Poto le chien, Andrée Prigent, Didier jeunesse, 13€10
Il y a quelque chose de délicieusement désuet dès la couverture. La première page le confirme. On est sur une place de village, le genre d’endroit où tout le monde se connaît, les bonnes gens ici, aiment leur tranquillité.
Alors, quand un pauvre chien est abandonné, attaché à un poteau, ses aboiements déclenchent la foudre des villageois. Charcutière, épicière, jardinier se mettent à hurler à leur fenêtre. Tous, sauf un. Marcel. Il a détaché le chien et l’a baptisé Poto. Et l’amitié est née.
Mais si les braves gens n’aiment pas que l’on aboie sous leurs fenêtres, ils n’aiment pas non plus être témoins de la liberté que s’offre un chien amoureux.
Quand il fugue une nuit pour rejoindre sa Pepette, c’est sous les menaces des habitants qu’il revient. On lui prédit les pire choses. Marcel sera fâché, il va le tondre comme un mouton ou pire, le remplacer par un âne. La bienveillance n’est pas de mise, au point que le pauvre Poto s’inquiète et se met à douter, et si c’était vrai? Si Marcel ne lui pardonnait pas sa joyeuse escapade?
Mais Marcel, qui est d’ailleurs le seul personnage à être désigné par son prénom et non par sa profession, n’est pas comme tous ces notables. S’il a détaché la laisse de Poto ce n’est certainement pas pour le maintenir dans une prison affective, il a l’indulgence des pères qui voient s’éloigner leurs enfants.
Dans une très belle image en plongée on le voit, silhouette imposante, s’adresser à son chien tout piteux, avec toute la tendresse que peut avoir un homme pour son chien. Et il lui prépare son pâté.
Les mots (pourtant simples) comme les images ont dans cet album une grande force évocatrice. On est dans une chanson de Brassens, dans une pièce de Pagnol, dans un souvenir de notre propre enfance. Hors du temps, l’histoire est servie par les magnifiques images où les couleurs franches dominent et tranchent avec le noir omniprésent. C’est un très bel album qui ne manque pas de susciter des émotions.
Pour en avoir plus sur son autrice, visitez donc son site.
Avec la participation de Maurice
BERGER, Marie-Laure CADART, Olivier CHEVRIER, Michel
DELAGE, Bernard GUZNICZAK, Murielle HENRY,Christelle
HUMBLOT, Christian LECLERC, Philip NIELSEN, Hélène
ROMANO,Jonathan RUPPY, Karen SADLIER, Anne TURSZ, Lucile
VALLET, Mael VIRAT, Dominique YOUF
Collection: Les cahiers dynamiques
Editions: Erès
Prix: 12.50€
J’ai choisi pour ce billet un sujet pas très gai, celui de la maltraitance. Mais il est de notre devoir de s’en informer, que ce soit pour être vigilant dans notre vie quotidienne en tant que parent, membre d’une famille, voisin ou dans notre rôle de prévention de travailleur social.
Sans tomber dans la ridicule étiquette de repérage de la
délinquance dès le plus jeune âge (CF le collectif «pas de zéro de conduite»*) , mais en
surfant sur le « tout se joue avant 6 ans » (Fitzhugh Dodson), le
constat est établi que bien des difficultés rencontrées avec les adolescents en
conflit avec la loi, trouvent leur origine dans l’enfance. Postulat qui
n’induit pas que toute enfance « perturbée » engendrerait de la
délinquance bien entendu.
Un ouvrage regroupant différents auteurs, différents corps de métiers et différentes expériences ne peut être que d’une grande richesse.
Dominique Youf (rédacteur en chef de la revue Les Cahiers dynamiques) fait le constat d’un manque d’apports sur le développement de l’enfant dans les formations des éducateurs de la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) et du fait que pendant longtemps en France, les droits parentaux ont été prioritaires sur les besoins fondamentaux de l’enfant. Tout en rappelant l’impact des événements vécus enfant sur la vie adulte et la vulnérabilité qu’est la période de la petite enfance, ce livre est un recueil pour la protection de la petite enfance.
