Théo, le grand blond et Tom, le plus jeune, sont deux frères. Tout au long de l’année, on les voit jouer, interagir, se chamailler aussi un peu. Dans leur quotidien à la maison ou à l’extérieur on croise d’autres enfants, un chien, quelques bonhommes de neige, beaucoup de peluches et autres jouets, mais jamais d’adultes. Sur chaque double page se déroule une saynète, avec à gauche le texte (entièrement dialogué) et les images à droite, façon bande dessinée.
Théo prend soin de Tom, parfois il fait preuve d’une autorité rapidement contesté par son cadet mais il est toujours bienveillant. Tom est un peu plus tempétueux, il déborde d’idées et il semble très attaché à son aîné. Les petites histoires qu’ils vivent ensemble sont intemporelles et universelles. Le charme désuet des images me rappellent un peu les albums de Mimi Cracra d’Agnès Rosensthiel, d’ailleurs il y a la même tendresse dans cet album.
C’est un album charmant, doux, un album dans le quel on se sent bien. Il demande une certaine habileté dans la lecture de l’image et parfois les enfants se font répéter plusieurs fois la même page pour bien la comprendre. Au fil des lectures ils se familiarisent avec les personnages et la forme en dialogue, ils se repèrent alors très bien et peuvent savourer pleinement les histoires.
C’est une auteure que je connaissais et appréciait déjà pour ses dessins animés Kockasfulu nyul (non, je ne sais pas le prononcer), qui sont également pleins de charme et qu’une amie hongroise a eu la gentillesse de m’offrir, je ne crois pas qu’on les trouve en France et c’est bien dommage. J’ai eu un grand plaisir à retrouver son trait dans cet album.
Dès la page de garde, on se sent en vacances. Il pleut sur la campagne, les nuages et l’eau occupent tout le ciel. Sur la route, qui serpente entre les fermes, une flaque se forme. Quand la pluie a cessé, les animaux vont se succéder autour de l’eau, à commencer par le plus petit d’entre eux, l’abeille. Furtive, elle boit et bzz, s’envole. On admire déjà la précision des détails, May Angeli manie la gravure sur bois avec une grande dextérité. On voit rarement des abeilles en si gros plan dans les albums. Cette image, d’ailleurs, intrigue les enfants. Les yeux sont impressionnants, le nuage, qui apparaît en bas de page, dans le reflet dans l’eau, étonne. La surface de l’eau est à peine matérialisée par des légers fils blancs, délicats.
D’autres animaux vont arriver, les uns après les autres et petit à petit le cadrage change, du très gros plan on passe à un plan plus éloigné, qui montre alors le chemin autour de la flaque, les fleurs qui poussent sur les bord, l’herbe, le ciel, un pissenlit (May Angeli doit aimer les pissenlits, je partage son goût pour cette plante qui pour moi symbolise tout à fait les jeux de l’enfance).
L’eau, c’est la vie et autour de cet oasis miniature la vie est frétillante, vive, joyeuse. Voir tous ces animaux barboter, ça donne envie. Débarque alors un enfant (garçon, fille? J’aime à penser que cet enfant peut être l’un ou l’autre, peu importe) qui voudrait bien jouer avec les canards. Mais ils s’éloignent en cancanant. Qu’à cela ne tienne, un cochon vient se joindre au jeu et rapidement l’eau devient gadoue, pour la plus grande joie des deux amis.
La palette chromatique réduite évoque les tonalités de fin d’été, on devine l’odeur de la terre mouillée, le bruissement des feuilles. Il y a des petites joies simples dont on ne saurait se passer. Se promener dans la campagne après la pluie, sauter dans les flaques au risque de se retrouver plein de boue en est un.
Vous avez remarqué comment certains enfants sont réticents, le soir, à raconter leur journée? Dans ce petit album tout cartonné, le papa a trouvé la parade. Il pose la question directement aux petons du bambin (qui, d’ailleurs, peut aussi bien être une fille qu’un garçon).
L’enfant a posé ses chaussettes, il a les orteils qui frétillent. Niché dans les bras de son père (tendrement enveloppant le père), il se remémore sa journée.
