La belle échappée, Maylis Daufresne, Magali Dulain, le diplodocus, 13€50, 2020
Devant sa maison, qui se situe a l’orée de la forêt, Alice profite de la douceur de la fin d’après midi. Elle aimerait bien amadouer le chaton qui l’observe dans les buissons.
Mais sa mère met fin à cette tentative d’apprivoisement: il est tard, la nuit va bientôt tomber, il faut rentrer.
La petite rechigne bien un peu mais elle obéit à l’autorité maternelle.
De son côté, le chaton est désolé de voir cette enfant privée de liberté. Il décide de plaider sa cause auprès des autres animaux. Un conseil se tient et le loup (qui semble faire figure d’autorité) accède à la demande du chat.
Ok, on va aider la fillette à s’échapper pour qu’elle puisse venir jouer dans la forêt cette nuit, mais juste une fois! (parce que les humains, c’est bien connu, ça fait des salissures et puis il ne faudrait pas qu’elle prenne de mauvaises habitude, c’est vrai qu’elle est mignonne et tout mais chacun à sa place).
Il y a une jolie complicité entre les animaux et Alice quand ils s’amusent ensemble.
J’ai d’abord supposé que la belle échappée était la nuit blanche passée dans la fôret. Je voulais les voir faire les fous et surtout ressentir la liberté s’emparer d’eux.
Mais ce n’est pas là le propos de l’album et cette partie tient en une seule page.
Au petit matin, la fillette rentre chez elle. Il pleut, la journée s’annonce morose. C’est au tour d’Alice de plaider la cause du chaton pour qu’il soit accepté dans la maison.
La mère est ok mais juste une journée, il ne faudrait pas qu’il prenne de mauvaises habitudes… Vous l’avez vue la symétrie de la situation? C’est cela que les autrices ont souhaité mettre en avant, l’inversion par rapport à la situation habituelle. Pour une fois, ce n’est pas un enfant qui veut prendre soin d’un animal mais l’inverse.
Finalement c’est surtout une histoire d’amitié, où le chaton et la fillette découvrent chacun l’univers de l’autre. Quant à ma fille, j’ai l’impression qu’elle y a surtout vu une démonstration de « comment contourner en douceur et par la négociation l’autorité parentale ».
Ça fonctionne. Le texte est agréable à lire et les images, au crayon et à l’aquarelle sont très rafraichissantes.
Dolto en héritage, Tout comprendre, pas tout permettre
Auteur: Edwige Antier
Collection :
« Réponses »
Editions : Robert
Laffont
Prix : 19 .50€
Pages : 283
« Laissons l’enfant
aussi libre que possible, sans lui imposer des règles sans intérêt.
Laissons-lui seulement le cadre des règles indispensables à sa sécurité… ».
Depuis quelques années déjà, j’avoue être agacée par la
déformation ambiante des propos de Françoise Dolto. Il est facile de se déculpabiliser
en accusant un mouvement pédagogique… Et encore pire, elle est même aujourd’hui
accusée d’être à l’origine des enfants « tyrans » tellement à la mode…
Françoise Dolo était une pionnière et visionnaire, pressentant ce
qu’il se jouait dans le développement de l’enfant sans avoir les éléments
scientifiques (confirmant ses dires) que l’on connait de nos jours.
Il ne s’agit pas d’être en accord avec toutes ses idées mais de
prendre du recul sur tout ce qui a été apporté lors des émissions de France Inter
« Lorsque l’enfant paraît » à partir de 1977.
Rousseau nous avait amené son côté philosophique sur l’enfant,
F.Dolto l’a enrichi de son œil de psychanalyste, tout en s’appuyant sur « le
bébé est une personne » de D.W. Winnicott . Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel tout cela s’inscrit,
Mai 68 et sa mouvance de liberté était passée par là.
Edwige Antier fait le point sur la « parole Dolto », ce
qui peut encore s’appliquer aujourd’hui et ce qui est devenu désuet suite à l’évolution
sociétale.