Maurice Berger, chef de service en pédopsychiatrie, créateur de hôpitaux de jour et d’une unité d’hospitalisation, a consacré une grande partie de sa carrière à la violence des enfants, avec la double casquette de médecin et de chercheur. Il nous parle ici, d’une forte tension interne ressentie par l’enfant, externalisée souvent par un acte violent, et qui se nourrira s’il n’y a pas de dispositifs d’écoute et de contenance rencontrés.
Il met également en lumière la notion de répétition, notamment
avec ce jeune, dont la mère se griffait les joues à l’intérieur, qui commet des
agressions dans la cavité buccale de ses victimes. Il distingue deux sortes de
traumatismes précoces : en plein et en creux. Contrairement à ce que l’on
pourrait croire, les jeunes les plus violents ne sont pas forcément ceux qui
ont été frappés directement, mais ceux qui ont assisté à des scènes brutales,
qui se fixent dans la mémoire traumatique.
Contrairement à l’image de puissance qui peut ressortir lors d’un
acte violent, c’est à l’impuissance des images qui
resurgissent en lui que le jeune fait face (« réviviscence » :
retour à l’état brut des évènements traumatiques du passé).
Avant 2 ans, l’enfant n’a pas la parole pour mettre des mots sur ce
qu’il ressent, les scènes de violence étant stockées sous forme de
perceptions (voir le rôle de l’amygdale dans le cerveau).
Maurice Berger pointe que « la négligence est négligée en France »,
c’est ce qu’on ne fait pas, du soin corporel au besoin de stimulations, ce qui constitue en somme de la maltraitance sournoise. Le manque de stimulations a des conséquences
neurologiques, notamment sur la création du réseau des neurones. « L’enfant
construit l’image de son corps à partir du maternage »: si le maternage
manque, le corps ne peut pas être représenté, encore moins comme enveloppé, et
donc non contenant.
Winnicott a écrit « pour éprouver un sentiment de sollicitude…il
fallait d’abord pouvoir se représenter l’autre comme distinct de soi, sinon on
ne peut avoir de sollicitude à son égard. Et pour pouvoir se le représenter comme distinct
de soi, il faut un schéma corporel soi-même bien construit ». D’où la
difficulté de situer le bien du mal, et de lutter contre les récidives.
Leur enfance n’en est souvent pas une, entre autres par manque de
jeux, notamment les jeux symboliques pour apprendre à « faire semblant »,
qui n’ont rien à voir avec les jeux vidéo, excitants, automatiques et non interactifs. Des bilans psychomoteurs ont même été
réalisés chez des ados très violents de 11-12ans, et 7 sur 11 d’entre eux ne
savent pas marcher à 4 pattes, se retourner au sol ou ramper. Il y a une
véritable rupture de leur petite enfance, dans leur développement psychique et
moteur. Lors de recherches au Québec sur l’attachement, quatre caractéristiques
essentielles ont été retenues pour un attachement « en confiance »: la sensibilité
aux messages de détresse/ la proximité/l’engagement dans la durée/ la
réciprocité.
Maurice Berger souligne aussi la question de l’éducateur comme
figure d’attachement. Figure qui sera testée dans son engagement par le jeune,
qui demande une stabilité et qui dirige dans une limite cohérente.
Anne Tursz, pédiatre épidémiologiste et
directrice de recherche, fait le point sur la maltraitance en France et met le
doigt sur la méconnaissance des signes de la maltraitance et sur les idées
reçues à ce sujet.
L’enfant, être vulnérable, peut subir
toute sorte de sévices, sans pouvoir en parler ni se défendre. Face à cette
injustice, il apprend à se taire. Ce mutisme va se transformer en véritable « bombe
à retardement » selon les propos d’Alice Miller (docteur en philosophie,
psychologie et sociologie, ainsi que chercheur sur l’enfance). La maltraitance
subie aura des conséquences plus tard, d’autant plus redoutables de par la
fragilité spécifique de l’enfant, se révélant bien souvent à l’adolescence par
une symptomatologie inquiétante. L’intervention de personnes salvatrices
peuvent tout changer.
