C’est MON arbre, Olivier Tallec, Pastel, 12€50
“J’adore les arbres. J’adore cet arbre. C’est MON arbre”.
Il semble avoir un instinct de propriétaire exacerbé cet écureuil. Quand il enlace le gros tronc noir, il est ridiculement petit. L’œil suspicieux, l’oreille aux aguets, il suscite chez le lecteur de l’amusement plutôt que de la sympathie.
Pourtant, quand il se régale de pommes de pins il est plutôt engageant, tout souriant. Mais ça ne dure pas. C’est que le pauvre a une grande peur: celle d’être dépossédé. Rapport au fait que c’est son arbre uniquement parce qu’il l’a décidé et que, sait-on jamais, quelqu’un d’autre pourrait en décider autant.
Très vite, il instaure tout seul une surenchère paranoïaque.
Et si quelqu’un en voulait à SON arbre? Ou à SES pommes de pin?
Les yeux ronds comme des billes, la queue qui réagit à l’unisson, il est terriblement expressif et plus il est excessif plus il est drôle.
Pour protéger sa possession, il envisage tour à tour la construction d’un portail, d’une palissade puis même d’un mur. Grand. Et haut.
Ses fantasmes prennent vie dans l’image, les constructions s’imposent, au détriment de l’arbre lui même qui disparait peu à peu. L’environnement est de plus en plus oppressant, le mur plonge le paysage dans l’ombre, et le petit écureuil, tout occupé à protéger son bien oublie d’en jouir.
Qu’est ce qui mettra fin à cette dérive sécuritaire, à cette escalade du n’importe quoi?
Cet album est un pied de nez bien sympathique à certains personnages politiques, sans en avoir l’air c’est une critique du paradigme de la possession.
Le récit repose en grande partie sur la très grande éloquence du personnage, ses émotions sont palpables dans ses regards, sa posture.
“C’est mon arbre” est apprécié aussi sur l’ile aux trésors.