Françoise Dolto était, elle-aussi, prise entre les deux
tiraillements que nous connaissons : le bien-être du bébé et la liberté de
la femme croissant (CF Badinter, Beauvoir etc…). La femme ne se réalisant plus
uniquement à travers son rôle de mère mais aussi par sa vie professionnelle,
des modifications au sein des pratiques ont été inévitables. Ce dilemme était
et est encore source de culpabilité…
E. Antier résume les dérives autour de la parole Dolo en une
phrase clef « TOUT COMPRENDRE N’EST PAS TOUT PERMETTRE ». Nous
assistons à un envahissement du vocabulaire psychologique, les salles d’attente
des psychologues sont pleines. Remplies de parents démunis, qui, perdus dans le
flot de ce qu’« il faut faire », ne savent plus sur quel pied danser
et ont oublié leur spontanéité.
La déformation principale que nous retrouvons est de penser qu’il
faut TOUT DIRE aux enfants. F.Dolo insistait sur le fait de seulement dire les
vérités qui concernent l’enfant, la relation à sa mère, les choses
ESSENTIELLES. Tout en respectant l’intimité de l’enfant (toute la famille n’a
pas besoin de savoir que le petit garçon a un problème de testicule !).
Toutes les confidences ne sont pas utiles (en consultation il est vu des
enfants au courant des relations extraconjugales des parents, des déboires
judiciaires etc…). Il s’agit juste de ne pas tricher avec les vérités
fondatrices de la vie de l’enfant. Les enfants sentent le climat émotionnel du
foyer, surtout quand les parents se réunissent entre eux pour parler de ce qu’ils
vont ensuite leur annoncer. L’enfant peut être en capacité de garder un secret
si sa relation avec ses parents est claire. Nous avons déjà vu des enfants
muets car ils s’interdisaient de parler, ayant deviné un secret.
Des expériences ont prouvé que dès la naissance, le nourrisson
comprend les émotions de sa mère (évaluer dans trois situations : mère
apaisée, confuse, inquiète, comparé au rythme cardiaque du bébé), et nous
savons également que durant la première année c’est l’hémisphère droit du
cerveau (captation des émotions) qui se développe le plus, d’où l’importance de
ce qui est dit au-dessus de la tête de l’enfant dès la naissance !
Dans la tête de de l’enfant, avant 6 ans tout peut exister,
E.Antier prend l’exemple d’une maîtresse d’école devenant homme, sur les mots à
poser dessus, si l’enfant est en demande. Mais il ne sera pas choqué par cette
transformation car il n’y a rien d’anormal pour lui. À l’enfant qui dit ne pas
avoir voulu naître, il peut lui être répondu qu’il s’est malgré tout « accroché »
à la vie lors de sa conception, au petit garçon qui sait que sa maman voulait
une fille, il peut lui être expliqué qu’il y avait cette préférence mais que grâce
à lui, elle est réconciliée avec les petits garçons.
E. Antier aborde également les sujets du mensonge, en rappelant qu’un
enfant de moins de 8 ans ne ment jamais (sauf enfant précoce qui le peut plus
tôt ou exigences parentales tellement élevées que l’enfant développe une
stratégie de protection), que pour eux il y a « le vrai pour de vrai »
et « le vrai pour de rire » et qu’il faut différencier affabulation
et mensonge.
Ce livre traite aussi du baiser sur la bouche de l’enfant,
que l’on voit régulièrement réapparaître dans les débats et de la question de
la nudité. Le « petit humain sait tout dès qu’il est né » s’est
transformé en il peut tout voir et on peut tout faire devant lui. Or, dans son
développement l’enfant traverse différentes phases, dont celles de « latence »
où tout ce qui est sexuel est comme enfoui dans une mémoire archaïque car il se
concentre sur d’autres choses : les apprentissages sociaux et scolaires.
Cette phase n’est donc pas propice à être exposée à des éléments sexuels.
