L’imagier pas si sage, Aude Morel, Richard Magnier, Frimousse, 2024, 13€50
Tout commence comme un imagier classique, avec des représentations réalistes: Une paire de bottes rouges en vis-à-vis d’une banane.
Mais dès la page suivante, cela dérape. Les bottes ont manifestement piétiné la banane qui se retrouve toute écrasée. Un narrateur commente la scène en appuyant bien sur sa désapprobation: “Oh, c’est pas vrai, une banane écrasée, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?”
Quand, page suivante, un feutre bleu est mis en regard d’un t-shirt jaune (bien repassé précise le texte), nous (c’est à dire à la fois le narrateur, l’enfant avec qui on partage l’histoire et nous mêmes) sentons que ça va encore mal se passer.
Ainsi, à chaque page, le petit lecteur est incité à mettre deux objets en relation pour anticiper sur ce qu’il découvrira sur la double page suivante.
Et, croyez-moi, à ce jeu-là ils sont super forts. Ils se doutent que les ciseaux vont servir à couper les cheveux de la poupée, et que les bonbons vont être mangés et ils ont beaucoup de plaisir à montrer qu’ils ont compris le procédé. Généralement, ils se marrent bien à cette lecture, et je doute qu’ils aient conscience de travailler des notions telles que la relation de cause à effet ou l’ordre des actions. Tout ce qu’ils voient, c’est des “bêtises” se dérouler sous leurs yeux envieux.
Un (tout) petit brin d’impertinence n’a jamais fait de mal à personne, en tout cas pas aux enfants.
Car voyez-vous, les bambins sont très tôt capables de repérer que certaines choses sont interdites, ils arrivent même généralement assez bien à se retenir de passer à l’acte mais, il faut bien le reconnaître, ils ont souvent plaisir à imaginer toutes les petites bêtises qu’ils pourraient faire. Ça doit être la raison pour laquelle quand un livre les montre, ils ne boudent pas leur plaisir.
L’imagier pas si sage leur permet à la fois de montrer qu’ils savent bien ce qui est interdit (certains vont l’affirmer avec véhémence) et de s’y adonner par procuration.