Merlito, Florence Gilard, esperluète, 2021, 16€50
D’abord on l’entend, mais on ne le voit pas tout de suite. Le chant du merle entre dans la maison, et l’enfant le cherche. Il apparaît à la fenêtre, brièvement, et hop, le voilà parti. Sur la double page, il laisse un vide, matérialisation de l’absence. Mais bien vite il est de retour, encore une fois c’est son chant qui précède son apparition titu titu tiiiitutitutitu.
Quand il s’absente trop longtemps l’enfant pense à lui, il le dessine. L’oiseau est dehors, libre, peut-être lui aussi pense-t-il à l’enfant? Le texte ne le précise pas.
D’ailleurs le bambin lui aussi vaque à ses occupations. Chacun fait sa vie mais ils se rejoignent de part et d’autres de la fenêtre à intervalle régulier. On devine le lien invisible qui les unit, l’intérêt que l’un porte à l’autre.
Le jeu d’apparition/disparition est matérialisé par la fenêtre, qui permet de mettre en image l’absence de l’oiseau et sépare les espaces. L’intérieur pour l’enfant, l’extérieur pour l’oiseau, la vitre faisant lien ou séparation.
Elle disparaît d’ailleurs de l’image quand Merlito est montré seul, en l’absence de l’enfant qui pourtant semble le regarder, hors champ à son tour, puisqu’il lui parle “Ah, te voilà, tu es là…”
Le récit est essentiellement porté par les images, le texte, court, donne la parole au merle et à l’enfant tour à tour. On suppose que les titutitu du merle portent sensiblement le même sens que les paroles de l’enfant: “tu es là, tu n’y est plus, je te cherche, je te vois”.
Un jeu de coucou qui parle énormément aux enfants.
Bien que le traitement graphique soit très différent, on pense à Parti, dans lequel Jeanne Ashbé met également en scène un oiseau en relation avec un jeune enfant.
Mais visuellement, c’est l’influence d’Anne Herbauts qu’il m’a semblé reconnaître dans ces images qui mêlent dessin, peinture et collage. Un petit quelque chose de Kitty Crowther aussi peut-être, en particulier quand l’enfant est au couché, ses doudous le surplombant sur la tête de lit.
Il n’est pas étonnant que Florence Gilard, qui baigne dans la littérature enfantine soit inspirée par toutes ces grandes autrices (elle est comme moi lectrice professionnelle).
Mais elle crée ici son propre univers graphique, nourrit de toutes ces influences mais singulier et original.
J’espère vivement que cet album connaîtra le succès qu’il mérite et plus encore qu’il sera suivi d’autres sous cette plume prometteuse.