Que d’émotions Chaperon! Richard Marnier, Aude Maurel, Frimousse, 14€

Si certains contes se transmettent, à l’oral ou à l’écrit, depuis des générations sans rien perdre de leur puissance évocatrice, c’est sans doute parce qu’il y a quelque chose d’intemporel dans le message qu’ils transmettent. C’est aussi parce que les auteurs qui s’en emparent trouvent sans cesse des biais nouveaux pour les éclairer autrement, varier les notions mises en avant, les adapter à l’air du temps.

Cette n-ième version du Petit Chaperon rouge choisit un biais très à la mode en ce moment: il met en avant les émotions qui traversent l’enfant tout au long du récit.

Il est vrai que ces derniers temps il y a une très forte demande, qui émane à la fois des parents et des professionnels de l’enfance, pour les livres sur les émotions.

Qu’entends-t-on au juste par là? Qu’ils les explicitent, les donnent à voir et surtout, qu’ils offrent aux enfants des moyens pour mieux identifier les leurs (et, dans un second temps, pour mieux les gérer, les contrôler, les amoindrir peut-être).

Ceux qui ont cette demande s’attarderont donc particulièrement sur les pages de gauche de l’album, qui montrent le visage de la fillette en gros plan, permettant à chaque fois d’identifier clairement l’émotion qu’elle ressent.

Mais c’est quand on prend l’album dans son ensemble qu’il est, à mes yeux, le plus intéressant.

Sur la page de gauche se trouve donc le texte, mais aussi son illustration en silhouette, stylisée, qui se détache en rouge brique sur le blanc de la page.

Si le texte est fidèle au conte maintes fois entendu, il y ajoute une petite touche d’humour et de modernité très appréciable. Les gros plans sur le visage du petit Chaperon rouge n’en sont alors que plus savoureuses, étonnamment, elles distancient le lecteur de l’histoire.
D’ailleurs, si le conte en lui même est assez terrible, faisant écho aux angoisses de dévoration des enfants, il est ici dépouillée de ses attributs terrifiants. Le loup inspire plus le dégout, l’ennuie ou la surprise que la peur.

Personnellement, j’ai un grand plaisir à partager cet album avec des enfants, sans chercher à en faire un outil pour canaliser leurs émotions. Et, ma foi, ils ont l’air d’y trouver leur compte, puisqu’ils en redemandent.