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Bébé, dis-moi pourquoi tu pleures. Jacky Israël

30 janvier 2017 By Caroline Lemoine in Les billets de Caroline Tags: 1001 bébés, Eres, Jacky Israel, parentalité

Bébé, dis-moi pourquoi tu pleures. Jacky Israël,

Collection 1001 bébés dirigée
par Patrick Ben Soussan, éditions Erès. 15€

Préface
de Véronique Abadie
(
professeur faculté Paris-Descartes Service de
pédiatrie générale Hôpital Necker Enfants Malades),
postface de Bernard Golse (
 pédopsychiatre, professeur des
universités – praticien hospitalier
 de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris Descartes, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades et psychanalyste).

« Il est un rêve, le premier au Panthéon des illusions et des
espoirs des parents, l’essentiel objet de leurs désirs : faire en sorte que
leur bébé, jamais, ne pleure
 ».

Le bébé humain est, parmi les
mammifères, l’être le plus immature à la naissance, il lui faudra des mois, des
années pour se développer complètement.

Ce nouveau-né, qui vient de vivre l’un
des plus gros traumatismes de sa vie en passant de la vie in-utéro à
l’environnement extérieur, va devoir trouver des stratégies pour s’adapter et
se faire comprendre. Pour cela, le bébé va créer du lien avec ce et ceux qui
l’entourent pour ensuite pouvoir en créer avec lui-même.

 

Qui dit lien dit attachement. Deux
grands modèles théoriques ont largement été débattus à ce sujet, à la fois dans
la complémentarité et l’opposition. Sigmund Freud (médecin neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse) avec son approche psychanalytique mettant
l’importance du lien en second plan et plus récemment John Bowlby (psychiatre et psychanalyste britannique), qui a prouvé l’essentialité de l’attachement à
travers ses expériences.

Tout cela pour aboutir au postulat
suivant : « un bébé tout seul n’existe pas », comme si bien
dit par notre ami Donald Winnicott (pédiatre, psychiatre et psychanalyste).

Pourquoi ce charabia
psychologique ? Pour en arriver au choix du livre d’aujourd’hui
« bébé, dis-moi pourquoi tu pleures ». Ce fameux nouveau-né a trouvé
le moyen d’entrer en relation avec son environnement : le pleur.

Qui n’a jamais voulu faire demi-tour
en rentrant dans un restaurant dans lequel un bébé hurle ? Qui n’est
jamais rentré dans une crèche en se disant « je ne pourrais pas travailler
dans un lieu aussi bruyant » ? Et personne n’est à blâmer.

Ces cris, à la fois redoutés et
presque « attendus » (car moyen d’expression principal) composent le
premier langage de l’enfant. Ils sont à la fois signe, signal et symptômes.
Leurs fréquences, intensités, variabilités en font une communication à part
entière, que parents et professionnels, apprendront à décrypter au fur et à
mesure de la relation.

Jacky Israël dresse dans son ouvrage
un large panel des significations de ces manifestations. Du premier cri
« de la vie », aux pleurs d’appel, de faim, de sommeil, de douleur,
d’inconfort des premiers jours de vie aux pleurs plus diversifiés (réveils
nocturnes, pleurs de refus, colère, accident, maladie) qui vont peu à peu se
mettre en place avec le développement du bébé.

Il aborde également les différentes
situations que les parents peuvent rencontrer : déplacement professionnel,
changement de nounou, vacances chez les grands-parents, séparation etc…  Loin d’un dictât sur l’éducation, cet ouvrage
permet de se rendre compte que tout le monde passe par les mêmes étapes, et
ainsi de se sentir moins isolé, et surtout, il déculpabilise !

Riche de connaissances sur le
développement de l’enfant in-utéro, Jacky Israël balaye avec brio l’éveil des
sens durant la grossesse et tout ce qui se joue lors de l’accouchement et juste
après (peau à peau, mise en place de l’allaitement etc..).

Les places du père, du pouce, de la
tétine, du doudou et de l’autorité sont également abordées.

Si vous êtes jeune parent ou
professionnel accompagnant un nourrisson, si vous êtes perdu dans les ouï-dire
des psychologies de comptoir « laisse-le pleurer il fait un
caprice », «si tu le prends trop dans les bras il va s’habituer et tu ne
pourras plus rien faire », ce livre est fait pour vous.

