L’éternité, Mathilde Poncet, l’étagère du bas, 2022, 15€
A vous je peux le dire, j’ai depuis longtemps un faible pour les sorcières. Avant même qu’elles ne soient mises à l’honneur comme figure du féminisme, elles ont toujours suscité mon admiration.
Particulièrement celles qui sont exclues pour leurs excentricités, montrées du doigt, recluse, alors qu’elles s’avèrent toujours bienveillantes au terme du récit.
C’est le cas de celle que l’on rencontre ici.
Surnommée La poupée du loup, sans que personne ne sache bien pourquoi, elle vit dans la montagne.
Une vie de solitude, avec les loups pour seule compagnie, dont elle ne se plaint pas mais tout de même, ça lui manque de parler avec des gens.
Mais quand elle se rend au marché les regards sont fuyants et elle peut entendre derrière elle les termes de sorcière, empoisonneuse, vieille folle.
Pour les amadouer, elle cherche à fabriquer quelque chose qui leur plaise. Qu’aiment les humains? Dans un de ses vieux ivres, elle trouve la recette qu’il lui faut: Celle de l’éternité.
Les ingrédients ne sont pas faciles à trouver, mais elle est tenace et courageuse.
Quand elle vient proposer son offrande au village, c’est le récit de ses exploits qui intéresse, plus que l’éternité, qui d’ailleurs a pris une forme tout à fait inattendue. Et ce sont les enfants les premiers qui sont passionnés par le récit et qui acceptent de venir à la rencontre de l’étrange femme.
L’éternité a filé, mais désormais les liens sont créés.
L’étrangeté de l’histoire, qui prend parfois des allures de conte, trouve un écho dans les grandes images, très colorées, mettant en valeur un personnage fantasque. La nature y est partout, sublime, habitée de nombreux animaux, dont certains dissimulés dans le chapeau ou marchant dans les pas de l’impressionnante Poupée du Loup.
Une hérissonne bien sensible, Ulrika Kestere, l’étagère du bas, 2021, 14€
Qu’elle est patiente, notre petite héroïne. Elle a repéré une magnifique mûre, assez loin de chez elle, et au lieu de la boulotter direct, elle a attendu, assez longuement semble-t-il, qu’elle soit parfaitement mûre pour enfin aller la chercher.
Quand elle grimpe à la ronce et s’apprête à croquer enfin le fruit charnu, elle se fait vertement réprimander par un corbeau qui passe par là.
Mais enfin, quelque chose d’aussi exceptionnel que cette mûre en tout point parfaite mérite a minima une petite photo avant d’être dégustée. Il faut impérativement garder une image, une preuve, qu’elle a existé!
La petite hérissonne n’y avait pas pensé, d’ailleurs son appareil est resté chez elle (et c’est loin, souvenez vous).
Mais, docile, elle décide de ramener la mûre pour la prendre en photo. Seulement sur le trajet, la baie est malmenée, et cette fois c’est un renard qui interpelle la gourmande pour lui expliquer comment elle doit se comporter. Il ne faut pas secouer le fruit, il est fragile, qu’elle le transporte donc sur la tête!
Toujours aussi obéissante, elle poursuit son chemin jusqu’à ce qu’un hibou l’interpelle brutalement, invoquant la sagesse inhérente à son vieil âge (ben voyons) pour lui reprocher… De ne pas prendre bien soin de son dos en transportant ainsi une lourde charge.
Cela peut sembler caricatural pourtant les injonctions contradictoires auxquelles on peut être soumis dans la vie réelle n’ont rien à envier à celles décrites dans cet album.
Qu’il s’agisse de la société de l’image ou de l’injonction à la santé, nous avons tous l’occasion de subir des conseils qui parfois tournent à la sommation dans notre vie quotidienne.
Et si notre hérissonne bien sensible se laisse d’abord intimider, elle finit par retrouver sa capacité à décider seule, en compagnie du seul animal qui ne lui a donné ni ordre ni conseil.
Une jolie petite histoire simple, mise en valeur par les images à hauteur de petit animal dans la forêt, qui montrera à l’enfant qu’il peut faire confiance à sa propre capacité décisionnelle, comme la petite hérissonne.
