Premier arrivé, premier servi, Tomoko Ohmura, l’école des loisirs,12€20
La première fois qu’on ouvre cet album, on est un peu déstabilisé, on ne sait pas comment le prendre. C’est qu’on va suivre une ribambelle d’insectes qui grimpe le long d’un mur. Alors il faut monter avec eux et lire de bas en haut.
Mais pas d’inquiétude, comme ils sont numérotés, on n’est pas perdus longtemps.
Comme dans Pourquoi ça n’avance pas et Faites la queue, les protagonistes sont de plus en plus gros et on remonte la fille avec une impatience grandissante pour découvrir ce qui les réuni.
On retrouve aussi un personnage qui accompagne les protagonistes, ici c’est une abeille qui conseille, encourage et canalise les différentes petites bêtes.
Leur progression est perturbée par différents incidents.
L’intrusion d’un chat, la bagarre entre la lucane cerf-volant et le scarabée, la pluie qui se met à tomber.
L’ascension est donc une véritable aventure, riche en émotions.
On tremble, on s’émerveille aussi un peu, et on apprend plein de choses, car l’album a la précision d’un documentaire.
Les fans de cette autrice s’attendent à une double page qui s’ouvre en 4 volets, et se demandent ce qu’elle peut bien cacher cette fois. Dans Premier arrivé, premier servi elle est bien au rendez-vous et la surprise qu’elle recèle est à la hauteur des attentes.
Le cache-cache des animaux, Tomoko Ohmura, école des loisirs, 11€50
C’est le chien qui compte. Il devra chercher tour à tour trois autres animaux, dissimulés dans la maison.
Et ce n’est pas si simple. D’ailleurs, le petit lecteur qui cherche dans chaque image l’animal caché peut hésiter un peu. Le dessin de Tomoko Ohmura est toujours très lisible mais cette fois ci elle joue à nous perdre en mettant dans l’image différents motifs qui pourraient évoquer le pelage d’un animal.
Et puis, on a un handicap par rapport au chien: on ne sait pas exactement qui on cherche.
Quand enfin le chien a trouvé le tigre, le lapin puis le mouton, c’est l’heure du gouter. Mais, attention, une étrange créature semble se cacher dans la cuisine.
On retrouve la même évidence et la même simplicité dans la trame du récit que dans le dessin.
Tout est mis en place pour que les enfants, dès deux ans, trouvent leurs repères dans ce cherche-et-trouve adapté à leurs capacités.
Une réussite, qui n’est pas sans évoquerIl y a du monde, de la même autrice qui rencontre toujours un franc succès.
Bien au chaud pour l’hiver, Tomoko Ohmura, école des loisirs
Les feuilles mortes s’entassent déjà. L’hiver est bientôt là. Toutes les familles d’animaux vont se préparer tour à tour.
Des toutes petites coccinelles jusqu’aux gros ours, chacun s’affaire, sur une page blanche, puis se couche sur la page suivante, au fond bleu nuit.
Les coccinelles se font un lit de feuilles, les grenouilles des nids de nénuphars, les écureuils font des réserves de baies, noix ou glands.
L’alternance de pages blanches et bleues donne un rythme paisible à l’album, qui convient parfaitement aux phrases, courtes et douces, répétitives comme peuvent l’être les couplets d’une berceuse.
En fin d’album, un plan éloigné montre toutes les familles endormies, sous un manteau de neige blanche, surplombé d’un ciel bleu, réunissant sur une même page les deux couleurs dominantes du livre.
A la lecture de Bien au chaud pour l’hiver, on s’apaise, on se laisse peut-être aller à bailler et on s’attendrit des bouillettes adorables des animaux endormis. Et bien sûr, on pense au remarquable « A la sieste tout le monde », qui émane aussi d’un auteur japonais et qui est également édité à l’école des loisirs, lui aussi une ode au sommeil.
Petit Singe aimerait vraiment profiter d’un moment de calme. Mais, où qu’il aille, il se retrouve immanquablement envahit par la foule. Tranquille sur un lac, dans les bains publics, au restaurant, à peine installé le voilà en compagnie de tous les animaux des environs.
L’album présente donc une alternance de doubles pages où le même décor est montré d’abord presque vide puis plein d’une joyeuse bande d’animaux, sympathiques mais envahissants.
Le texte, minimaliste, reprend cette alternance avec la répétition de la phrase « Oh! Il y a du monde! ».
Les enfants ont parfois bien du mal à reconnaître qu’il s’agit du même endroit tant le foisonnement d’animaux recouvre la page.
