Le ruban, Adrien Parlange, Albin Michel jeunesse
Il y a des livres objets qu’on trouve astucieux. On regarde le petit truc en plus, la découpe dans la page, le pop up ou le vernis judicieusement placé et on se dit que c’est une bonne idée, bien vu, vraiment.
Et puis il y a ceux qui sont tellement évident qu’on ne comprend pas que ça n’ait pas été fait plus tôt. Ça fonctionne tellement bien, ça s’impose presque, mince, personne ne l’avait fait, vraiment? Peut être que c’est ça en fait, le génie, le talent. Être capable de créer quelque chose qui s’impose comme l’évidence, dans lequel on rentre immédiatement, sans aucun pré-requis.
Adrien Parlange réussi cette prouesse dans son dernier album, Le Ruban, qui est une petite merveille.
Ici, l’idée géniale est vraiment simple: un ruban, semblable à un marque-page, jaune, est fixé non pas en haut, mais en bas du livre. C’est lui qui va prolonger chaque image hors champ.
On passe alors de deux à trois dimensions, l’image n’est plus figée, on la modifie, on la crée nous-même en déplaçant le livre dans l’espace et le ruban autour du livre.
Ce mince bout de tissu jaune devient alors successivement la ficelle d’un ballon ou la corde d’un funambule, le thé brûlant ou le spaghetti gluant.
Spontanément, on le bouge. On le pose sur la page ou on le tire vers le bas, on cherche l’horizontalité parfaite, pour éviter la chute du funambule ou on l’agite, frétillant, quand il est la langue d’un serpent.
A chaque page, on s’émerveille de constater à quel point ça marche. On en oublierait presque à quel point les images sont belles.
Si certaines sont très lisibles, d’autres sont plus complexes à interpréter. Il faut alors prendre son temps, comprendre le point de vue, analyser le dessin. Certains enfants passent rapidement sur ces pages mais d’autres froncent les sourcils et réfléchissent intensément. Vous savez à quel point je trouve ça important que les livres donnent du grain à moudre à l’intelligence des enfants. En particulier quand ils le font avec des qualités esthétiques indéniables, comme ici.
J’ai d’abord proposé cet album à des enfants déjà grands, pour une totale compréhension de la richesse du procédé.
Et puis j’ai eu l’occasion de le montrer à des bambins plus petits, deux ans et même moins. Ils sont captivés par les images, jouent avec le livre et font des va-et-viens dans l’album, pour comparer par exemple le gros serpent et le tout petit.
Les images de ce billet sont issues du site de l’auteur, que je vous conseille de visiter si vous voulez découvrir plus de merveilles.