Pour Dolto, dans notre culture le baiser sur la bouche est associé
à un acte qui se pratique entre amoureux (ce qui est différent dans d’autres
pays). L’enfant connaît ces codes sociaux, il n’est donc pas utile de flirter
avec cette frontière correspond à une zone érogène, alors qu’un baiser sur le
front peut être bien plus symbolique et puissant.
La nudité ne doit pas être tabou, mais elle différencie le fait de
surprendre son parent en sortant de la douche et de se balader nu dans la
maison. Cet équilibre est essentiel pour l’image corporelle en devenir, qui
doit trouver sa place entre exhibitionnisme et pudeur exagérée.
E.Antier évoque également le grand « le pauvre il attend un
petit frère ». On ne peut le nier, il existe une forme de « bébôlatrie »
pour les parents, mais ce n’est pas le cas pour l’aîné. Il est possible de lui
dire, qu’en effet, le nourrisson n’est pas intéressant pour lui, qu’il l’est
pour une maman parce que c’est son métier de mère. Que ce bébé a tout à
apprendre par rapport à lui qui sait déjà faire tant de choses. La jalousie n’est
pas forcément mauvaise, c’est « une fantastique étape dans la maturité de
l’être humain ». Il n’y aura de toute façon pas de justice pour l’enfant,
qui considère les choses injustes s’il n’a pas tout.
La « démission » parfois observée des parents, les mères
tyrannisées, les enfants souffre-douleurs, agressifs (quand on ne s’aime pas c’est
difficile de trouver les autres toujours mieux et de ne pas les taper), la fessée,
les problèmes de violence à l’école avec les sous-effectifs que l’on connaît
sont également abordés.
La place du papa, parfois compliquée à trouver entre tendresse et
autorité, qui a beaucoup évolué dans notre société est parfois désarmante. Etre
la figure d’autorité ? Une mère bis ? L’équilibre entre s’occuper de
l’enfant sans oublier sa compagne…L’importance de la complicité, la question de
l’homoparentalité, de l’absence d’une figure paternelle (déstructurant) est
évoquée par E. Antier.
Enfin, la garde alternée (comment, à quel âge, quelle répartition,
l’âge de « discernement »…), la place des grands-mères (courant
médical et psychanalytique qui les a éloignées, l’évolution du foyer, l’émancipation
de la mère, la place des beaux-parents, le «c’était mieux avant ») et la
stigmatisation des enfants précoces( différence avec surdoué, autonomie l’intelligence
rationnelle/émotionnelle, test du QI, curiosité sans fin, l’envie de faire des
génies…) sont aussi des sujets traités dans cet ouvrage.
Vous l’aurez compris, ce livre est riche d’enseignements sur des
questions diverses, nous rappellent des fondamentaux, et surtout, remet la
parole de Dolto à sa juste et précieuse place.
Le Docteur Edwige
Antier est pédiatre, diplômée de psychopathologie, elle exerce en cabinet
libéral à Paris et a suivi deux générations de patients. Elle est membre du
Conseil d’administration de l’APHP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) de
2001 à 2008, membre de la commission des affaires sociales à l’Assemblée
nationale de 2009 à 2012, Vice-Présidente du groupe d’études sur les
vaccinations en 2012.
« Peut-on vivre sans lien? Non, parce qu’on ne peut pas exister seul. On a besoin de l’autre pour se construire et se conquérir, pour se rassurer parfois, et pour partager des moments, des idées et des désirs. » La force du lien
Il faut se séparer pour avoir une chance de devenir soi…
Dès que l’on touche à l’affectif, la psychologie, la question du lien apparaît. Marcel Rufo rend, une fois de plus, abordable de grands processus psychologiques, avec sa simplicité habituelle.