Ils s’amusent à imaginer l’histoire de chacun d’eux. Constatent que l’éléphant est manifestement trop lourd pour monter sur un toit mais qu’il se régale dans l’eau. Qu’on trouve des oiseaux de différentes sortes dans tous les milieux. Que les pandas aiment se promener en famille.
C’est cette attention portée à l’image qui leur permet de repérer, au fil des lectures, le petit caméléon, seul animal à tenir compagnie à Petit Singe dans ses moments de solitude . On le devine, presque transparent, sur les pages paires (oui, oui, regardez bien sur l’image du lac, en cliquant dessus vous pourrez le repérer). Il n’a pas bougé sur les pages impaires, mais, bien qu’il soit alors dessiné au trait, on a parfois du mal à le repérer dans tout ce bazar (alors, vous le voyez, à la même place sur la 2eme image?)
Entre histoire et livre jeu, cet album permet aux enfants d’aiguiser leur sens de l’observation. Jeu dans le quel ils se montrent généralement bien plus performants que nous autres adultes.
Moins et plus, Tomoko Ohmura, école des loisirs, 7€90
Il existe de très nombreux livres pour les plus petits lecteurs basés sur les contraires. Difficile dans une telle profusion de renouveler le genre. Tomoko Ohmura y parvient brillamment avec deux petits albums: Plus et moins et Moins et plus. Tout petit format à l’italienne, pages cartonnées, ces livres sont adaptés à la lecture individuelle (ou à la limite en très petit groupe) et incitent les enfants au dialogue.
Au lieu de proposer sur chaque double page une opposition, l’autrice introduit ici la notion de nuance. Chaque enfant peut alors se demander par exemple à quel moment exactement la fillette représentée sur la couverture est passée de « Contente » à « triste ». Les 5 états intermédiaires sont présentés comme une graduation (ce qui explique le format spécifique de cet album qui évoque une règle) et on peut décider de mettre le curseur où bon nous semble.
On sort alors de la vision clivée que proposent en général les albums sur les contraires.
Les discussions s’installent entre enfants. On cherche à savoir à quel moment exactement le bain est passé de « chaud » à « froid » on convoque la notion de « tiède », qui n’apparaît pas dans le texte (mais qui est explicite dans l’image), on (se) raconte la petite histoire qui se joue sur cette frise.
On est tout à fait dans le cadre de ces livres qui, mine de rien, font penser les enfants (pour ceux qui auraient raté le billet cet été j’en parle ici). La dernière page met en scène les éléments intermédiaires (les cheveux « très » longs, le bain « assez chaud », par la fenêtre il fait « presque » nuit).
Un petit album plus riche qu’il n’y parait qui est vraiment chouette à proposer dès deux ans et qui peut continuer d’intéresser les enfants bien plus grands.
L’ascenseur de petit paresseux, Tomoko Ohmura, école des loisirs, 12€20
Il n’est pas bien rapide, petit paresseux, il est même carrément du genre à aller doucement le matin et pas trop vite l’après-midi.
Mais il a de bonnes idées. Aujourd’hui, il fait très chaud. Et son idée c’est de prendre un bon bain pour se rafraîchir. C’est rare qu’il quitte le haut de l’arbre qu’il habite. Il commence sa descente, doucement doucement, et en chemin il rencontre ses amis les autres habitants de l’arbre.
Aigles, écureuils volants, singes et autres koalas sont également partants pour une bonne baignade. Ils filent vers le bas de l’arbre alors que petit paresseux poursuit son chemin tranquillement mais sûrement.
En chemin il aperçoit des fruits. C’est que le chemin a été long, il a une petite faim. Oups, le voilà qui glisse et le rythme s’accélère soudain, ses amis le voient chuter avec inquiétude. Ouf, en bas la mare amortit le choc, il peut enfin profiter du bain avec ses amis. Mais en fin de journée, comment remonter? La solidarité entre animaux va lui permettre d’arriver avant la nuit. Je vous laisse découvrir vous même comment (non, la réponse n’est pas vraiment contenue dans la couverture)
Les animaux tout en rondeur de Tomoko Ohamura ont toujours un grand succès avec les enfants, ils sont attachants et sympathiques.
Le format en hauteur, avec une page qui se déplie en fin d’album et créé la surprise fonctionne très bien en lecture en petit groupe comme en lecture individuelle.
Pourquoi ça n’avance pas? Tomoko Ohmura, école des loisirs, 12€20
Il y a manifestement un problème. Les véhicules sont à touche touche sur le chemin, y’a pas à dire, ça n’avance pas d’un pouce.
