Des albums de littérature enfantine, sélectionnés pour leurs qualités, qu’on peut lire aux enfants à partir de 6 ans et qu’ils peuvent aussi lire seuls, ans sans limite d’âge supérieure
Quand il va passer une après-midi chez sa grand-mère, le petit Léon a été prévenu: La vieille dame est devenue bizarre.
D’ailleurs, elle l’appelle Charlie, c’est un signe.
Mais ce que l’enfant remarque surtout, c’est à quel point elle est amusante. Cette grand-mère qui jadis ne supportait pas la saleté aujourd’hui se promène pieds nus dans la terre. Elle joue avec les insectes et son rire contagieux.
L’image la montre dans des postures enfantines, un sourire jovial sur le visage.
Et elle se met à raconter des histoires pleines de fantaisie, où elle est dans un château peuplé de cent vingt chats.
Mais, chut, c’est un secret.
Le petit garçon écoute avec attention (et un petit brin de crédulité propre à l’enfance) le récit fantasque. Et quand il est l’heure de rentrer il ne pense qu’à la prochaine visite à son étonnante grand-mère.
Ici c’est l’imagination et l’humour qui sont mis en avant, faisant presque passer le thème de la vieillesse et de la perte de mémoire au second plan.
Les images aux tons pastels sont douces et montrent une vieille dame très libre dans ses mouvements, presque légère, la pesanteur de l’âge y est absente.
La nature, très présente, ajouté une touche de gaîté.
L’histoire incite à l’empathie et ne tombe jamais dans le larmoyant, à travers les yeux de l’enfant la confusion de la vieille dame n’est pas montrée comme un problème mais comme une particularité dont on peut fort bien s’accommoder à travers le jeu.
Moi j’attends, Davide Cali, Serge Bloch, sarbacane, 2005, 15€
Est-ce que la vie est faite d’attente? De promesses que l’on espère, de moments plus douloureux que l’on redoute?
Cette impatience qui nous donne envie de tourner la page, pour savoir de quoi demain sera fait est le prisme choisi par les auteurs pour nous offrir un récit de vie.
Il y a d’abord l’attente joyeuse de l’enfant, cette pulsion vitale qui le pousse vers l’avenir: Il attend de grandir. Puis le bisou du soir, puis que Noël arrive, puis une rencontre…
Avec un long format à l’italienne, l’album évoque un traveling cinématographique, dans lequel le personnage grandit au fil des pages.
Il est esquissé d’un trait de plume noir, dans un décor minimaliste mais fortement évocateur.
Un fil de laine rouge offre une continuité à l’ensemble. Il est doudou, gilet, écharpe. Il créé du lien quand il est cordon ombilical ou qu’il relie le protagoniste à sa bien aimée. Il s’effiloche parfois, mettant la fragilité du personnage en avant mais devient au contraire solide et épais quand il le rattache fermement à la vie, par exemple quand l’image s’accompagne du texte J’attends… Un bébé.
L’histoire ne nous épargne pas les moments sombres, les disputes, le deuil, la solitude. Car ainsi va la vie. Et quand soudain les mots manquent, l’image seule, porte l’histoire. Mais les mots reviennent, et le cycle de la vie continue.
Moi j’attends est un livre d’une grande justesse, très subtil et chargé en émotion. Comme pour compenser cette pesanteur, l’image et le texte se font tout légers, laissant une large place au blanc de la page. Dans cette légèreté se niche de la tendresse et de l’humour.
C’est ce que l’on appelle dans le jargon des libraires ou bibliothécaires un « livre de fonds ». C’est à dire un livre que l’on va garder en rayon au delà des modes et des périodes, que l’on ne va cesser de faire connaitre, qui correspondra très souvent aux demandes des lecteurs.
Pourquoi certains albums comme celui là vont ainsi résister au temps? Sans doute en partie en raison de l’universalité de l’histoire, et d’une illustration intemporelle. Depuis sa création, il a été réédité plusieurs fois (avec des modifications de couvertures) et il rencontre toujours son public.
Des enfants mais aussi beaucoup des adultes. C’est un album que l’on apprécie à tout âge.