La vie est faite de séparation, de retrouvailles, d’attachements et de détachements plus ou moins douloureux. C’est ainsi que l’on se construit, que l’on apprend sur soi, sur les autres. Dans le milieu professionnel de la petite enfance, nous avons l’habitude d’entendre et de dire qu’il faut être bien attaché pour bien se détacher… Facile sur le papier…
Marcel Rufo dresse des portraits à partir de situations rencontrées dans sa vie professionnelle, mettant en exergue la difficile alchimie de ce jeu de distanciation. Il nous parle ainsi de la fusion que nous avons tous connu, à l’essence même de notre origine, et des complications qui existent parfois. Grandir passe par la séparation, avec le rôle du père notamment -ou d’un tiers- du sommeil, déjà une petite séparation en soi, puis de l’école. Il nous fait également part de situations où tout est fait pour prolonger cette fusion ou lorsque la séparation est « empêchée » par une maladie ou un handicap. Il aborde également le poids de la séparation sans retour: la mort et le travail qu’elle demande, et l’importance des souvenirs via notre mémoire de fixation puis d’évocation. L’adolescence, période souvent redoutée, dans sa richesse de détachement est un bel exemple de ce sujet également.
Au détour d’un Raphaël ne voulant plus parler correctement, qui, par le bégayage grappille des moments précieux auprès de sa maman hospitalisée. Ou de Léo dont la maman en prison avec sa petite sœur, exprimera son incompréhension de cette absence par l’agressivité envers les autres enfants, le processus de séparation dans ces contextes entraînent des somatisations. C’est un échec de la mentalisation ou de la compréhension. Le psychisme fonctionne comme un révélateur ou un accélérateur des possibilités organiques, il ne créé par la maladie, mais, sur un terrain sensible et prédisposé, la réveille.
Ces observations ne datent pas d’hier, René SPITZ en 1945 a mis en avant ce que l’on appellera l’hospitalisme. Il recouvre « l’ensemble des troubles physiques dus à une carence affective par privation de la mère survenant chez les jeunes enfants placés en institution dans les dix-huit premiers mois de la vie. » Il a été observé chez ces enfants placés, un repli sur soi de plus en plus intense, allant jusqu’à un arrêt du développement psychomoteur. Ces constats ont permis de faire évoluer sur les pratiques et ont mis en avant les conséquences, parfois irréversibles, de séparations précoces et insécures.
Impossible de ne pas citer Ronald Winnicott lorsqu’il s’agit d’attachement. Il parlera de « 100 jours de folie amoureuse » après la naissance du bébé dans la relation mère-enfant. On parlera de mère mais cela est valable pour toute figure d’attachement. Grâce à la préoccupation maternelle primaire, résumant l’ensemble des pensées maternelles pour le confort de l’enfant, avec le holding (l’art de porter physiquement et psychiquement le bébé) et le handling (le réel contact avec le bébé, notamment par les soins) le premier lien d’attachement du nourrisson va construire. De la naissance à 6 mois il parlera de dépendance absolue, de 6 à 18 mois de dépendance relative et à partir de 2ans d’indépendance. Bien sûr, il ne va pas mettre la table et ranger sa chambre, il s’agit bien d’indépendance psychique, l’enfant commence à avoir conscience de lui et sait que sa mère répondra à ses besoins.
Marcel Rufo pointe à travers des cas concrets, la difficulté de se séparer d’un parent malade (physiquement ou psychologiquement). L’ambivalence « je t’aime je te hais, je ne peux pas me passer de toi comme toi de moi » bat ici tout son plein. Comment se séparer d’un parent si la crainte de l’éloignement culpabilise? Se détacher en ayant la crainte que l’autre ne soit pas assez solide et entraîne un doute sur la capacité de « résistance ». Le pédopsychiatre nous éclaire sur ces questions qu’il a appris à traiter au fur et à mesure de son expérience. Un parent doit rassurer, encourager et rendre plus fort, or un parent malade entraîne un inversement des rôles où c’est l’enfant qui se doit d’être fort. Le parent n’a alors pas son rôle de « héros » dans la période que Marcel Rufo qualifie de « château fort » qu’est la petite enfance.