Rappelons-nous que le bébé a passé
neuf mois (ou moins) à l’intérieur même de sa mère, qu’il va encore croire
pendant de longs mois qu’il ne fait qu’un avec sa mère (ou autre figure
d’attachement !), qu’il arrive dans un monde où tout paraît agressif (les
bruits, la luminosité, les températures), qu’il doit s’adapter à beaucoup de
choses en même temps (son corps qui n’est plus flottant, l’alimentation, le
sommeil, le mouvement autour de lui) et éloignons-nous des notions de caprice
pour un si petit être.

 

Nous pouvons résumer tout cela
simplement en une phrase, pour le bébé « je pleure donc je suis ».

 

 

Jacky
Israël
était un pédiatre reconnu,
néonatologiste, auteur de nombreux ouvrages notamment sur le bébé. Il était
également
membre du Groupe
de recherche et d’études de la naissance et du nouveau-né ainsi que
responsable de la rubrique « Quoi de
neuf docteur » de la revue Spirale,
la grande aventure de Monsieur Bébé. Jacky Israël
nous a quitté en 2015.

 

 

Pour aller plus loin :

« À la recherche du temps gagné,
comment l’olfaction participe à l’adaptation du nouveau-né » et
« L’audition prénatale, quoi de neuf ? » L’aube des sens 2,
coordonné par J.Israël et D.Rapoport

« Trente ans
d’intranquilité », L’aube des sens, coordonné par J.Israël et D.Rapoport

« Le sommeil de l’enfant »,
M-J. Challamel

« Entendre la douleur du
nouveau-né : aux confins de l’oubli », O.Fresco

« Les empreintes
sensorielles », Revue des auxiliaires de puériculture, N°16, J. Israël

« Maman, pourquoi tu
pleures ? », Les désordres émotionnels de la grossesse et de la
maternité, J. Dayan

« Le bébé et le temps », A.
Ciccone

 Sur internet :

Vidéo « Thalasso
bain bébé » : https://www.youtube.com/watch?v=OPSAgs-exfQ

Article sur l’attachement :

https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-pedagogie/bowlby-et-la-theorie-de-lattachement/theorie-de-lattachement-quen-sait-aujourdhui

 

Henri est en retard

25 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: Adrien Albert, coup de coeur, dès 3 ans, dès 4 ans, dès 5 ans, école, éditions l'école des loisirs, humour

Henri est en retard, Adrien Albert, école des loisirs, 12€70

C’est souvent comme ça avec les albums d’Adrien Albert. On part d’une situation quotidienne, très ancrée dans le réel, qui nous donne la sensation qu’on l’a déjà vécue. Et puis on fait un petit pas de côté, et la courbe du récit dévie. Un tout petit grain d’absurdité est venu se glisser dans l’histoire et, de façon imperceptible d’abord, on a basculé du réel au merveilleux.

Aujourd’hui, papa et maman sont malades. Nez rougis, mouchoirs en papier qui traînent autour du lit, pas de doute, la situation sent le vécu. Ils ne peuvent donc pas amener Henri à l’école.

Mais le gamin ne l’entend pas de cette oreille, au téléphone il enjoint son grand-père de venir le chercher. Grand-père qui rapplique à peine le téléphone raccroché.

Vous l’avez senti? Le petit pas de côté qui va faire passer le récit du quotidien au n’importe quoi, vous l’avez vu, juste là?

Cette petite faille dans l’espace-temps, qui permet au grand-père de se pointer dans la seconde, est mise en valeur par le découpage des pages en vignettes qui donne son rythme à l’histoire.

Henri est en retard, Adrien Albert, école des loisirs

Voilà donc Henri et papi qui démarrent en trombe pour rejoindre l’école en moto.

Et on s’éloigne de plus en plus du réalisme de départ. Le chemin pour l’école sera donc une véritable aventure, ponctuée de rencontres improbables, de digressions ornithologiques précises, de changements de moyens de locomotion et même d’un début d’histoire d’amour.

Les vignettes alternent avec des images à fond perdu, la palette chromatique est variée, les cadrages jouent la surprise.

On se laisse porter par le récit, on se rend bien compte que l’auteur ne nous dit pas tout, le bougre, alors on fait des hypothèses (mais quel peut bien être le secret que Papi partage avec sa bonne amie Gustine?)

