Yaya, Marie Gosset, Mathilde Joly, A2MIMO, 2022, 16€
La petite narratrice apprécie d’aller passer du temps chez sa grand-mère, qui n’habite pas loin. Elle a une jolie maison près de la forêt et sa vie est toujours en lien avec la nature.
Yaya n’est pas une mamie bavarde, c’est même une taiseuse. Mais parfois, elle raconte en quelques mots son enfance, en compagnie de ses huit sœurs aînées.
Une famille qui suscitait curiosité et bavardages au village. On les disait un peu sorcières.
« Est-ce que c’est vrai, Yaya?! » demande la fillette. Mais elle n’obtient pas de réponse.
Pourtant, entre elles deux, le courant passe, même sans mots, elles se comprennent. La petite admire les connaissances de son aïeule et sa capacité à mettre les animaux en confiance.
En toutes saisons, la vieille dame cueille fleurs ou racines. En cas de nécessité, il lui arrive même de parler aux arbres. L’entendent-ils? Allez savoir…
C’est une drôle d’histoire, sans péripétie, sans chute ni dénouement. Une tranche de vie qui laisse entrevoir une grand-mère mystérieuse et une relation avec sa petite fille très douce.
La nature, qui tient une place importante dans le récit est magnifique dans les illustrations, riche, colorée et généreuse. On peut y identifier différentes fleurs et feuillages.
Un livre qui nous plonge dans une ambiance et qui nous propose d’accepter cette étonnante grand-mère telle qu’elle est sans être certain de savoir qui elle est. Je trouve l’idée intéressante et cela fait réfléchir les enfants.
Dans un jardin magnifique, où la nature est luxuriante, un petit blondinet content de lui regarde la peinture qu’il vient d’achever.
On sent toute la satisfaction du travail accompli et on mesure l’importance de son œuvre en voyant l’empressement avec lequel il veut le montrer à son père.
Il faut dire qu’il y a autour de lui matière à inspiration. Tout dans la demeure comme dans le jardin est remarquable, la beauté est partout.
L’enfant déboule en trombe dans un salon où les œuvres d’art sont légion et proclame fièrement « PAPA, regarde mon tableau! » brandissant la toile au dessus de sa tête. Le père (que le lecteur adulte aura peut-être déjà identifié à ce stade) admire consciencieusement le dessin de son rejeton, et s’empresse de lui trouver une place de choix dans son atelier où il sera à côté de grandes œuvres, parmi lesquelles on repère de nombreux motifs floraux et aquatiques. Ne serait-ce pas des nymphéas? Mais le mouflet n’est pas satisfait, cette petite place de rien de tout pour son joli tableau? Jamais de la vie! Il va lui trouver un lieu à sa mesure!
Ce n’est qu’en fin d’album que l’on découvre ce que l’enfant à peinturluré. Pas sûr qu’il ait hérité du talent de son père, mais qu’importe, il bénéficie de tout l’amour qu’un père peut avoir pour son fils, et le tableau probablement sera chéri.
Les lecteurs qui ont eu la chance de fouler un jour la maison de Claude Monet à Giverny reconnaîtront sans mal la façade emblématique. Les œuvres majeures du maître sont également identifiables.
L’illustratrice joue avec des découpes dans les pages et des rabats pour rendre la beauté du lieu, et c’est très réussi. Mais ceux qui ne connaissent pas l’univers représenté auront tout autant de plaisir à la lecture de cet album, qui met en avant la relation chaleureuse entre un père et son fils. Et la chute est pleine d’humour et de fraîcheur.
Le tour du monde en 24 marchés, Maria Bakhareva, Anna Desnitskaya, la partie, 2022, 18€90
Je fais partie de ces gens qui, quand ils visitent une ville, se renseignent en premier sur les jours de marché.
J’ai toujours le sentiment que c’est l’endroit idéal pour être véritablement immergé dans la vie locale. Plus que la visite des musées et autres lieux emblématiques, c’est au marché que l’on peut sentir l’ambiance d’un lieu et là que l’on a le plus de chance de discuter avec ses habitants.
C’est également le propos de ce beau livre au format généreux qui nous fait visiter douze pays à travers 24 marchés.
Car il existe de grandes disparités entre deux marchés d’un même pays, et il est bon de le montrer.