Quand à la mort, angoisse universelle et séparation ultime et irréversible, l’auteur citera Sigmund Freud, parlant du deuil de sa fille » on sait qu’après une telle perte, le deuil aigu s’atténuera mais on reste toujours inconsolable, sans trouver de substitut (…). C’est la seule façon de perpétuer cet amour, qu’on ne veut abandonner à aucun prix ».
Je vous invite également à jeter un œil aux travaux de Janusz Korczak et ses orphelinats.
Marcel Rufo est pédopsychiatre, professeur d’université, praticien, écrivain et auteur. C’est un spécialiste de l’enfance de renom, intervenant essentiellement dans le bassin méditerranéen.
Pour aller plus loin :
Marcel Rufo : « Tu réussiras mieux que moi »
Isabelle Filliozat : « J’ai tout essayé »
Corinne Morel : « ABC de la psychologie de l’enfant »
Mélanie Klein : « Le complexe d’Œdipe »
Jean Bergès et Gabriel Balbo « Psychothérapies d’enfants, enfants en psychanalyse »
Porter un regard bien-traitant sur l’enfant et sur soi, « Sois sage, obéis! »
Éditions: la Chronique Sociale
Collection: Comprendre les personnes, l’essentiel
Prix: 10.50€, 92 pages
Préface d’Olivier Maurel
« Près de l’enfant, la méfiance s’évanouit, nous devenons doux parce que, réunis autour de lui, nous sentons se réchauffer en nous la flamme de vie qui subsiste là où la vie a ses origines » Maria Montessori.
J’ai eu l’immense privilège de bénéficier des interventions d’Arnaud Deroo lors de ma formation d’éducateur jeunes enfants. Vif, dynamique, touchant là où c’est sensible, c’est un plaisir de se remettre en question via ses réflexions. Le fait qu’il les ait couchées sur le papier dans différents ouvrages est un joyau que je voulais partager avec vous.
La bien-traitance est un concept aujourd’hui très en vogue, mais il s’agit ici de ne pas y mettre tout et son contraire. Arnaud Deroo part de la question éducative, sans se voiler la face derrière le « les enfants sont plus difficiles qu’avant » (c’est sans compter sur les perceptions de l’enfant par la bible, Kant, Saint Augustin, Socrate ou Freud!) et en regardant le vrai problème derrière lequel se cachent nos histoires personnelles, notre enfant intérieur, les jeux de pouvoir, les croyances et principes éducatifs, les attentes purement adultes…
Il tord le cou au fameux « SOIS SAGE! », qui ne l’a pas entendu, dit, cru en le disant? Il nous éclaire sur la non-efficacité de ce principe, sur le fait qu’il existe une autre forme de sagesse, à travers les connaissances neurologiques actuelles, le stress engendré, la non-compréhension d’une émotion trop forte et le poids du culte de l’obéissance.
Finalement, après avoir vu tout cela, la question à se poser est : comment alors grandir heureux? Arnaud y répond, vous vous en doutez, en évoquant… l’estime de soi! Et oui, encore celle-là, elle est partout hein?
À travers des scènes que vous avez peut-être vécues, il nous éclaire sur les différents comportements à adopter, et on se rend compte que le changement tient en peu de choses, et pourtant, avec tant de conséquences!
Enfin, pour terminer cet ouvrage, l’auteur présente les ressources dans lesquelles chacun peut puiser, parce que oui, vous avez le droit d’être à bout, personnellement ou professionnellement, mais il y a toujours des solutions!
Petite parenthèse…Arnaud Deroo pointe avec finesse que nous n’avons pas de ministère de la petite enfance mais nous en avons un pour les anciens combattants… Le petit d’homme n’est-il pas assez important??
Il part du postulat que le sens de la vie est d’aimer l’autre, de l’aider à grandir, à épanouir sa personnalité. Nos réflexes premiers ne vont pas forcément dans ce sens, impulsivement face à une colère nous avons envie de dire « arrête ça tout de suite » au lieu de » c’est bien, laisse-la sortir ».
