Émotions, Rascal, Pastel, 2021, 12€
J’ai d’abord accueilli la nouvelle plutôt froidement. Ah, tiens, un nouvel album sur ce sujet tellement à la mode. Bon, ça aura au moins le mérite de mettre un peu de diversité, parce que voir tous mes étudiants (en école d’éducateur de jeunes enfants) mais aussi tous les professionnels qui ne jurent que par “La couleur des émotions” depuis plusieurs années, j’avoue, ça me lasse.
Le sujet est tellement souvent demandé que j’ai fini par me décider à en faire un mot clé sur ce blog, mais sans grand enthousiasme. Si l’idée c’est d’apprendre aux enfants à bien identifier, bien nommer et in fine surtout bien maîtriser leurs émotions, alors disons-le tout de suite, je ne suis pas pour. La littérature n’a pas vocation à prescrire un bon comportement ni à servir de manuel de développement personnel. Je vois d’ici les utilisations dites pédagogiques qui peuvent être faites de ces albums. Pages photocopiées, enfants sommés d’en choisir une le matin au regroupement, ateliers organisés et groupes de paroles pour les maternelles. Voir la littérature enfantine réduite à cette fonction me chagrine et je trouve que les enfants méritent mieux.
S’agissant de ce nouvel album, j’ai tout de même assez confiance dans l’auteur pour me dire qu’il mérite sans doute qu’on s’y attarde.
Parce que des émotions justement, Rascal arrive très bien à en transmettre dans la plupart de ses livres.
Je peux être profondément émue par une image de Au monde par exemple.
En adaptant sa technique d’illustration au fond ce son propos, il suscite chez moi tour à tour un frisson de plaisir, de peur ou d’impatience et il transmet toutes sortes d’émois.
Ici, c’est la sobriété qui prime. Un trait noir traverse la page (on pense bien sûr au dessin animé de notre enfance la linea) et se transforme pour représenter (ou faire ressentir?) les différentes sensations.
“Au fil des jours… je suis calme
Colérique
Effrayé
Surpris”
L’inventaire se poursuit, un mot par page, une image, assez symbolique, pour l’accompagner.
Quelques pages sont un peu compliquées pour les enfants qui n’ont pas toujours les codes iconographiques pour les comprendre. Mais la plupart fonctionnent très bien, et parfois la rencontre entre le texte et l’image sont vraiment saisissantes.
Preuve en est que ce qui fait la qualité d’un album ce n’est pas tant le sujet que le talent de l’auteur!