« Nous avons tambouriné, nous nous sommes faufilés en catimini… ». Les pieds racontent. Le texte est court mais il offre tout de même quelque mots savoureux et l’image, au trait sur fond blanc, enrichit l’histoire de petits détails qui l’ancrent dans un quotidien réaliste (le livre laissé ouvert par terre à coté du lit parental, la casquette qui traîne au pied du porte manteau, le parcours d’équilibre fait d’un banc retourné etc).
Pas de maman dans cet album, cette fois c’est la relation au père qui est mise en valeur. Mais il existe aussi « petit nez », sur le même principe, où l’enfant est montré avec sa mère, ainsi que « petit ventre ». Toute la série est vraiment sympa, avec des dessins assez atypiques qui traduisent parfaitement la vie et le mouvement des mouflets. C’est dynamique et rafraîchissant.
Heure Bleue Isabelle Simler éditions courtes et longues
Une fois de plus, Isabelle Simler nous émerveille avec ses images envoutantes. Ici, elle explore la palette de bleu, sa richesse, ses nuances, à travers la faune et la flore du monde entier. Près de nous ou plus loin, plumes, fourrure et écailles bleues sont bien plus nombreuses que je ne l’aurais cru.
On découvre ainsi le passerin indigo, le chat bleu russe, la grenouille azurée. Avec des plans éloignés qui montrent tout un paysage bleuté ou des gros plans qui donnent la part belle aux détails, chaque double page est un tableau dans le quel on plonge avec délice. De façon presque imperceptible on glisse en douceur du jour à la nuit, c’est l’heure bleu, montrée dans toute sa poésie et sa beauté.
On monte dans les airs, on plonge dans les océans, on vole à la surface de la terre, et on découvre d’improbables espèces.
Avec d’aussi belles images, on pourrait presque se passer de texte. Il s’insère discrètement dans les pages et offre aux oreilles des enfants de très jolis mots à découvrir. Certains sont même difficiles à prononcer pour les bambins, qui se régalent alors à les faire rouler sur leur langue. Ah, les mésanges qui zinzinulent, les morphos bleus qui étincellent sur les ipomées, que de sonorités nouvelles.
C’est un album très apaisant, qui enveloppe les enfants dans des mots doux et des images belles. une de mes collègue a endormi un bébé de deux mois en lui lisant!
Quant à moi, j’ai longuement scruté chaque page pour essayer de découvrir quelles techniques d’illustration étaient utilisées. J’en suis arrivée à la conclusion qu’il s’agissait de peinture grattée avec quelque coups de stylo ou de crayons et probablement un travail à l’ordinateur ensuite. Mais si ça se trouve, je suis complètement à coté de la plaque, ces images gardent bien leurs mystères!
Et puis, après avoir cherché à analyser, j’ai de nouveau regardé les images dans leur ensemble et je me suis dit « qu’importe, c’est beau! »
Edit: Renseignement pris, j’étais effectivement complètement à côté de la plaque, Heure bleue, comme tous les albums d’Isabelle Simler, est entièrement illustré à la tablette graphique. Un travail de minutie très réussi.
Jenny la cow-boy Jean Gourounas, atelier du poisson soluble,15€
isbn:978-2-35871-055-8
Jenny, ben, comme son nom l’indique, c’est une cow-boy. Autant dire qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et qu’elle n’a pas froid aux yeux. Et attention, pas question de toucher à son canasson. Alors quand elle le découvre décoré d’une tâche suspecte, son sang ne fait qu’un tour. Gros plan sur le visage courroucé de notre héroïne, aïe aïe, aïe, ça va saigner. A la recherche du coupable, elle accuse tour à tour putois, lynx, coyote. Elle les invective avec hardiesse, en matière d’insulte, son imagination est sans limite (et quel régal pour les enfants de les répéter)
Malgré son air furax, les bestiaux ne semblent pas impressionnés et chacun démontre tour à tour son innocence, en souillant à nouveau le poney au passage mais Jenny ne s’en soucie guerre, rien en peut la distraire de sa quête.
La chute, je ne vous la révèle pas, mais faites moi confiance, elle est aussi inattendue qu’hilarante.
Un album très réussit aussi par la relation entre le fond et la forme. Ici, aucun doute, on est dans un vrai western. Travelings, gros plans, bande son, tout est là, jusqu’au générique de fin.
