Les éditions l’étagère du bas ont été fondée en 2016 par Delphine Monteil, accompagnée par son mari, Fredrik Monteil.
Elle sont nées avec la traduction de l’album Plupp construit sa maison. Le petit troll aux cheveux bleus, très populaire en Suède, était alors inconnu du public français. Mais il avait bercé l’enfance de Frederik, aussi le couple a-t-il souhaité l’importer dans l’hexagone.
Depuis, la maison d’édition grandit tranquillement, et elle compte aujourd’hui une quarantaine d’albums.
J’ai chroniqué une quinzaine de leurs albums et je suis avec intérêt leur travail que je trouve varié et créatif.
Les éditions l’étagère du bas n’hésitent pas à aborder des sujets difficiles, comme le harcèlement avec Ceux qui décident ou la migration avec La chanson qui venait de l’autre côté de la mer. On trouve aussi des thèmes particulièrement peu abordés en littérature enfantine comme la dépression parentale (dans le bel album Le petit cafard de maman, qui aborde le sujet avec beaucoup de délicatesse).
Mais le thème ne passe jamais avant les exigences littéraires et esthétiques. Ce n’est pas parce qu’ils abordent ces sujets que les albums sont publiés, mais parce qu’ils sont bons et que les enfants peuvent les apprécier, qu’ils soient ou non confrontés à la situation en question.
Par ailleurs, l’éditrice soigne également l’objet livre, avec du beau papier, choisissant avec attention le format adéquat pour chaque histoire, parfois même le luxe d’un dos toilé qui confère une élégance indéniable à l’album.
Parmi les albums que j’ai chroniqués ici j’ai un faible pour ceux qui racontent les aventures d’Alphonse Aubert, que je trouve drôles et particulièrement proches de l’enfance, et pour le tendre Fin d’été, parce que je suis particulièrement sensible à la nostalgie. Oh, et puis L’anniversaire aussi, puisqu’on parle de nostalgie, je ne peux pas ne pas le citer! Les images de Pierre Mornet sont de telles merveilles!
Sur le site des éditions l’étagère du bas vous trouverez aussi plein d’activités manuelles à proposer aux enfants autour des albums et des offres d’ateliers, dont certains avec les auteurs.
Les éditions l’étagère du bas (ais-je mentionné que j’adore leur nom? Non? Voilà donc qui est chose faite) sont également présents sur instagram et sur facebook.
La galette, Mathilde Brosset, l’étagère du bas, 2023, 15€ Oui, bon, d’accord, je sais, il y a une date pour manger la galette des rois, c’est une tradition et patati et patata. Personnellement, je n’ai jamais retenu la date de l’épiphanie et, avouons le, je me soucie peu de sa signification. Car il y a une chose bien plus importante dans mon quotidien que la spiritualité, c’est la gourmandise. Aussi pour moi le mois de janvier est-il plus synonyme de crème d’amande que de rois mages.
La tradition d’ailleurs est aujourd’hui souvent célébrée dans bien des établissements scolaires ou petite enfance sans que la connotation religieuse ne soit abordée. On peut donc sans craintes proposer des histoires de galette aux enfants même si la date du 6 janvier est passée.
Après cette longue introduction visant à noyer le poisson de ma procrastination et à justifier que mon article paraisse avec un léger retard de calendrier, voyons un peu de quoi il s’agit.
Une petite princesse acariâtre, autoritaire et qui semble avoir une tendance à l’excès exige de son cuisinier toujours plus d’ingrédients dans la galette qui trône au milieu de la table.
Il se prête au jeu avec déférence et humour, au point que la demoiselle se déride un peu devant l’amoncellement d’ingrédients.
Après le beurre et la poudre d’amande, elle réclame confiture, chocolats, bonbons, quelques caramels et des bâtons de cannelles, et ce n’est pas fini… Si on la flambait au rhum? La princesse en sera pour ses frais, le cuisinier semble finalement plus facétieux que servile. Et le petit chien que se promène de ci de là? Il à l’air de trouver tout cela bien amusant.
