Toutes petites histoires, Miguel Tanco, Grasset jeunesse, 2021, 15€90
J’ai toujours pensé que l’ennuie était un formidable moteur de la créativité.
Pour les enfants bien sûr (c’est d’ailleurs au nom de ce principe que je n’hésite pas à contraindre drastiquement le temps d’écran de mes mômes) mais aussi pour les adultes.
Et les situations très déstabilisantes, celles dans lesquelles on cherche désespérément à remettre de l’ordre, peuvent l’être également. Elles incitent à repenser le monde et les priorités.
C’est ainsi que pendant le premier confinement, Miguel Tanco a publié sur sa page facebook des petites histoires croquées qui font la part belle à l’enfance. Ce sont elles que l’on retrouve ici.
Sur chaque double page de cet album à l’italienne, se trouvent deux propositions de toutes petites histoires sans texte, correspondant à un même titre.
Elles se complètent, s’enrichissent ou s’opposent. Elles doivent en tout cas être mises en regard l’une de l’autre et associées au titre pour livrer toute leur saveur.
Sous le nom “rentrée scolaire” par exemple, on peut voir d’abord en deux cases l’histoire d’une fillette joyeuse et libre pendant ses vacances puis accablée sur le chemin de l’école, puis celle d’un petit garçon marchant dans la rue, triste et maussade, son cartable sur le dos, qui s’anime et retrouve le sourire quand il rejoint ses camarades de classe.
“La grande évasion” est le titre d’une histoire en une image, qui montre un enfant plongé dans sa lecture (l’image de couverture) et également celle d’une fillette qui fait du vélo à travers champ, délaissant la route à l’arrière plan.
À chaque double page le lecteur savoure une petite surprise, une invention poétique ou étonnante. Les joies enfantines, l’imagination, les petits plaisirs simples sont souvent mis en avant.
Le trait est vif, les visages expressifs. On ne peut pas ignorer le cousinage avec les dessins de Sempé, dans une forme proche de la bande dessinée mais suffisamment lisible pour réunir les enfants et leurs parents, chacun y trouvera son plaisir.
Petits sauvages, Magali Arnal, l’école des loisirs, 12€20
Cinq petits sauvageons débraillés et joyeux nous emmènent dans leur tourbillon de liberté.
Ils semblent ne connaitre qu’une règle: Il faut s’amuser!
Ils enchaînent les bêtises (certains grosses, très grosses même, oups, un peu trop grosses peut-être).
Toujours en mouvement, leurs idées farfelues se succèdent, ils n’en ratent pas une.
En fait, ils sont comme le vélo qu’ils chevauchent (oui, un seul vélo pour cinq, et ils s’en sortent très bien): Ils n’ont pas de frein.
Ils déboulent au milieu des autres comme ils dévalent la colline: à toute berzingue, sans se demander comment ils vont s’arrêter.
Mais qu’est-ce qu’ils sont attachants avec leurs bouilles toutes rondes et leur air fripon. On devine qu’ils ont le sens de l’amitié (à défaut d’avoir celui des conventions).
Ah, comme elle est désirable cette liberté qu’ils s’accordent! Les enfants à qui j’ai lu cet album en avaient les yeux brillants d’envie, le sourire largement épanoui sur leur visage. Qu’est-ce que c’est chouette de s’imaginer faisant toutes ces bêtises.
D’autant que la plupart ont parfaitement intégré les règles sociales qui pèsent sur eux, ils le disent en pointant les images: “Oh, c’est pas bien!” “Il faut pas faire ça, ils n’ont pas le droit”.
Mais dans les livres, c’est bien connu, on peut tout se permettre!
Les cinq coquins s’en donnent à cœur joie, au point qu’ils finissent tout nus, de vrais petits sauvages en effet!
Et quand le jour décline et qu’ils ont besoin d’être entourés de l’amour familial, ils le trouvent au sein de leurs foyers respectifs.
Non, pas de punition pour eux, rien n’entravera leur liberté et c’est très bien comme ça. Où serait le plaisir de lire cet album s’il se terminait par une morale indigeste? Les mouflets n’ont pas besoin de ça, ils ont besoin de se sentir libres.
En mettant en scène des chiots, c’est l’enfance que Magali Arnal nous donne à voir. Son insouciance, son optimisme, et toute la gaité des vacances.