Étrangement, Jenny est représentée uniquement par ses attributs de cow-boy/shérif (les éperons, l’étoile, et, bien entendu, le colt) et par son visage. Autant de charisme dans un personnage pourtant désincarné, il fallait s’appeler Jean Gourounas pour y penser et encore plus pour réussir ce pari.
Les prélivres Bruno Munari corraini (diffusion les trois ourses)130€
Ce sont 12 petits livres, présentés dans un coffret qui évoque à la fois un grand livre et une petite bibliothèque. 12 livres qui ont exactement le même format, un carré de dix centimètres sur dix. Le même titre ou presque, sur chaque couverture: Livre 1, Livre 2 etc. La matière de chaque livre, la reliure change. A l’intérieur, très peu de formes figuratives. Un bonhomme stylisé pour le livre X, des fourmis pour le livre Y, un chat…
Quand on a le coffret entre les mains, on explore chaque livre avec tout ses sens. La douceur du livre rose, le bruit que fait le livre en bois quand on le claque. Le vent qu’on peut faire en feuilletant le livre transparent. On est parfois un peu surpris, nous, les adultes. On tourne et retourne ces étranges objets. On trouve ça beau. On a envie de découvrir l’intérieur. Et pour les enfants? C’est pareil: Ils tournent et retournent les livres, les feuillettent, découvrent avec bonheur les surprises cachées dans chaque volume. Avant même de savoir lire, avant qu’on leur ait donné le mode d’emplois, ils comprennent comment appréhender ces objets. Ça tombe bien, c’était exactement le projet de Bruno Munari quand il a créé ces prélivres. Donner aux enfants à la fois une vrai petite bibliothèque et un mode d’emplois des livres.
Bruno Munari est un artiste italien, né à Milan en 1907. Il était à la fois sculpteur, designer, graphiste, peintre. C’est à la naissance de son fils qu’il a commencé à créer des livres pour enfants.
Il entame alors une vaste réflexion sur l’objet livre: Qu’est-ce qu’un livre et quelle est son utilité? C’est en réponse à ces questions qu’il commence (en 1949) la série des « livres illisibles », qui se passent à la fois d’images et de mots. La création de livres-objets se poursuit en direction des enfants et les prélivres sont un aboutissement de cette réflexion. Ils sont l’essence du livre: un ensemble de feuilles reliées entre elles, qui cachent une surprise et suscitent curiosité et émotions. En l’absence de mots écrits, le lecteur est invité à inventer et à interpréter, il est acteur de la lecture. En saisissant les prélivres l’enfant expérimente, il est mis dans la position du savant qui teste les différentes possibilités de la matière, il tâtonne pour découvrir par lui même les propriétés de l’objet: la transparence, les découpes, les formes cachées.
Quand j’amène les prélivres aux enfants, je m’abstiens d’être dirigiste avec eux. J’ouvre le coffret, le pose à portée de main et je les laisse venir voir, si ils en ont envie. Il faut alors en général rassurer les adultes. Oui il peut toucher. Non, il ne va pas l’abîmer. Oui, vous pouvez le laisser le mettre dans la bouche se frotter la joue avec, glisser ses doigts dans les trous. Oui, il gratte la page, il se demande si cette tâche noire, là, c’est un rond dessiné ou au contraire un trou. Munari a été farceur, il a joué sur l’ambiguïté. Ces deux rond, en apparence identiques, sont ils en réalité des opposés? Le plein, le vide, l’objet et sa représentation, l’enfant expérimente tout ça. Il cogite. Il s’étonne. Il s’émerveille.
Quand les adultes sont rassurés, ils s’émerveillent à leur tour. Ils touchent eux aussi. Ils n’osent pas mettre les livres dans leur bouche mais ils hument, caressent, écoutent. Pendant que leurs enfants grandissent au contact de ces livres, eux retombent en enfance. Et les voilà réunis autour de cet objet singulier, étonnant, un livre qui n’en est pas vraiment un, une bibliothèque insolite.
Le pigeon à besoin d’un bon bain Mo Willems, Kaléidoscope
Le Pigeon est de retour. Et il est égal à lui même: C’est l’incarnation de la mauvaise foi. Et aujourd’hui, en plus, il schlingue. Aucun doute, le pigeon DOIT se laver.
