Olie-Boulie, les papillonnes, La promenade, Ma doudoue, Claude Ponti, l’école des loisirs, 2025, 9€90
Quel plaisir de retrouver Claude Ponti dans une série d’albums destinés aux plus jeunes, au format tant aimé des Tromboline et Foulbazar.
Ici nous faisons la connaissance d’une petite créature des plus attachante, qui a les rondeurs et les manières de l’enfance, une queue d’écureuil qui dépasse de sa salopette et une joie de vivre qui semble inébranlable. Elle a aussi beaucoup d’affection dans tous ses cœurs, qu’elle offre généreusement à sa doudoue, à ses amies les papillonnes ou encore au parapluie qui l’accompagne en promenade.
Elle se prénomme Olie-Boulie et nul doute que les bambins apprécieront de la rencontrer, tant elle leur ressemble, sur le plan émotionnel si ce n’est physiquement.
Son plaisir à être entourée de ses nombreuses amies les papillonnes, comme sa joie d’aller splitcher à fond les grenouilles à pleines plouffées de flaques en flaques, et bien sûr la relation si rassurante qu’elle entretient avec sa doudoue trouveront à coup sûr échos chez les petits. Elle incarne parfaitement l’essence de la petite enfance.
Et mine de rien, ces trois petits albums sont également une célébration du féminin, si la petite Olie-Boulie n’est pas genrée (il a fallu que je lise la présentation de l’éditeur où on en parle au féminin pour y penser), c’est bien une fillette, son prénom en témoigne.
Et quelle belle idée d’une doudoue au féminin, il est vrai que l’objet transitionnel porte les valeurs de réconfort et de réassurance généralement attribuées à la mère.
Quant aux papillonnes qui entourent Olie-Boulie, il n’y a pas spécialement de raison à ce qu’elles soient féminines mais ce n’est pas non plus une raison pour les mettre au masculin sans même y penser, comme c’est trop souvent le cas.
Rien de tel que ces trois petits albums pour se détristifier quand l’ambiance est lourde. Bon, si vous n’êtes pas familiers de la prose de Claude Ponti, lisez-les un peu avant de les proposer aux enfants, les mots qu’il invente sont toujours très parlants mais il faut parfois un peu d’entrainement pour les lire à voix haute.
Grand gorille, un livre des contraires, Anthony Browne, l’école des loisirs, 2024 13€50
Dans la lignée de son magnifique livre à compter, sorti en 2012, Anthony Browne propose cette fois un livre des contraires, en explorant toujours la figure du singe, son animal fétiche qui offre, il est vrai, une belle diversité qui se prête parfaitement au thème.
De tous les albums de l’auteur, ce n’est pas celui qui recèle le plus de fantaisie, mais il touche immédiatement son lecteur par l’incroyable humanité qui émane des figures des singes.
Comment rester insensible face à un frêle bébé singe qui nous observe en suçant son pouce, dont le pelage clair nous donne l’impression qu’il est tout nu? Comment ne pas fondre devant le sourire du chimpanzé joyeux ou s’attendrir du regard profond du gorille en gros plan?
Et puis, parce que c’est Anthony Browne, il colle une double page pleine de références simiesques que l’on se régale à reconnaître (ou pas, il y en a sur lesquels j’hésite encore). On y croise ses propres personnages, Marcel côtoie entre autres le gorille d’Anna, celui de petite beauté, ou encore Mimi (mais je ne crois pas qu’il y ait Pif la terreur), mais aussi des singes empruntés à d’autres et même des qui sont pas du tout des singes, mais il faut regarder avec attention pour les repérer.
Chose rare dans les livres de contraires, il y a une chute, elle est adorable et surtout elle est vraiment à hauteur d’enfant (tout en réjouissant aussi les adultes, en tout cas ceux qui ont su rester un peu juvéniles).
Bref, c’est un album que j’aurai beaucoup de plaisir à lire aussi bien avec des bébés qu’avec des enfants de maternelle.