Le texte très court, tout en dialogue incite à une lecture rapide, qui met en valeur l’humour de la situation et l’excès de la surenchère. Les illustrations en papier découpé sont vraiment sympas et dynamiques. Voilà un album qui met de bonne humeur!
Sans détour, Stéphanie Demasse-Pottier, Tom Haugomat, l’étagère du bas, 2022, 15€
Une fillette, dans un paysage urbain. Accompagnée de sa mère elle parcourt tous les matins le même chemin qui la mène jusqu’à l’école. Elle porte des bottes rouges, est protégée de la pluie par sa capuche. Un trajet banal, vu à travers les yeux de l’enfant, qui compte ses pas, observe l’environnement. mais une chose la tracasse. Quotidiennement, elle passe devant la dame, assise devant la boulangerie, son bébé dans les bras. Pour la fillette, cette rencontre est terrible, entre honte et compassion elle ne sait pas comment réagir. Maman semble moins affectée, elle donne parfois une pièce, un gâteau, toujours un bonjour et un sourire.
Mais quand on est petit, c’est plus compliqué de savoir que dire ou faire. Alors maman trouve les mots, et l’enfant comprend qu’elle aussi peut agir, à son niveau, pour la dame et son bébé. Le titre, Sans détour, évoque bien sûr le trajet de la fillette, et l’idée de ne pas se détourner des plus pauvres. Mais il convient également parfaitement à l’ambiance générale de l’album. Le sujet est abordé de façon franche, directe et avec un style épuré tant dans les images que dans les mots.
Les très belles illustrations sont sensibles et très évocatrices. Le sujet de la précarité est très rarement abordé en littérature enfantine. Ici il est traité avec la gravité qu’il mérite, sans édulcorant, mais la fin pleine de douceur et d’espoir, tout comme la simplicité de la forme, le rendent accessible aux enfants même jeunes, je pense que dès la fin de la maternelle on peut le proposer.
Comme expliqué ici, je ne peux pas consacrer une chronique à tous les albums jeunesse qui retiennent mon attention. Je fais donc régulièrement un article pour attirer le vôtre (d’attention) sur des livres qui la méritent (toujours votre attention, faut suivre un peu quand-même). Voilà donc une petite sélection d’albums jeunesse qui méritent d’être connus et sont sortis en 2022.
Un tout petit grain de sable, Galia Tapiero, Marion Brand, Kilowatt
Un petit format pour raconter, comme une histoire, le trajet d’un morceau de montagne qui se détache un jour d’orage, se cogne, rebondit, atterrit dans l’eau, devient de plus en plus petit et finit sur une plage. Presque un premier documentaire, avec de jolies illustrations dans lesquelles humains ou animaux croisent le trajet du minéral. Cet album fait suite à Une toute petite goutte de pluie.
Qui a peur de la peur?Milada Rezkova,Jakub Kaše,Lukáš Urbánek, éditions Helvetiq
Au premier regard on peut être impressionné par le format de ce grand documentaire, mais il est aéré et plein d’humour et finalement se lit très facilement. Le sentiment de peur y est abordé sous ses différents aspects. La peur est définie, on s’intéresse à l’effet qu’elle produit dans le corps, dans la tête, dans les relations aux autres. Elle est personnifiée et c’est elle la narratrice, aussi le livre contribue à l’apprivoiser pour ne plus la subir. Un livre qui pourra passionner adultes et enfants, à partir de 8-9 ans.
Mais qui conduit ce train? Ellen Karlson, Monika Forsberg, l’étagère du bas
Il y a un monde fou dans le train, chat, poulpes, crocodiles… Et plus d’animaux encore voudraient y monter. Mais il va beaucoup trop vite, bousculant ses passagers et oubliant de s’arrêter! Mais qui donc peut conduire ainsi?
