La valise, Chris Naylor-Ballesteros, kaléidoscope, 2022, 13€
Une drôle de créature, manifestement épuisée, arrive en traînant derrière elle une grosse valise.
Manifestement, le trajet pour venir jusqu’ici a été dur, la page de titre montre l’animal gravissant péniblement une montagne. Il a la tête lourde et le regard baissé. Rapidement, trois animaux l’entourent et entament la conversation. Ils sont curieux du contenu de la valise.
Quand l’inconnu s’endort, épuisé, sûrs de leur bon droit les autres animaux cassent la valise pour découvrir son contenu.
Pendant ce temps, l’étranger rêve de sa fuite, des dangers qu’il a bravés pour venir jusqu’ici, de tout ce que contient son bagage, si peu de chose et pourtant toute une vie résumée là dedans.
Devant son contenu d’ailleurs, les trois autres animaux prennent soudain la mesure de la situation. Ils ont cassé la valise, mais ils peuvent réparer bien des choses.
Avec un texte entièrement dialogué et des illustrations minimalistes, cet album joue sur la sobriété et s’abstient de toute démonstration.
Mais il montre avec une éloquente simplicité la difficulté de l’exil, la nécessité de l’accueil, l’importance de la tolérance.
Le message n’est en rien appuyé, et la chute amusante confère une certaine légèreté à l’album. Elle ouvre sur l’idée du don qui engendre un contre don et montre que tout le monde est gagnant à s’ouvrir à l’autre (aussi différent soit-il).
Un album de plus pour évoquer avec les enfants la question de l’exil et de la migration, des sujets fondamentaux, de tout temps.
Blaise, Isée et le tue-planète, Claude Ponti, l’école des loisirs 2021, 22€
Rentrer dans un album de Claude Ponti n’est pas donné à tout le monde. Disons le, il y a les enfants qui adhèrent et ceux qui sont hermétiques. C’est pareil pour les adultes d’ailleurs.
Il faut dire que cela demande un certain lâcher prise et la capacité à se projeter dans un univers loufoque, peuplé de créatures singulières et où les mots eux même deviennent étranges, se déforment, s’inventent à chaque page.
Quand on a passé le pas, c’est un immense bonheur de retrouver ce monde, d’années en années, au fil des albums.
Blaise, Isée et le tue-planète s’inscrit dans une série d’albums peuplée de poussins. L’un d’entre eux, Blaise, se distingue par le masque rouge et grimaçant qu’il porte (on sait depuis Milles secrets de poussins que c’est celui qui porte le masque qui devient Blaise).
Isée est également un personnage déjà connue des fans, on la rencontre dans La venture d’Isée puis dans L’avie d’Isée.
Mais si vous ne connaissez encore ni le monde ni les personnage de Claude Ponti, pas d’inquiétude, vous n’avez besoin d’aucune connaissance préalable pour découvrir Blaise, Isée et le Tue-planète.
Prenez une grande inspiration, plongez et laissez-vous émerveiller par la richesse de l’album.
Tout commence par l’atterrissage brutal d’Isée, dont le vaisseau s’écrase pile poil sur la maison des poussins. La petite héroïne a mal contrôlé son atterrissage, il faut dire qu’il y a urgence, elle vient chercher l’aide de ses amis.
Car il se passe quelque chose d’horibilifique. Un tue-planète sévit dans la galaxie.
Partout, les habitats sont détruits, il faut absolument construire un nouveau vaisseau et tuer le monstre.
Manifestement, la construction d’ un vaisseau est pour les poussins une activité aussi ludique que la confection d’un gâteau. Ils s’attellent donc à la tâche avec leur entrain habituel et bâtissent un fabuleux vaisseau en forme de poussin géant, dont le détail ravira les enfants. Aussi fonctionnel que plein de fantaisie, il est présenté de fond en combles , intérieur et extérieur, sur deux doubles pages qui ne demandent qu’à être longuement explorées.
Enfin la troupe s’élance pour éradiquer le tue-planète mais aussi pour accueillir les survivants, sauver les naufragés, héberger les sans planètes.
La mission n’est pas sans danger et les péripéties nombreuses, chaque planète à son caractère propre mais aussi son problème spécifique: celle-ci est envahie par une forêt mortelle, telle autre devient une boule de banquise ou est couverte de poils barbiturique.
Mais ensembles, les poussins trouvent toujours la solution.
Et l’album s’achève sur un rêve commun. Les poussins de partout et leurs amis d’ailleurs se voient reconstruire des plus belles, accueillantes, heureuses, différentes les unes des autres mais incroyabilicieuses et magnifiquissimes.
Un hymne à l’hospitalité, à la diversité et à l’écologie, des thèmes chers à l’auteur.
Pas de doute, le Ponti de l’année est une belle réussite, qui porte de belles valeurs sans jamais faire la morale aux gamins, c’est pas trop le genre de l’auteur.