Où tu lis, toi? Cécile Bergame, Magali Dulain, Didier jeunesse, 13€10
Dans cet inventaire à la Prévert, sont recensés tous les lieux de lecture affectionnés par les enfants. Et les adultes d’ailleurs, même si la cabane qui a oublié de grandir peut se révéler un peu juste pour nous autres.
Page de gauche, le texte, et une simple forme au trait orange pour styliser l’endroit nommé. Page de droite, l’image à fond perdu, colorée, fourmillante de détail, on s’y croirait.
Et puis, de temps en temps, une pleine page pour casser un peu le tempo et créer la surprise.
Certaines phrases sont des alexandrins, pas toutes et je le regrette. Mais toutes ont un rythme agréable à lire à voix haute, elles sont simples mais poétiques.
Quand on lit cet album avec des enfants qui savent déjà bien parler, le jeu s’instaure naturellement, chacun cite son petit coin préféré pour lire. Et souvent les enfants s’attachent à chercher l’endroit le plus improbable, ce qui peut donner lieu à de bonnes parties de rigolades.
Avec les grands lecteurs, on peut aussi s’amuser à reconnaitre les couvertures des livres représentés, le trait inimitable de Kveta Packovska, de Caude Ponti ou encore d’Hergé.
Auteurs :Sous la direction de Patrick Ben Soussan avec Yvonne Knibiehler, Michel Lemay, Marcel Sanguet
Collection : 1001 BB
Editions : ERES
Prix: 10€
Pages :133
Après plusieurs mois d’absence consacrés à diverses choses (un DEUG de Psychologie, un deuxième degré de langue, la création d’une crèche…) dont la plus importante, ma petite fille de 7 mois, me revoilà pour la chronique consacrée aux livres pour adultes !
Nouveau rythme oblige, il y aura un billet par mois et non plus deux, sortant le deuxième lundi de chaque mois !
Au plaisir de vous retrouver…
J’ai choisi pour cette reprise une valeur sûre, un ouvrage de la collection 1001 bébé : « le bébé et ses peurs ».
Colorons d’abord cette peur « c’est ainsi que la peur nous en fait voir de toutes les couleurs et le langage commun l’a fiancée à l’arc-en-ciel. Ne dit-on pas blanc de peur, ou blême comme un fantôme, un cadavre, un linge, à moins que l’on ne soit bleu de peur ou vert de trouille, qu’on se fasse un sang d’encre ? ». Étant sur un projet de création de crèche depuis 3 ans s’appelant « arcanèl », arc-en-ciel en occitan, je ne pouvais louper cet extrait 🙂
La peur est un sentiment ancré chez l’être humain et d’une manière générale, chez les êtres vivants. C’est avant tout une réaction afin de pérenniser la survie de l’espèce.
Yvonne Knibiehler fait un tour d’horizon historique de la peur, de la place de la famille et de la femme. Elle y point l’évolution de nos sociétés et ses conséquences sur la maternité. En bien ou en mal, là n’est pas la question.
La peur met en veille nos autres émotions et capacités, Patrick Ben Soussan en témoigne au début du livre lorsqu’il livre son expérience personnelle. Quand sa femme a accouché de leurs jumelles, l’une d’elle était au plus mal. Malgré son parcours et son expérience professionnelle, il est resté figé par la peur et ses connaissances sont restées inaccessibles.
Jusqu’au moment où tout cela est parvenu à se frayer un chemin jusqu’à la conscience, et il demanda à ce que la petite soit laissée près de sa mère -sur les propres conseils que lui-même donne -auprès de laquelle elle récupéra très vite.
Marcel Sanguet souligne ce fameux écart de bébé imaginaire, bébé idéal et bébé réel. Il assume le point de vue qu’un enfant docile et sage n’est pas preuve de réussite éducative. Quel parent aujourd’hui n’a pas la crainte d’entendre que son enfant est mal-élevé, malpoli ou encore enfant « roi » ? Et si on réfléchissait à cette fameuse « élévation » ?