Un album au rythme effréné et à la chute sympathique, qui ravira les bambins débordants d’énergie et passionnés d’engins ou d’animaux (autant dire qu’il va plaire au plus grand nombre, dès 2 ans)
Josette au bout de l’eau, Alex Cousseau, Csil, A pas de loups
Poussée par sa curiosité, la petite Josette s’embarque sur un bateau pour découvrir ce qu’il y a au loin, plus loin que tout ce qu’elle peut percevoir. Au fil de sa promenade, elle émet des hypothèses sur le bout de l’eau, fait quelques rencontres, visite les profondeurs de la rivière, va jusqu’à la banquise et quand elle revient, de nouvelles questions se bousculent dans sa tête. Les illustrations colorées et pleines de peps tout comme le texte en rimes portent parfaitement cette histoire où l’émerveillement invite à découvrir le vaste monde.
Mon petit papa, Davide Cali, Jean Jullien, Sarbacane.
Normalement, un papa, c’est plus grand que son fils. Au début en tout cas. Puis il arrive que l’enfant atteigne la taille de son père. Et même qu’il le dépasse. Mais que le papa rétrécisse, c’est étonnant. Celui là ne cesse de perdre des centimètres, et dans le même temps, son caractère change, il devient de plus en plus enfantin. Et même s’il perd la mémoire il reste toujours souriant.
Métaphore de la vieillesse ou simple histoire loufoque, cet album peut être reçue de plusieurs façons selon le lecteur, mais c’est toujours l’humour de la situation qui prime. Et si finalement la relation de soin entre le fils et son père s’inverse, ce qu’il reste constant c’est l’affection qui les unit.
Méli-Mélo au pôle Nord, Martine Perrin, les grandes personnes
Nous retrouvons avec plaisir les découpes chères à cette autrice dans un nouvel album tout carton pour les petits. Comme toujours ça fonctionne parfaitement autant dans la métamorphose des images lorsque l’on tourne la page que tu texte, très agréable en bouche. C’est également l’occasion de découvrir des animaux peu connus (sterne voyageuse, morue polaire)
Ici à travers le regard des animaux la question de l’écologie, de l’impact de l’homme sur le milieu naturel et du changement climatique est abordée mine de rien, et l’album se termine sur l’image d’un morse qui regarde fondre la banquise.
Tous à la rescousse, Tomoko Ohmura, l’école des loisirs
Nous retrouvons ici un défilé d’animaux dont l’autrice est coutumière et il faut bien le dire, ça fonctionne à tous les coups!
Ici ce sont des créatures marines qui sont sollicitées pour régler un mystérieux problème. C’est la crevette qui joue les chefs de rang, mais quelle sera leur mission ? Nous le sauront en ouvrant la page à rabat en fin d’album. Beaucoup de poissons peu connus peuplent cet album, ils ont tous des bouilles rondes adorables et s’associent pour rendre un coup de main. Cette série est toujours très appréciée des enfants et l’autrice trouve toujours une surprise pour ne pas lasser le lecteur.
Maman, maman, Claude K. Dubois, pastel
Ils sont tellement adorables, ces petits poussins. Et, disons-le, ils sont tellement pénibles! Toujours à chercher un truc! Maman, maman, il est où mon skate?
Maman a toujours la réponse mais elle aimerait quand-même bien finir son livre tranquillement! Et c’est toujours quand elle en est à un moment crucial de l’intrigue que ses petits l’interpellent de nouveau. Au point que c’est elle qui finit par se cacher, pour pouvoir bouquiner tranquille. Heureusement que les poussins ne sont pas doués pour trouver des trucs! J’adore toujours le trait tendre de cette autrice, et l’histoire est tout à fait parfaite!