Moi j’attends est est également une application et un film d’animation, réalisé par Claire Sichez, avec la voix d’André Dussolier.
Quand maman était petite… Comme moi, Hélène Lasserre, Gilles Bonotaux, saltimbanque, 2022, 13€90
Après Quand mamie était petite… Comme moi, sorti en 2020, le même duo d’auteur se penche sur l’enfance d’une fillette dans les années 90.
Le principe est donc le même, un narrateur invisible, manifestement enfant en âge d’aller à l’école, nous raconte le quotidien de sa mère au même âge.
Cela en fait un album idéal à partager en famille, l’adulte pouvant éprouver une agréable nostalgie de son enfance pendant que le petit lecteur va apprécier de découvrir son parent sous un jour nouveau.
Et on mesure brutalement à quel point les choses ont changé en 30 ans, même si on retrouve une certaine universalité de l’enfance entre le souvenir et le présent.
J’ai eu un immense plaisir à le lire avec ma fille, qui m’a posé plein de questions sur ma propre enfance (qui remonte plutôt aux années 80 que 90 et mine de rien ce n’est pas pareil)
Ainsi ma cadette est restée très perplexe devant le concept de minitel (« Mini-Tel?!? mais enfin, c’est énorme et ça ne sera pas à téléphoner, pourquoi ils l’ont appelé comme ça? »), a trouvé aberrant l’idée même d’un appareil photo jetable ou de motocrotte (faut avouer…) et a compatis à l’idée d’une enfance sans internet ( le livre évoque le forfait 3 heures par mois, mais je lui ai expliqué que quelques années auparavant, ça n’existait même pas).
Quant à moi, j’ai passé la lecture à m’exclamer « ah mais oui! » « Mais tellement! » « c’est exactement ça! » et, plus rarement « han, j’avais oublié ça… »
L’album fait preuve d’une précision documentaire, dans le texte comme dans les images, où l’on retrouve les vêtements, les affiches, les petits objets du quotidiens (crayons, trousses, gadgets) mais aussi bijoux ou coiffures qui ont marqué l’époque.
Bref, ça fonctionne vraiment bien, on a mis très longtemps à le lire tant on a fait de digressions et la conversation qui en est née a continué à nous occuper pendant plusieurs jours, en incluant toute la famille: mes deux filles, leur père, mais aussi leurs grands-parents, qui se sont pris au jeu des souvenirs avec bonheur.
Quand maman était petite est donc vraiment facteur de liens familiaux et je trouve ça très intéressant. Cela rend plus délicat le fait de l’utiliser dans le travail.
D’autant qu’il propose une vision très située: c’est une enfance en France, en ville et même plus précisément à Paris (les fameuses motocrottes ont-elles existé ailleurs?). Les familles avec lesquelles je travaille ont probablement des souvenirs d’enfance bien différents. Quel intérêt peut donc présenter pour elles cet album?
Je l’ai apporté à l’école où j’anime des groupes de discussions avec les parents autour des albums (dont je parle ici et aussi un peu ici), les personnes présentes l’ont trouvé intéressant et la mère qui l’a emprunté m’a dit « effectivement, ça ne ressemble pas du tout à ma propre enfance, je vais le lire à mes fils et je vous raconte le mois prochain ce qu’on en a pensé ».
Blaise, Isée et le tue-planète, Claude Ponti, l’école des loisirs 2021, 22€
Rentrer dans un album de Claude Ponti n’est pas donné à tout le monde. Disons le, il y a les enfants qui adhèrent et ceux qui sont hermétiques. C’est pareil pour les adultes d’ailleurs.
Il faut dire que cela demande un certain lâcher prise et la capacité à se projeter dans un univers loufoque, peuplé de créatures singulières et où les mots eux même deviennent étranges, se déforment, s’inventent à chaque page.
Quand on a passé le pas, c’est un immense bonheur de retrouver ce monde, d’années en années, au fil des albums.