Anne Tursz appuie sur le fait que la
maltraitance n’est pas que dans la rubrique « faits divers » mais s’englobe
dans une sphère plus globale de déni des besoins fondamentaux des jeunes enfants
(CF loi n°2007-293 réformant la Protection de l’enfance).
Les chiffres sont encore aujourd’hui
édifiants :
Elle rappelle le manque de formation sur la
sémiologie de la maltraitance, le manque d’investigations médicales et la
non-révélation des soupçons. Les signaux sont nombreux : ecchymoses,
fractures, cassure de la courbe de poids, repli sur soi, abattement etc… Mais
souvent difficiles à cerner, à ne pas confondre avec un déficit sensoriel, une
maladie ou un handicap. Elle décrit les 4 caractéristiques fondamentales de la
maltraitance : la précocité, la gravité, la répétition et la chronicité.
Elle casse également l’adage commun selon lequel la maltraitance est réservée
aux pauvres, car elle est essentiellement liée à des facteurs psycho-affectifs et
non à des facteurs socio-économiques.
La prématurité du bébé, les carences
affectives, les violences subies dans l’enfance du parent, son immaturité, l’isolement
moral, la dépression, l’intolérance, ou encore le sentiment d’être inapproprié sont
autant de facteurs de risques.
Hélène Romano, Dr en
psychopathologie-Habilitée à diriger les recherches, psychothérapeute, nous
parle de la mémoire traumatique. Toutes les allégations du déni de la
maltraitance peuvent trouver leur source dans « l’impossibilité de
concevoir qu’un enfant puisse être atteint par des violences ».Également qu’ « un adulte doit avoir en
lui, la force de survivre psychiquement et physiquement pour pouvoir s’occuper
d’enfants ».
Plus loin, Le concept de résilience (CF
Boris Cyrulnik) est forcément évoqué, Michel Lemay nous parle des carences
intra-familiales, Marie-Laure Cadart différenciera la prévention de masse et la
prévention précoce de Myriam David et il sera également question de la violence dans le couple.
Chaque participant de ce livre amène son
expérience et son savoir sur cette question de la maltraitance et en font un
ouvrage qui m’a passionnée, du haut de ses 118 pages, il donne envie d’écrire
un mémoire tant il est riche.
Pour aller plus loin :
Livres :
« J’ai mal à ma mère » Michel
Lemay
« L’enfance face au traumatisme »
Hélène Romano
« L’enfant et les jeux dangereux »
Hélène Romano
« L’enfant sous terreur » Alice
Miller
« C’est pour ton bien » Alice
Miller
« Les vilains petits canards »
Boris Cyrulnik
« Pas de 0 de conduite pour les
enfants de 3 ans, manifeste pour une prévention prévenante » éditions érès
« Attachement et perte »
J.Bowlby
« Adolescence en crise, la quête de l’identité »
E.H Erikson
« Accueillir les adolescents en
grandes difficulté, l’avenir d’une désillusion » C. Bynau
« Les causes de la délinquance »
L. Begue
« Les oubliés, Enfants maltraités en France
et par la France » A.Tursz
« Ces enfants qu’on sacrifie … au nom
de la protection de l’enfance » Maurice Berger
« L’échec de la protection de l’enfance »
Maurice Berger
Tu m’attraperas pas! Thimoty Knapman, Simona Ciraolo, pastel, 13€
Quelle véloce petite souris, on n’a même pas le temps de la suivre du regard que déjà, elle est de l’autre coté de la page. Et elle est bien consciente de sa rapidité, ce qui la rend taquine avec Tom, le vieux chat. Elle lui file entre les pattes, le nargue jusque sous ses moustaches et se moque de lui.
Le pauvre est courroucé aux possible et rapidement c’est pour lui qu’on se prend de sympathie, même s’il est le prédateur.
La petite Jackie veut rapidement se confronter à plus fort, elle file dans les champs où elle rencontre le renard. Rusé le renard? Pas tant que ça, la souris lui échappe aussi. Suit une confrontation avec le loup puis l’ours. Jackie, crâneuse, leur fait des pieds de nez et toujours s’échappe en se vantant.