On s’attend à ce qu’Adrien Albert nous ramène en douceur dans le monde tel que nous le connaissons mais non, puisqu’on est partis dans un univers parallèle pourquoi revenir? Ici on peut accueillir un élan dans une salle de classe, d’ailleurs cet élan semble doté d’un certain charme, auquel la maîtresse n’est manifestement pas insensible (et pourquoi pas?)

C’est toujours avec un grand bonheur que les enfants laissent Adrien Albert les prendre par la main pour faire le saut de côté. D’ailleurs, beaucoup de ceux à qui j’ai lu cet album n’y ont rien trouvé d’étrange.

Quant à moi je suis toujours contente de le lire, comme tous les livres de cet auteur, le monde dans le quel il nous plonge est quand même plus marrant que le nôtre.

Lu aussi dans le tiroir à histoire.

Le ruban

21 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: Adrien Parlange, Albin Michel jeunesse, collection trapèze, dès 3 ans, dès 4 ans, livre-jeu

Le ruban, Adrien Parlange, Albin Michel jeunesse

Il y a des livres objets qu’on trouve astucieux. On regarde le petit truc en plus, la découpe dans la page, le pop up ou le vernis judicieusement placé et on se dit que c’est une bonne idée, bien vu, vraiment.

Et puis il y a ceux qui sont tellement évident qu’on ne comprend pas que ça n’ait pas été fait plus tôt. Ça fonctionne tellement bien, ça s’impose presque, mince, personne ne l’avait fait, vraiment? Peut être que c’est ça en fait, le génie, le talent. Être capable de créer quelque chose qui s’impose comme l’évidence, dans lequel on rentre immédiatement, sans aucun pré-requis.

Adrien Parlange réussi cette prouesse dans son dernier album, Le Ruban, qui est une petite merveille.

Ici, l’idée géniale est vraiment simple: un ruban, semblable à un marque-page, jaune, est fixé non pas en haut, mais en bas du livre. C’est lui qui va prolonger chaque image hors champ.

On passe alors de deux à trois dimensions, l’image n’est plus figée, on la modifie, on la crée nous-même en déplaçant le livre dans l’espace et le ruban autour du livre.

Ce mince bout de tissu jaune devient alors successivement la ficelle d’un ballon ou la corde d’un funambule, le thé brûlant ou le spaghetti gluant.

Spontanément, on le bouge. On le pose sur la page ou on le tire vers le bas, on cherche l’horizontalité parfaite, pour éviter la chute du funambule ou on l’agite, frétillant, quand il est la langue d’un serpent.

A chaque page, on s’émerveille de constater à quel point ça marche. On en oublierait presque à quel point les images sont belles.

Si certaines sont très lisibles, d’autres sont plus complexes à interpréter. Il faut alors prendre son temps, comprendre le point de vue, analyser le dessin. Certains enfants passent rapidement sur ces pages mais d’autres froncent les sourcils et réfléchissent intensément. Vous savez à quel point je trouve ça important que les livres donnent du grain à moudre à l’intelligence des enfants. En particulier quand ils le font avec des qualités esthétiques indéniables, comme ici.

J’ai d’abord proposé cet album à des enfants déjà grands, pour une totale compréhension de la richesse du procédé.

Et puis j’ai eu l’occasion de le montrer à des bambins plus petits, deux ans et même moins. Ils sont captivés par les images, jouent avec le livre et font des va-et-viens dans l’album, pour comparer par exemple le gros serpent et le tout petit.

Les images de ce billet sont issues du site de l’auteur, que je vous conseille de visiter si vous voulez découvrir plus de merveilles.

Raconte encore grand-mère!

18 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: deuil, famille, Marido Viale, mort, Samir éditions, souvenirs, Wavière Broncard

Raconte encore grand-mère! Marido Viale, Wavière Broncard, Samir éditions, 11€

Depuis la mort de son mari, grand-mère vit avec sa petite fille. Elles se promènent dans le parc, sautent dans les flaques, font de la balançoire. Papa et Maman disent que grand-mère est vieille. Qu’elle ne rit plus. Mais ils se trompent, la fillette le sait bien, elle qui joue avec sa grand-mère à faire des grimaces et qui écoute longuement ses histoires du temps passé.

La mort plane tout au long de cet album (celle du grand-père au début, celle à laquelle se prépare la grand-mère à la fin) mais il y règne tout de même une sérénité certaine. Les thématiques du temps qui passe, du souvenir, de l’amitié inter-générationnelle sont évoquées avec douceur.