La peur a ce paradoxe qu’elle nous inhibe et en même temps nous met en mouvement. Qui n’a jamais été paralysé à la vue d’une araignée, d’un serpent ou tout autre sensibilité ? Ou au contraire, fait un bond d’un mètre ou est parti en courant ? Elle « étreint, abat, excite, fait taire ».
Quelle est LA peur fondatrice de l’humanité ? La peur de l’abandon nous disent ces auteurs. L’abandon, cette perte de sentiment de continuité d’existence.
L’être humain la ressent tout petit, d’abord par les peurs innées et les réflexes dits archaïques (ont le réflexe de Moro et de préhension). Vous avez sans doute déjà vu, lorsque le petit bébé de quelques semaines lève très haut ses petits bras en l’air en dormant, c’est en fait car il pense qu’il est en train de tomber et essaie de se rattraper. La peur est donc présente en nous
dès la naissance. Ce réflexe, qui est celui de Moro, est en fait l’ébauche du sursaut, que l’on retrouvera chez le bébé plus grand lors d’un bruit inattendu.
Le bébé est en attente de familier ,de continuité, de « mêmeté d’être » de notre chère Dolto.
Michel Lemay va même plus loin, argumentant que la peur s’installe dès l’envie de conception (est-ce qu’on va y arriver ? Quand ? Sera-t-il en bonne santé ? L’accouchement ?).
L’arrivée de l’enfant renvoie à nos propres origines et réveille d’anciennes peurs et angoisses bien enfouies. Freud ira encore plus loin, fondant la première liée à l’accouchement, inscrite dans l’inconscient.
La peur peut aller loin et se développer jusqu’à l’angoisse. L’enfant connaîtra l’une des plus fortes angoisses aux alentours de 8 mois (bien que Patrick Ben Soussan la situe de plus en plus tôt, pouvant démarrer dès 5 mois). L’angoisse dite de séparation (le second organisateur psychique selon Spitz). Le bébé comprend que sa mère et lui sont en fait deux personnes et non une seule unie, ce qui va engendrait la peur de l’étranger, qui pourrait le séparer de ses figures d’attachement. Cette peur d’être séparé, qui au final fera grandir ce petit être (et sans doute ses parents) et lui faire gagner en autonomie et construction de soi.
Il y a les peurs innées et les peurs acquises : celle d’être dévoré, du père tout-puissant, du noir, du bruit, de la solitude, du monde… En deçà de l’inné et l’acquis il nous faut prendre en compte l’aspect historique et culturel que nous portons tous et qui modifie notre rapport à la peur. Selon les représentations culturelles, elle peut être vue comme une faiblesse, une lâcheté, voire avoir un sexe (je vous laisse deviner lequel…).
Elle représente une rupture d’équilibre qui menace la sécurité, mais qui est en fait constructive dans un environnement contenant.
L’enfant va défier ses peurs grâce à l’imaginaire, c’est ainsi qu’il jouera même à se faire peur, qu’il dévorera les livres du grand méchant loup et que ses personnages ou poupées auront une vie bien aventureuse. Les supports imagés sont très importants dans le développement de cet
imaginaire.
Je vous laisse lire le livre pour aller plus loin avec notamment l’expérience du petit Albert et du rat blanc de John Watson, les trois fondements et de la psyché de Platon, les neuf émotions reconnues aujourd’hui, l’origine phylogénétique trouvée par Bowlby et les six couples de comportements de Darwin. Bha oui, il ne faut pas tout vous dévoiler non plus 🙂
Vous y trouverez aussi les références au Petit Prince, à Nietzsche, à Baudelaire, à Wallon, à Alice au Pays des Merveilles, à Sartre, à Stern, si, si je vous jure, tout ça dans le même livre.