Pétille colère, Amélie Carpentier, l’étagère du bas
La petite Pétille est furax. Une colère dévastatrice qui l’emporte irrémédiablement. Tout autour d’elle vole en éclat, et elle même n’y échappe pas. Mais dans ce tourbillon, elle va faire plusieurs rencontres. Chaque animal montre sa propre façon de vivre la colère et petit à petit, la sérénité revient… Jusqu’à la prochaine fois. J’avoue avoir toujours un petit soupir quand je vois de nouveaux livres sur les émotions en général et la colère en particulier, tant ces sujets sont à la mode actuellement, mais ici j’aime assez le traitement graphique. Et puis il est peut-être temps de trouver des alternatives à Grosse colère, qui semble s’être imposé dans les crèches et les écoles.
Eh Colette, Catherine Louis, HongFei
Nous retrouvons ici les très jolies linogravures de Catherine Louis qui m’avaient déjà charmées dans les deux premiers albums mettant la petite Colette à l’honneur. Comme d’habitude, elle n’apparaît qu’en fin d’album, créant la surprise pour le jeune enfant, le chat tient d’abord le premier rôle. J’aime toujours la très grande simplicité des illustrations avec une utilisation très parcimonieuse de la couleur. Au fil des livres l’univers de Colette se tisse, deux autres album sont prévus.
Orage, Anaïs Brunet, Didier jeunesse Après le très beau Neige qui m’avait déjà tapé dans l’œil, l’autrice revient avec un nouvel album cartonné pour les plus jeunes. Encore une fois, elle utilise du vernis sélectif pour mettre en valeur certains détails, qui vient se superposer aux magnifiques images, elle joue avec le flou et le contraste. Le texte comme un poème accompagne remarquablement les images, on entend gronder l’orage, on sentirait presque l’eau sous nos doigts. Une très belle réussite, que l’on peut lire dès le plus jeune âge et qui plaira aussi aux plus grands. Il séduit presque à tout les coups les adultes comme les enfants.
Dépêche toi Alphonse Aubert, Gunilla Bergström, l’étagère du bas, 2022, 12€ Oh joie, oh bonheur, un nouvel opus de cette réjouissante série est sorti cette année!
Nous y retrouvons le petit garçon à tête ronde et son flegmatique papa, qui, cette fois, risque bien de perdre patience!
Parce que voilà, c’est le matin, il faut se préparer pour l’école, mais le petit garnement d’en fait qu’à sa tête et a toujours une activité plus urgente. Alors que son père insiste avec ses “Dépêche toi, Alphonse!”, lui enfile un pull à sa poupée, répare une petite voiture cassée, lit un livre sur les reptiles. Que d’occupations absolument nécessaires avant de partir pour la maternelle, vous en conviendrez!
Dans la cuisine, le ton commence à monter, papa n’en peut plus d’attendre son fils et il se crispe à chaque fois qu’il entend une réponse qui commence par “Il faut juste que je…”
Évidemment, le temps passe, l’horloge représentée sur les pages de texte est implacable, alors que l’histoire a commencée à 6 heures il est presque une heure de plus quand Alphonse entame son petit déjeuner. Mais il a une surprise pour papa, et bientôt la situation va s’inverser.
Quelle fripouille cet Alphonse!
Le trait tremblant, les images décalées, l’humour et surtout la situation, tellement proche de la réalité, me plaisent toujours beaucoup dans les albums de cette série.
Celui-ci peut être un prétexte pour parler de l’école, de la routine matinale ou même pour apprendre à lire l’heure (on retrouve l’horloge et ses aiguilles presque à chaque page), si vous voulez vraiment rentabiliser chaque lecture.
Mais je vous invite plutôt à le lire juste pour passer un bon moment, ce qui est tout de même la fonction première de la littérature
Le premier rayon de soleil, Alain Millet, l’étagère du bas, 2022, 11€
C’est au terme d’un voyage à la fois long et périlleux que Lila, Lino et leur fils Léo sont arrivés au pays des oiseaux.
Ils avaient quitté leur maison suite à une sécheresse, traversé la mer sur une barque de fortune, franchit des montagnes enneigées. Et se sont finalement endormis, épuisés, dans une forêt qui leur semblait particulièrement accueillante.
