La boite à images Emmanuelle Houdart Thierry Magnier 13€90

isbn: 978-2364744936

Emmanuelle Houdart est une artiste qui a un style bien reconnaissable. Des couleurs chatoyantes, des images très rock’n’roll et sensuelles à la fois.

Dans cette boite à images, elle s’adresse aux enfants les plus jeunes. Le format, les pages cartonnées, les coins arrondis des livres en attestent. De prime abord, on est dans du classique. Quatre petits albums au nom très enfantin, nommés par de simples onomatopées: « Areuh! », « Miam! », « Grrr! » et « Argh! », dans un joli petit coffret cubique orné de petits cœurs. C’est mignon tout plein, on imagine déjà ces albums dans les mains potelées des bébés de quelque mois.
A y regarder de plus près, la petite canine pointue qui sort de la bouche d’un genre de fantôme sur la tranche du livre « argh! » interpelle un peu. Alors bien sûr, on sort les livres, on les parcourt, et on va de surprises en émerveillement.

Chaque album à sa thématique, comme son titre l’indique. Si on veut commencer en douceur, on prend d’abord « Miam! » ou « Areuh!, l’un consacré au quotidien de l’enfant, l’autre à la nourriture.

La boite à images Emmanuelle Houdart Thierry Magnier

« Areuh » semble avoir une construction très structuré. On part de la maison, puis  le baiser entre les parents, suivent l’image de la mère enceinte, enfin le bébé, qu’on peut voir grandir jusqu’à fêter ses 3 ans à la fin de l’album, en passant par quelques étapes clef comme les premiers chagrins ou la propreté.

La force d’Emmanuelle Houdart c’est qu’elle nous raconte tout ça sans un mot, et que la majorité de l’histoire se raconte entre les pages, c’est l’ordre et la succession des images qui fait sens.

La boite à images Emmanuelle Houdart Thierry Magnier

« Miam! » est le livre de la gourmandise. La couverture nous met l’eau à la bouche, avec son image de cup-cake rose bonbon. Mais là encore, la surprise est au rendez vous. Oignon, carotte et choux semblent former les traits d’un visage. Face à face improbable entre un ver et un verre dans le potager. Image ambiguë où l’on se demande si l’on a affaire à une bouteille de vin ou à du sirop de violette. Les enfants et les adultes ont souvent des interprétations différentes de ces images. Sur la dernière page, une bouche pointue, aux lèvres d’un rouge charnel, tend une langue malicieuse. « Maman » à dit ma fille cadette en pointant les lèvres rouges. « vampire » à dit mon aînée. Petite discussion entre l’une et l’autre: « c’est une dame? » « Elle est gentille tu crois? » « Elle veut manger les bonbons », « elle fait une grimace, elle veut jouer ». Je me suis bien abstenue de répondre à leurs questions, elles savent lire les images au moins aussi bien que moi, je partage toutes leurs interrogations.

La boite à images Emmanuelle Houdart Thierry Magnier

« Argh! » est l’album consacré aux peurs. Les peurs symboliques, les peurs rationnelles et irrationnelles, les grandes peurs et les peurs dont on n’ose pas toujours parler. L’album débute et se clos par deux images très fortes: une tête de mort d’abord, qui évoque bien sûr la peur de la mort et ces de deux visages, homme et femme qui se tournent le dos et pleurent. Séparés par la charnière de la page, ils ont les yeux rougis et semblent se chercher du regard, sans oser tourner la tête. Cette image de dispute, de séparation peut être, peut sans doute raisonner très fortement chez certains enfants. (les miennes y ont été totalement indifférentes, les genoux écorchés de la page précédente les a bien plus marquées)

La boite à images Emmanuelle Houdart Thierry Magnier

Enfin « Grrr! », le bestiaire insolite. La sirène y côtoie un étrange kangourou vert, un âne aux œufs d’or (si, si) et des scarabées. La merveilleux et le terrible, l’étrange et le quotidien, la douceur et la noirceur.

Les images de ces livres sont toutes issues du très bel album Dedans, actuellement indisponible. En isolant certaines images, en permettant donc à l’enfant de faire un focus dessus, en leur donnant l’écrin d’un coffret, Emmanuelle Houdart leur a donné une nouvelle vie.

Ces images sont très éloignées de l’iconographie qu’on réserve habituellement aux jeunes enfants. Elles ne disent pas tout, elles gardent une part de mystère. On est certes loin de l’imagier du père castor. Ce ne sont pas des images pensées pour que l’enfant apprenne. Mais il me semble qu’elles nourrissent la psyché des enfants, qu’elles leur offrent des éléments de réflexions, qu’elles les stimulent.

Proposer ces albums à des jeunes enfants, c’est faire confiance à leur intelligence, les considérer comme des lecteurs de l’image compétents.

La boite à images a été élu pépite au salon de Montreuil cette année.

Il a été lu aussi chez Sophie, bouma, Pépita et la collectionneuse de papillons