Fin d’été, Stéphanie Demasse-Pottier, Clarisse Lochmann, l’étagère du bas, 2021, 13€50
On peut, dès l’enfance, être sujet à la nostalgie. Et au spleen, tellement légitime, de fin d’été. La petite narratrice fait bonne figure quand il s’agit de dire au revoir à la maison de vacances, aux voisins. Les parents aussi prennent sur eux. Un peu de musique dans la voiture, un dernier pique-nique pour tenter d’agrémenter le trajet du retour.
Mais il faut un peu plus de temps pour être prêts à rentrer. C’est papa qui a eu l’idée. Une petite folie, une dernière nuit à la belle étoile, pour faire encore des couronnes de fleurs, profiter de la nature.
C’est seulement après que tout le monde est prêt pour rentrer.
J’aime bien les livres d’ambiance, ceux qui nous plongent dans une atmosphère douce, dans lesquels on ressent la chaleur des relations.
L’histoire tient en peu de choses, elle est d’ailleurs racontée en peu de mots. C’est une bonne idée de laisser un peu de place au silence dans les albums, les enfants en profitent pour écouter leurs propres pensées.
Je suis avec attention le travail de Stéphanie Demasse-Pottier depuis quelques temps déjà, aux éditions l’étagère du bas mais aussi aux éditions des éléphants, et je trouve généralement ses textes poétiques et accessibles à la fois. Clarisse Lochmann en revanche m’étais encore inconnue il y a peu de temps, mais j’ai déjà repéré son talent dans le très beau “La passoire”, où elle déploie une gamme de couleurs sombres, pour évoquer le monde de la nuit.
Ici ce sont des jaunes lumineux, des rouges vifs, des verts tendres qui font la palette de l’été.
Et puis ces traits imprécis, ces personnages presque flous, sur lesquels on peut projeter nos propres images mentales me plaisent beaucoup. Une illustratrice à suivre, dont je ne doute pas qu’elle va être de plus en plus remarquée dans un avenir proche.
Je publie habituellement trois billets par semaine ici.
C’est beaucoup (au regard du temps que je peux y consacrer et peut-être aussi beaucoup à lire pour vous), mais c’est très peu au regard de la production.
Je reçois de nombreux services de presse et j’achète beaucoup d’albums, je ne peux donc pas chroniquer ici tous les bons livres qui passent chez moi.
Je ne fais jamais d’articles sur les albums que je n’aime pas, mais il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles je n’en fais pas, même pour les livres que j’apprécie.
D’abord tout simplement le manque de temps. Dans les moments les plus chargés de ma vie professionnelle j’ai déjà du mal à tenir les 3 articles hebdomadaires.
Ensuite, il y a des albums que je trouve chouettes mais dont je n’ai pas grand-chose à dire, j’ai envie de les faire connaître mais il n’y a pas matière à faire un billet de blog un minimum étoffé.
Enfin, c’est difficile à assumer mais il faut l’avouer, il y a des livres dont je n’arrive pas à parler. Ceux qui me plaisent mais qui résistent à l’analyse que je peux en faire, pour lesquels je peine à trouver les mots. Ceux-là sont mon plus grand regret, car ils sont en général ceux que j’ai vraiment envie de défendre.
Je sais qu’en y consacrant suffisamment de temps, j’arriverais à en faire de bonnes chroniques, mais si j’essaye de ne pas passer toutes mes soirées à écrire, je n’y parviens pas.
C’est pour essayer de compenser ces manques que je vous propose aujourd’hui une liste, non exhaustive, des albums qui ont retenu mon attention ces derniers temps et qu’il serait dommage de rater.
Ma famille méli-mêlée, Aurélia Gaud, Sarbacane. D’abord, il y a eu Papi et mamie qui se sont aimés, se sont méli-mêlés. Et Papou et Mamita ont fait de même. A chaque génération, les couleurs de peau se mélangent, et on retrouve chez les enfants certaines caractéristiques de l’un ou l’autre des parents. Un chouette album dont ma collègue Yaël parle sur le site de LIRE.
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L’anniversaire du roi, Przemek Wechterowicz, Kasia Walentynowicz, MeMo. Tous les animaux se précipitent, chargés des plus beaux cadeaux, pour fêter dignement leur souverain. Mais une surprise les attend. Un album comme une blague, aux illustrations délicieuses. Voir sa présentation sur le site de l’éditeur.
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Magda la souris minuscule, Karen Hottois, Anaïs Massini, Didier jeunesse. De l’impatience d’une petite souris qui trouve que grandir, ça prend décidément beaucoup trop de temps. Voir la chronique faite par hashtagceline.