Curieux, les oiseaux sont venus en nombre observer ces étranges créatures endormies. De longues oreilles, aucune plume, quels sont ces animaux qui ne ressemblent à rien de connu ici?
C’est la chouette, connue pour sa sagesse qui a proposé que l’on construise une maison et prépare à manger pour les nouveaux venus.
Et quand le premier rayon de soleil les a éveillés, ils ont été reçus dans une demeure lumineuse avec un repas tout prêt.
Il se dégage de cet album une grande douceur, renforcée par l’utilisation de lettres cursives à la rondeur rassurante. Changement climatique, exil, migration, tous ces thèmes sont présents mais le traitement à hauteur d’enfant les rend plus légers.
Dés le début de l’album l’issue heureuse est connue, puisqu’il commence par un portrait de famille présentant Léo en compagnie de ses deux parents mais aussi de sa petite sœur, pas encore née au moment de leur grand voyage.
Une jolie histoire qui présente l’accueil de l’autre comme une évidence.
Une journée d’apicultrice, Arnaud Nebbache, Kilowatt 14€50
La tournée de Gaspard, Arnaud Nebbache, l’étagère du bas 14€50
Une fois n’est pas coutume, je fais aujourd’hui un article commun pour deux albums tant ils sont proches dans leur conception.
L’un comme l’autre présentent un corps de métier avec des pages qui s’apparentent à un imagier documentaire en alternance avec des pages qui racontent une journée du travailleur concerné.
Ils sont tout deux illustrés par Arnaud Nebbache qui utilise des aplats de couleurs et des tampons pour un résultat très graphique et original que j’apprécie beaucoup (j’avais déjà parlé de l’un de ses albums ici)
Et ils sont tous les deux pleins d’humour tout en étant véritablement informatifs.
dans Une journée d’apicultrice, les abeilles ont mystérieusement disparues. Il faut retrouver l’essaim de toute urgence, d’autant que dans le grand champ, le tracteur qui arrose de pesticide est déjà à l’œuvre.
Quant à Gaspard, il est éboueur et dans sa tournée quotidienne il croise souvent les même visages. Mais ce matin, le petit garçon en trottinette est à pied, et sa trottinette gise au sol, cassée. Gaspard en a le cœur lourd, mais au milieu des déchets se cachent bien des trésors, et notre héros trouvera le moyen de réparer l’engin de l’enfant.
Je suis toujours étonnée qu’on ne trouve pas plus de camions poubelle dans les albums pour enfant, tant cet engin est chéri des tout petits.
Je ne doute pas qu’ils vont adorer La tournée de Gaspard qui montre la réalité du métiers mais aussi un fort sympathique éboueur concerné par le recyclage.
On trouve également un message à caractère écologique dans Une journée d’apicultrice et c’est l’occasion de découvrir un métier souvent méconnu.
Comme je l’ai déjà évoqué ici, il y a de nombreux albums jeunesses que j’apprécie et auxquels je ne peux pas consacrer un article. Voilà donc un petit rattrapage de ceux qui sont sortis ces derniers temps.
Le bibliobus, Inga Moore, Pastel
Élan aime raconter des histoires le soir à se famille devant la cheminée. Mais à force, l’imagination vient à lui manquer, alors il se met en quête de livres dans le voisinage. Constant que personne n’en possède, il se rend à la bibliothèque la plus proche et petit à petit, un projet prend forme. Évidemment, l’histoire me parle, et les illustrations sont très sympas.
C’est d’ailleurs un album très remarqué depuis sa sortie.
Un secret, Magdalena, Elsa Oriol, l’étagère du bas Un secret chuchoté à l’oreille, dans un coin de la cour de récré. Il suscite curiosité, envie, regards en coin. Et puis il y a ce morceau de papier froissé, envoyé pendant la classe à la mauvaise personne… L’histoire, bien qu’un peu attendue, sonne juste et est racontée à hauteur d’enfant. Elle est illustrée pas des peintures absolument magnifiques, qui transmettent parfaitement des émotions des personnages.