Avec les prénoms Tom et Jackie, on n’est pas très loin de Tom et Jerry et ce n’est probablement pas un hasard. On retrouve ici le dynamisme, l’expressivité des personnages et le mouvement des cartoons de notre enfance.
Le rythme est parfaitement maîtrisé, les illustrations sont très drôles.
On retrouve aussi la structure du conte bien connu « roule galette ». Dans cette version plus moderne, on se réjouit d’autant plus de voir la victime se faire croquer à la fin qu’elle s’est montrée agaçante dès le début.
Et puis, disons le, ce vieux qui crie sur cette vieille dans le conte du père castor, on finit par s’en lasser.
Bref, c’est un album qui dépoussière agréablement l’histoire.
J’ai un peu la tête sous l’eau en ce moment, difficile de trouver le temps pour faire des billets.
J’en profite donc pour vous faire part de mes actus.
Au chapitre publications, dans le dernier n° de la revue Spirale, j’ai co-signé un article avec ma collègue Séverine Gaudré dont le titre est « différentes représentations de la fratries dans la littérature jeunesse ». Vous pouvez le consulter en ligne sur le site cairn.
Voilà sa présentation:
La fratrie est un sujet très souvent abordé par la littérature jeunesse : parents et professionnels se tournent volontiers vers les livres pour accompagner leurs aînés dans cette aventure. Dans cette abondance, certains albums sortent du lot. Ce sont ceux qui, par leurs qualités littéraires et graphiques, laissent aux jeunes lecteurs leur place de sujets qui ne demandent qu’à être acteurs de leur propre vie.
Pour ma casquette de formatrice en littérature enfantine, vous pouvez vous inscrire à la formation Lire avec les très jeunes enfants, quels livres quelles pratiques, qui aura lieux le 15 juin dans les locaux de L.I.R.E à Paris. C’est une journée qui s’adresse à tous ceux qui ont l’occasion de lire avec des petits, que ce soit dans un cadre professionnel ou bénévole. J’y parlerais des difficultés que l’on peut rencontrer avec les enfants (que faire quand un bébé met systématiquement les livres à la bouche, comment réagir avec un bambin qui part pendant la lecture, est-il important de respecter le texte etc) et j’y présenterais des albums de qualité qui ont fait leurs preuves sur le terrain.
Enfin, les associations LIRE à Paris et Le Furet organisent une journée d’étude dont le thème est Dès la petite enfance, lecture d’albums pour lutter contre les discriminations. Outre l’intervention que j’y ferais avec ma collègue Céline Touchard (intervention à cause de la quelle je n’ai pas le temps de faire une chronique aujourd’hui, donc), le programme est riche et passionnant. Et on me chuchote dans le creux de l’oreille qu’un tarif réduit est envisageable pour les chômeurs ou les étudiants, n’hésitez pas à appeler.
Et n’oubliez pas que vous pouvez retrouver toutes ces infos et bien d’autres sur la page facebook du blog.
Tiens, on la connaît cette petite lapine là. Elle nous avait déjà bien fait rire dans gros mensonge. Et sa mère, à la mine tellement expressive aussi.
Aujourd’hui, c’est pas la grosse patate. Dès le réveil, alors que sa mère pète la forme, la mouflette se montre maussade. C’est pas qu’elle affirme que ça va pas, hein. Mais son unique réponse à chaque proposition de sa mère ne laisse pas beaucoup de place au doute. Ce Bof… sans cesse répété inquiète quand même un peu sa maman. Moi, perso, je me demande si elle serait pas en train de rentrer doucement dans la pré-adolescence, tout simplement (oui, j’ai ce modèle là à la maison, le Bof revient souvent chez moi aussi)
La mère n’est pas décidée à se laisser abattre, elle redouble de propositions joyeuses pour remédier à la mélancolie de sa petite chérie. Et elle est à donf’
Elle entre dans une surenchère où elle n’économise pas ses forces: si le texte reste sobre, l’image la montre jonglant avec le SUPER petit déjeuner ou jouant de 4 instruments à la fois.