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Le petit cafard de maman, John Lavoignat, Sophie Jackson, l’étagère du bas. Maman a du mal à se lever, elle a un petit cafard qui la fatigue. Ces mots, prononcés par le papa, intriguent le petit narrateur, qui va chercher à aider sa mère. Rares sont les albums qui abordent la dépression parentale, c’est ici traité avec douceur et finesse et le petit héros arrive à apporter du réconfort à sa mère sans jamais endosser une responsabilité trop importante pour lui. Voir la chronique sur le site les mots de la fin.
Chamalla, Claude Bruneau, Alessia Bravo, Motus. Chamalla n’a peur de rien ni de personne, elle affectionne les histoires d’ogres. Elle va vivre une aventure proche du conte, où imaginaire et réalité se mêlent. Un album totalement atypique, qui ne peut pas laisser indifférent, aux images d’une grande force évocatrice. (pour les “grands”, il me semble adapté à partir de 6 ans, voire plus pour ceux qui sont particulièrement sensibles). Voir l’article, bien étoffé, de Avoir à lire.
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Le mariage des lapins, Garth Williams, MeMo. Il y a des thèmes qui sont intemporels. Comme le mariage d’un petit lapin blanc avec un petit lapin noir. Et des auteurs capables de faire des livres qui ne prendront pas une ride. Comme Garth Wiliams, qui a fait ce livre en 1958. Voir sur le site de l’éditeur.
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Le cadeau, Page Tsou, HongFei. C’est sans enthousiasme que le petit Xiong se rend en famille au musée d’art moderne. Lui est surtout préoccupé par la disparition de Monsieur Cigale, qui habituellement le suit partout. Encore un album très étonnant, pour ne pas dire déstabilisant, aux illustrations saisissantes. Voir la chronique de l’institut Charles Perrault.
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Le portrait du lapin, Emmanuel Trédez, Delphine Jacquot, Didier jeunesse. On reste dans le monde de l’art, mais cette fois pour s’en moquer un peu, ou plutôt pour railler ceux qui prétendent s’y connaître par snobisme. Lapin fait faire son portrait dans l’espoir de séduire Belette. Quand le peintre lui présente une toile toute blanche, il n’ose avouer qu’il ne comprend pas. C’est très drôle et parfaitement mené. Voir le site de l’éditeur.
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Une carapace pour deux, Eric Sanvoisin, Delphine Jacquot, l’étagère du bas. Restons donc avec cette illustratrice, au coup de crayon très reconnaissable. Ici encore, l’humour est au rendez-vous, avec une improbable histoire de collocation dans la carapace d’une tortue. Absurde et cocasse à souhait. Voir le site de l’éditeur.
Mon tonton Tony, Isabelle Gil, loulou et compagnie, l’école des loisirs. Tonton Tony, il a tout fait, tout vu, il voyage beaucoup! Enfin, pour un escargot, quoi. Un petit album cartonné plein d’humour et d’allitérations qui fonctionne très bien avec les petits. Voir le site de l’éditeur.
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L’éléphant de madame Bibi, Reza Dalvand, Kaléidoscope. Madame Bibi a un animal de compagnie bien encombrant. Ils font tout ensemble, mais ce n’est pas au goût des voisins, qui n’apprécient guerre le pachyderme. Mais après l’avoir chassé, ils seront bien attrapés! Voir la chronique de L’île au trésor.
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Un poney à Paris, Claire Braud, l’école des loisirs. Pour la parisienne que je suis, c’est un grand plaisir de redécouvrir ma ville à travers les yeux d’un touriste. Surtout s’il s’agit d’un adorable petit poney. Et j’y trouve une vision assez juste de la ville que j’aime, joyeuse, bordélique, cosmopolite et toujours pleine de vie et de culture. Voir la chronique de Ricochet.
Le très grand Marsu, Benjamin Chaud, Little urban. C’est un plaisir de retrouver les petits marsus, toujours aussi facétieux et joueur. Dans ce nouvel épisode, ils rencontre une bien étrange créature, tellement grande qu’il a fallu un album grand format pour le contenir. Mais, géant ou pas, ils le reconnaissent rapidement comme l’un des leurs. Retrouvez toute la série sur le site de l’éditeur.