Ainsi nous allons voyager avec gourmandise à travers le monde, découvrir les gens, les monnaies, les recettes, mais aussi un peu l’architecture de chacun de ces marchés à la fois uniques et représentatifs d’une culture, au sens large.
Parfois, comme en Hongrie, ce sont deux marchés de la même ville qui sont montrés, en l’occurrence les Halles centrales de Budapest et le marché fermier de Szimpla. D’autres fois, ils sont au contraire très éloignés, comme le marché d’Union Square à New-York et celui de Ferry Plaza à San Francisco. Dans tous les cas, on peut prendre note des disparités et des points semblables. Il y a les marchés où on mange sur place (le marché flottant d’Amphawa, en Thaïlande ou celui du cours Saleya à Nice) ceux qui sont couverts (Borough market à Londres, la boqueria, à Barcelone), les très grands et les plus petits. Mais partout il y a foule!
Pour chaque pays évoqué une première page donne des informations générales, un petit lexique, la monnaie locale et ce que l’on peut acheter avec le plus petit billet, et une recette de cuisine. Puis il y a le détail plus précis des deux marchés et enfin une grande double page pleinement illustrée, qui montre une scène d’ensemble dans laquelle on peut s’amuser à chercher quelques éléments cités dans un encadré.
Ainsi, Le tour du monde en 24 marchés est à la fois un album documentaire et un livre jeu, il est très accessible et donne beaucoup d’informations.
Dans mon travail, il est formidable pour favoriser les échanges avec les parents et les enfants, chacun pouvant raconter ses propres souvenirs.
Je l’ai amené avec moi sur le terrain pendant quelques semaines et j’ai constaté à plusieurs reprises que c’était toujours une grande joie quand quelqu’un y retrouve un lieu qu’il connaît déjà, et que chaque pleine page permet d’identifier le lieu au premier regard, avant même d’avoir lu la légende.
Bol d’eau, Stéphanie Richard, Julie Guillem, Sarbacane, 2022, 14€50
Il est joli et fleurit, avec le rayon de soleil qui se reflète à sa surface, ce bol d’eau qui est posé là. Au centre du monde nous dit le texte. Dans un jardin en bord de mer nous informe l’image.
Telle une marre au milieu du désert, il va accueillir les animaux des environs qui ont besoin de se désaltérer. C’est un petit point de rassemblement autour duquel il n’y a pas de conflit.
Dans un rapport d’augmentation (ça, c’est pour mes étudiants qui ont parfois du mal à mémoriser les différents rapports texte/image), dans un rapport d’augmentation, donc, l’image raconte plein de choses qui ne sont pas mentionnées dans le texte (c’est même la définition, de la chose, pour ceux qui n’ont pas suivi en cours)
Nous voyons donc une fillette qui, chaussée de ses bottes de pluie, vaque à ses occupations. Elle arrose les plantes, cueille les cerises, dessine. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit mentionnée pour que les enfants comprennent qu’elle est un personnage central de l’histoire.
On devine même que c’est probablement elle qui a rempli le bol d’eau et l’a posé là.
Sur la première page, qui montre un plan d’ensemble, on peut voir de nombreux animaux et insectes. Ce sont eux qui viendront boire dans les pages suivante. Cela permet aux enfants d’anticiper sur la suite du récit, mais deux manquent à l’appel (je vous laisse le soin de chercher vous même de qui il s’agit).
Certains ne prélèvent qu’une goutte mais quand c’est au tour du chien, il ne reste plus rien.
Pas de panique, bientôt la pluie arrivera et le bol sera de nouveau plein.
L’image est épurée et très lisible, le texte minimaliste et à la première lecture on peut avoir l’impression qu’il ne se passe pas grand chose.
Mais au fil des lecture, les enfants repèrent la richesse de cet album où l’on peut s’amuser par exemple à retrouver tous les animaux à la dernière page (alors que l’escargot était encore introuvable à la précédente) ou le petit insecte supplémentaire qui va probablement prolonger l’histoire.
Et j’apprécie aussi l’ambiance calme et douce de cette journée en bord de mer.
On joue à cache-cache? Léa Viana Ferreira, CotCotCot éditions, 2022, 18€
AVRIL 2022
Il s’agit d’une partie de cache-cache qui se déroule tout le long de l’album.
