C'est l'histoire, Corinne Dreyfuss, Charlotte des Ligneris, Thierry MagnierC’est l’histoire, Corinne Dreyfuss, Charlotte des Ligneris, Seuil jeunesse, 2021, 13€90

C’est une histoire qui touche à sa fin, on s’en rend compte dès le début de l’album.
Le texte donne des indices: « C’est l’histoire d’une petite vieille. Une petite vieille très très vieille et tout usée. »
Sur l’image, les couleurs évoquent le soleil couchant. Le ciel occupe la partie supérieure de la page, donnant une impression d’immensité et de liberté, accentué par les oiseaux qui le parcourent. En bas de pages, les immeubles sont massifs.

Zoom sur l’un d’entre eux, celui où vit la vieille dame qui, à présent, tire les rideaux. C’est celui qui occupait le centre de la page précédente, d’un beau jaune soleil, avec une ombre grandissante qui lui mangeait une partie de la façade. Chaque détail à son importance et participe à sa façon au récit, chaque élément permet d’anticiper sur la fin de l’histoire.

C'est l'histoire, Corinne Dreyfuss, Charlotte des Ligneris, Thierry Magnier

Chez les voisins de la vieille dame, la vie bat son plein.

Ici c’est un couple qui s’installe, un bébé naîtra bientôt. Là, il règne une joyeuse agitation, on danse, on fait du skate, on joue de la guitare. Une colocation de jeunes sans doute, ou une bande d’amis réunis pour la journée. En dessous, c’est la vie de famille qui est représentée.
De tout cela, le texte ne dit rien.

Il s’attache à décrire les actions de la vieille dame, qui a décidé de se coucher.
Le rideau est désormais clos, il faut soulever un cache pour voir ce qui se passe derrière. Mais aucune action n’est représentée, seulement son résultat: La chaise, le lit, et les vêtements qui d’une page à l’autre vont s’entasser sur la chaise. C’est la vieille dame qui se déshabille, dans l’ellipse entre chaque page.

C'est l'histoire, Corinne Dreyfuss, Charlotte des Ligneris, Thierry Magnier

Des gestes précis et organisés d’abord, puis un peu moins, comme si même pour cette action toute simple de se mettre au lit, l’énergie l’avait quittée.

La façade de l’immeuble s’efface sous les nuages, comme si petit à petit la vie s’éloignait.

Puis dans trois très belles doubles pages qui se déplient l’image montre les flash-bac de la vie de la vieille dame, alors que le texte reste centré sur son coucher. Son dernier souffle est évoqué tout en douceur. Et son histoire est finie.

Quelle beauté, quelle tendresse, quelle justesse dans cet album. Le lien entre le texte et l’image est si finement travaillée, l’évocation de la mort tellement bien amenée.

C’est un livre apaisant, que l’on relit avec plaisir. C’est d’ailleurs souvent à la deuxième lecture seulement que l’on voit vraiment la couverture. Car lire une couverture d’album, ce n’est pas seulement en déchiffrer le titre ou le nom des auteurs, c’est aussi en comprendre l’image.