Mais, évidemment, il ne va pas se laisser faire. Il préfère déployer toute l’ingéniosité dont il est capable pour essayer de se dérober.
Tour à tour menteur (« Tu sais, dans certaines régions, il est impoli de se baigner »), accusateur (« Peut être que TU as besoin d’un bain! ») ou charmeur (« la vie est si courte, pourquoi la gaspiller avec des trucs sans intérêt? »), il égraine ses arguments. En vain.
L’insistance muette de son interlocuteur aura raison de son entêtement. OK, il accepte de prendre un bain. Sur le principe. En pratique, il faut d’abord trouver la température idéale, la bonne profondeur de l’eau, la juste quantité de jouets, tout ça quoi.
Comme souvent dans les albums de Mo Willems, la grande réussite tien dans les personnages. Ici, nul besoin de narrateur, ce pigeon est tellement expressif qu’on adopte spontanément le ton juste pour lire ses répliques. Quand à son interlocuteur, on ne l’aperçoit qu’au tout début de l’album. Il est hors champ dans toute la suite. Ses répliques, l’enfant les devine, il y a fort à parier qu’il les a entendues lui même un certain nombre de fois. Pour le reste, on est amené à l’imaginer. J’ai surpris ma cadette en train de regarder seule cet album. Elle avait son petit index tendu vers l’image et disait « ça suffit maintenant, allez, hop, au bain » avant de tourner les pages jusqu’à voir le pigeon dans l’eau et là elle à ajouté « j’aime mieux ça monsieur! » d’un air sévère. Étonnante identification, qui ne se produit pas là où on l’attendait, mais qui prouve, si c’était nécessaire, que les enfants perçoivent parfaitement le personnage absent. J’ai tendance d’ailleurs à penser qu’il est beaucoup plus intéressant de leur donner à voir que de leur montrer les choses.
Lièvre et Ours vont à la pêche Emily Gravett, kaléidoscope
Ours ADORE la pêche. D’ailleurs, c’est lui qui ouvre la marche, canne sur l’épaule, il semble impatient. Lièvre, lui, suit en portant tout le matériel. Il n’a pas l’ai d’être à la fête, il regarde même les asticots avec un air franchement sceptique.
Qu’importe, Ours se régale, même si sa première prise est… Le chapeau de Lièvre. Il ne se décourage pas et repart à l’assaut de la rivière, cette fois armé d’une épuisette. Avec la quelle il pêche une grenouille qui, paf, saute en plein sur la tête de Lièvre.
Le texte est très court et sobre, mais le dessin extrêmement expressif.
Alors que Lièvre se consacre au pique-nique, Ours redouble de malchance puisque cette fois, c’est un roller qu’il sort de l’eau. Au fil des pages, l’humeur s’inverse, Ours commence à se lasser de cette pêche infructueuse alors qu’à ses cotés, Lièvre vaque tranquillement à ses occupations champêtres. Et c’est finalement lui qui va pêcher, malgré lui, un énorme poisson alors qu’Ours s’est endormi.
C’est un grand plaisir de voir Emily Gravett revenir à des albums pour les tout petits et de constater qu’une fois de plus, elle leur fait confiance pour lire les images et n’appuie pas ses propos de mots inutiles.
Elle a toujours ce talent pour croquer en quelques coups de crayons des personnages expressifs. Ici on perçoit l’amitié, la complicité, la douceur de la relation improbable entre un gros ours et un lapin.
Le papier très épais et le grain mat des pages ajoute au plaisir de manipuler cet album (et à sa solidité, ce qui est appréciable quand on le confie à de toutes petites mains).
Et le trou dans la couverture, qui encadre les personnages comme un médaillon et incite à ouvrir le livre pour ouvrir le champ de l’image, fait la joie des bambins qui se régalent à y glisser leurs mains.
Cet album est semble-t-il le premier d’une série, je suis impatiente de retrouver ces personnages dans d’autres aventures.
Les farfelus, Miguel Tanco, les fourmis rouges 13€80
isbn: 9782369020400
Qu’est ce que c’est, au juste, un farfelu au cœur tendre? Ce sont ces gens là, vous savez, ceux qui embrassent les arbres, qui dansent quand ils en ont envie, ceux qui choisissent toujours l’autre chemin. Ils ont en commun leur singularité.