Quand Jules se réveille, pour une fois, la nuit n’est pas tout à fait finie. Il profite de la maison vide, alors que ses parents et sa sœur dorment encore. Mais une lumière dehors attire son attention, et le voilà qui sort. Une aventure solitaire dans la ville, avec un soupçon de peur, un zeste d’entraide et un petit sentiment de liberté bien appréciable.
Bon voyage, Gouzi Lapin! Mo Willems, kaléidoscope La suite de Guili lapin et L’autre guili lapin. Cette fois ci la petite Trixie fait un grand voyage, elle se rend avec ses parents aux pays-Bas. Mais, drame, elle oublie son lapin chéri dans l’avion. Serait-ce le moment de dire adieu à la fameuse peluche? C’est un plaisir de retrouver Trixie et sa famille, avec toujours l’humour de l’auteur qui s’exprime autant dans le texte que dans l’image. Mais j’avoue avoir du mal à me faire au changement de nom du doudou. (les deux autres opus sont réédités sous le nom de gouzi lapin)
3 poissons, Rascal, Pastel Dans le bassin, chacun a son petit territoire. Mais le poisson rouge est le mieux doté: son espace est celui où il y a le plus de ver. Et pas question pour lui de partager. Quand leur bassin se fissure et qu’ils sont tous transférés dans un seau, où la nourriture ne manque pas, ils apprennent à vivre ensemble. Une petite histoire qui fait réfléchir, servie par les illustrations épurées qu’on avait déjà pu voir sous la plume de cet illustrateur ici ou là.
L’enfant renard Laure Van der Haeghen, HongFei.
Dans la maison, à l’orée de la forêt, vivent une mère humaine et son fils renard. Alors qu’elle est heureuse de vivre dans une maison, lui aspire à la liberté de la vie en extérieur, au point qu’il finit par la quitter. Elle-même, autrefois, était une renarde, elle comprend les besoins de son fils et le laisse donc partir, le cœur serré. Une nuit, trempé et affamé, il revient, juste pour un moment… Cette très belle histoire, magnifiquement illustrée, aborde symboliquement le désir de grandir, de liberté et celui de confort, la distance qu’il peut y avoir entre une mère et son enfant, qui n’est pas fixe, le respect des besoins de l’autre. C’est une histoire très forte, qui ne laisse personne indifférent.
Loup gris et louvette, Gilles Bizouerne, Ronan Badel, Didier jeunesse.
Nous retrouvons Loup gris, l’anti-héro dont on aime tant se moquer. Nous savions déjà qu’il n’était pas bon chasseur, nous découvrons, sans surprise, qu’il est également un piètre séducteur. Pourtant le pauvre n’économise pas sa peine, mais Louvette reste pour le moins distante, voire moqueuse… Un album tout aussi réjouissant que le reste de la série.
Un nouveau titre est attendu dans les semaines à venir.
Nina, l’histoire de Nina Simone, Traci N. Todd, Christian Robinson, Didier jeunesse.
Entre une mère pasteure qui lui fredonne sans cesse les chants de l’église et son père qui lui fait écouter des morceaux de jazz en secret, la petite Eunice Kathleen Waymon grandit entourée de chansons. Et très tôt, elle montre qu’elle possède un don particulier pour la musique. La vie de celle qui deviendra la grande Nina Simone est intimement mêlée à celle de son pays et des lutes pour les droits des personnes noires américaines. Ce très bel album met ce récit à la portée des enfants à partir de 6 ans.
L’été de Chnourka, Gaya Wisniewski, MeMo.
Nous retrouvons ici la bande d’amis rencontrés dans Chnourka, le temps de la belle saison. Lors d’une promenade, ils rencontrent Justin l’accueillent parmi eux. Les liens se créent, chacun a quelque chose à apporter à l’autre. Mais Justin ne fait que passer…
Un album assez long, dans lequel on s’installe, qui arrive parfaitement à rendre la complexité des sentiments. Les illustrations sont absolument irrésistibles.