Sur chaque double page, un verbe d’action, une courte phrase explicative, et une grande, magnifique et lumineuse illustration à fond perdu qui nous plonge dans une nature luxuriante.
Les enfants sont trois, ils commencent par définir des règles (le jeu doit se dérouler dans le jardin, la forêt et la maison en sont exclus), distribuent les rôles (celui qui compte, ceux qui se cachent), commencent la partie, s’affranchissent des règles, s’élancent, se cherchent, se trompent etc.
La nature est foisonnante, partout les fleurs explosent de couleurs, les animaux sont nombreux à y être dissimulés. Pie, chat, mésange et autre chevrettes ou lapins apparaissent ça et là entre les pivoines éclatantes, les iris bleus foncés, les fougères touffues.
On plonge avec délice dans chaque image.
Parfois on cherche longuement (et en vain) les enfants entre les feuilles, c’est qu’ils sont bien cachés les bougres!
S’ils ont chacun tracé leurs chemins pendant la partie, ils finissent par se retrouver quand le ciel rougis. Ils retirent alors les masques d’animaux qu’ils portaient sur la tête et retrouvent toute leur camaraderie et le plaisir d’être ensembles.
On joue à cache-cache? Est le tout premier de Léa Vianna Ferreira et c’est une absolue réussite, je vous conseille vivement d’aller visiter son site pour voir un peu plus de son travail, son travail est vraiment remarquable, je suis impatiente de voir ses prochains albums.
Comme je l’ai déjà évoqué ici, il y a de nombreux albums jeunesses que j’apprécie et auxquels je ne peux pas consacrer un article. Voilà donc un petit rattrapage de ceux qui sont sortis ces derniers temps.
Le bibliobus, Inga Moore, Pastel
Élan aime raconter des histoires le soir à se famille devant la cheminée. Mais à force, l’imagination vient à lui manquer, alors il se met en quête de livres dans le voisinage. Constant que personne n’en possède, il se rend à la bibliothèque la plus proche et petit à petit, un projet prend forme. Évidemment, l’histoire me parle, et les illustrations sont très sympas.
C’est d’ailleurs un album très remarqué depuis sa sortie.
Un secret, Magdalena, Elsa Oriol, l’étagère du bas Un secret chuchoté à l’oreille, dans un coin de la cour de récré. Il suscite curiosité, envie, regards en coin. Et puis il y a ce morceau de papier froissé, envoyé pendant la classe à la mauvaise personne… L’histoire, bien qu’un peu attendue, sonne juste et est racontée à hauteur d’enfant. Elle est illustrée pas des peintures absolument magnifiques, qui transmettent parfaitement des émotions des personnages.
Quand Jules se réveille, pour une fois, la nuit n’est pas tout à fait finie. Il profite de la maison vide, alors que ses parents et sa sœur dorment encore. Mais une lumière dehors attire son attention, et le voilà qui sort. Une aventure solitaire dans la ville, avec un soupçon de peur, un zeste d’entraide et un petit sentiment de liberté bien appréciable.
Bon voyage, Gouzi Lapin! Mo Willems, kaléidoscope La suite de Guili lapin et L’autre guili lapin. Cette fois ci la petite Trixie fait un grand voyage, elle se rend avec ses parents aux pays-Bas. Mais, drame, elle oublie son lapin chéri dans l’avion. Serait-ce le moment de dire adieu à la fameuse peluche? C’est un plaisir de retrouver Trixie et sa famille, avec toujours l’humour de l’auteur qui s’exprime autant dans le texte que dans l’image. Mais j’avoue avoir du mal à me faire au changement de nom du doudou. (les deux autres opus sont réédités sous le nom de gouzi lapin)
3 poissons, Rascal, Pastel Dans le bassin, chacun a son petit territoire. Mais le poisson rouge est le mieux doté: son espace est celui où il y a le plus de ver. Et pas question pour lui de partager. Quand leur bassin se fissure et qu’ils sont tous transférés dans un seau, où la nourriture ne manque pas, ils apprennent à vivre ensemble. Une petite histoire qui fait réfléchir, servie par les illustrations épurées qu’on avait déjà pu voir sous la plume de cet illustrateur ici ou là.
L’enfant renard Laure Van der Haeghen, HongFei.