Parfois, le farfelu est un enfant, parfois c’est un gros monsieur aux bras tatoués, ou encore une femme qui applaudit même quand c’est l’équipe adverse qui a gagné.
Sur l’image au trait délicat en dominante jaune et ocre, chaque farfelu se détache par une touche de bleu profond.
De cette série de portrait, on tire quelques conclusions sur ce que sont les farfelus. Ce sont les gens qui ont gardé un peu d’enfance en eux, tous ceux qui s’épanouissent dans la fantaisie, ceux qui ne craignent pas d’être à la marge, décalés, différents.
Au fond, c’est peut être juste ceux qui ont gardé de leur enfance une indifférence pour le jugement des autres. Ou cette belle confiance en soi qui permet de se faire plaisir, simplement, par des petits instants de joie, sans se poser de question.
Je pense (j’espère) qu’il y a un farfelu dans chacun de nous. Parfois, il est là, tout proche, à fleur de peau, d’autres fois il est un peu plus enfoui, il faut alors le chercher un peu mais il peut réapparaître brusquement, par surprise, à la faveur d’une histoire racontée par exemple.
Un album délicat, dans le quel chaque image apporte sa touche d’humour. Un album qui réunit enfants et adultes dans un même plaisir.
Ouh là là! est le 3eme volet d’une série d’albums tout en images qui explorent et revisitent l’univers des contes traditionnels, après Bouh! et Tralalère.
Ici, nous rencontrons d’abord l’ogre et le loup, à l’air boudeur. Mais le loup à une idée et entraîne son ami vers une fenêtre jaune qui se découpe sur la page verte. L’ogre, soudain, à l’air benêt, on sent très vite que ce sont pas des flèches ces deux là.
De l’autre coté de la page, dans la lumière d’une pièce jaune, trois petits cochons et un enfant aux cheveux blonds jouent au cartes.
Nos deux compères semblent farceurs plus que gourmands, pour tromper leur ennuie, ils font des grimaces aux joueurs.
L’album instaure très vite un jeu de surprise qui s’inscrit dans l’alternance entre pages jaunes et vertes, entre l’intérieur et l’extérieur. La découpe de la fenêtre, vers la quelle convergent naturellement les regards, permet un changement de point de vue à chaque page. La charnière du livre découpe l’espace. Dans cette mise en scène très travaillée, l’ogre et le loup jouent à « coucou me voilà » suscitant la terreur chez les petits cochons et des éclats de rire chez les enfants à qui j’ai montré cet album.
Et puis brusquement, plus de découpe. Le loup et l’ogre obstruent totalement la fenêtre, ils essayent de passer de l’autre coté. Les cochons s’enfuient par une nouvelle ouverture, sur la page de droite. On remarque au passage que l’enfant blond ne porte pas de chaussures. C’est peut être un détail pour vous, mais pour l’ogre qui va se faire piquer ses bottes, ça veut dire beaucoup. Justement, les rôles s’inversent. L’ogre et le loup, coincés dans l’encadrement de la fenêtre sont vulnérables, les quatre autres sont passés de l’autre coté. Dans une dernière péripétie l’enfant déchausse l’ogre pour lui chatouiller le pied. Tiens tiens, un enfant, des bottes trop grandes, ce n’est probablement pas boucle d’or, comme on pouvait le croire au début.
Cette trilogie (peut être y aura-t-il d’autre titres? Je le souhaite en tout cas) a le très grand mérite d’amuser les petits comme leur parents: En nourrissant son récit par de nombreuses références aux contes, François Soutif permet à chacun de faire des liens et des hypothèses, on s’amuse et on réfléchit. J’aime beaucoup regarder les visages des enfants quand on leur montre, cette étincelle dans le regard au moment ou, paf, ils percutent quelque chose. La lumière se fait, ils ont construit leur vision du récit. Pour bien faire, il faudrait pouvoir montrer les 3 albums de la série, ce qui permettrait aux enfants de suivre les personnages, de voir les retournements de situation, chaque album s’enrichissant de la lecture des deux autres.
Si vous êtes un peu perdu dans l’utilisation des albums sans texte, je donne quelques pistes ici.