Panorama, Fanette Mellier, éditions du livre

Panorama, Fanette Mellier, éditions du livre, 2022

En vue d’une conférence sur les livres d’artistes que je prépare pour fin mars (programme complet ici) , je lis beaucoup de livres assez atypiques aux enfants en ce moment. Je vais donc faire plusieurs articles les concernant en axant mon propos sur la façon dont on peut les utiliser et la façon dont les enfants les reçoivent, puisque telle était la demande pour ma conférence. Panorama est de ceux-là.

Après le livre magique, encore un livre étonnant signé Fanette Mellier. Cette fois-ci la couverture joue sa sobriété.

Notre regard est attiré par le chat au centre, le reste ne fait pas immédiatement sens, si ce n’est peut-être la forme qui évoque un œil en bas à gauche et la lune, que le regard identifie immédiatement, en haut à droite.

L’album s’ouvre en hauteur, format calendrier, il n’égraine pas les mois mais les heures.

Dans la première image on repère le fameux chat, juste à l’emplacement qui lui était réservé sur la couverture, un grand soleil brille en lieu et place de la lune et ce qui ressemblait à un œil est un reflet dans l’eau d’un puits.

La scène est statique, elle représente une maison et le paysage qui l’entoure.

On va retrouver exactement chaque élément, à la même place dans chaque page, seules les couleurs changent, et ce sont elles qui matérialisent le temps qui passe.

Les tonalités s’assombrissent de façon presque imperceptibles d’abord.

Selon les choix chromatiques, l’œil du lecteur est attiré par différents éléments de la page.

Et puis, bien sûr, il y a les aspirations de chacun.

Le petit K, 2 ans et demis, vadrouille dans la salle d’attente de la PMI depuis un moment. Je lui ai proposé de lui lire des histoires, il a décliné. Mais, me voyant feuilleter le livre seule, il vient voir. Il pointe immédiatement la forme ronde et s’exclame « Ballon, ballon! »

Ah, ça y est, j’ai mon accroche. Je lui propose de tourner les pages pour voir ce qu’il y a d’autre dans le livre. À chaque page il répète joyeusement « Ballon ». Je reconnais que c’est sans doute en ballon en effet (à vrai dire ma première hypothèse était plutôt une balle de paille, ce qui me semblait plus attendu dans un champ, mais peu importe, s’il voit un ballon c’est un ballon, s’il avait vu autre chose il aurait raison aussi).

Panorama, Fanette Mellier, éditions du livre,

Le même jour, S, (âgée de 6 ans trois quart m’a-t-elle dit) me demande des livres avec du texte parce que « je sais lire maintenant ». Je lui en propose plusieurs qui me semblent adaptés, puis pendant que je lis à un autre enfant je vois qu’elle explore les différents albums que j’ai laissés à disposition.

Je vois qu’elle feuillette Panorama puis s’y arrête.

Elle regarde longuement la première page, puis la suivante, et revient à la première.

Elle dit à voix haute « je trouve pas ». Puis « c’est bizarre… »

Je lui demande ce qu’elle ne trouve pas, elle me répond, comme s’il s’agissait d’une évidence « ben, les différences ». Puis elle ajoute « là c’est pas la même couleur mais c’est partout pas la même couleur ».

Finalement, nous avons regardé cet album ensemble assez longuement, en nous demandant ce qui changeait au fil des pages. Elle a rapidement compris que la nuit tombait, elle a également remarqué que le chat était toujours dans la même position mais elle lui prêtait des humeurs différentes selon les pages (« il a peur? » « Il est content! » « Là, il attend juste »).

Chaque enfant à sa façon de s’approprier Panorama, en fonction de ses habitudes (jeu des sept erreurs) ou de ses appétences (ballon).

J’ai un seul petit regret, je l’ai amené beaucoup sur les différents lieux où je travaille et j’ai finalement assez peu d’observations avec cet album, il est peu choisi. À mon avis cela ne tient pas à son contenu mais à sa couverture, qui n’attire pas beaucoup les enfants. C’est généralement quand je le présente ouvert qu’il va capter le regard.

Je suis toujours très heureuse qu’il soit choisi car il me semble qu’il offre aux enfants de nombreuses pistes de réflexion et qu’il aiguise leur sens de l’observation.

Quant à moi je mesure sa richesse au fait que je ne m’en lasse pas, chaque lecture me plonge dans un plaisir contemplatif.