La gamine semble plutôt indifférente mais on peut supposer que derrière la façade (une pré-ado je vous dis) elle est tout de même un peu interloquée par l’attitude de sa mère, la tête qu’elle fait sur son portrait dans un cadre au mur en atteste.
Partie dans son truc, la mère s’emballe, le rythme s’accélère et elle finit même par perdre de vue sa fille, qui sort du champ de l’image sur une double page où elle enchaîne les prouesses vaines avec une bonne humeur qui devrait être contagieuse.
L’humeur de l’une et de l’autre finissent par converger, et on retient surtout de cette tranche de vie la tendresse de leur relation.
J’aime les images pleines de pep’s, dynamiques et joyeuses, qui accompagnent parfaitement le texte court et dialogué. Difficile de ne pas se prendre d’affection pour ces lapines, elles savent attirer la sympathie.
Les psy-trucs pour les enfants de 0 à 3ans de Suzanne Vallières, Collection « Parents d’aujourd’hui », éditions « Les éditions de l’Homme », août 2008, 13.50€
De la grossesse à la fin de la petite enfance, Suzanne Vallières nous fait voyager à travers les étapes de « l’aventure bébé » que toute mère a vécu au travers de questions simples, auxquelles elle apporte des réponses. Et que tout professionnel petite enfance est amené à accompagner.
Après un bref rappel de ce que le fœtus est déjà en capacité de faire : à 4mois in utéro le bébé peut déjà entendre, sentir le contact et les caresses, le toucher (cordon ombilical, mouvements), vie sensorielle intense, perceptions des émotions de la maman… Elle étaye les moyens de communication à disposition de son entourage durant la grossesse : paroles et sons, le chant maternel (qui apaise ET apaisera après la naissance), la musique (stimule l’hémisphère droit, réduit le stress, diminue rythme cardiaque et pression artérielle), le tactile.
Suzanne Vallières nous parle également de l’haptonomie ou
« toucher affectif » créée par Frans Veldman et répandue en France,
méthode qui permet d’apprendre à communiquer à travers le ventre et peut ainsi
inclure le papa tout en procurant une sensation de sécurité et de chaleur au bébé.
« On ne naît pas parent, on le devient « comme le disait notre chère Françoise Dolto, Suzanne Vallières invite à se renseigner pour mieux appréhender
le bouleversement de l’arrivée du nouveau-né : organisation, fatigue, nuit
blanche, pression de l’entourage, baby blues, impact sur le couple, peur de mal
faire et tant d’autres choses ! Suzanne Vallières apporte une série de
conseils pour vivre ces changements de manière plus sereine : ne pas se
couper de l’extérieur, demander de l’aide-parfois professionnelle-, se
permettre des périodes d’évasion, prendre l’air, prendre soin de soi etc…
Elle pointe également que le rôle du père a beaucoup évolué ces dernières années,
pour aujourd’hui avoir un vrai rôle complémentaire de la maman, nécessaire à l’équilibre
de la fusion bébé-mère, et posant les bases d’un modèle masculin.
Osons parler du baby blues qui, avec la chute des hormones à partir du 3ème
jour, entraîne fatigue physique et émotionnelle. Seul remède : la prévention qui
diminuera le stress : chambre prête, repas préparés à l’avance, aide de la
famille et des amis au retour à la maison etc…À différencier de la dépression post-partum (10% des
femmes) dont les symptômes sont différents.
Autre incontournable, le lien d’attachement qui est le lien d’affection intense
entre l’enfant et ses parents, se construit (surtout de 6 mois à 2 ans) à
travers la relation, en passant du temps avec l’enfant, loin des fameux « ne le porte pas trop il va s’habituer ». Il y a une corrélation
directe entre un lien d’attachement solide (apportant sécurité physique et émotionnelle
à l’enfant) et la construction de l’estime de soi.
Le pleur exprime un besoin, en particulier les pleurs du soir permettent de décharger la tension accumulée de la journée. Il existe différents types de
pleurs : La fatigue , le besoin d’affection, la douleur, la colère, la faim vite douloureuse et angoissante… Ne pas y répondre entraîne un sentiment
d’insécurité.
