses déboires. Comme toujours c’est très drôle, le rythme vif nous embarque, on apprécie de le lire à voix haute parce qu’il est vraiment écrit pour cela, et les expressions des personnages sont désopilantes.
Petit à petit, Amanda Gorman, Christian Robinson, Hélium, 2024, 14€90
Un enfant, pas bien grand, observe son environnement avec dépit: partout les détritus envahissent les rues. Cela l’attriste et l’inquiète, mais il ne se sent pas démuni, il se met à agir. Il ramasse, il trie, il organise et construit. Bientôt il n’est plus seul à agir, à deux puis trois, c’est plus facile. Quelques moments de découragement s’invitent dans leur entreprise mais finalement la réalisation est là, un petit potager urbain a pris place au sein du quartier, là où auparavant s’entassaient des poubelles.
Cette histoire là, c’est l’image seule qui la raconte. Le texte qui l’accompagne célèbre le pouvoir d’agir de l’enfant, l’encourage et le soutient. Il est rédigé à la deuxième personne et peut s’adresser aussi bien au protagoniste qu’au lecteur.
« On te dit qu’il n’y a pas de remède.
Mais tu sais que tu peux apporter ton aide.
On te dit que c’est trop gros pour toi.
Mais tu as vu les plus petites choses
Déplacer des montagnes.
On te dit que tu n’y arriveras pas comme ça,
Mais comment le savoir si tu n’essaies pas? »
La forme poétique s’accorde parfaitement au sourire confiant du mouflet. Le texte d’Amanda Gorman et les images de Christian Robinson forment un tout très harmonieux, ils rassurent pleinement le lecteur, petit à petit, nous pouvons faire de grandes choses, à l’échelle de chacun les problèmes les plus insurmontables peuvent être affrontés.
Il ne s’agit pas seulement d’écologie, il me semble que d’autres sujets de société sont évoqués ici, grâce au texte volontairement très ouvert et à des illustrations qui ouvrent sur d’autres champs de réflexion: la lutte contre le racisme, l’accessibilité pour les personnes handicapées ou plus largement la question du vivre ensemble.
L’autrice poursuit sa série d’albums poétiques et délicats autour des grands phénomènes naturels, cette fois elle réussi le tour de force de m’enchanter avec un album sur la pluie.
Je déteste la pluie. Mais la première double page montre de magnifiques lupins en fleurs et il n’en faut pas plus pour me ravir. Comme dans les autres titres, elle met en scène des enfants épanouis et joyeux, qui se passent fort bien de la présence d’adulte, et jouent à l’extérieur. Il s’en dégage un profond sentiment de liberté, surtout quand les gouttes en tombant transforment le potager en gadoue, plaisir sensoriel suprême.
On retrouve comme dans les autres opus le vernis sélectif sur certains éléments de l’image, qui convient particulièrement pour mettre l’eau en valeur. Le texte qui est un véritable poème à hauteur de tout petit. Les pages cartonnées aux bords arrondis. Et en prime plein d’animaux adorables.
Ce sont vraiment des albums qui se sont imposés dans mon travail auprès des bébés, ils sont faciles à utiliser et séduisent autant parents et professionnels que les enfants eux-même.
Au point que j’espère qu’Anaïs Brunet va poursuivre la série (ce qui, a priori n’est pas dans ses projets). Je verrais bien un titre sur la brume. C’est joli aussi la brume, et ça permet d’amusants jeux de cache-cache. Oui, un titre sur la brume, ce serait bien.
En route, Atinuke, Angela Brooksbank, éditions des éléphants, 2024, 15€
C’est rare que je chronique tous les livres d’une même série, je crois même que c’est la première fois que ça m’arrive.
Mais il est rare aussi que j’ai un tel coup de cœur et que la série se renouvelle sans s’épuiser, sans que les albums ne soient redondants les uns des autres.
Voilà donc le quatrième opus de ce duo d’autrices, les autres sont là.
Cette fois, nous allons quitter le village, pour nous rendre avec les protagonistes dans la ville de Lagos. En route nous allons marcher dans la nuit, monter dans un bus, traverser des paysages de savane, croiser des animaux impressionnants, et tout cela avant même que la journée ne commence.
Les illustrations qui se déploient sous le ciel nocturne sont tout aussi jolies que celles des livres précédent.