Ça commence doucement, avec des engins qui n’en sont pas vraiment: patins à roulette, trottinette, monocycle se rangent dans la queue. Pas de décor, mais on devine un milieu plutôt champêtre qu’urbain à l’herbe à l’avant plan.
Les gens se parlent, certains s’agacent, chacun se demande ce qu’il se passe.
Le policier est aussi étonné que les autres. Il va remonter la file pour essayer de comprendre d’où vient le problème, tout en donnant quelques consignes aux gens. Il est donc le fil conducteur de l’histoire.
Quand on leur lit cet album pour la première fois, les enfants sont autant dans le plaisir de la découverte de chaque engin que dans la curiosité pour la chute. Ils pointent, nomment, nous demandent de quoi il s’agit parfois (on peut répondre fastoche, le nom de chacun d’eux est inscrit sous l’image).
On avance dans la file et les véhicules sont de plus en plus gros. Des petites saynètes se déroulent sous nos yeux. Les improbables petits cochons se sont échappés -pas de chance- juste à coté des lions, des enfants sont sortis pour faire un tour dans le bibliobus qui profite de cette pause pour prêter des livres, les pompiers s’interrogent. Mais que se passe-t-il donc?
La surprise fonctionne vraiment, on ne pouvait se douter de ce qui bloquait ainsi tout le monde. Elle est mise en valeur par une double page qui s’ouvre en paravent pour découvrir… Ben non, je vous le dirais pas, puisque c’est une surprise, enfin.
Comme dans l’album Faites la queue, chaque personnage est numéroté, on attend donc avec impatience le n° 1 pour savoir enfin ce qui se passe. La simplicité apparente de cet album peut masquer sa grande richesse, que l’on découvre au fil des lectures.
Un album de littérature enfantine apprécié aussi par Bouma.
L’histoire commence dès la page de titre. Au bas de la page, un bandeau noir avec cette interrogation: « tiens, mais qu’est ce qu’ils attendent tous? Allons voir » Quand je lis cette phrase à voix haute, l’enfant peut se demander qui parle, est ce juste moi ou un des personnages du livre? Déjà, le lecteur est ferré, il attend la suite, impatient de voir de quoi il s’agit.
La mouette sera son guide. Elle souhaite la bienvenue et indique le chemin aux derniers arrivés.
Le panneau nous donne un premier indice: « En rang sur une file, et dans l’ordre s’il vous plaît ». Sans arrêt l’enfant peut découvrir dans l’image des pistes mais jamais la destination mystérieuse n’est dévoilée.
Une petite grenouille semble perplexe au pied du panneau. Elle porte le n° 50. Devant elle, on devine la queue d’un lézard, qui incite à tourner la page. On comprend que les animaux vont se succéder, rangés par taille, et que chacun porte un n°. L’histoire se raconte par les dialogues des personnages mais aussi surtout par l’image. Certains animaux semblent savoir pourquoi ils sont là, et en disent juste assez pour piquer la curiosité du lecteur. D’autre s’interrogent ou s’impatientent.
Des petites scènes entre les animaux rompent le rythme de l’attente. La mouette remonte la queue, nous la suivons dans un long travelling et latéral et découvrons des animaux familiers ou sauvages, de tous les coins du monde, qui attendent ensemble, parfois un peu inquiets (le mouton n’a pas l’air ravit d’être juste derrière le loup), parfois jouant entre eux.
Quand je lis cet album, les enfants parfois trépignent d’impatience, ils veulent connaître la suite. Le décompte des animaux permet d’anticiper, d’évaluer le nombre de pages restantes. Et puis, les animaux étant de plus en plus gros, ils prennent de plus en plus de place sur la page donc le rythme de lecture s’accélère. Quand on arrive enfin à l’animal n°1, l’éléphant bien sûr, ils tournent vivement la page. Et l’auteur, joueur, recule encore le moment de la découverte, une double page présente une grande grille avec ces seuls mots « vagues géantes ». Il faut ouvrir les doubles pages, comme un rideau de théâtre pour enfin découvrir l’attraction et regarder les animaux laisser éclater leur joie dans un grand « splatch » collectif. Les enfants jubilent, ils frétillent, ils en redemandent. Et plus je leur lis, plus ils sont contents. L’attente est joyeuse, ils connaissent le dénouement. Moi aussi d’ailleurs, plus je le lis plus je l’aime cet album, je découvre à quel point chaque détail est pensé, de la page de garde à la 4eme de couverture, chaque élément de l’image à sa raison d’être et enrichit l’ensemble.