Dans la maison, à l’orée de la forêt, vivent une mère humaine et son fils renard. Alors qu’elle est heureuse de vivre dans une maison, lui aspire à la liberté de la vie en extérieur, au point qu’il finit par la quitter. Elle-même, autrefois, était une renarde, elle comprend les besoins de son fils et le laisse donc partir, le cœur serré. Une nuit, trempé et affamé, il revient, juste pour un moment… Cette très belle histoire, magnifiquement illustrée, aborde symboliquement le désir de grandir, de liberté et celui de confort, la distance qu’il peut y avoir entre une mère et son enfant, qui n’est pas fixe, le respect des besoins de l’autre. C’est une histoire très forte, qui ne laisse personne indifférent.
Loup gris et louvette, Gilles Bizouerne, Ronan Badel, Didier jeunesse.
Nous retrouvons Loup gris, l’anti-héro dont on aime tant se moquer. Nous savions déjà qu’il n’était pas bon chasseur, nous découvrons, sans surprise, qu’il est également un piètre séducteur. Pourtant le pauvre n’économise pas sa peine, mais Louvette reste pour le moins distante, voire moqueuse… Un album tout aussi réjouissant que le reste de la série.
Un nouveau titre est attendu dans les semaines à venir.
Nina, l’histoire de Nina Simone, Traci N. Todd, Christian Robinson, Didier jeunesse.
Entre une mère pasteure qui lui fredonne sans cesse les chants de l’église et son père qui lui fait écouter des morceaux de jazz en secret, la petite Eunice Kathleen Waymon grandit entourée de chansons. Et très tôt, elle montre qu’elle possède un don particulier pour la musique. La vie de celle qui deviendra la grande Nina Simone est intimement mêlée à celle de son pays et des lutes pour les droits des personnes noires américaines. Ce très bel album met ce récit à la portée des enfants à partir de 6 ans.
L’été de Chnourka, Gaya Wisniewski, MeMo.
Nous retrouvons ici la bande d’amis rencontrés dans Chnourka, le temps de la belle saison. Lors d’une promenade, ils rencontrent Justin l’accueillent parmi eux. Les liens se créent, chacun a quelque chose à apporter à l’autre. Mais Justin ne fait que passer…
Un album assez long, dans lequel on s’installe, qui arrive parfaitement à rendre la complexité des sentiments. Les illustrations sont absolument irrésistibles.
Mon ami, Pog, David B. Draper, Mijade.
Il y a beaucoup de monde dans la famille lapin. Et peu de place pour inviter un ami. Petit lapin insiste tant et tant que ses parents finissent par céder. Mais quand ils voient arriver un ami avec une longue queue en panache qui dépasse de ses vêtements et surtout deux petites canines saillantes, ils sont terrifiés. Quelle idée pour un lapin de se lier d’amitié avec un renard! Ils sont furieux. Parfois il faut vraiment connaitre les gens, pour aller au delà des préjugés.
Comment ça va? Édouard Manceau, Bayard
Un petit cartonné aux angles arrondis, avec une petite bouille ronde face à nous qui répond à la question posée en titre. Le fond noir met en valeur ses expressions, très lisibles. Car c’est bien là le propos de l’album, montrer le panel des émotions que peuvent ressentir les enfants dans un livre miroir. Rien de révolutionnaire donc, mais un traitement simple et adapté d’un des sujets chouchous des professionnels de l’enfance et des parents en ce moment.
La vie bercée Hélène Dorion, Janice Nadeau, les 400 coups
Un récit de vie et des moments clés qui font l’enfance et qui forment l’adulte de demain. Les douceurs et les chagrins, les relations avec les autres sont explorées par un texte très poétique (peut-être un tout petit peu trop à mes yeux) qui déroule le temps jusqu’à l’âge adulte. Les illustrations sont sublimes, toutes en légèreté, elles jouent sur des effets de transparence comme pour montrer l’intériorité des personnages.
Granita, Magali Clavet, l’étagère du bas
Granita est une jeune pomme qui aspire à échapper à son destin. Finir en tarte ou en chausson, très peu pour elle. Elle quitte son pommier et décide de découvrir la vaste monde. Elle fait un beau voyage et d’étonnantes rencontres, et quand elle revient vers son pommier d’autres pommes n’attendent qu’elle pour se faire la malle à leur tour.