Blaise, Isée et le tue-planète s’inscrit dans une série d’albums peuplée de poussins. L’un d’entre eux, Blaise, se distingue par le masque rouge et grimaçant qu’il porte (on sait depuis Milles secrets de poussins que c’est celui qui porte le masque qui devient Blaise).
Isée est également un personnage déjà connue des fans, on la rencontre dans La venture d’Isée puis dans L’avie d’Isée.
Mais si vous ne connaissez encore ni le monde ni les personnage de Claude Ponti, pas d’inquiétude, vous n’avez besoin d’aucune connaissance préalable pour découvrir Blaise, Isée et le Tue-planète.
Prenez une grande inspiration, plongez et laissez-vous émerveiller par la richesse de l’album.
Tout commence par l’atterrissage brutal d’Isée, dont le vaisseau s’écrase pile poil sur la maison des poussins. La petite héroïne a mal contrôlé son atterrissage, il faut dire qu’il y a urgence, elle vient chercher l’aide de ses amis.
Car il se passe quelque chose d’horibilifique. Un tue-planète sévit dans la galaxie.
Partout, les habitats sont détruits, il faut absolument construire un nouveau vaisseau et tuer le monstre.
Manifestement, la construction d’ un vaisseau est pour les poussins une activité aussi ludique que la confection d’un gâteau. Ils s’attellent donc à la tâche avec leur entrain habituel et bâtissent un fabuleux vaisseau en forme de poussin géant, dont le détail ravira les enfants. Aussi fonctionnel que plein de fantaisie, il est présenté de fond en combles , intérieur et extérieur, sur deux doubles pages qui ne demandent qu’à être longuement explorées.
Enfin la troupe s’élance pour éradiquer le tue-planète mais aussi pour accueillir les survivants, sauver les naufragés, héberger les sans planètes.
La mission n’est pas sans danger et les péripéties nombreuses, chaque planète à son caractère propre mais aussi son problème spécifique: celle-ci est envahie par une forêt mortelle, telle autre devient une boule de banquise ou est couverte de poils barbiturique.
Mais ensembles, les poussins trouvent toujours la solution.
Et l’album s’achève sur un rêve commun. Les poussins de partout et leurs amis d’ailleurs se voient reconstruire des plus belles, accueillantes, heureuses, différentes les unes des autres mais incroyabilicieuses et magnifiquissimes.
Un hymne à l’hospitalité, à la diversité et à l’écologie, des thèmes chers à l’auteur.
Pas de doute, le Ponti de l’année est une belle réussite, qui porte de belles valeurs sans jamais faire la morale aux gamins, c’est pas trop le genre de l’auteur.
Le visiteur, Didier Lévy, Lisa Zordan, sarbacane, 2021, 15€90
Le petit peuple de la jungle semble prompt à se moquer. Quand, dans le désert tout proche, ils voient arriver cet étrange pingouin, dont on se demande bien ce qu’il fait si loin de la banquise, les railleries vont bon train.
Il s’agite sous son ombrelle, il déplace des choses et des machins. Et ce n’est même pas pour se construire une maison. Complètement zinzin le pingouin, non seulement ce qu’il fabrique n’a aucun sens mais quand la chose est terminée, il a photographie et la détruit aussitôt. Chaque pierre, chaque branchage utilisé est remis soigneusement à sa place.
Quel sens peuvent bien avoir ces œuvres, inutiles et éphémères?
Pourtant, tranquillement, avec constance et humilité, le pingouin poursuit ses pingouineries.
Qui finissent par inspirer des pulsions créatrices chez d’autres. C’est ainsi que l’art fait son entrée dans la jungle.
L’art qui rassemble, qui permet de surmonter la peur de l’inconnu, qui est propice à la rencontre. Qui permet aussi de communiquer, par delà la barrière de la langue. Le visiteur finit par se lier d’amitié avec les singes, et fait désormais partie de la famille.
Le grand format met en valeur les réalisations du pingouin, la beauté de la nature mais aussi les expressions des protagonistes.
Le texte est raconté à la première personne, par un des singes qui, comme il l’avoue lui même, n’est pas le dernier à se moquer de l’étrange visiteur. Mais il est le premier à revenir sur son jugement, à se laisser tenter par l’envie de créer.