Il y a dans les jeux de la grand-mère et de sa petite fille un petit brin de fantaisie et beaucoup d’amour. Une confiance dans l’avenir aussi, grand-mère sait bien qu’elle aussi va partir, mais elle laisse à sa petite fille les histoires qu’elle lui a racontées, elle sait qu’elle sera encore dans son souvenir.

C’est un livre délicat dans lequel les enfants peuvent puiser la force nécessaire pour surmonter ou anticiper un deuil. Je ne regrette qu’une chose, que le mot mort ne soit jamais utilisé. Je ne suis pas certaine que la métaphore du départ soit pertinente pour les enfants, et je suis convaincue que le mot mort ne les impressionne pas plus que nécessaire.

Œdipe toi-même! Consultations d’un pédopsychiatre.

16 janvier 2017 By Caroline Lemoine in Les billets de Caroline Tags: Anne Carrière, Marcel Rufo

Œdipe toi-même! Consultations d’un pédopsychiatre. Professeur Marcel Rufo, Anne Carrière, 14€94

Titre pour le moins évocateur… Ces 232 pages se lisent avec
une étonnante facilité. Si vous avez suivi les autres chroniques, « Œdipe
toi-même! Consultations d’un pédopsychiatre » est un croisement de Tout n’est pas forcément psy
de Patrick Ben Soussan et de  Raconte-moi d’où je viens  de Nicole
Prieur.

Si à première vue ce livre pourrait nous faire partir en
courant, par crainte de tomber dans un jargon psycho-pédo-philosophique, il
n’en est rien.

En effet, Marcel Rufo humanise ce domaine, et partage avec
beaucoup d’authenticité (dès le titre !) son expérience de pédopsychiatre
au fil de ses nombreuses années de pratique. Dans cet ouvrage, il n’hésite pas
à parler de lui en tant que personne, tant dans le cheminement de sa voie
professionnelle (parti d’instituteur aux études de philosophie jusqu’à la
médecine neurologique, pédiatrique et psychiatrique) mais aussi de ses doutes
voire de ses aveux. Je vous laisse tout de même trouver dans le livre la signification du mot
« pathognomonique » 😉

C’est avec ce panel d’approches qu’il partage avec nous différentes problématiques.

Plusieurs thèmes sont abordés autour de l’enfant : la maladie, la somatisation, la loi, les suivis psychothérapeutiques originaux, longs ou difficiles. Marcel Rufo n’hésite pas à mettre en avant des situations dans lesquelles la psychothérapie n’a pas été efficace.

À travers ce livre, nous voyageons à travers différentes histoires, nous plongeant dans les questions de placement familial, de fécondation in vitro, de handicap, de maladie, d’identité sexuelle, d’adoption, d’inceste et autres composantes de l’être humain.

Marcel Rufo nous permet aussi une mise en perspective de la place d’un parent absent qui revient dans la vie de l’enfant, qui laisse souvent perplexe car l’enfant adhère voire choisit ce « nouveau »
parent. Et aussi, de la place d’un parent en prison, mettant en avant les conséquences que peuvent avoir un parent « imagé » n’existant que mentalement plutôt que réel via des rencontres en milieu carcéral.

C’est également un petit rappel de la notion de peur chez les 3-6ans, du mélange de haine (40%) et d’amour (60%) présent chez tout parent, de l’importance de la parole. Il met d’ailleurs l’accent sur le fait que la parole est importante mais pas à prendre pour argent comptant, et que, bien souvent l’importance de dire la vérité est confondue avec le « tout dire », avec une mauvaise compréhension de l’impulsion de Françoise Dolto
(Patrick Ben Soussan en parle avec brio dans « Dolto, si tu reviens,
j’annule tout ! »).

Nous apprenons, ou nous nous rappelons, que l’enfant connaît son sexe psychologique dès 18 mois, que l’autisme est un diagnostic et non un pronostic, qui demande de la patience, de ne pas arrêter un suivi tout comme on n’arrêterait pas de donner de l’insuline à un diabétique. Que le narcissisme existe dès la naissance, plus ou moins solide selon les individus, renforcé ou non selon ses expériences. Que le rejet en premier lieu, face à la maladie ou au handicap est normal, réaction nécessaire au deuil de l’enfant « imaginaire et idéal ».

