Le visiteur, Didier Lévy, Lisa Zordan, sarbacane, 2021, 15€90
Le petit peuple de la jungle semble prompt à se moquer. Quand, dans le désert tout proche, ils voient arriver cet étrange pingouin, dont on se demande bien ce qu’il fait si loin de la banquise, les railleries vont bon train.
Il s’agite sous son ombrelle, il déplace des choses et des machins. Et ce n’est même pas pour se construire une maison. Complètement zinzin le pingouin, non seulement ce qu’il fabrique n’a aucun sens mais quand la chose est terminée, il a photographie et la détruit aussitôt. Chaque pierre, chaque branchage utilisé est remis soigneusement à sa place.
Quel sens peuvent bien avoir ces œuvres, inutiles et éphémères?
Pourtant, tranquillement, avec constance et humilité, le pingouin poursuit ses pingouineries.
Qui finissent par inspirer des pulsions créatrices chez d’autres. C’est ainsi que l’art fait son entrée dans la jungle.
L’art qui rassemble, qui permet de surmonter la peur de l’inconnu, qui est propice à la rencontre. Qui permet aussi de communiquer, par delà la barrière de la langue. Le visiteur finit par se lier d’amitié avec les singes, et fait désormais partie de la famille.
Le grand format met en valeur les réalisations du pingouin, la beauté de la nature mais aussi les expressions des protagonistes.
Le texte est raconté à la première personne, par un des singes qui, comme il l’avoue lui même, n’est pas le dernier à se moquer de l’étrange visiteur. Mais il est le premier à revenir sur son jugement, à se laisser tenter par l’envie de créer.
Ainsi l’album permet aux enfants de réfléchir à leur capacité à penser par eux-mêmes, à se désolidariser d’un groupe si nécessaire. L’importance de l’art, la rencontre de l’autre, la peur de l’inconnu ou encore le caractère délétère des moqueries, les sujets de réflexion sont nombreux dans cette histoire.