Quand j’étais petite…, Sarah O’Leary, Julie Morstad, l’étagère du bas, 14€95
Jules est plongé dans l’album photo familial. Il aurait tant aimé connaître ses parents petits.
Alors sa mère se prend au jeu et elle lui raconte une histoire. Quitte à s’imaginer petite, elle se raconte minuscule, au point de porter des souliers de poupée et de se faire des chapeaux avec les fleurs de marguerites.
Si on peut imaginer que les souvenirs réels servent de base à ce récit, on devine vite que le jeu prend le pas sur le réalisme et que les contes qui ont sans doute bercé son enfance s’invitent dans cette chronique du temps passé.
On la découvre jouant dans une maison de poupée, sympathisant avec une coccinelle, sautant à la corde avec un brin de laine. Des jeux intemporels qui confèrent à l’album un aspect éternel.
Quand on revient au temps présent, la mère convie l’enfant à participer à ses inventions, ils peuvent ensemble se raconter des histoires où ils sont aussi minuscules l’un que l’autre.
Plus que l’enfance de la mère, c’est la complicité qui l’unit à son fils qui est ici montrée en filigrane.
La grâce des illustrations, leur délicatesse sensible font le charme de cet album.
Porter un regard bien-traitant sur l’enfant et sur soi, “Sois sage, obéis!”
Éditions: la Chronique Sociale
Collection: Comprendre les personnes, l’essentiel
Prix: 10.50€, 92 pages
Préface d’Olivier Maurel
“Près de l’enfant, la méfiance s’évanouit, nous devenons doux parce que, réunis autour de lui, nous sentons se réchauffer en nous la flamme de vie qui subsiste là où la vie a ses origines” Maria Montessori.
J’ai eu l’immense privilège de bénéficier des interventions d’Arnaud Deroo lors de ma formation d’éducateur jeunes enfants. Vif, dynamique, touchant là où c’est sensible, c’est un plaisir de se remettre en question via ses réflexions. Le fait qu’il les ait couchées sur le papier dans différents ouvrages est un joyau que je voulais partager avec vous.
La bien-traitance est un concept aujourd’hui très en vogue, mais il s’agit ici de ne pas y mettre tout et son contraire. Arnaud Deroo part de la question éducative, sans se voiler la face derrière le “les enfants sont plus difficiles qu’avant” (c’est sans compter sur les perceptions de l’enfant par la bible, Kant, Saint Augustin, Socrate ou Freud!) et en regardant le vrai problème derrière lequel se cachent nos histoires personnelles, notre enfant intérieur, les jeux de pouvoir, les croyances et principes éducatifs, les attentes purement adultes…
Il tord le cou au fameux “SOIS SAGE!”, qui ne l’a pas entendu, dit, cru en le disant? Il nous éclaire sur la non-efficacité de ce principe, sur le fait qu’il existe une autre forme de sagesse, à travers les connaissances neurologiques actuelles, le stress engendré, la non-compréhension d’une émotion trop forte et le poids du culte de l’obéissance.
Finalement, après avoir vu tout cela, la question à se poser est : comment alors grandir heureux? Arnaud y répond, vous vous en doutez, en évoquant… l’estime de soi! Et oui, encore celle-là, elle est partout hein?
À travers des scènes que vous avez peut-être vécues, il nous éclaire sur les différents comportements à adopter, et on se rend compte que le changement tient en peu de choses, et pourtant, avec tant de conséquences!
Enfin, pour terminer cet ouvrage, l’auteur présente les ressources dans lesquelles chacun peut puiser, parce que oui, vous avez le droit d’être à bout, personnellement ou professionnellement, mais il y a toujours des solutions!
Petite parenthèse…Arnaud Deroo pointe avec finesse que nous n’avons pas de ministère de la petite enfance mais nous en avons un pour les anciens combattants… Le petit d’homme n’est-il pas assez important??
Il part du postulat que le sens de la vie est d’aimer l’autre, de l’aider à grandir, à épanouir sa personnalité. Nos réflexes premiers ne vont pas forcément dans ce sens, impulsivement face à une colère nous avons envie de dire “arrête ça tout de suite” au lieu de ” c’est bien, laisse-la sortir”.
“Tendre à l’allant devenant de l’enfant” (une belle phrase de Françoise Dolto qui mériterait d’être encadrée ou “mise en cadre” comme on le voit beaucoup ces derniers temps) et se consacrer à l’instant présent sont là des bases de l’accompagnement bienveillant de l’enfant.