Suzanne Vallières nous rappelle le fonctionnement du sommeil chez le tout-petit :leur horloge biologique est sur des cycles de 3-4h, une nuit complète de
6H, la différence jour/nuit est effective autour du 6 mois, et l’ importance du rituel.
Elle retrace également la place du doudou, du rituel du dodo, de la tétine, le difficile choix mode de garde, les épisodes de morsures,
de cauchemars, de crises, l’acquisition de la propreté, du partage, la tumultueuse période du NON, l’importance dans les choix de jeux et de jouets. Tout au long du livre, nous avons des « psy-trucs », petit mémo synthétisant ce que nous venons d’apprendre.
Dans « Il y a un monstre sous mon lit », les peurs sont traitées comme un processus normal
du développement de l’enfant, qui viennent d’expériences non comprises et entraînent une réaction de
survie et l’instinct de protection. Surtout de 2 à 6 ans car l’imaginaire est à son apogée. La peur du noir est la plus fréquente car l’obscurité cause un manque de
repères. Pour l’enfant il y a une confusion du monde réel et imaginaire à ne pas oublier. Il faut toujours les prendre en compte,
ne pas se moquer et rassurer pour renforcer la sécurité affective. Ne pas dramatiser et transmettre ses propres peurs. Ne pas être en
surprotection ni mettre l’enfant trop tôt devant sa peur, y aller graduellement avec
encouragements. Suzanne conseille entre autres, d’utiliser des marionnettes, livres, dessins etc…
Autre étape décisive: l’agrandissement de la famille : faire participer
les autres enfants, mettre des mots, ne pas les délaisser, lire des livres ensemble sur le
sujet. Ne pas les laisser de côté en leur disant qu’ils sont grands, il faut
même redoubler d’attention envers l’aîné, ne pas changer ses habitudes et garder
des moments d’exclusivité. Jalousie, agressivité et régression peuvent
arriver : rassurer sur le fait qu’il est toujours aimé autant, le faire
participer à la vie quotidienne du bébé, lui montrer le côté sympathique de son
rôle de grand frère ou grande sœur. Ne
pas céder à la régression, plutôt parler de quand lui était bébé.
N’oublions pas la notion de séparation et l’angoisse du 8ème mois où le bébé
passe de la symbiose à l’individualité en quelques semaines, il faut rester
serein sans aller dans l’excès de symbiose ni forcer à aller vers l’autre, c’est une
période tout à fait normale qui passera et demande à être accompagnée. Il est conseillé de ne pas faire durer les moments de
séparation, cela augmente l’angoisse de l’enfant, et surtout de toujours prévenir l’enfant
de notre départ.
L’importance du livre, que j’ai déjà développé à plusieurs
reprises dans les précédents billets est ici réaffirmée par Suzanne Vallières.
Et cela dès 3 mois ! Moment privilégié entre l’adulte et l’enfant, le
livre est une activité simple, source d’éveil, d’imagination et de réponses. Le
livre permet d’enrichir le vocabulaire de l’enfant, de s’améliorer en
orthographe et de mieux comprendre ses émotions en s’identifiant aux
personnages.
Pour l’autorité et la prévention des conflits, la loi des « 4 C » nous est présentée:
les règles doivent être Claires, Concrètes, Constantes et Cohérentes. Quant à la socialisation, elle passe par l’apprentissage des règles sociales et de politesse, par des
rencontres, sans sur-protectionnisme et sans oublier que l’adulte est avant tout un modèle pour l’enfant.
Bref, un ouvrage dans la continuité de l’éducation bienveillante, parsemé de repères pour parents et professionnels.
Suzanne Vallières est psychologue et travaille dans le domaine des médias depuis 1996. En plus de collaborer à diverses publications, elle livre le fruit de ses dix-neuf ans d’expérience auprès des jeunes, en tant que formatrice spécialisée, thérapeute, conférencière et mère de 3 enfants!