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Le livre extraordinaire des insectes et araignées, Barbara Taylor, Val Walerczuk Little urban. Bon, voilà, je ne vais pas chroniquer toute la collection, vous avez compris maintenant qu’ils sont tous aussi sympas et que les illustrations sont toujours d’un réalisme impressionnant. Et puis il faut dire qu’on n’a pas souvent l’occasion de voir ces petites bestioles d’aussi prés. Voir la chronique de Ricochet.
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Desperado, Ole Könnecke, l’école des loisirs. Roy le petit héro va sauver la maîtresse d’école d’un vilain bandit à l’aide de sa malice et bien sûr, de son fier destrier. Ambiance far-west pour cet album plein de clins d’œils et d’humour. Voir le site de l’éditeur.
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Bob l’artiste, période bleue, Marion Deuchars, saltimbanque. Bob et Bat vivent une amitié qui semble fusionnelle. Alors quand Bat part, Bob est totalement démuni. Heureusement, il lui reste ses pinceaux. Un bel hommage à la période bleu de Picasso et une jolie initiation à l’art. Voir la chronique de Ricochet.
La rencontre, Stéphanie Demasse Pottier, Marie Poirier, l’étagère du bas 2021, 12€
En quête de diversité, Pingouin a quitté les siens.
Depuis, il est seul. Trop seul.
Un jour, il écrit un mot, comme une bouteille à la mer. Il l’attache sur le dos d’un poisson en espérant qu’il sera lu un jour.
Et c’est de l’autre côté de la terre que Chat finit par trouver le mot, le détacher du dos du poisson et le lire.
“Cherche ami”.
Ayant l’esprit d’aventure, Chat se prépare pour suivre le poisson dans un long voyage, jusqu’à la banquise de Pingouin.
La rencontre a lieu, les deux personnages prennent le temps de faire connaissance, ils discutent très longuement et passe beaucoup de temps ensemble.
L’amitié naît et elle comble les aspirations d’altérité de Pingouin.
Mais voilà, Chat a également une (nombreuse) famille, des amis. Il finit par avoir le mal du pays et aspire à retrouver les siens. Il est temps pour lui de prendre le chemin du retour.
Pingouin est invité à se joindre à lui, mais la banquise, dont il pensait être lassé lui apparaît sous un jour nouveau depuis qu’il l’a fait visiter à son ami. Et puis, il a peut-être une nouvelle rencontre à faire.
J’ai aimé dans cet album le fait que l’amitié permette de poser un regard neuf sur notre environnement quotidien, de le sublimer.
Le petit format, comme un carnet de voyage donne à cet album des allures de petit roman, et se prête à une lecture intime.
La plume de Stephanie Demasse-Pottier est poétique et on retrouve ici les très jolies images de Marie Poirier, que vous avez peut-être déjà repérées dans plusieurs albums chroniqués sur ce blog.
Aurèle est un ours généreux, toujours prêt à enfiler son costume et à aller faire le pitre pour distraire les enfants de l’hôpital.
Humour burlesque, jeux de mots et tours de magie parviennent à amuser les petits malades pendant les soins.
Mais Aurèle n’a pas toujours le cœur à rire, il est parfois au contraire très soucieux.
Quand il est réveillé en pleine nuit par la doctoresse pour qu’il vienne d’urgence à l’hôpital, il se presse de se maquiller et il lui emboîte le pas.
Il faut divertir Lolotte pendant la piqûre. Ce traitement lui apportera du répit, mais ce qui pourrait véritablement la guérir c’est l’algus blum. Une algue qui ne pousse pas ici, dans la montagne.
Une fois sa mission accomplie, Aurèle se rend chez son voisin, le cerf Rodo. Lui, c’est un inventeur de génie, un savant un peu fou, un géo trouvetout des montagnes. Et justement, il vient de mettre au point une machine incroyable, qui peut rouler, flotter et voler.
Il est certes un peu bougon mais Aurèle parvient à le décider à partir avec son engin jusqu’à la mer, pour y trouver la fameuse algue bleu.
C’est le début d’une quette haletante. Au volant de leur improbable machine, les deux amis vont affronter une panne, un orage, un accrochage en bateau. Et le voyage de retour ne sera pas plus facile.
Sans compter la mauvaise humeur de Rodo, qui avait d’autres projets pour cette journée!
Mais les deux amis profitent aussi du voyage qui leur offre aventures et beaux moments de poésie et d’amitié.
Ils reviendront victorieux, bien sûr, mais que d’inquiétudes et de péripéties jusqu’au dernier moment!