Enfin, Marcel Rufo nous déculpabilise, en tant que parent,
en tant que professionnel de l’enfant. L’enfant est maître de son destin, il se
construit son propre roman familial. J’ai noté en particulier cette citation
qui me semble bien le résumer : « les parents sont comptables des progrès
de l’enfant, plus que producteurs de ces progrès. L’enfant dépend en premier
lieu de lui-même, les parents s’adaptent à lui plus que l’inverse. Dans les
rôles parentaux il y a à mes yeux davantage d’adaptabilité que
d’éducation ». Le parent idéal n’est pas constructif pour l’enfant, qui ne
pourra pas « casser » cette image pour développer sa personnalité
propre, sans complexe.

En tant que parent et professionnel, nous devons composés
avec toutes ces composantes qui nous font être, humain et unique, car l’enfant
« n’est ni le pervers polymorphe décrit par saint Augustin, ni le divin
enfant imagine par Rousseau » mais bien un être à part entière, en
construction constante.

Marcel Rufo est pédopsychiatre, professeur d’université,
praticien, écrivain et auteur. C’est un spécialiste de l’enfance de renom,
intervenant essentiellement dans le bassin méditerranéen.

Pour aller plus loin :

Marcel Rufo : « Tu réussiras mieux que moi »

Isabelle Filliozat : « J’ai tout essayé »

Corinne Morel : « ABC de la psychologie de l’enfant »

Mélanie Klein : « Le complexe d’Œdipe »

Jean Bergès et Gabriel Balbo « Psychothérapies d’enfants, enfants en
psychanalyse »
 

« Un psy chez les tout-petits ? » Marie Danet

J’aime

14 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: cartonné, couleurs, dès 1 an, dès 2 ans, dès la naissance, Emmanuelle Bastien, l'agrume

J’aime, Emmanuelle Bastien, L’agrume, 9€90

Voilà un album qui pétille, qui scintille, qui frétille joyeusement, qui aiguise notre curiosité et parle à tous nos sens.

Avec des découpes rondes sur des pages colorées, Emmanuelle Bastien nous donne à voir, plus qu’elle ne nous montre, tout ce qu’on peut aimer. Amours gourmands d’abord, avec les petits pois ou les cerises du clafoutis. Plus contemplatif ensuite, avec les étoiles, la neige ou l’été.

Le mot « J’aime » dans son rond blanc sur fond rouge que l’on voit sur la couverture raisonne déjà bien différemment quand on ouvre le livre et qu’on le voit alors sur un fond uni blanc. De la même façon à l’intérieur chaque trou percé dans le carton va changer totalement de sens quand on va tourner la page.

Ainsi des trous sur une page verte laissent apparaître des ronds jaunes. Contraste des couleurs pleines de pep’s, on pense d’abord à du gruyère mais il s’agit des croûtons de la soupe. Viennent ensuite les mêmes découpes mais cette fois sur une page bleue pâle qui laisse apparaître une nuance à peine plus foncée. L’image est alors moins saisissante, plus délicate, ce sont les bulles de savon.

J'aime, Emmanuelle Bastien, L'agrume,

On prend plaisir à se laisser surprendre, on touche bien sûr, avec les doigts pour certains, avec la bouche pour les plus jeunes, et on tourne les pages dans tous les sens pour vérifier que ce sont bien les mêmes ronds qui produisent des effets si différents. Ici le trou se superpose à un autre plus petit et voilà un bonbon réglisse. Là ils sont nombreux à consteller la page et ce sont des étoiles.

C’est une véritable éducation du regard que cet album, qui se termine par une ouverture sur le monde.

Emmanuelle Bastien est également l’autrice du magnifique Maman renard.

Chroniqué aussi par Pépita et Sophie.

Les enfants terribles de John Burningham

13 janvier 2017 By Chloé Séguret in Mes publications Tags: autorité, colère, dès 3 ans, dès 4 ans, John Burningham, littérature enfantine, maman, papa

En décembre, la revue Le furet a consacré son numéro aux enfants qui nous mettent au défit.
Avec ma collègue Céline Touchard, j’y signe un article sur les enfants terribles de John Burningham, que je vous propose de découvrir ici.

 

Dans la littérature enfantine, soumise à une tension entre prescription et fantaisie, sont très vite apparus de drôle de trublions, aussi déconcertants pour les parents que réjouissants pour leurs enfants…

Enfants difficiles ou, simplement, qui ne correspondent pas aux normes ?