« Tendre à l’allant devenant de l’enfant » (une belle phrase de Françoise Dolto qui mériterait d’être encadrée ou « mise en cadre » comme on le voit beaucoup ces derniers temps) et se consacrer à l’instant présent sont là des bases de l’accompagnement bienveillant de l’enfant.
Arnaud repose les bases, l’enfant doit se sentir aimé, respecté et ressentir un amour lui donnant une base de sécurité indispensable. L’enfant ne s’éduque pas, il apprend par imitation. Une relation parent-enfant satisfaisante engendre désir, lien, empathie, expression personnelle, responsabilisation, bien loin de la « planète parasitage ».
Les apports théoriques et scientifiques vont en ce sens, repenchons-nous sur les trois zones du cerveau de l’enfant: reptilien, limbique et le cortex, qui permettent de comprendre sa gestion (ou non-gestion) des émotions. Ou encore, le triangle d’estime de soi composé de la conscience, la spontanéité et l’intimité.
Alors oui, vous avez sans doute reçu une éducation autre et n’en êtes pas mort, mais si on sait que l’on peut mieux faire pourquoi s’en priver? N’est-il pas plus gratifiant et porteur pour tout le monde d’éduquer par responsabilisation et non par soumission?
Arnaud Deroo est éducateur jeunes enfants, responsable d’un service petite enfance à Lambersart, consultant en éducation, formateur, avec comme bases de travail l’analyse transactionnelle, la communication non-violente, la gestion mentale, la bien-traitance. Il anime de nombreuses conférences et de nombreux ateliers parents et est auteur de plusieurs ouvrages ainsi que d’une chronique. Il a également mis en place une troupe de théâtre amateur, avec des spectacles-débat autour de la relation parent-enfant.
Pour aller plus loin:
Livres:
« Loczy ou le maternage insolite » Appell G, David M
« Au cœur des émotions de l’enfant » Filliozat I
« J’ai tout essayé » Filliozat I
« Heureux en crèche, un projet de coéducation parents-professionnels » Deroo A
« La cause des enfants » Dolto F
« Pour une enfance heureuse » Gueguen C
« Bien-traitance, un trait d’union à conquérir » 1001 BB n°135
Des réponses de pédopsychiatres, de psychologues, de pédiatres… adaptées à chaque cas. 200 témoignages. Sous la direction du Dr Patrick Ben Soussan (pédopsychiatre).
Devenir parent, c’est se retrouver responsable d’un petit être, entièrement dépendant de soi, qui nous ouvre mille et un champs. Les notions de sommeil, alimentation, déplacement, propreté, langage, éducation etc… prennent alors une toute autre ampleur.
Et non, vous n’êtes certainement pas seuls à avoir des « difficultés » dans l’un ou l’autre domaine. Chaque être humain est unique, et l’enfant, être le plus immature à la naissance de toutes les espèces vivantes, va être confronté à des obstacles qui lui sont propres.
Dans cet ouvrage, pas moins de huit auteurs, apportent leurs expériences. Par des cas concrets, ces professionnels (pédopsychiatre, psychiatre, psychologue clinicien, psychomotricien, pédiatre), nous décrivent différentes problématiques rencontrées au sein de leurs pratiques. La réalité des situations évoquées permet une pleine accessibilité à leur compréhension. Des petits encadrés à la fin de certains récits, ouvrent sur quelques notions de psychologie.
Moins démunis, en tant que parents, et rassurés de voir que d’autres familles rencontrent ces situations, « Tout n’est pas (forcément) psy », permet de trouver des réponses aux questionnements, que ce soit sur la manière d’aborder les choses ou pour évaluer si un accompagnement extérieur est nécessaire ou non.
En tant que professionnelle, ce livre m’aide à trouver des réponses, à mieux comprendre les comportements de l’enfant quand il est notamment accueilli en collectivité, et aussi à accompagner et aiguiller les parents, rôle essentiel de notre quotidien.