Ainsi l’album permet aux enfants de réfléchir à leur capacité à penser par eux-mêmes, à se désolidariser d’un groupe si nécessaire. L’importance de l’art, la rencontre de l’autre, la peur de l’inconnu ou encore le caractère délétère des moqueries, les sujets de réflexion sont nombreux dans cette histoire.
Les désastreuses conséquences de la chute d’une goutte de pluie, Albin Michel Jeunesse, collection Trapèze 2021, 12€90
Un plan fixe, en contre jour dans le soleil couchant. Les cinq protagonistes semblent figés dans leur position, on a un sentiment d’éternité. Comme dans une petite pièce de théâtre, chacun est à sa place.
C’est d’abord le peintre qui attire le regard. Il a le pinceau suspendu au dessus du chevalet, hésitant peut-être. Derrière lui, trois personnages ont la tête penchée sur la toile. une fillette juchée sur les épaules de son père et un amateur d’art.
Plus haut, presque dans la pénombre, une autre petite fille cueille des cerises. C’est quand on la voit que notre regard est soudait attiré par la toute petite goutte d’eau blanche dans le feuillage sombre. Minuscule mais éclatante, on penserait presque à une erreur d’impression si on n’avait lu le titre de l’ouvrage.
Alors qu’elle va tomber, comme au ralenti, au fil des pages, nous lecteurs, nous nous interrogeons. Quelles vont donc être ces désastreuses conséquences que l’on nous a annoncées? On prend conscience de l’équilibre précaire de l’enfant sur les épaules paternelles, et de celle sur sa branche. La silhouette du pinceau soudain nous semble bien pointue.
La redondance entre le texte, très descriptif, et l’image contribue à nous tenir en haleine. Il ne se passe presque rien, les mouvements de chacun sont quasiment imperceptibles mais il apparaît très vite que tout se met en place pour la chute… Racontée uniquement par l’image et qui ne peut intervenir que par la conjugaison parfaite de tous les éléments qui se sont mis en place au fil des pages.
Cette dernière image sera le clap de fin, un bouquet final tout en mouvement, et souvent le lecteur se précipite pour recommencer l’album, remonter le fil, voir comment les facteurs se sont enchaînés, précis et implacables.
Ce qui se produit était inéluctable, parfois c’est ainsi, une goutte de pluie et tout bascule.
Comme toujours, Adrien Parlange, auteur entre autre du ruban met son sens du format et de la construction graphique au service de se créativité. Les désastreuses conséquences de la chute d’une goutte de pluie est un album très construit qu’on relit avec grand plaisir.
Un regret toutefois, la couverture qui donne très peu d’indice sur le contenu est peu attractive pour les enfants et il faut vraiment la médiation d’un adulte pour leur donner envie d’ouvrir ce livre. Sauf à le présenter ouvert, ce qui n’est pas évident avec ce format.
Mais, s’il a fallu que je le propose pour que des enfants m’en demandent la lecture, il a toujours été très apprécié (par les parents accompagnateurs également, ce qui est tout aussi important dan mon travail)
Comment devenir un élève modèle en 7 leçons et sans se fatiguer,Audrey Poussier, l’école des loisirs, 2021, 12€50
Les fans d’Audrey Poussier connaissent déjà Colette et Mo, les petits héros de cette histoire, rencontrés en 2019 dans l’opus Comment ranger sa chambre en 7 jours seulement. Et c’est avec grand plaisir qu’ils les retrouvent ici dans un nouveau livre tout aussi loufoque.
C’est que ces deux mouflets sont particulièrement inventifs. Et ils utilisent leur créativité essentiellement pour faire bêtises sur bêtises, toujours dans la bonne humeur et dans la plus parfaite mauvaise foie.
Dans leur famille, la figure parentale est incarnée par « le petite bonhomme en chef », un robot qui se veut autoritaire mais perpétuellement dépassé.
C’est d’ailleurs plutôt une bonne chose de déshumaniser l’adulte référent, ça évite qu’il ne devienne dingue à force d’être tourné en bourrique.