Dans l’album jeunesse, où l‘image a une fonction capitale, les bêtises sont devenues un thème récurrent, voire un genre à part entier… Nous souhaitons mettre ici à l’honneur John Burningham, l’un des plus grands auteurs britanniques pour enfants.

Ses petits héros sont sans doute terribles pour leurs parents, les injonctions qu’ils subissent sans cesse en témoignent. Mais dans le conflit générationnel, l’auteur, ancien élève de Summerhill, se place
résolument du côté des enfants et ses albums plaident pour leur
émancipation. Et s’ils ne se montraient difficiles qu’en réaction à une éducation trop stricte ?

En 1977 et 1978, deux albums ont pour héroïne Marcelle, Ne te mouille pas les
pieds Marcelle 
et Veux tu sortir du bain Marcelle (Père castor Flammarion).
Le recours récurent de cette enfant au jeu symbolique lui permet de résister face à une mère prosaïque et à l’injonction facile…

En 2006, paraît Edouardo le terrible (Gallimard jeunesse)dans lequel le petit garçon subit le regard prescripteur des adultes au point d’y perdre sa personnalité.

À trente ans d’écart, ces trois albums sont liés par leur thématique et la manière dont ils dépeignent les relations adultes/enfants. Marcelle comme Édouardo semblent captifs des fortes attentes des adultes à leur égard. Marcelle ne doit son salut qu’à sa fuite dans l’imaginaire alors Édouardo ne sera finalement « réhabilité » que suite à une série de malentendus.

Il est intéressant de souligner qu’aucun des deux n’a la parole, ils sont réduits à l’état d’objets par les adultes.

Marcelle

Les deux albums de Marcelle sont construits de manière similaire : page de gauche, le monde réel, l’espace des adultes, et page de droite, le monde imaginé par la fillette, sans écriture. Le texte est constitué d’un long monologue maternel, ponctué d’ordres et de
complaintes. L’image de droite s’oppose au texte et vient soutenir l’enfant, réduite au silence, en rendant « vraies » ses aventures, jusque dans les pages de garde.

Le premier opus décrit une sortie familiale et le second la toilette de Marcelle.
Dans les deux, l’image représentant la réalité est cerclée d’un trait brun (pour empêcher l’enfant de sortir du cadre ?) et semble bien terne avec son fond blanc et vide. Pourtant Marcelle est
déjà partie…

Sur la page de droite elle s’aventure dans un monde coloré et fantasmagorique où le crayonné fait place à une peinture fastueuse. Affrontant des pirates à l’aide d’un chien errant dans Ne te mouille pas les pieds… , elle rejoue son roman familial dans Veux-tu sortir du bain.. , en s’inventant des parents royaux et… Bienveillants!

Édouardo

Édouardo est « un garçon normal » mais chaque fois qu’il agit de façon
impulsive, il se fait stigmatiser par un adulte. De la page de
droite, tous le pointent du doigt : « Tu es désordonné »,
« tu es sale », « tu es méchant ». Au fil
des mois, il se conforme à l’image que l’on se fait de lui, allant
même jusqu’à se transformer physiquement : l’image le montre
de plus en plus sale, débraillé, hirsute.

L’apothéose est atteinte au centre de l’album quand Édouardo fait face, seul sur le fond blanc de la page de gauche, à un groupe d’adultes, la bouche ouverte dans un cri commun : « Édouardo, tu es vraiment le garçon le plus terrible de toute la terre ».

Mais, alors qu’il ne montre aucune volonté particulière de modifier son comportement, le regard des adultes se met à changer … Il jette toutes ses affaires par la fenêtre ? On le félicite d’avoir si bien rangé. Il arrose un chien ? On le remercie pour la toilette de l’animal. Et voilà notre Édouardo encouragé et montré en exemple !

Il est désormais « le garçon le plus adorable de toute la terre »…

Excessif ? Sans doute, puisque l’auteur nuance les propos en précisant qu’il reste « parfois » un peu sale, violent, désordonné, méchant.
Mais la fin du livre le montre porté en triomphe par les adultes : les voilà enfin réunis sur la même page, le conflit semble surmonté.