Un bisou pour mon frère, Adrien Albert, l’école des loisirs, 2024, 13€50
On le sait depuis son voyage en Antarctique, le petit lapin Simon aime bien se remémorer les bons moments qu’il vient de passer. La dernière fois, ça l’empêchait de dormir, cette fois, ça va lui faire oublier l’heure du bus que doit prendre Tobold, son frère.
C’est qu’ils sont tellement heureux du temps passé ensemble. Vous vous souvenez, Simon avait gravi une montagne de nuit pour rendre visite à Tobold, c’est dire s’il l’aime. Là, ils boivent une menthe à l’eau, tranquille, en se remémorant la journée qu’ils viennent de passer. Je vous la raconte pas, vous la découvrirez en images, mais sachez qu’il y avait un tractopelle, de la vitesse, un peu de gourmandise (avec des fraises sur le dessus), un manège, un film en 3D, bref, tous les ingrédients d’une journée bien remplie. En une double page, tout ça est raconté en 17 vignettes, comme dans un film à ellipse, avec la petite musique qui va bien et tout.
Mais voilà le bus, il faut filer, vite, ah oups, trop tard pour le bisou, Tobold monte à bord juste à temps.
Et c’est là, dans le bus du retour, que l’aventure commence. Avec les rebondissements les plus inattendus, le rythme effréné que l’on connaît chez cet auteur, des péripéties qui ne cherchent pas à être crédibles mais des sentiments toujours très justes. Et puis, cette tendresse qui unit les deux frères, tellement touchante. Parce qu’il faut le dire, la fratrie ce n’est pas que rivalité, il est bon de montrer aussi de temps en temps qu’avoir un frère c’est chouette.
Ça m’a fait drôlement plaiz de retrouver la petite bouille de Simon, et les mouflets aussi adorent découvrir une nouvelle aventure de ce très attachant petit lapin.
Mon ballon, Mario Ramos, Pastel, l’école des loisirs, 2012
Pour une intervention que je prépare dans le cadre de la journée Mario Ramos (dont vous trouverez le programme ici), je me plonge ces derniers temps avec bonheur dans l’œuvre de cet auteur.
J’ai un grand plaisir à partager ses albums avec les enfants sur le terrain, ils sont souvent choisis et toujours appréciés. Comme souvent dans mon ballon, il emprunte son personnage principal à un conte traditionnel, ici le petit chaperon rouge.
Elle n’est pas chargée d’apporter à sa grand-mère un petit pot de beurre et une galette, mais de lui montrer le joli ballon rouge que lui a offert sa mère. Mère dont on ne voit que la silhouette quand elle lui fait signe avec insouciance en la laissant se diriger vers la forêt.
De la fillette on ne voit pas grand-chose non plus. Une petite bouille ronde en début d’album qui disparait rapidement hors-champ, pour ne plus laisser à l’image que le ballon qui se fraye un chemin entre les arbres. Notre petit chaperon s’éloigne en chantant « promenons nous dans les bois » mais rapidement son regard (que nous ne voyons pas, donc) s’arrête sur un personnage, que nous ne voyons pas plus. « Qui se promène aussi par là? Un renard? Un autobus? une locomotive? ».
A ce stade il n’est pas rare que le bambin qui écoute l’histoire lève un sourcil interrogateur? Quel peut donc être ce personnage si difficile à identifier? Pour le savoir il tourne la page et découvre… Un lion pressé chaussé de baskets.
Ah?
Oui.
Inlassablement le petit chaperon va reprendre sa chanson et n’aura le temps d’y ajouter qu’un vers à chaque fois avant qu’un nouveau personnage n’apparaisse, toujours aussi improbable.
Les albums de Mario Ramos reposent sur la complicité qu’il établit avec le petit lecteur. Il lui donne des indices et le laisse tirer les conclusions. Ainsi quand la chanson touche à sa fin l’enfant se doute que la rencontre fatidique va avoir lieux. Mais il nous ménage encore quelques surprises pour donner plus de sel à son histoire, avant même d’en arriver à la chute (elle aussi très savoureuse et inattendue).