C’est frais, loufoque et plein d’énergie. On se prend de sympathie pour cet petit personnage tout en rondeur et plein de joie de vivre.
Bibi Jo Weaver, kaléidoscope
Chez les flamands roses, Bibi est très respectée. Son grand âge lui donne de nombreuses connaissances, on compte sur ses conseils pour élever les petits, trouver l’endroit où s’installer. Et quand il faut migrer pour trouver de l’eau, elle seule connaît le chemin à pied accessible aux plus jeunes. Au terme du voyage elle est particulièrement épuisée, et c’est à son tour d’être aidée et soutenue par le groupe.
Comme elles sont belles les images pleines pages de Jo Weavers (que vous pouvez voir aussi dans de nombreux albums, toujours autour d’un animal, dont celui sur une baleine). Et comme elle est tendre et juste cette histoire. Un petit bijou.
Oscar et Albert, Chris Naylor-Ballesteros, Kaleidoscope
Oscar, un renard (c’est rusé les renards, tout le monde le sait) et Albert, un ours (c’est souvent un peu benêt un ours, en tout cas dans la littérature enfantine) sont amis. Ils aiment jouer à cache-cache.
Mais Albert n’est pas très fort à ce jeu, et ça le chagrine de toujours être trouvé. Ce n’est pas de sa faute, il n’a jamais assez de temps pour se cacher. Ok, Oscar décide de lui laisser une chance, cette fois, il ne compter pas jusqu’à dix mais jusqu’à cent. Albert file et trouve une belle cachette mais le pauvre laisse un indice derrière lui… Un album très sympa, avec des personnages si expressifs, une jolie leçon d’amitié et… Une chute en deux temps très amusante.
Retourne chercher le pain, Jean-Baptiste Drouot, les 400 coups, 2022, 13€50
Nous retrouvons ici Graham, le renard de Va chercher le pain. Si vous avez raté le premier (sorti en France en plein confinement…) pas de problème pour comprendre celui là, mais il vous donnera sans doute envie de commander le précédent.
Graham, donc, obéit à l’injonction maternelle et se rend à la boulangerie du village. Mais à peine y est-il arrivé qu’il découvre que son cousin Oskar (également protagoniste de l’opus précédent) a disparu. Zut, obligé de partir à sa recherche!
Heureusement, Graham est plein de ressources, il saute dans une montgolfière et trouve rapidement les restes du bateau d’Oskar. L’enquête se poursuit sur une île déserte. Enfin, presque déserte.
Les aventures s’enchaînent, plus improbables les uns que les autres, dans un rythme qui maintient le lecteur en haleine et contraste avec le calme toujours affiché par le personnage.
Il y a des méchants, des courses poursuites, de la peur et un grand saut, mais aussi les retrouvailles avec Oskar.
Sans compter cet insoutenable suspens: Graham rentrera-t-il à temps pour acheter le pain avant la fermeture de la boulangerie?
Vous le saurez en lisant Retourne chercher le pain, un album plein de surprises.
J’ai découvert Jean-Baptiste Drouot avec le très drôle Voici Michel! et j’ai tout de suite été sensible à cette mise en scène de l’absurde.
Avec les aventures de Graham on est proche des jeux imaginaires des enfants, qui peuvent inventer milles péripéties qui se dérouleraient en un temps record. Ils rentrent d’ailleurs avec facilité dans cette histoire rocambolesque et attendent la suite. Bientôt peut-être un tome trois? La fin de celui là laisse en tout cas à le penser.
Vertige, Isabelle Simler, éditions courtes et longues, 2021, 22€
Décidément, cette autrice n’a pas son pareil pour saisir la poésie du vocabulaire entomologique.
Tous ces mots rares et précieux, que les enfants entendent si peu, elle les pare des plus belles images et les offre dans une langue à la fois chantante et précise.
Quand on commente l’un de ses albums, c’est généralement l’image qui est d’abord mise en valeur, et pour cause. Chaque double page est saisissante. Mais de plus en plus la maîtrise graphique de ses ouvrages s’accompagne d’une habileté littéraire tout aussi remarquable.
Ici comme souvent elle explore une forme hybride, entre album et documentaire. La naissance et la vie de la coccinelle, à la recherche d’un endroit pour pondre ses œufs, est prétexte à la rencontre de nombreux insectes beaucoup moins familiers.