Mon ami, Pog, David B. Draper, Mijade.
Il y a beaucoup de monde dans la famille lapin. Et peu de place pour inviter un ami. Petit lapin insiste tant et tant que ses parents finissent par céder. Mais quand ils voient arriver un ami avec une longue queue en panache qui dépasse de ses vêtements et surtout deux petites canines saillantes, ils sont terrifiés. Quelle idée pour un lapin de se lier d’amitié avec un renard! Ils sont furieux. Parfois il faut vraiment connaitre les gens, pour aller au delà des préjugés.
Comment ça va? Édouard Manceau, Bayard
Un petit cartonné aux angles arrondis, avec une petite bouille ronde face à nous qui répond à la question posée en titre. Le fond noir met en valeur ses expressions, très lisibles. Car c’est bien là le propos de l’album, montrer le panel des émotions que peuvent ressentir les enfants dans un livre miroir. Rien de révolutionnaire donc, mais un traitement simple et adapté d’un des sujets chouchous des professionnels de l’enfance et des parents en ce moment.
La vie bercée Hélène Dorion, Janice Nadeau, les 400 coups
Un récit de vie et des moments clés qui font l’enfance et qui forment l’adulte de demain. Les douceurs et les chagrins, les relations avec les autres sont explorées par un texte très poétique (peut-être un tout petit peu trop à mes yeux) qui déroule le temps jusqu’à l’âge adulte. Les illustrations sont sublimes, toutes en légèreté, elles jouent sur des effets de transparence comme pour montrer l’intériorité des personnages.
Granita, Magali Clavet, l’étagère du bas
Granita est une jeune pomme qui aspire à échapper à son destin. Finir en tarte ou en chausson, très peu pour elle. Elle quitte son pommier et décide de découvrir la vaste monde. Elle fait un beau voyage et d’étonnantes rencontres, et quand elle revient vers son pommier d’autres pommes n’attendent qu’elle pour se faire la malle à leur tour.
C’est frais, loufoque et plein d’énergie. On se prend de sympathie pour cet petit personnage tout en rondeur et plein de joie de vivre.
Bibi Jo Weaver, kaléidoscope
Chez les flamands roses, Bibi est très respectée. Son grand âge lui donne de nombreuses connaissances, on compte sur ses conseils pour élever les petits, trouver l’endroit où s’installer. Et quand il faut migrer pour trouver de l’eau, elle seule connaît le chemin à pied accessible aux plus jeunes. Au terme du voyage elle est particulièrement épuisée, et c’est à son tour d’être aidée et soutenue par le groupe.
Comme elles sont belles les images pleines pages de Jo Weavers (que vous pouvez voir aussi dans de nombreux albums, toujours autour d’un animal, dont celui sur une baleine). Et comme elle est tendre et juste cette histoire. Un petit bijou.
Oscar et Albert, Chris Naylor-Ballesteros, Kaleidoscope
Oscar, un renard (c’est rusé les renards, tout le monde le sait) et Albert, un ours (c’est souvent un peu benêt un ours, en tout cas dans la littérature enfantine) sont amis. Ils aiment jouer à cache-cache.
Mais Albert n’est pas très fort à ce jeu, et ça le chagrine de toujours être trouvé. Ce n’est pas de sa faute, il n’a jamais assez de temps pour se cacher. Ok, Oscar décide de lui laisser une chance, cette fois, il ne compter pas jusqu’à dix mais jusqu’à cent. Albert file et trouve une belle cachette mais le pauvre laisse un indice derrière lui… Un album très sympa, avec des personnages si expressifs, une jolie leçon d’amitié et… Une chute en deux temps très amusante.
L’éternité, Mathilde Poncet, l’étagère du bas, 2022, 15€
A vous je peux le dire, j’ai depuis longtemps un faible pour les sorcières. Avant même qu’elles ne soient mises à l’honneur comme figure du féminisme, elles ont toujours suscité mon admiration.