La maîtresse n’a pas cette chance, la pauvre subit les frasques des polissons au fil des pages et on craint sans cesse qu’elle n’y laisse sa santé mentale.
Elle résiste vaillamment mais elle fait tout de même une drôle de tête quand Colette et Mo, ayant fait l’école buissonnière le matin, déboulent dans la classe habillés de feuillages et les cartables pleins de grenouilles sautillantes.
Elle fait preuve d’une grande patience aussi quand les insupportables mouflets débarquent d’abord en chausson, puis sans cartable, multipliant les allers-retours jusqu’à ce que l’heure de l’école soit passée.
Bon, elle crie beaucoup mais ils ne lui en tiennent pas rigueur, c’est tout de même amusant de la rendre folle. Au fond, ils l’aiment bien, et s’ils font sans cesse les quatre-cent coups ce n’est pas tant pour l’éviter elle, que l’école. Au point que quand elle n’est pas là, elle leur manque!
Joyeux, impertinent et plein d’humour, Comment devenir un élève modèle est une première lecture idéale pour un enfant de CP. Le récit découpé en chapitres n’est pas trop impressionnant pour un lecteur novice.
Et il peut être lu à voix haute avec les plus jeunes.
C’est l’histoire, Corinne Dreyfuss, Charlotte des Ligneris, Seuil jeunesse, 2021, 13€90
C’est une histoire qui touche à sa fin, on s’en rend compte dès le début de l’album. Le texte donne des indices: « C’est l’histoire d’une petite vieille. Une petite vieille très très vieille et tout usée. » Sur l’image, les couleurs évoquent le soleil couchant. Le ciel occupe la partie supérieure de la page, donnant une impression d’immensité et de liberté, accentué par les oiseaux qui le parcourent. En bas de pages, les immeubles sont massifs.
Zoom sur l’un d’entre eux, celui où vit la vieille dame qui, à présent, tire les rideaux. C’est celui qui occupait le centre de la page précédente, d’un beau jaune soleil, avec une ombre grandissante qui lui mangeait une partie de la façade. Chaque détail à son importance et participe à sa façon au récit, chaque élément permet d’anticiper sur la fin de l’histoire.
Chez les voisins de la vieille dame, la vie bat son plein.
Ici c’est un couple qui s’installe, un bébé naîtra bientôt. Là, il règne une joyeuse agitation, on danse, on fait du skate, on joue de la guitare. Une colocation de jeunes sans doute, ou une bande d’amis réunis pour la journée. En dessous, c’est la vie de famille qui est représentée. De tout cela, le texte ne dit rien.
Il s’attache à décrire les actions de la vieille dame, qui a décidé de se coucher. Le rideau est désormais clos, il faut soulever un cache pour voir ce qui se passe derrière. Mais aucune action n’est représentée, seulement son résultat: La chaise, le lit, et les vêtements qui d’une page à l’autre vont s’entasser sur la chaise. C’est la vieille dame qui se déshabille, dans l’ellipse entre chaque page.
Des gestes précis et organisés d’abord, puis un peu moins, comme si même pour cette action toute simple de se mettre au lit, l’énergie l’avait quittée.
La façade de l’immeuble s’efface sous les nuages, comme si petit à petit la vie s’éloignait.
Puis dans trois très belles doubles pages qui se déplient l’image montre les flash-bac de la vie de la vieille dame, alors que le texte reste centré sur son coucher. Son dernier souffle est évoqué tout en douceur. Et son histoire est finie.
Quelle beauté, quelle tendresse, quelle justesse dans cet album. Le lien entre le texte et l’image est si finement travaillée, l’évocation de la mort tellement bien amenée.
C’est un livre apaisant, que l’on relit avec plaisir. C’est d’ailleurs souvent à la deuxième lecture seulement que l’on voit vraiment la couverture. Car lire une couverture d’album, ce n’est pas seulement en déchiffrer le titre ou le nom des auteurs, c’est aussi en comprendre l’image.
Le corps humain, Joëlle Jolivet, les grandes personnes, 2021, 29€50 Celui là je l’attendais avec une grande impatience, dès que j’ai vu les premières images sur la page facebook de l’autrice j’ai été certaine que ce serait une merveille.