Les jeux de hors-champ, de non dit, d’allusions et de références sont toujours très habilement menées dans l’œuvre de cet auteur, parfaitement accessibles aux enfants mais juste assez résistants pour qu’ils aient le plaisir de s’exclamer « ah, j’ai compris! »
Car il est tout de même plus satisfaisant pour les enfants (pour nous aussi d’ailleurs) de comprendre un sens caché plutôt qu’une chose qui nous est donnée immédiatement. C’est là le signe d’une belle littérature enfantine.
Parmi les nombreux livres-jeux que la production offre aux enfants, il y a un genre qu’ils affectionnent particulièrement, c’est le cherche-et-trouve.
Quand ils sont autonomes et les regardent seuls ou entre eux, c’est l’idéal, des heures de jeu s’offrent à eux et des heures de tranquillité s’offrent à nous!
Mais souvent, très souvent, ils réclament la présence d’un adulte, pour les aider ou juste pour être témoins de leur réussite, quand ils trouvent plus vite que nous.
J’ai quelques souvenirs de séances de lectures assez laborieuses en bibliothèque de rue, avec des enfants exigeant ma présence pour regarder loooonguement (très longuement) les pages de Où est Charlie, le cherche-et-trouve par excellence, qui voit défiler les générations avec toujours le même succès.
Mais il en existe de nombreux autres, et puisque notre présence est requise, autant en choisir des plaisants pour nous aussi (oui, j’ose briser le tabou, les Où est Charlieme les brisent me lassent)
Je préfère largement les deux chouettes cherche-et-trouve que voilà:
Devine, cherche et trouve ville, Manon Bucciarelli, Gallimard jeunesse, 2023, 20€
C’est un hybride, à la fois livre à chercher et livre jeu, puisque les éléments qu’il faut trouver dans l’image ne sont pas identifiés par leur simple nom mais par une description. Ainsi nous découvrons les éléments emblématiques de 16 grandes villes du monde, qui chacune sont représentées sur une large double page.
On cherche la tower eye à Sydney, le bol de ramen à Tokyo, le bus à impériale à Londres.
L’impression en 4 tons directs (violet, jaune, doré et noir) donne une grande unité graphique à l’album, mais chaque page a son atmosphère propre, qui correspond à celle de la ville présentée.
C’est sympa, ça fait réfléchir et voyager et au moins ça ne nous fait pas saigner des yeux comme un certain cherche et trouve à rayures, car ici les images sont très lisibles.
Mais il est tout de même complexe, pour bien savourer les devinettes je dirais qu’il est adapté vers 5/6 ans. Bien entendu, un enfant plus jeune peut l’apprécier aussi à sa façon!
Calinours cherche et trouve, Alain Broutin, Frédéric Stehr, l’école des loisirs, 2023, 12€
Le petit ours blanc créé par Frédérir Stehr fait le bonheur des enfants depuis les années 80.
Dans ce bel album au format généreux (il faut bien ça pour caser tous les détails des images), on le retrouve dans 8 grandes illustrations pleines pages en compagnie de ses amis et de tout un tas d’animaux de la forêt. Dans des situations du quotidien (la baignade, à l’école ou en train de s’endormir), à travers différentes saisons, de jour et de nuit, on se régale à explorer ce petit monde plein de tendresse.
On peut jouer avec deux entrées différentes, selon l’âge et l’habitude des enfants: une frise en bas de page montre les éléments à trouver et un encadré propose d’autres recherches, sous forme de questions (« Combien de grenouilles comptes-tu? » « Un oiseau est en train de perdre son bonnet. Aide-le à le retrouver »).
Il est aussi possible de se promener dans les images comme dans un grand album sans texte, imaginant les petites histoires qui s’y nichent.