Vous trouverez également en toute fin de livre une liste «la peur dans les albums pour les enfants de 0 à 6 ans ».
La peur nous poursuivra toute notre vie car « grandir c’est perdre…ça fait peur et c’est douloureux » et elle côtoie toujours la mort par la peur de mourir ou lorsqu’on meurt de peur…
Pour aller plus loin :
André.C « la peur des autres »
Ariès.P « l’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime »
Filliozat.I « au cœur des émotions de l’enfant »
Winnicott D.W « jeu et réalité »
Lasalle.H « peur et passion de grandir »
Patrick Ben Soussan est pédopsychiatre, responsable du département de psychologie clinique
de Marseille, directeur de trois collections : « 1001BB », « 1001 et + » et « L’ailleurs du
corps », ainsi que de deux revues Spirale, la grande aventure de Monsieur Bébé et Cancers &
psys.
Yvonne Knibiehler est une universitaire, essayiste, historienne et féministe française.
Michel Lemay est un pédopsychiatre français et professeur émérite de psychiatrie de l’enfant
et de l’adolescent à la faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Marcel Sanguet est psychologue clinicien et psychanalyste.
Dolto en héritage, Tout comprendre, pas tout permettre
Auteur: Edwige Antier
Collection :
« Réponses »
Editions : Robert
Laffont
Prix : 19 .50€
Pages : 283
« Laissons l’enfant
aussi libre que possible, sans lui imposer des règles sans intérêt.
Laissons-lui seulement le cadre des règles indispensables à sa sécurité… ».
Depuis quelques années déjà, j’avoue être agacée par la
déformation ambiante des propos de Françoise Dolto. Il est facile de se déculpabiliser
en accusant un mouvement pédagogique… Et encore pire, elle est même aujourd’hui
accusée d’être à l’origine des enfants « tyrans » tellement à la mode…
Françoise Dolo était une pionnière et visionnaire, pressentant ce
qu’il se jouait dans le développement de l’enfant sans avoir les éléments
scientifiques (confirmant ses dires) que l’on connait de nos jours.
Il ne s’agit pas d’être en accord avec toutes ses idées mais de
prendre du recul sur tout ce qui a été apporté lors des émissions de France Inter
« Lorsque l’enfant paraît » à partir de 1977.
Rousseau nous avait amené son côté philosophique sur l’enfant,
F.Dolto l’a enrichi de son œil de psychanalyste, tout en s’appuyant sur « le
bébé est une personne » de D.W. Winnicott . Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel tout cela s’inscrit,
Mai 68 et sa mouvance de liberté était passée par là.
Edwige Antier fait le point sur la « parole Dolto », ce
qui peut encore s’appliquer aujourd’hui et ce qui est devenu désuet suite à l’évolution
sociétale.
Françoise Dolto était, elle-aussi, prise entre les deux
tiraillements que nous connaissons : le bien-être du bébé et la liberté de
la femme croissant (CF Badinter, Beauvoir etc…). La femme ne se réalisant plus
uniquement à travers son rôle de mère mais aussi par sa vie professionnelle,
des modifications au sein des pratiques ont été inévitables. Ce dilemme était
et est encore source de culpabilité…
E. Antier résume les dérives autour de la parole Dolo en une
phrase clef « TOUT COMPRENDRE N’EST PAS TOUT PERMETTRE ». Nous
assistons à un envahissement du vocabulaire psychologique, les salles d’attente
des psychologues sont pleines. Remplies de parents démunis, qui, perdus dans le
flot de ce qu’« il faut faire », ne savent plus sur quel pied danser
et ont oublié leur spontanéité.
La déformation principale que nous retrouvons est de penser qu’il
faut TOUT DIRE aux enfants. F.Dolo insistait sur le fait de seulement dire les
vérités qui concernent l’enfant, la relation à sa mère, les choses
ESSENTIELLES. Tout en respectant l’intimité de l’enfant (toute la famille n’a
pas besoin de savoir que le petit garçon a un problème de testicule !).