Au-delà de stéréotypes de genre…

Dans ces albums, ce sont les adultes qui occupent l’espace du texte. Les enfants subissent des réprimandes très violentes et cherchent à se défendre, par la rêverie chez la fille, par l’action chez le
garçon. En cela, on pourrait dire qu’ils se conforment aux stéréotypes de genre (Charol-Gagne,
2011, Filles d’albums : Les représentations du féminin
dans l’album
, L’atelier du poisson soluble.)

Mais, bien qu’elle semble sans réaction, Marcelle oppose une vraie résistance à sa mère en choisissant, par sa créativité, d’aller vivre des aventures loin du foyer et des contraintes de la vie réelle.

Édouardo à l’inverse est uniquement dans l’agir. Souvent représenté en dehors de sa maison, il est montré comme agissant. Pourtant, il n’a aucune maîtrise sur lui-même, et sa personnalité se modifie en fonction de ce que les adultes disent de lui. Stigmatisé ou encensé, il est le jouet du regard des adultes.

Si Édouardo nous semble être une victime, Marcelle apparaît comme l’héritière
d’un autre enfant terrible de la littérature jeunesse : son opposition à sa mère et sa fuite vers un imaginaire sauvage évoquent Max qui part au Pays des Maximonstres pour échapper à la
punition. Si, dans Max et les maximonstres (publié en 1963), Maurice Sendak laisse l’image envahir la page jusqu’à réduire le texte au silence, John Burningham choisit les couleurs vives de la
peinture, en digne représentant de toute une tradition picturale anglaise, pour représenter le monde psychique d’une enfant délicieusement frondeuse.

Tout autour

11 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: cycle de la vie, dès 5 ans, dès 6 ans, éditions Didier Jeunesse, maman, mort, vie

Tout autour, Ilya Green, Didier Jeunesse, 20€

« J’étais le centre du monde et la mère était là ». Cette évidence, c’est l’essence de l’enfance. Cet album débute par le temps de l’insouciance, une enfance douce, en harmonie avec la nature, dans laquelle on sent une grande sécurité affective et un lien très fort avec la mère. Une relation à la fois heureuse et fusionnelle (d’ailleurs il n’y a pas de père pour s’immiscer entre la mère et la fillette).

Une chose, tout de même, peut d’ores et déjà étonner le lecteur: des images sur fond noir qui s’intercalent dans l’histoire.

Puis les choses se gâtent. Survient la maladie de la mère (présentée de façon métaphorique) et sa disparition. Le sentiment d’impuissance de l’enfant et le chagrin infini.

Suivent une longue période de deuil puis une rencontre qui aidera l’enfant à s’ancrer de nouveau dans la vie.

Les images d’Ilya Green, qui sont toujours magnifiques, se déploient ici sur un grand format à l’italienne, au papier épais, elles sont même rehaussées d’or sur la couverture.

On prend un grand plaisir à feuilleter le livre, à le toucher. La rondeur enfantine des visages, la tendresse des regards, la nature luxuriante, chaleureuse, lumineuse, tout dans l’image rassure le jeune lecteur, lui permet de poursuivre sereinement la lecture même dans les moments les plus difficiles pour la jeune héroïne.

L’intimité offerte ici par Ilya Green rend cet album très touchant.

Mais je crois que c’est aussi à cause de cette grande part d’intime que je ne suis pas totalement à l’aise avec cet album. Le texte, pourtant poétique et métaphorique, ne m’a pas emportée. Si j’ai plongé avec délice dans les images, je suis en revanche restée en périphérie de l’histoire, c’est de loin que j’ai accompagnée cette fillette (qui pourtant parle à la première personne) sur son chemin de deuil. Je me suis même surprise à le lire à voix haute tout en pensant à un autre album d’Ilya Green, Mon arbre, auquel il fait clairement écho (et qu’il éclaire d’un jour nouveau)

Les enfants à qui j’ai lu cet album, eux, sont tous allés jusqu’au bout de l’histoire, preuve qu’ils ont adhéré, sans quoi ils ne se seraient pas embarrassés de politesse, ils auraient fermé le livre pour passer à autre chose (oui, ils ont le droit et ils le savent).

Un album lu aussi par Pépita et L’atelier des merveilles.

Fine et waf, à table petits gourmands

7 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: dès 1 an, dès 2 ans, dès 3 ans, Fleur de ville, France Quatrome, Rozenn Bothuon

Fine et waf, à table petits gourmands, France Quatrome, Rozenn Bothuon, Fleur de ville 9€90

Fine, c’est la fillette. Waf, c’est son chien. Autour d’eux gravitent aussi un chat, des petits oiseaux et une souris, qui ne sont pas mentionnés par le texte.