Il conviendra donc aux plus petits (dès 2 ans si ça vous dit, en plus les pages sont épaisses et solides, avec les coins arrondis) et durera longtemps (j’ai passé plus d’une heure dessus avec des enfants de grande section de maternelle, ils se sont éclatés)
J’aime l’atmosphère chaleureuse et amicale qui se dégage de chaque page et pour l’instant il ne provoque chez moi pas la moindre lassitude, je suis même contente quand un enfant le choisi. C’est bon signe! De ce point de vue là je le place du côté des grands albums des saisons de Rotrault Suzanne Berner, des années que je bosse avec toujours avec le même plaisir, chaque lecture offrant de nouvelles découverte.
À la recherche du père Noël, Loïc Clément, Anne Montel, little urban, 2021, 22 €
Un très (très) grand format pour cet album hybride entre cherche et trouve et texte illustré.
Certains enfants connaîtront déjà le personnage principal, le professeur Goupil (mais il n’est nul besoin de le connaitre pour apprécier le présent ouvrage)
Il est au chômage et répond à une annonce que personne jusque là n’avait pris au sérieux: il s’agit de remplacer le père Noël, qui a mystérieusement disparu.
Accompagné d’une bande de joyeux animaux indisciplinés, il se rend donc au pôle nord. Pour bien comprendre en quoi consiste le boulot il faut qu’il visite les différents espaces de l’atelier du père Noël. C’est que c’est une véritable entreprise, avec un atelier couture, un espace dédié aux papiers cadeaux, un poste de contrôle, etc.
L’histoire est drôle, bien menée avec plein de clins d’œil sympa.
Sur chaque grande illustration, nous pouvons chercher le père Noël qui se cache, mais aussi les animaux qui accompagnent le professeur Goupil et autres lutins. Pour ces derniers, le niveau de difficulté est d’ailleurs assez élevé, tant les images sont riches et foisonnantes.
D’ailleurs, la dernière fois une petite fille a renoncé et m’a dit « sur la première page, j’ai pas trouvé le père Noël mais j’ai trouvé les trois brigands, ça vaut?
Ça vaut!
Vous y trouverez d’ailleurs pleins d’albums que vous connaissez, mais aussi un petit totoro très discret et sans doute bien d’autres références qui m’ont échappées.
On peut y passer des heures et, croyez-moi, il a un succès fou même en dehors de la période de Noël!
Quel train incroyable! Tomoko Ohmura, l’école des loisirs, 2023, 14€
J’ai toujours beaucoup aimé les albums de Tomoko Ohmura mais il faut avouer que ces derniers temps, je commençai à trouver qu’elle ne se renouvelait pas assez. Certes, les enfants, eux, ne connaissent pas forcément ses précédents albums mais moi je me lassais de toujours retrouver la même structure à peu de chose près.
Mais ce nouvel album m’a énormément plût. On y retrouve les animaux dont l’autrice est coutumière, dessinés d’un épais trait noir, très lisibles.
Mais aussi des humains, en particulier Léo et sa mère, qui attendent le train.
L’annonce traditionnelle prévient qu’un véhicule va passer et qu’il faut s’éloigner de la bordure du quai. Il est tellement rapide que seul Léo semble avoir remarqué qu’il est peuplé de bien étranges voyageurs. Il en fait la remarque à sa mère qui n’a rien vu, mais déjà un autre train traverse la page, tout aussi bizarre!
Sur le quai les passagers sont de plus en plus nombreux, mais toujours trop occupés pour remarquer que chaque train est occupé par une catégorie d’animaux.
Le lecteur à qui on lit cet album partage donc ce secret avec le protagoniste, et il a un sacré avantage: lui peut faire un arrêt sur image et regarder longuement les trains qui se succèdent. Ils portent tous le nom de leur destination (ville ailée, rivière marine…) et il y a beaucoup de choses à voir à travers leurs fenêtres!
Arrive enfin celui que les gens attendent, et quel incroyable train! Je vous laisse découvrir la suite.
Cet album joue sur l’effet de surprise, un rythme parfaitement maîtrisé et de nombreux détails signifiants que l’on découvre au fil des lectures. Je suis certaine qu’il aura un très grand succès auprès des enfants.