Toutes les confidences ne sont pas utiles (en consultation il est vu des
enfants au courant des relations extraconjugales des parents, des déboires
judiciaires etc…). Il s’agit juste de ne pas tricher avec les vérités
fondatrices de la vie de l’enfant. Les enfants sentent le climat émotionnel du
foyer, surtout quand les parents se réunissent entre eux pour parler de ce qu’ils
vont ensuite leur annoncer. L’enfant peut être en capacité de garder un secret
si sa relation avec ses parents est claire. Nous avons déjà vu des enfants
muets car ils s’interdisaient de parler, ayant deviné un secret.
Des expériences ont prouvé que dès la naissance, le nourrisson
comprend les émotions de sa mère (évaluer dans trois situations : mère
apaisée, confuse, inquiète, comparé au rythme cardiaque du bébé), et nous
savons également que durant la première année c’est l’hémisphère droit du
cerveau (captation des émotions) qui se développe le plus, d’où l’importance de
ce qui est dit au-dessus de la tête de l’enfant dès la naissance !
Dans la tête de de l’enfant, avant 6 ans tout peut exister,
E.Antier prend l’exemple d’une maîtresse d’école devenant homme, sur les mots à
poser dessus, si l’enfant est en demande. Mais il ne sera pas choqué par cette
transformation car il n’y a rien d’anormal pour lui. À l’enfant qui dit ne pas
avoir voulu naître, il peut lui être répondu qu’il s’est malgré tout « accroché »
à la vie lors de sa conception, au petit garçon qui sait que sa maman voulait
une fille, il peut lui être expliqué qu’il y avait cette préférence mais que grâce
à lui, elle est réconciliée avec les petits garçons.
E. Antier aborde également les sujets du mensonge, en rappelant qu’un
enfant de moins de 8 ans ne ment jamais (sauf enfant précoce qui le peut plus
tôt ou exigences parentales tellement élevées que l’enfant développe une
stratégie de protection), que pour eux il y a « le vrai pour de vrai »
et « le vrai pour de rire » et qu’il faut différencier affabulation
et mensonge.
Ce livre traite aussi du baiser sur la bouche de l’enfant,
que l’on voit régulièrement réapparaître dans les débats et de la question de
la nudité. Le « petit humain sait tout dès qu’il est né » s’est
transformé en il peut tout voir et on peut tout faire devant lui. Or, dans son
développement l’enfant traverse différentes phases, dont celles de « latence »
où tout ce qui est sexuel est comme enfoui dans une mémoire archaïque car il se
concentre sur d’autres choses : les apprentissages sociaux et scolaires.
Cette phase n’est donc pas propice à être exposée à des éléments sexuels.
Pour Dolto, dans notre culture le baiser sur la bouche est associé
à un acte qui se pratique entre amoureux (ce qui est différent dans d’autres
pays). L’enfant connaît ces codes sociaux, il n’est donc pas utile de flirter
avec cette frontière correspond à une zone érogène, alors qu’un baiser sur le
front peut être bien plus symbolique et puissant.
La nudité ne doit pas être tabou, mais elle différencie le fait de
surprendre son parent en sortant de la douche et de se balader nu dans la
maison. Cet équilibre est essentiel pour l’image corporelle en devenir, qui
doit trouver sa place entre exhibitionnisme et pudeur exagérée.
E.Antier évoque également le grand « le pauvre il attend un
petit frère ». On ne peut le nier, il existe une forme de « bébôlatrie »
pour les parents, mais ce n’est pas le cas pour l’aîné. Il est possible de lui
dire, qu’en effet, le nourrisson n’est pas intéressant pour lui, qu’il l’est
pour une maman parce que c’est son métier de mère. Que ce bébé a tout à
apprendre par rapport à lui qui sait déjà faire tant de choses. La jalousie n’est
pas forcément mauvaise, c’est « une fantastique étape dans la maturité de
l’être humain ». Il n’y aura de toute façon pas de justice pour l’enfant,
qui considère les choses injustes s’il n’a pas tout.