Sommeil, alimentation, propreté, développement et santé, langage, comportement, relations parents-enfants, autorité, relations frères, sœurs et autres enfants, sexualité, école, loisirs, TV, internet, société, handicap, maladie et mort sont autant de thèmes abordés.
De Cédric qui se plaint d’être tout le temps fatigué, à Hugo qui fait encore pipi au lit, en passant par Sophie qui a un petit frère handicapé, en effet, tout n’est pas (forcément) psy et il ne faut pas vulgariser ce domaine, mais garder l’esprit ouvert ne peut qu’être bénéfique !
Ça suffit Mammouth! Micaela Chirif, Issa Watanabe, Père fouettard 16€
Un mammouth comme animal de compagnie, quelle bonne idée. Un peu encombrant, certes, mais fort sympathique. Sauf que les mammouths sont apparemment des animaux récalcitrants. Et comme, en plus, ils sont assez imposants, forcément, il n’est pas évident de les éduquer.
Ici, le narrateur aux prises avec ce drôle de compagnon est en petit garçon. Et tout de suite, la mère que je suis jubile: Gniark gniark, pour une fois c’est un enfant qui galère pour se faire obéir, tous les parents du monde sont enfin vengés!
Chaque fois que le garçon demande quelque chose à son mammouth, la réponse est NON! Il refuse de ranger, de cuisiner, de se laver. Alors forcément, il faut monter le ton (ah ah, il n’y a donc pas que les parents exaspérés qui se mettent à hurler? Comme il est bon de le lire). Mais, bien entendu, ça ne marche pas (oui, bon, ça va, il fallait bien essayer)
On s’en doute, la relation entre l’enfant et son mammouth n’est pas faite que de conflit. D’ailleurs, dès le début de l’album, on voit l’enfant faire de la balançoire sur la trompe de l’animal, ce qui dément immédiatement le texte qui vient d’affirmer « les mammouths sont énormes et féroces ».
Pour faire le portrait d’un tel animal, il fallait bien une taille d’album hors du commun. Avec un format à l’italienne qui s’ouvre dans le sens de la hauteur, l’image se déploie sur la page du bas alors que le texte occupe celle du haut (seule exception, la double page sans texte, quand l’enfant s’est endormi et que c’est au tour du mammouth de prendre soin de lui).
Et il est bon de donner de la place à l’image qui est très belle et travaillée. Mélange de matières, de dessins, de collages, elle charme par sa précision et ses petits détails.
Le singe à Buffon, Gilles Bachelet, Seuil jeunesse 15 € isbn: 2020537915
A mon avis, quand Buffon, le célèbre naturaliste, à reçu un singe en cadeau, il ne se doutait pas de ce qui l’attendait. Élever ce singe là ce serait comme devoir élever l’enfant le plus mal élevé, le plus provocateur qui soit. Sans compter qu’un singe c’est fort, assez fort pour mettre une raclée à son maître…
On s’amuse déjà des images complètement décalées, des anachronismes qu’on y repère, on s’amuse encore plus du contraste entre ces illustrations et le texte. C’est d’ailleurs une spécialité de l’auteur, que l’on retrouve dans sa série d’albums autour de son chat.
Si le singe à Buffon fait pipi dans sa culotte c’est précisément au moment où il ne porte pas la dite culotte. S’il est mauvais joueur ce n’est pas qu’il se contente de bouder quand il perd. Et quand il sort de table sans la permission c’est en sautant accroché au lustre et en volant au passage un morceau de gâteau
.
Gilles Bachelet joue sur le contraste entre des dessins très précis et ancrés dans l’époque et une histoire loufoque résolument moderne.
Le très guindé Buffon aux prises avec un singe parfaitement ingérable (mais terriblement attachant) sucitera l’amusement des adultes autant que des enfants. Et c’est une chance, parce-que les enfants vont vouloir qu’on leur lise en boucle!