Dans deux petits albums cartonnés (peut être y en aura-t-il d’autre?) ils vivent leur petite vie quotidienne.

Ici, donc, il s’agit simplement du moment du repas.

Le texte énonce les différentes étapes qui sont nécessaires pour manger: se laver les mains, mettre sa serviette etc.

Oui, bon, des petits cartonnés qui nous montrent comment être un gentil petit enfant bien sage, ça va, il y en a des dizaines en librairies, on va pas commencer à les lires tous, au risque de mourir d’ennui et d’épuiser les gamins de toute cette « bonne éducation »

Mais ici, alors que le texte est terriblement conventionnel, presque neutre, sur l’image les personnages ne s’y conforment pas.

Ce qui est réjouissant.

Ainsi, dans une maison à l’ancienne dans laquelle règne un sympathique désordre, nous pouvons voir Fine se comporter à peu près correctement et Waf faire absolument n’importe quoi. Dès le début, il est vautré par terre et se goinfre de pain. Pendant que Fine se sèche les mains sur la page de gauche, lui, à l’avant plan de celle de droite dévore sa serviette. Quand il s’agit de manger « Comme un grand avec sa fourchette », il enfourne tout le contenu de son assiette dans sa gueule, debout sur une chaise.

Autour, les autres animaux font également n’importe quoi, mais il semble que ça soit moins acceptable de la part de Waf, puisqu’il parait se prendre pour un humain: il mange à table, avec des couverts. En tout cas, les enfants à qui j’ai lu ce livre ont réagi sur la mauvaise éducation du chien et restent indifférents à celle du chat ou des oiseaux.

Quand on lit ce livre à un enfant, il peut s’identifier à la fillette bien sage, au chien insolent ou aux deux à la fois (les enfants ne sont pas à une contradiction près). Ce n’est pas un album moralisateur (Waf ne se fait pas sermonner à la fin, d’ailleurs il n’y a pas d’adultes avec les personnages), ni prescriptif. Il y a plein de petites choses qu’on remarque au fil des lectures, et qui font de cet album une belle réussite.

Quant à moi j’ai découvert les éditions Fleur de Ville avec ce livre et je pense que c’est une maison à suivre.

Connais-tu Pouf?

4 janvier 2017 By Chloé Séguret in Les albums Tags: dès 2 ans, dès 3 ans, ours, peur

Connais-tu Pouf? Corinne Dreyfuss, Frimousse, 13€

Ce n’est pas par hasard que les ours sont si présents dans la littérature enfantine.

Un ours, c’est chaud doudou, c’est rassurant, c’est le teddy de notre enfance, mais c’est aussi gros, impressionnant, le prédateur des cauchemars de notre enfance. C’est puissant, ça attire et ça fait peur. Bref, c’est intéressant. Pour les enfants et pour les auteurs.

Ici, Corine Dreyfuss, pour jouer sur cette ambiguïté nous présente Pouf par ses attributs. Grosses pattes. Gros ventre. Énorme gueule pourvue de très grandes dents. Et surtout, gros, très très gros cri. Du genre à se répercuter dans les montagnes au point d’effrayer les enfants qui s’apprêtent à se coucher.

Le tout contrastant avec des images toutes en rondeur qui le présentent plus ridicule que terrifiant (il y a un petit quelque chose de Grand monstre vert dans ce décalage)

Très rapidement les enfants identifient qu’il s’agit bien d’un ours, bien avant que le texte ne le mentionne. Ils sont contents, ça leur fait quelques points d’avances, d’avoir compris ce qui n’est pas dit. Pouvoir pointer l’image du doigt en affirmant: « moi je sais qui c’est, c’est un ours! » c’est déjà maîtriser un peu l’histoire, en être acteur, contrôler sa peur.

L’album créé la surprise et use du retournement de situation, pour finalement accompagner en douceur les bambins vers le sommeil.

Et s’il m’est arrivé de bailler à m’en décrocher la mâchoire en lisant ce livre, ce n’est certainement pas par ennuie. D’ailleurs, je vous mets au défit de ne pas en faire autant.

Un album de littérature enfantine apprécié aussi au pays des merveilles.

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