La « démission » parfois observée des parents, les mères
tyrannisées, les enfants souffre-douleurs, agressifs (quand on ne s’aime pas c’est
difficile de trouver les autres toujours mieux et de ne pas les taper), la fessée,
les problèmes de violence à l’école avec les sous-effectifs que l’on connaît
sont également abordés.
La place du papa, parfois compliquée à trouver entre tendresse et
autorité, qui a beaucoup évolué dans notre société est parfois désarmante. Etre
la figure d’autorité ? Une mère bis ? L’équilibre entre s’occuper de
l’enfant sans oublier sa compagne…L’importance de la complicité, la question de
l’homoparentalité, de l’absence d’une figure paternelle (déstructurant) est
évoquée par E. Antier.
Enfin, la garde alternée (comment, à quel âge, quelle répartition,
l’âge de « discernement »…), la place des grands-mères (courant
médical et psychanalytique qui les a éloignées, l’évolution du foyer, l’émancipation
de la mère, la place des beaux-parents, le «c’était mieux avant ») et la
stigmatisation des enfants précoces( différence avec surdoué, autonomie l’intelligence
rationnelle/émotionnelle, test du QI, curiosité sans fin, l’envie de faire des
génies…) sont aussi des sujets traités dans cet ouvrage.
Vous l’aurez compris, ce livre est riche d’enseignements sur des
questions diverses, nous rappellent des fondamentaux, et surtout, remet la
parole de Dolto à sa juste et précieuse place.
Le Docteur Edwige
Antier est pédiatre, diplômée de psychopathologie, elle exerce en cabinet
libéral à Paris et a suivi deux générations de patients. Elle est membre du
Conseil d’administration de l’APHP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) de
2001 à 2008, membre de la commission des affaires sociales à l’Assemblée
nationale de 2009 à 2012, Vice-Présidente du groupe d’études sur les
vaccinations en 2012.
Collaborer avec les familles de personnes handicapées , Bruno Laprie et Brice Minana, ESF EDITEUR, Collection « Les guides Directions »
Prix: 14,90€
« La famille!…Impossible de vivre avec, et impossible de naître sans » Allan Gurganus, « La famille, ce havre de sécurité, et en même temps le lieu de la violence extrême » Boris Cyrulnik.
La notion de famille évoque chez chacun de nous des émotions diverses, des représentations, de l’épanouissement à la frustration voire à la rancœur. Cette question est d’autant plus travaillée dans le domaine du handicap. Nous changeons un peu d’horizon avec ce billet, nous tournant vers le champ de l’éducation spécialisée, ô combien présent et important dans notre société aujourd’hui, qui œuvre pour un mieux-être, un bien-être de ses usagers.
Accompagner une personne en situation de handicap, va de paire avec la prise en compte de sa famille et de son environnement social global, affirmation qui parait logique aujourd’hui et qui a été réaffirmée dans un contexte législatif. La « famille » peut s’entendre au sens large: filiation biologique, loi, représentations culturelles, foyer « nucléaire », famille « élargie et infinie », recomposition etc…
Toute parentalité implique des appuis « élargis »: familles, amis… Mais dans le contexte du handicap, les parents doivent s’appuyer À L’EXTERIEUR et accepter que l’éducation seule ne suffit pas, elle doit être spécialisée (rééducation, thérapies) et baignée dans le champ d’actions médico-social, vaste labyrinthe pour le novice, entre les diverses institutions, la multiplicité des appellations et la lourdeur administrative.