Cotcotcot, Benoît Charlat, l’école des loisirs, 2022, 10€50 J’aime bien les livres qui fonctionnent à l’économie de moyen avec un ressort comique efficace, presque implacable. C’est incontestablement le cas de celui là.
D’abord, il y a un œuf, posé sur la page verte.
Sur la gauche, une poule passe la tête. Caquetant à qui mieux mieux, elle s’approche de plus en plus jusqu’à s’installer, pof le derrière sur l’œuf, ça y est, elle couve, tout en nous regardant d’un œil satisfait.
Mais voilà qu’un nouveau cotcotcot se fait entendre, sur la droite cette fois. La nouvelle poulette semble également revendiquer la propriété de l’œuf.
C’est fou tout ce qu’on peut raconter avec des caquètements, un fond uni et deux poules croquées au trait noir. Leurs postures, leur regard, leur place dans la page suffisent à porter le récit et l’histoire tient parfaitement la route. Il faut juste s’assurer qu’elle soit racontée par un adulte qui n’hésite pas à jouer un peu les cot cot et autres codec. C’est qu’autour de l’œuf, ça discute sec, d’ailleurs on en vient rapidement aux mains.
Alors ok, pour nous adultes, la fin n’est pas tout à fait inattendue.
Mais qu’importe. D’abord, pour les enfants elle l’est, et surtout, le plaisir et l’humour sont présents tout au long de l’album, qui se savoure comme une mini pièce de théâtre, dont la mise en scène impeccable ravit les petiots qui en redemandent!
Le genre d’album qu’on peut lire en boucle et qui peut également servir de livre accroche pour attirer les enfants un peu moins lecteurs.
Laurent tout seul, Anaïs Vaugelade, école des loisirs
Laurent lapin joue tout seul, sous le regard bienveillant de sa mère. Il joue au tracteur, il joue à la pomme, il joue à lapin poussette mais il s’ennuie parce que tout ça, c’est des jeux de bébé.
Il est grand maintenant, il veut jouer dehors.
Chaque jour il outrepasse un peu plus l’interdit posé par sa mère, chaque jour il s’éloigne de la maison, jusqu’à ce qu’il décide de partir en voyage.
Au cours du voyage initiatique de Laurent on le voit s’épanouir, ses oreilles donnent le ton de son humeur, vibrant à l’unisson de ses émotions. Après avoir quitté sa mère et fait son chemin tout seul, il est prêt pour fonder à son tour un foyer, comme en témoigne la dernière page.
Laurent tout seul est l’un des premiers albums que j’ai chroniqué sur ce blog, en 2009. Il était déjà à mes yeux un incontournable, il résonne parfaitement avec les préoccupations des jeunes enfants. La quête de liberté, le désir de grandir, la nécessité pour cela de l’éloigner des figures parentales, sont des thèmes très forts pour les enfants.
Je suis persuadée qu’en lisant l’histoire de Laurent les enfants comprennent qu’ils ne sont qu’au début de leur propre histoire, et que ce sont eux qui ont le pouvoir de l’écrire.
Un bel album émancipateur.
Pendant (trop) longtemps, ce livre était épuisé.
L’école des loisirs l’a enfin réédité (parait-il suite à de nombreuses demandes de libraires et bibliothécaires, ce qui ne m’étonnes guerre).
Je suis très heureuse de le retrouver enfin, mon exemplaire de l’époque était perdu depuis longtemps.
Et il me semble que la nouvelle édition est particulièrement soignée et les aquarelles d’Anaïs Vaugelade sont belles, profondes et contrastées. Et la nouvelle maquette offre une vraie dernière page au dénouement qui était jusqu’ici sur la page de garde. Un bijou.