La petite héroïne aillée repère dans le paysage un endroit qui lui semble propice, se pose, mais vu de plus près ce qu’elle prenait pour un végétal se révèle tour à tour être une famille de phasmes, une colonie d’ombonies épineuses ou encore une sauterelle feuille.
L’album instaure une alternance de plans éloignés, où la nature apparaît somptueuse, et de gros plans où les petites créatures étranges qui la peuplent sont révélées.
Quand, au loin, le soleil commence à décliner, la petite coccinelle trouve enfin l’endroit parfait. Et celle qui jusque là s’est fait chasser de partout se révèle être également une redoutable prédatrice, les pucerons en feront les frais.
Les deux dernières pages de Vertige reprennent les codes du documentaire classique, et donnent des informations précises sur les insectes rencontrés dans l’album.
Tombée du ciel, The Fan Brothers, Little urban, 2022, 13€50
Dans la petite société des insectes, une chose étrangement tombée du ciel va soudain modifier les relations.
Personne ne saurait dire de quoi il s’agit et les spéculations vont bon train, mais l’araignée y met fin en s’appropriant la chose. En un tour de passe passe elle parvient à persuader tout le monde que l’objet est tombé pile dans sa toile.
En adéquation avec le chapeau haut de forme qu’elle arbore, elle s’improvise en Monsieur loyal et expose le mystérieux objet moyennant paiement.
Ce n’est pas donné mais le succès est au rendez-vous. À tel point d’ailleurs qu’elle décide d’augmenter le prix: la loi de l’offre et de la demande, voyez vous.
L’araignée cupide entasse ses richesses, jusqu’à ce que se produise un désastre. Mais ne vous inquiétez pas trop pour elle, elle saura retomber sur ses pattes.
Décidément, les Fan Brothers font mouche à chaque fois, chacun de leurs albums est une petite merveille d’inventivité aux qualités graphiques rares!
Jamais noir et blanc n’avait été aussi lumineux que dans cet album, où les touches de couleurs sont rares et d’autant plus précieuses.
On ne peut qu’être séduit par l’incroyable précision du trait, la douceur feutrée qui se dégage des illustrations pleines pages.
Ici nous croisons des papillons de nuit au regard tendre, un phasme élégant, un escargot apprêté, et tous sont incroyablement expressifs. L’histoire est très originale et elle égratigne le concept de capitalisme en le transposant dans le monde animal.
Comme toujours avec les frangins Fan, tout dans l’album est impeccable, texte comme image. À recommander sans la moindre modération dès 3 ans.
La valise, Chris Naylor-Ballesteros, kaléidoscope, 2022, 13€
Une drôle de créature, manifestement épuisée, arrive en traînant derrière elle une grosse valise.
Manifestement, le trajet pour venir jusqu’ici a été dur, la page de titre montre l’animal gravissant péniblement une montagne. Il a la tête lourde et le regard baissé. Rapidement, trois animaux l’entourent et entament la conversation. Ils sont curieux du contenu de la valise.
Quand l’inconnu s’endort, épuisé, sûrs de leur bon droit les autres animaux cassent la valise pour découvrir son contenu.
Pendant ce temps, l’étranger rêve de sa fuite, des dangers qu’il a bravés pour venir jusqu’ici, de tout ce que contient son bagage, si peu de chose et pourtant toute une vie résumée là dedans.
Devant son contenu d’ailleurs, les trois autres animaux prennent soudain la mesure de la situation. Ils ont cassé la valise, mais ils peuvent réparer bien des choses.
Avec un texte entièrement dialogué et des illustrations minimalistes, cet album joue sur la sobriété et s’abstient de toute démonstration.
Mais il montre avec une éloquente simplicité la difficulté de l’exil, la nécessité de l’accueil, l’importance de la tolérance.
Le message n’est en rien appuyé, et la chute amusante confère une certaine légèreté à l’album. Elle ouvre sur l’idée du don qui engendre un contre don et montre que tout le monde est gagnant à s’ouvrir à l’autre (aussi différent soit-il).
Un album de plus pour évoquer avec les enfants la question de l’exil et de la migration, des sujets fondamentaux, de tout temps.