Cet ouvrage, croise l’évolution de la notion de famille, recadre de manière étayée, la définition de responsable légal dans notre pays et de solidarité familiale, en réaffirmant l’importance de préserver le lien familial et d’inclure les familles dans la vie des établissements où sont accueillis le membre de leur famille. La participation familiale semble aller de soi, surtout si elle est incitée par les établissements, mais il ne faut pas croire qu’elle ne va pas forcément de soi. En effet, ces familles entrent dans un monde méconnu, un peu par obligation et peuvent être en souffrance. Sans compter les sentiments de culpabilité et de disqualification qu’un accompagnement spécialisé peut engendrer, sans oublier la disponibilité que cela demande et le poids du regard social.
Cette culpabilité et ce sentiment d’incompétence peut créer un jeu de pouvoir dans les relations familles/institutions/personne accompagnée et dynamiser une forme de communication Sauveur/Victime/Persécuteur, décrit par le triangle de KARPMAN, qui n’est pas sans conséquence, notamment dans le rapport de travail qui en découle: partenaire, usager, client, collaborateur…
Bruno Laprie et Brice Minana mettent en valeur la notion de co-construction avec les familles, dont va découler le degré de leur participation. Cet investissement aura besoin d’une relation de confiance qui s’établit dans le temps, d’une écoute non jugeante, du respect des valeurs familiales et de communication positive.
Comme dans tout lieu d’accueil, nous le vérifions également dans nos structures d’accueil du jeune enfant, la collaboration commence dès l’admission et l’adaptation, le fait de rendre lisible les fonctions des professionnels accompagnant (organigramme par exemple), d’utiliser des supports de communication (cahier, tableaux d’affichage etc…), de démystifier le jargon dans lequel on baigne sont indispensables à un vrai travail en binôme, pour inclure réellement la famille dans ce nouveau monde.
« Si l’on n’est pas préparé à être parent ce rôle peut être encore plus complexe à jouer avec un enfant en situation de handicap car les repères de l’évolution de l’enfant sont brouillés ». Il y a là un enjeu de taille lorsqu’on accompagne ces parents. On ne naît pas parent, on le devient, et ils sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Toute l’alchimie se joue dans les frontières que chacun délimite (professionnel et parent), tout en convergent vers un chemin commun. Ce soutien passe donc par une place respectueuse de chacun et par des actions mises en place accompagnement dans l’annonce puis acceptation du handicap, dans l’explication de la maladie, espaces d’échanges et de dialogues entre familles, ateliers parents-enfants, médiateur, visite à domicile etc…
Collaborer avec les familles de personnes handicapées c’est aussi une inscription dans le temps, avec des objectifs des étapes du parcours de vie, des marqueurs des avancées (âge, sociales, éducatives etc…) avec des approches fonctionnelles (relations, capacités…) et situationnelles (mobilité, prendre soin de soi…) et la préparation au projet de vie adulte, de l’après-institution.
Ce livre est un rappel du cadre légal qui entoure le handicap aujourd’hui, une réflexion sur les postures professionnelles et les leviers possibles à utiliser, et un outil précieux dans l’accompagnement sur la durée de ces familles.
« Je ne comprends
toujours pas pourquoi on félicite et récompense ceux qui ont des beaux enfants,
comme si c’était leur faute. Pourquoi, alors, ne pas punir et mettre des
amendes à ceux qui ont des enfants handicapés ? » Jean-Louis Fournier
Brice Miñana est psychosociologue et consultant dans le
secteur médico-social.
Bruno Laprie est consultant en organisation et auditeur
qualité et dirige l’agence Celadon-conseil, organisme de
formation et de conseil spécialisé dans le secteur social et médico-social.
Pour aller plus loin:
-« Où on va papa? » Jean-Louis Fournier
-« Favoriser la participation des usagers en établissement médico-social » Bruno Laprie, Brice Manana
-« Motiver les équipes en travail social » François Charleux, Jean-René Loubat
-« Handicap et accompagnement, nouvelles attentes, nouvelles pratique » Henri-Jacques Stiker, José Puig, Olivier Huet