Les éditions l’étagère du bas ont été fondée en 2016 par Delphine Monteil, accompagnée par son mari, Fredrik Monteil.
Elle sont nées avec la traduction de l’album Plupp construit sa maison. Le petit troll aux cheveux bleus, très populaire en Suède, était alors inconnu du public français. Mais il avait bercé l’enfance de Frederik, aussi le couple a-t-il souhaité l’importer dans l’hexagone.
Depuis, la maison d’édition grandit tranquillement, et elle compte aujourd’hui une quarantaine d’albums.
J’ai chroniqué une quinzaine de leurs albums et je suis avec intérêt leur travail que je trouve varié et créatif.
Les éditions l’étagère du bas n’hésitent pas à aborder des sujets difficiles, comme le harcèlement avec Ceux qui décident ou la migration avec La chanson qui venait de l’autre côté de la mer. On trouve aussi des thèmes particulièrement peu abordés en littérature enfantine comme la dépression parentale (dans le bel album Le petit cafard de maman, qui aborde le sujet avec beaucoup de délicatesse).
Mais le thème ne passe jamais avant les exigences littéraires et esthétiques. Ce n’est pas parce qu’ils abordent ces sujets que les albums sont publiés, mais parce qu’ils sont bons et que les enfants peuvent les apprécier, qu’ils soient ou non confrontés à la situation en question.
Par ailleurs, l’éditrice soigne également l’objet livre, avec du beau papier, choisissant avec attention le format adéquat pour chaque histoire, parfois même le luxe d’un dos toilé qui confère une élégance indéniable à l’album.
Parmi les albums que j’ai chroniqués ici j’ai un faible pour ceux qui racontent les aventures d’Alphonse Aubert, que je trouve drôles et particulièrement proches de l’enfance, et pour le tendre Fin d’été, parce que je suis particulièrement sensible à la nostalgie. Oh, et puis L’anniversaire aussi, puisqu’on parle de nostalgie, je ne peux pas ne pas le citer! Les images de Pierre Mornet sont de telles merveilles!
Sur le site des éditions l’étagère du bas vous trouverez aussi plein d’activités manuelles à proposer aux enfants autour des albums et des offres d’ateliers, dont certains avec les auteurs.
Les éditions l’étagère du bas (ais-je mentionné que j’adore leur nom? Non? Voilà donc qui est chose faite) sont également présents sur instagram et sur facebook.
Betty, Marie Norin, Elisabet Ericson, l’étagère du bas, 2024, 15€
La narratrice est une jeune femme, aux cheveux qui tombent le long de son visage. Dans sa posture on sent quelque chose d’empêché chez elle. Ce n’est pas de la rigidité, ça ressemble plutôt… Je ne sais pas, un sens trop aigu de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas, comme une bonne éducation excessive, comme s’il n’y avait pas beaucoup de place pour la fantaisie.
Elle vit à la campagne, une vie solitaire que l’on imagine sans grandes joies. Jusqu’à l’arrivée de Betty.
Toute en rondeur, en mouvement, elle est séduisante par sa joie de vivre, elle a beaucoup voyagé et a plein de trucs dans sa voiture. On la devine volubile, elle prend sa place dans l’espace, à l’opposé de la narratrice elle n’est jamais gênée, ne s’excuse pas.
À la faveur de la bonne éducation de son interlocutrice, elle s’installe dans la maison, la rempli de ses objets, de sa vie à elle, réduisant à peau de chagrin l’espace restant.
Combien de temps sera-t-elle tolérée?
C’est drôle, la première fois que j’ai lu cet album j’ai pensé qu’il évoquait des préoccupations d’adultes. Pourtant à bien y penser, les amitiés toxiques sont légion dans l’enfance (et l’adolescence).
C’est un livre à avoir en maternelle et même plus tard, les enfants y trouveront matière à réflexion.
Sans morale excessive, sans insister sur la supposée gentillesse de l’une ou méchanceté de l’autre, cette histoire montre qu’on peut renoncer à une amitié quand on n’y trouve plus son compte. Et même peut-être qu’il n’y a pas de regret a avoir. Quand la narratrice se débarrasse enfin de Betty, elle semble avoir gagné en assurance, mieux profiter de sa vie, aussi solitaire soit elle. D’ailleurs, elle y a gagné la présence d’un chien.
L’histoire est très bien menée et donne à penser, elle s’adresse à la capacité des enfants à penser le monde, je pense que ça vaut le coup de faire connaitre cet album.
Nous t’attendions, Xan Harotin, Lucille Michieli, l’étagère du bas, 2024, 14€
L’histoire commence comme un récit de naissance, avec un couple qui s’adresse à son enfant à naître. L’enfant rêvé, imaginé, celui que l’on porte dans notre tête et dans notre cœur avant de le tenir enfin dans nos bras. Celui est est encore un mystère.
Mais on comprend rapidement qu’il n’y aura pas de grossesse cette fois quand on lit ces mots “On ne savait pas à quoi tu allais ressembler. On ne savait pas quel caractère tu aurais. On ne savait pas quel âge tu aurais.”