Quand l’Afrique est représentée dans des albums pour enfant, c’est très souvent le milieu rural qui est montré. Pourtant, au Nigeria par exemple, où se passe cette histoire, 70% de la population vit en ville. Alors c’est chouette de voir cette famille arriver dans la métropole, de montrer l’ambiance qui y règne (Angela Brooksbank est très douée pour les scènes d’ensemble qui fourmillent de détails, on se plonge avec bonheur dans leur contemplation). Le texte fonctionne à l’économie: peu de mots, mais l’essentiel est là, on devine la chaleur des relations entre les protagonistes, et on partage les sensations qui les traverse pendant cette longue journée.
Panorama, Fanette Mellier, éditions du livre, 2022
En vue d’une conférence sur les livres d’artistes que je prépare pour fin mars (programme complet ici) , je lis beaucoup de livres assez atypiques aux enfants en ce moment. Je vais donc faire plusieurs articles les concernant en axant mon propos sur la façon dont on peut les utiliser et la façon dont les enfants les reçoivent, puisque telle était la demande pour ma conférence. Panorama est de ceux-là.
Après le livre magique, encore un livre étonnant signé Fanette Mellier. Cette fois-ci la couverture joue sa sobriété.
Notre regard est attiré par le chat au centre, le reste ne fait pas immédiatement sens, si ce n’est peut-être la forme qui évoque un œil en bas à gauche et la lune, que le regard identifie immédiatement, en haut à droite.
L’album s’ouvre en hauteur, format calendrier, il n’égraine pas les mois mais les heures.
Dans la première image on repère le fameux chat, juste à l’emplacement qui lui était réservé sur la couverture, un grand soleil brille en lieu et place de la lune et ce qui ressemblait à un œil est un reflet dans l’eau d’un puits.
La scène est statique, elle représente une maison et le paysage qui l’entoure.
On va retrouver exactement chaque élément, à la même place dans chaque page, seules les couleurs changent, et ce sont elles qui matérialisent le temps qui passe.
Les tonalités s’assombrissent de façon presque imperceptibles d’abord.
Selon les choix chromatiques, l’œil du lecteur est attiré par différents éléments de la page.
Et puis, bien sûr, il y a les aspirations de chacun.
Le petit K, 2 ans et demis, vadrouille dans la salle d’attente de la PMI depuis un moment. Je lui ai proposé de lui lire des histoires, il a décliné. Mais, me voyant feuilleter le livre seule, il vient voir. Il pointe immédiatement la forme ronde et s’exclame « Ballon, ballon! »
Ah, ça y est, j’ai mon accroche. Je lui propose de tourner les pages pour voir ce qu’il y a d’autre dans le livre. À chaque page il répète joyeusement « Ballon ». Je reconnais que c’est sans doute en ballon en effet (à vrai dire ma première hypothèse était plutôt une balle de paille, ce qui me semblait plus attendu dans un champ, mais peu importe, s’il voit un ballon c’est un ballon, s’il avait vu autre chose il aurait raison aussi).
Le même jour, S, (âgée de 6 ans trois quart m’a-t-elle dit) me demande des livres avec du texte parce que « je sais lire maintenant ». Je lui en propose plusieurs qui me semblent adaptés, puis pendant que je lis à un autre enfant je vois qu’elle explore les différents albums que j’ai laissés à disposition.
Je vois qu’elle feuillette Panorama puis s’y arrête.
Elle regarde longuement la première page, puis la suivante, et revient à la première.
Elle dit à voix haute « je trouve pas ». Puis « c’est bizarre… »
Je lui demande ce qu’elle ne trouve pas, elle me répond, comme s’il s’agissait d’une évidence « ben, les différences ». Puis elle ajoute « là c’est pas la même couleur mais c’est partout pas la même couleur ».
Finalement, nous avons regardé cet album ensemble assez longuement, en nous demandant ce qui changeait au fil des pages. Elle a rapidement compris que la nuit tombait, elle a également remarqué que le chat était toujours dans la même position mais elle lui prêtait des humeurs différentes selon les pages (« il a peur? » « Il est content! » « Là, il attend juste »).
Chaque enfant à sa façon de s’approprier Panorama, en fonction de ses habitudes (jeu des sept erreurs) ou de ses appétences (ballon).
J’ai un seul petit regret, je l’ai amené beaucoup sur les différents lieux où je travaille et j’ai finalement assez peu d’observations avec cet album, il est peu choisi. À mon avis cela ne tient pas à son contenu mais à sa couverture, qui n’attire pas beaucoup les enfants. C’est généralement quand je le présente ouvert qu’il va capter le regard.
Je suis toujours très heureuse qu’il soit choisi car il me semble qu’il offre aux enfants de nombreuses pistes de réflexion et qu’il aiguise leur sens de l’observation.
Quant à moi je mesure sa richesse au fait que je ne m’en lasse pas, chaque lecture me plonge dans un plaisir contemplatif.