Docteur Rire a bien mérité son titre, et Rodo va pouvoir retourner à son atelier le cœur léger après avoir contribué à sauver la petite Lolotte.
Le fait qu’un euro par album vendu soit reversé à l’association du rire médecin est appréciable, bien sûr. Mais pour moi ce n’est pas un argument de vente et surtout ce n’est pas une bonne raison de le lire à des enfants (la seule bonne raison de lire à des enfants c’est de leur procurer du plaisir).
Et, pour être parfaitement honnête, quand j’ai vu l’écusson sur la couverture, j’ai eu peur d’avoir affaire à un livre prétexte, de ceux que l’on achète pour faire une bonne action.
Ou un genre de documentaire, qui explique comment fonctionne cette association au quotidien.
Ce n’est pas (du tout) le cas. Il s’agit d’une vraie histoire, bien menée, aux illustrations magnifiques (je pèse mes mots).
La vieille ourse, Amélie Billon, Mélodie Baschet, l’étagère du bas, 2021 12€90
Elle est faible, fatiguée et surtout affamée. C’est d’ailleurs la faim qui l’oblige à sortir de sa grotte. Mais elle n’est plus capable de pêcher. Et elle est inquiète. Le bûcheron n’habite pas loin, en cas de confrontation, elle sait qu’elle serait en danger. Quand ses pas croisent ceux du garçon, elle est pétrifiée. Lui non plus ne bouge pas.
La vieille ourse tente de se cacher derrière un boulot, à l’extrémité gauche de la page. A l’opposée, l’enfant est aussi tout contre un arbre, mais il semble moins effrayé qu’elle.
Il comprend bien vite qu’elle ne peut lui faire aucun mal. Et qu’elle a besoin d’aide.
Généreusement il partage avec elle son goûter. Son père, qui le suit de loin, sera-t-il aussi compréhensif?
Ce n’est pas si courant que des albums montrent la grande vieillesse sans que la mort ne survienne. La rencontre et l’amitié improbable entre les protagonistes sont l’occasion de montrer à quel point prendre soin de l’autre est important et même noble.
Tout oppose l’enfant à l’ourse, chacun ayant des raisons de se méfier de l’autre, ils ne parlent même pas la même langue.
Et pourtant, ils s’acceptent mutuellement, font l’effort de se comprendre.
Il est bon de montrer aux enfants que l’on peut surmonter sa peur de l’inconnu, dépasser ses à priori.
Pas de démonstration, pas de morale à la fin, mais le message passe.
Ceux qui décident, Lisen Adbage, l’étagère du bas 2020, 14€
Il y a ceux qui décident, et il y a nous.
Deux bandes, qui ne s’affrontent pas. L’une subit l’autre. Cela semble être un fait établi, que personne ne songe à remettre en question.
Eux sont moins nombreux mais ils semblent féroces. Ils sont autoritaires, fermes, ils ne doutent pas. Ils ordonnent. On obéit. Point.
De la cour de récré à l’aire de jeu, la situation se répète, chacun semble rejouer sa partition à l’infini.
En plus des deux groupes l’image montre d’autres enfants, qui observent les scènes. Esquissés au feutre noir, ils sont les témoins muets de la tyrannie imposée par une bande pourtant minoritaire. Ils sont retranchés derrière les imposants murs noirs des immeubles, mais ils ne ratent rien de la situation.
Jusqu’au moment où ils entrent littéralement en jeu.
Sur le terrain de foot, ils forment une équipe avec ceux qui obéissent.
Quand les oppresseurs les chassent du terrain, ils se réalisent qu’ils ne sont pas assez nombreux pour jouer. Et, pour la première fois, ceux qui normalement obéissent, refusent d’obtempérer. Ils se contentent de dire non. Fermement.
Peut-être plus que sur le harcèlement c’est un album sur le pouvoir. Comment on l’acquiert, comment on le perd, quelle légitimité il peut avoir. Sur l’amitié et la force du collectif aussi peut-être.
Le texte est simple et assez court, il se passe d’explication, il se contente d’exposer la situation. Sans donner de leçon, ni aux victimes ni aux témoins, ni même aux agresseurs, il montre une façon plus appropriée de se comporter.
Et rien n’empêche les jeunes lecteurs d’avoir de l’empathie aussi pour ceux qui décident. Parce que après tout ce sont des enfants, qu’ils n’ont pas l’air tellement heureux et qu’ils peuvent changer.