Chantier chouchou debout, Adrien Albert, l’école des loisirs, 2022, 13€ Une petite mouflette, haute comme trois pommes, nous explique qu’aujourd’hui, c’est mamie Georges qui la garde. D’ailleurs, hop, elle atterrit sur le toit de la maison de sa grand-mère. Accompagnée de sa maman, qui pilote le deltaplane. Visiblement c’est une habitude, puisque la maison de mamie Georges est équipée d’échelles pour descendre du toit. Bon, mamie Georges ça l’arrange pas trop de garder la petite, vu qu’aujourd’hui c’est ménage en grand. Mais maman a déjà décollé, direction, le championnat de deltaplane. Alors sans perdre de temps, on s’y met. Et quand Adrien Albert dit « grand ménage », c’est pas à moitié. Tout va être lavé.
Canapé, lampes, piano sont enfournés dans la machine. Mais aussi les murs, la cheminée et le toit. Tout on vous à dit! On retrouve dans Chantier chouchou debout les caractéristiques que l’auteur développe d’un album à l’autre et qui font son succès. Ce mélange de situations totalement absurdes transposées dans un monde très réaliste. Une économie dans le texte, qui va a l’essentiel, laissant au lecteur le soin d’imaginer tout ce qui n’est pas raconté (où est la papa de l’enfant ? Et le grand-père ? Aucune précision sur le sujet, chacun fera son hypothèse).
Et puis cet album, c’est la démesure. Celle de l’incroyable machine à laver comme celle de la technique très spéciale de Mamie Georges pour réveiller son chouchou. C’est là la magie de la littérature enfantine, on peut tout se permettre, pourquoi rester dans le réaliste quand on peut se faire plaisir à imaginer des situations bien plus burlesques!
Ça fonctionne à merveille, on se prend de sympathie pour cette mamie bourrue et tellement étonnante!
Renoir Imagier, Grégoire Solotareff, l’école des loisirs, 2022, 13€50
J’ignorais quand il est sorti que « Picasso Imagier » était le premier d’une collection.
Mais quelle joie de l’apprendre!
Il n’y a jamais trop de livres qui mettent l’art dans les petites mains potelées des mouflets.
Le principe est donc le même, des reproductions (de bonne qualité, cela va sans dire) de détails de tableau, en face d’un mot, à la façon d’un imagier classique.
En choisissant un gros plan sur un détail et en y accolant un mot, l’auteur cherche ici à aiguiser le regard des enfants, à leur faire observer des objets du quotidien avec un regard neuf, celui de l’artiste.
Et le banal devient extraordinaire. La pomme, le pied, le chat, sous les pinceaux de Renoir, sont sublimés, et cela nous incite à regarder autrement ce mêmes choses quand nous les avons sous les yeux.
Par ailleurs, ce que j’aime bien avec l’art, c’est sa polysémie. Dans un tableau, même recadré au plus prés, il y a souvent plusieurs choses à voir, et les enfants ont l’art de contourner l’évidence, ils regardent avec toute leur candeur.
Petit exemple suite à temps de lecture dans une salle d’attente de PMI (dans le cadre de mon travail pour LIRE):
Moi, docile, je lis le texte. « Une montagne ». L’enfant, lui, pointe l’avant plan: « C’est des arbres ». Je ne vais certainement pas le contredire. « Oui, ce sont des arbres, je vois aussi une montagne derrière et le ciel au dessus ». Pas contrariant, l’enfant acquisse: « oui » avant de tourner une page.
Il passe rapidement sur certaines pages, s’attarde longuement sur celles représentant des animaux, qu’il nomme après moi. À la page où le texte dit « des promeneurs » il dit « des arbres encore ». Et à celle où on peut voir des pieds en gros plan, il me dit « c’est pour les chatouilles » et, joignant le geste à la parole, s’amuse à caresser le dessous du pied en ajoutant « guili guli » joyeusement.
Et je ne peux que partager son point de vue. Les pieds, c’est pour les chatouilles, les livres, c’est pour le plaisir, et l’art, c’est pour tout le monde.
Et avec Renoir imagier, les plus grandes toiles sont accessibles aux plus petites mains, et ça, c’est une bonne nouvelle!