Particulièrement celles qui sont exclues pour leurs excentricités, montrées du doigt, recluse, alors qu’elles s’avèrent toujours bienveillantes au terme du récit.
C’est le cas de celle que l’on rencontre ici.
Surnommée La poupée du loup, sans que personne ne sache bien pourquoi, elle vit dans la montagne.
Une vie de solitude, avec les loups pour seule compagnie, dont elle ne se plaint pas mais tout de même, ça lui manque de parler avec des gens.
Mais quand elle se rend au marché les regards sont fuyants et elle peut entendre derrière elle les termes de sorcière, empoisonneuse, vieille folle.
Pour les amadouer, elle cherche à fabriquer quelque chose qui leur plaise. Qu’aiment les humains? Dans un de ses vieux ivres, elle trouve la recette qu’il lui faut: Celle de l’éternité.
Les ingrédients ne sont pas faciles à trouver, mais elle est tenace et courageuse.
Quand elle vient proposer son offrande au village, c’est le récit de ses exploits qui intéresse, plus que l’éternité, qui d’ailleurs a pris une forme tout à fait inattendue. Et ce sont les enfants les premiers qui sont passionnés par le récit et qui acceptent de venir à la rencontre de l’étrange femme.
L’éternité a filé, mais désormais les liens sont créés.
L’étrangeté de l’histoire, qui prend parfois des allures de conte, trouve un écho dans les grandes images, très colorées, mettant en valeur un personnage fantasque. La nature y est partout, sublime, habitée de nombreux animaux, dont certains dissimulés dans le chapeau ou marchant dans les pas de l’impressionnante Poupée du Loup.
Une hérissonne bien sensible, Ulrika Kestere, l’étagère du bas, 2021, 14€
Qu’elle est patiente, notre petite héroïne. Elle a repéré une magnifique mûre, assez loin de chez elle, et au lieu de la boulotter direct, elle a attendu, assez longuement semble-t-il, qu’elle soit parfaitement mûre pour enfin aller la chercher.
Quand elle grimpe à la ronce et s’apprête à croquer enfin le fruit charnu, elle se fait vertement réprimander par un corbeau qui passe par là.
Mais enfin, quelque chose d’aussi exceptionnel que cette mûre en tout point parfaite mérite a minima une petite photo avant d’être dégustée. Il faut impérativement garder une image, une preuve, qu’elle a existé!
La petite hérissonne n’y avait pas pensé, d’ailleurs son appareil est resté chez elle (et c’est loin, souvenez vous).
Mais, docile, elle décide de ramener la mûre pour la prendre en photo. Seulement sur le trajet, la baie est malmenée, et cette fois c’est un renard qui interpelle la gourmande pour lui expliquer comment elle doit se comporter. Il ne faut pas secouer le fruit, il est fragile, qu’elle le transporte donc sur la tête!
Toujours aussi obéissante, elle poursuit son chemin jusqu’à ce qu’un hibou l’interpelle brutalement, invoquant la sagesse inhérente à son vieil âge (ben voyons) pour lui reprocher… De ne pas prendre bien soin de son dos en transportant ainsi une lourde charge.
Cela peut sembler caricatural pourtant les injonctions contradictoires auxquelles on peut être soumis dans la vie réelle n’ont rien à envier à celles décrites dans cet album.
Qu’il s’agisse de la société de l’image ou de l’injonction à la santé, nous avons tous l’occasion de subir des conseils qui parfois tournent à la sommation dans notre vie quotidienne.
Et si notre hérissonne bien sensible se laisse d’abord intimider, elle finit par retrouver sa capacité à décider seule, en compagnie du seul animal qui ne lui a donné ni ordre ni conseil.
Une jolie petite histoire simple, mise en valeur par les images à hauteur de petit animal dans la forêt, qui montrera à l’enfant qu’il peut faire confiance à sa propre capacité décisionnelle, comme la petite hérissonne.