C’est un livre nécessaire, qui permet aux enfants de penser les situations de domination, de réfléchir au pouvoir d’agir qu’ils possèdent tous, quelle que soit leur place.
Bonne nuit Alphonse Aubert, Bien joué Alphonse Aubert, Gunillia Bergström, l’étagère du bas, 12€, 2020
Ce sont deux classiques de la littérature enfantine suédoise qui sont traduit en français pour la première fois. Alphonse Aubert est un personnage récurent, qui vit avec un papa aimant et attentif même s’il a aussi ses petites défaillances.
Alphonse n’est pas l’enfant parfait, le petit modèle à imiter. Il est inventif, parfois un peu canaille, il exagère peut-être mais il est attachant.
Je dirais qu’il se situe plus du côté de Juju, le bébé terrible de Barbro Lindgren et Eva Eriksson que de petit ours brun. Ses aventures sont pleines de tendresses mais jamais dégoulinantes de bons sentiments.
Dans le premier de ces deux albums, il ne veut pas sa coucher. Situation classique, il réclame tour à tour une histoire, un verre d’eau etc. Tout l’humour de la situation vient du décalage entre le flegme paternel et la fripouillerie du petit. C’est qu’il est parfaitement conscient qu’il exagère, et qu’il fait de nous ses complices. C’est assez jubilatoire pour les jeunes lecteurs. Qui ne manqueront pas à mon avis de se démarquer du personnage. Ils savent bien, eux, qu’il ne faut pas rappeler les parents trop souvent le soir! (oui, ils savent. Même s’ils le font, ils savent qu’ils ne devraient pas, je vous assure. C’est juste qu’ils n’arrivent pas à se retenir)
Dans “Bien joué Alphose Aubert”, notre petit héro voudrait que son père soit disponible pour jouer avec lui. Mais celui-ci est occupé à regarder la télévision. Pas de problème, Alphonse y voit même une opportunité: Quand papa ne veut pas être dérangé, il a tendance à dire oui à tout sans vraiment écouter.
C’est l’occasion de jouer avec la boite à outils.
“Mmm” répond papa distraitement, avant d’ajouter “mais ne joue pas avec la scie”.
Alphonse obéit très bien. Il ne joue pas avec la scie. Tout au long de son jeu, il sollicite l’attention de son père pour demander des clous, une pince, un mètre. A chaque fois, le père acquiesce distraitement mais ajoute la seule consigne: pas la scie, trop dangereux! Mais quand Alphonse se retrouve coincé dans sa construction, il faut bien trouver une solution… Et papa finalement va se joindre au jeu.
Les images de ces albums sont un peu déstabilisantes, et peu dans l’air du temps. Mais elles ont le mérite de nous mettre à l’abri de toute mièvrerie. Loin des illustrations très lisses que l’on trouve souvent aujourd’hui, elles se marient très bien avec le côté impertinent du personnage.
Humm, la sieste a été longue on dirait. Le jour décline déjà.
Flâner encore un peu au lit avant de retrouver le monde réel.
Étrange d’ailleurs, aujourd’hui le monde réel. C’est drôle, il n’y a personne dehors. Pourtant de loin, se font entendre les singes hurleurs.
Une barque, toute ronde qui semble garnie de coussins douillets accueille le narrateur (Garçon? Fille? Adulte ou enfant? A ce moment là on ne sait pas).
L’aventure est sereine, la nature exubérante mais pas du tout inquiétante. La barque glisse le long du fleuve amazone, avec douceur. Le personnage s’émancipe même de la gravité, il semble flotter dans l’air.
Hum, peut-être que finalement, la sieste n’est pas encore terminée?
Pas de frontière ni de limite, intérieur et extérieur son confondent, lumière et ombre aussi et plus encore veille et sommeil. Pourtant, les images, elles, sont très contrastées, avec l’utilisation de couleurs chaudes qui tranchent sur une dominante de bleu.
Hymne à la sieste, à la paresse. Ce moment magique où l’on est ni totalement réveillé ni vraiment endormi. Ambiance ouatée, on savoure le moelleux de l’oreiller. Pas de montre, on s’affranchit des contraintes, le temps n’a plus d’importance. Hum, j’en reprendrais bien un peu.
Mais, rassurons nous, quand il faut vraiment sortir du lit, le réel est tout aussi agréable et chaleureux.