Pour
aller plus loin :
« Le
père et son enfant », FITZHUGH Dodson
« La
propreté », RIGON Emmanuelle
« Bébé
pleure » RUFO Marcel
« Le
sommeil chez l’enfant » REICHERT Bonny
« Lorsque
l’enfant paraît » 3 tomes DOLTO Françoise
« Tout
n’est pas forcément psy » BEN SOUSSAN Patrick
“L’intelligence
du cœur” : FILLIOZAT Isabelle
“Au
cœur des émotions de l’enfant” :FILLIOZAT Isabelle
Il était une fois… La traversée, Véronique Massenot, Clémence Pollet, HongFei 13€50
C’est l’histoire d’un éléphant qui veut traverser la rivière. Il est sympa l’éléphant, quand un couple de tigre demande s’ils peuvent monter sur son dos, pour éviter de se mouiller, il accepte tout naturellement. Ils sont sympa les tigres, quand trois singes demandent à monter sur leur dos pour traverser aussi, ils acceptent sans hésitation. Les singes aussi d’ailleurs sont sympa, ils prennent la famille de mangouste.
Vous l’aurez compris, nous avons affaire à un conte en randonnée, avec accumulation, ce qui explique le format à la française tout en hauteur de l’album. (oui, parce que moi quand j’ai vu la couv, je me suis dit « quelle drôle d’idée ce format pour une histoire de déplacement ». J’aurais du me douter qu’il y avait une raison, d’ailleurs l’empilement est déjà présent sur la couverture, pour une experte de la lecture de l’image je n’ai pas fait fort sur ce coup là)
Les images en linogravure, délicates et épurées, complètent et enrichissent le texte. Un élément minuscule, qui serait presque invisible si sa couleur rouge ne contrastait pas tant avec le vert de l’herbe ou le gris de l’éléphant, s’y est glissé. On le suit de page en page, imaginant qu’il sera la clef du dénouement.
Mais non, les autrices jouent la surprise et la chute est improbable.
Si l’on reconnaît dans cet album une structure de conte classique, que l’on peut retrouver dans Le gâteau perché tout là haut ou La moufle par exemple, le traitement et l’histoire parallèle, racontée uniquement par l’image, lui donne une originalité certaine.
Le texte est travaillé en rimes et allitérations, il caresse agréablement l’oreille. Et puis il est toujours bon de lire des histoires qui portent des valeurs d’altruisme et de solidarité, de voir des animaux complètement différents s’associer et se montrer solidaires les uns des autres.
Capitaine maman, Magali Arnal, école des loisirs, 12€70
Comme son nom l’indique, Capitaine Maman mène sa barque. Enfin, son bateau plutôt. Et, visiblement elle est aussi à la tête d’une belle famille, composée de Chaton 1, chaton 2 et chaton 3. Elle est secondée par Quartier-Maitre Mémé, dans sa vie professionnelle comme familiale.
Et présentement, c’est sa vie professionnelle qui l’occupe toute entière: elle vient de faire une découverte archéologique majeure. La statue de la Grande Reine, si longtemps recherchée repose sous l’eau.
Alors quand les chatons s’incrustent sur le bateau, ça l’enchante moyennement. Elle confie la marmaille à Quartier-Maitre Mémé et plonge de nouveau, avec tout le matériel nécessaire. Mais, même pour la plus célèbre des archéologues, la mission est délicate et les chatons sauront se montrer à la hauteur pour aider leur mère.
Entre album (très grand format) et bande dessinée, l’histoire se raconte en pleine pages ou en petites vignettes, quand le rythme s’accélère.
Si le fait d’avoir affaire à des animaux anthropomorphisés donne tout de suite un air fantaisiste à l’album, il offre également des précisions techniques qui lui donnent une portée documentaire (vous saurez tout sur le fonctionnement d’un sous-marin scientifique).
Au delà de l’histoire, c’est le portrait d’une femme indépendante, volontaire et dynamique qui a fait mon bonheur dans cet album.
Elle semble jongler sereinement entre le travail, la famille et même les obligations sociales (c’est qu’elle est célèbre, donc très sollicitée). Elle sait se mettre naturellement au centre de sa propre vie.