Arnaud repose les bases, l’enfant doit se sentir aimé, respecté et ressentir un amour lui donnant une base de sécurité indispensable. L’enfant ne s’éduque pas, il apprend par imitation. Une relation parent-enfant satisfaisante engendre désir, lien, empathie, expression personnelle, responsabilisation, bien loin de la “planète parasitage”.
Les apports théoriques et scientifiques vont en ce sens, repenchons-nous sur les trois zones du cerveau de l’enfant: reptilien, limbique et le cortex, qui permettent de comprendre sa gestion (ou non-gestion) des émotions. Ou encore, le triangle d’estime de soi composé de la conscience, la spontanéité et l’intimité.
Alors oui, vous avez sans doute reçu une éducation autre et n’en êtes pas mort, mais si on sait que l’on peut mieux faire pourquoi s’en priver? N’est-il pas plus gratifiant et porteur pour tout le monde d’éduquer par responsabilisation et non par soumission?
Arnaud Deroo est éducateur jeunes enfants, responsable d’un service petite enfance à Lambersart, consultant en éducation, formateur, avec comme bases de travail l’analyse transactionnelle, la communication non-violente, la gestion mentale, la bien-traitance. Il anime de nombreuses conférences et de nombreux ateliers parents et est auteur de plusieurs ouvrages ainsi que d’une chronique. Il a également mis en place une troupe de théâtre amateur, avec des spectacles-débat autour de la relation parent-enfant.
Pour aller plus loin:
Livres:
“Loczy ou le maternage insolite” Appell G, David M
“Au cœur des émotions de l’enfant” Filliozat I
“J’ai tout essayé” Filliozat I
“Heureux en crèche, un projet de coéducation parents-professionnels” Deroo A
“La cause des enfants” Dolto F
“Pour une enfance heureuse” Gueguen C
“Bien-traitance, un trait d’union à conquérir” 1001 BB n°135
Des réponses de pédopsychiatres, de psychologues, de pédiatres… adaptées à chaque cas. 200 témoignages. Sous la direction du Dr Patrick Ben Soussan (pédopsychiatre).
Devenir parent, c’est se retrouver responsable d’un petit être, entièrement dépendant de soi, qui nous ouvre mille et un champs. Les notions de sommeil, alimentation, déplacement, propreté, langage, éducation etc… prennent alors une toute autre ampleur.
Et non, vous n’êtes certainement pas seuls à avoir des « difficultés » dans l’un ou l’autre domaine. Chaque être humain est unique, et l’enfant, être le plus immature à la naissance de toutes les espèces vivantes, va être confronté à des obstacles qui lui sont propres.
Dans cet ouvrage, pas moins de huit auteurs, apportent leurs expériences. Par des cas concrets, ces professionnels (pédopsychiatre, psychiatre, psychologue clinicien, psychomotricien, pédiatre), nous décrivent différentes problématiques rencontrées au sein de leurs pratiques. La réalité des situations évoquées permet une pleine accessibilité à leur compréhension. Des petits encadrés à la fin de certains récits, ouvrent sur quelques notions de psychologie.
Moins démunis, en tant que parents, et rassurés de voir que d’autres familles rencontrent ces situations, “Tout n’est pas (forcément) psy”, permet de trouver des réponses aux questionnements, que ce soit sur la manière d’aborder les choses ou pour évaluer si un accompagnement extérieur est nécessaire ou non.
En tant que professionnelle, ce livre m’aide à trouver des réponses, à mieux comprendre les comportements de l’enfant quand il est notamment accueilli en collectivité, et aussi à accompagner et aiguiller les parents, rôle essentiel de notre quotidien.
Sommeil, alimentation, propreté, développement et santé, langage, comportement, relations parents-enfants, autorité, relations frères, sœurs et autres enfants, sexualité, école, loisirs, TV, internet, société, handicap, maladie et mort sont autant de thèmes abordés.
De Cédric qui se plaint d’être tout le temps fatigué, à Hugo qui fait encore pipi au lit, en passant par Sophie qui a un petit frère handicapé, en effet, tout n’est pas (forcément) psy et il ne faut pas vulgariser ce domaine, mais garder l’esprit ouvert ne peut qu’être bénéfique !