C’est un documentaire complet, plaisant à feuilleter, d’une grande beauté, très précis dans un grand format.
Mais même ce grand format n’y suffit pas pour le degrés de détails souhaité par l’autrice, alors elle sort de la page pour présenter un écorché ou un squelette en pied. Ces silhouettes s’ouvrent en flap pour laisser place aux réseaux de veines et artères et de nerfs.
C’est à la page suivante, qui représentent les organes du corps féminin et masculin, que l’on comprend le mieux comment les choses se superposent, s’imbriquent. On soulève la cage thoracique pour découvrir les poumons qui eux-mêmes recouvrent le cœur etc.
On zoome ensuite pour regarder avec attention le fonctionnement du cœur, des poumons, des reins et de la vessie. En toute logique, on poursuit avec la page « manger et digérer », ce qui nous amène à la bouche, puis aux autres parties du visage. Vous aurez compris que l’enchaînement des pages est réfléchit et qu’il fait facilement sens pour le lecteur.
Les nombreux caches à soulever que l’on trouve sur toutes les pages permettent de montrer l’extérieur et plusieurs niveaux à l’intérieur du corps humain.
Joëlle Jolivet prend soin de montrer des hommes et des femmes, avec différentes couleurs de peau. La page sur les organes génitaux est complète (traduisez: elle n’a pas invisibilisé le clitoris) et précède celle de la grossesse, la naissance clôturant l’ouvrage.
Accompagné par un adulte, je pense que les enfants dès 6 ans peuvent l’apprécier. Pour les plus grands, il peut être un véritable support d’apprentissage. Personnellement, si je gérais une bibliothèque scolaire je le considérerais comme un indispensable!
C’est un beau cadeau à faire à un enfant qui s’intéresse à la biologie, moins complexe que « Comment fabriquer son grand frère » mais dans lequel adultes comme enfants ont quelque chose a apprendre.
A avoir dans sa bibliothèque familiale, donc.
Pour en voir plus, une vidéo proposée par l’éditeur:
À l’école! Sur les petits chemins de terre… Karen Hottois, Clémence Paldacci, Albin Michel jeunesse, 2021, 12€90
Le premier jour d’école est toujours attendu avec émotion par les enfants. Mais, de l’un à l’autre, les sentiments peuvent être très différents.
À travers cinq personnages et leur histoire, l’autrice donne à voir aux petits lecteurs différentes façon de se préparer à ce passage symbolique.
Il y a l’écureuil, très inquiet de ne pas réussir à faire rentrer son doudou dans son cartable.
Le blaireau, quant à lui a prévu une tartine pour tous les enfants de sa classe, et même pour la maîtresse. Mais résistera-t-il à sa gourmandise? Il n’est pas certain que les tartines soient toujours là le jour J.
La belette est d’une insouciance totale, bien décidée à jouer jusqu’au dernier moment. Mais quand elle se retrouve face au grand escalier qui mène à la salle de classe, sa gorge soudain se noue…
Le ver de terre à bouclette envisage la rentrée des classes avec enthousiasme. Il est impatient de parler de ses petites voitures et de son vélo neuf à ses camarades.
Quant à la crevette, sa plus grande crainte est d’arriver en retard. C’est que la mer est bien éloignée de l’école!
Les histoires de ces cinq personnages vont se croiser. S’ils ont des préoccupations et des émotions différents, ils ont aussi des traits communs: leur gentillesse, leur attention à l’autre, leur générosité.
La tendresse de leurs sentiments se retrouve dans le trait de l’illustratrice, Clémence Paldacci. Dans des illustrations pleines pages ou des petites vignettes, les petites frimousses sont délicates et attachantes.
On pourrait presque imaginer un album par personnage, mais c’est ensemble que chaque historiette prend tout son intérêt. Pour une fois on montre une multiplicité de sentiments, chaque petit lecteur aura la possibilité de s’identifier ou, au contraire, d’évoquer ses propres émotions, uniques et singulières, face à cette étape collective.