On devine la mère célibataire, mais pas du genre à chercher son salut dans le prince charmant (qui prend ici la forme du maire de la ville, symbole du pouvoir moderne et dont elle ignore totalement les avances). Nul besoin de mariage heureux pour être l’héroïne de sa propre histoire, et puis d’abord elle à déjà les nombreux enfants, que ferait-elle d’un mari dans les pattes?
Nul doute, nous avons affaire à un album de l’école des loisirs: Les couleurs, le découpage entre images à fond perdu et vignette, le mélange de fantaisie et de rigueur scientifique sont des ingrédients qu’on retrouve dans les livres d’Adrien Albert ou Audrey Poussier et, bien sûr, d’Anaïs Vaugelade. Sans doute n’est-ce pas un hasard, puisque c’est elle qui édite tout ces albums. Elle prouve encore une fois qu’elle n’est pas seulement une autrice illustratrice talentueuse mais aussi une éditrice épatante qui fait émerger de nouveaux talents. Magali Arnal est une nouvelle venue dans le milieu, qui a déjà une belle réussite à son actif: Notre camping-car.
Moi, parfois… Agnès De Lestrade, Sylvie Serpix, Bulles de savon
L’enfance est faite d’inconstances. On aimerait bien, parfois, que tel enfant soit juste doux, tel autre un petit déménageur, que celle-ci soit généreuse et celui-là particulièrement passif. On aime bien, au fond, quand on peut poser une étiquette. On la pose sur l’enfant, paf, en plus généralement les gamins se conforment à ce qu’on dit d’eux, c’est pratique, les voilà identifiés, stigmatisés peut-être, rangés dans une petite case dont ils auront bien du mal à sortir.
Heureusement, comme souvent, la littérature enfantine vient à leur secours.
Ici, c’est une mouflette malicieuse qui affirme avec humour son droit à l’inconstance.
Baskets rouges aux pieds, elle avance sereinement vers l’avenir sur la couverture.
Dans l’album, elle se définit elle-même, en nuance voire en contradiction, avec ses qualités et ses défauts. Elle est tour à tour minuscule ou géante, piquante ou câline, et parfois même tout cela à la fois.
Pour appuyer son propos, l’image la montre sous les traits de différents animaux, mais les enfants ne s’y trompent pas, ils la reconnaissent à tous les coups à ses fameuses baskets. « Elle est déguisée » disent les plus jeunes, alors que leurs aînés comprennent bien qu’elle est tout simplement multiple, multiforme, changeante, une vraie enfant quoi!
Un texte court et rythmé accompagne les images dynamiques et chaleureuses. Un joli album dans le-quel les enfants peuvent identifier émotions et humeurs avec humour et légèreté.
Le petit chat de Lina, LEE, Komako Sakaï, école des loisirs
Tout commence par un petit miaulement derrière une porte. Miii, miii, miii, mais qui pleure ainsi? Lina et sa mère découvrent alors le chaton, tout petit, le poil ébouriffé. Sa mère est là aussi, avec ses deux autres petits. Si elle a accompagné son bébé jusqu’à la porte des humains, c’est qu’il a besoin de leur aide, il est malade, il faut le soigner.
Entre maman, on se comprend. La chatte et la mère de Lina échangent un regard. Et voilà le chaton adopté.
Il a les yeux mal en points mais il n’est pas aveugle, un petit tour chez le vétérinaire et tout rentrera dans l’ordre.
Au début, Lina trouve que ce chat est quand même moins mignon que ceux de l’animalerie, mais il faut bien avouer que quand elle le prend dans ses bras, l’écoute ronronner et le sent respirer elle est sous le charme.
Très vite, elle se sent responsable de lui, au point qu’elle est très inquiète quand il disparaît.
On sait que Komako Sakaï est incroyablement douée pour dessiner les traits de l’enfance. Ici elle arrive en outre à rendre parfaitement la fragilité du chaton, auquel il est impossible de rester indifférent.
Cet album est une histoire très charmante sur l’adoption, le soin qu’on peut apporter aux autres, le sentiment maternel et l’empathie.
Lina est une vraie petite mère pour le chat, puisqu’elle va s’en occuper, s’inquiéter pour lui et finalement, c’est elle qui va le baptiser.