Si l’attente est longue, elle semble sereine et confiante. Les futurs parents se projettent et préparent l’arrivée de l’enfant, ils ont de nombreux projets pour lui, et beaucoup d’interrogations aussi.
De l’adoption en elle-même, on ne parle pas ici, elle se produit comme un miracle plus que comme une épreuve. Un jour, l’enfant est là. C’est une fillette. La relation s’instaure immédiatement, chaleureuse, douce et porteuse d’avenir. On me demande régulièrement des livres sur l’adoption (entre autres, parce qu’il m’arrive de travailler dans un foyer de l’enfance) et je peinais jusqu’ici à trouver le livre adapté.
Je ne souhaite pas proposer aux familles des histoires prescriptives qui prétendent leur dire comment se comporter. Ni de livres qui “montrent ce qui va se passer”: On ne sait pas ce qui va se passer. Nous t’attendions permet de penser la singularité de chaque histoire individuelle, tout en montrant ce qu’il y a de commun : le désir, l’attente, la joie.
Il y a aussi beaucoup de fraîcheur et de légèreté dans les images, ce qui contribue à dédramatiser le sujet de façon appréciable (et en plus, y’a un chaton trop mignon).
L’enfant et le temps, Marie Sellier, Elsa Oriol, l’étagère du bas, 2024, 15€
C’est toujours compliqué pour les enfants de comprendre comment passe le temps. Soyons honnêtes, nous autres adultes avons aussi parfois des difficultés (désolée, mais je suis bien obligée de constater que les minutes où je suis coincée dans un embouteillage sont plus longues que celles passées au bord de la plage.) Quand on est petit, c’est encore plus déroutant, et cela suscite bien des questionnements. Pour voir ce que le temps à dans le ventre, l’enfant démonte une horloge. Vis, dents et petits ressorts sautent sur le tapis. Le temps serait-il cassé ? Les adultes tentent de rassurer et d’expliquer. Grand-mère évoque son enfance, quand elle n’avait pas la peau plissée, et qu’elle courait jambes nues sur la plage. Grand-père montant aux arbres. Papa filait sur son vélo rouge. Même maman a été autre chose qu’une maman, avant. Avant ? Quand je n’étais pas là s’interroge l’enfant ?
Quelle belle image accompagne cette réflexion. On y voit la fillette qui semble flotter dans le ciel, mais elle est très stable et solide, comme ancrée dans le réel, et son regard qui nous fixe a une grande force. Décidément, les images d’Elsa Oriol ne laissent pas indifférent, elles donnent une grande intensité au récit. Cette image est aussi un point de basculement dans l’histoire, après le présent, on évoque l’avenir et c’est en toute fin que le présent sera à l’honneur, plaçant l’enfant au centre de l’attention familiale, car le présent est le temps de l’enfance.
Un album très poétique et propice à la réflexion à hauteur d’enfant.
Ils sont sortis ces derniers temps, ils sont chouettes et mériteraient un article rien que pour eux si j’avais plus le temps, voilà les références d’albums qui ont retenu mon attention.
Mon petit lapin, Nathalie Dieterlé, Didier jeunesse, 2024, 11€50
L’autrice illustratrice poursuit son exploration des comptines pour petits dans un format album cartonné avec des trous et/ou rabats. On se laisse volontiers entrainer par la ritournelle bien connue, augmentée de deux nouveaux couplets qui créent la surprise. La chute invite à un jeu de chatouille avec les bébés, ils vont adorer! Et les parents vont s’en donner à cœur joie. Ici l’accent n’est pas porté sur le larcin du petit lapin qui vole une salade au fermier mais plutôt sur le jeu de coucou, une valeur sûre qui ravit toujours les petits.
J’aime beaucoup les variations offertes par les différentes versions qui font vivre et évoluer les comptines traditionnelles, un genre par nature en constante transformation car issue de l’oralité.
Deux petits albums cartonnés, au texte joliment rimé qui mettent en scène un jeune enfant de jour et de nuit. Le texte court, les images bien contrastées, l’utilisation du noir et blanc qui domine et de la couleur qui vient petit à petit, tout fonctionne très bien.
On ne sait pas qui est le narrateur invisible qui s’adresse à son “trésor” mais on ressent la tendresse de la relation et l’amour qui transpire du surnom, il peut s’agir du père, de la mère ou de n’importe quel adulte qui porte sur l’enfant un regard plein d’affection. Les deux albums se terminent par une très belle double page qui suscite généralement des exclamations chez les petits lecteurs.
L’idéal c’est de les avoir tous les deux, car ils forment un tout et s’enrichissent mutuellement, chacun incite à relire le précédent.
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Ce petit moment, Elo, Sarbacane, 2024, 15€50
Il n’y a pas que les petits formats qui sont adaptés aux petites mains des petits bébés. Un beau grand format c’est intéressant aussi, plus immersif, le regard du mouflet peut s’y attarder.
Dans cet album destiné au premier âge, Elo navigue entre l’imagier et la petite histoire du quotidien du bébé. C’est tout tendre. En quatrième de couverture, un petit mode d’emploi de la lecture avec les petits, a titre personnel je n’en suis pas fan (et je ne comprends pas très bien pourquoi il faudrait lire à un moment “loin des repas”) mais ça peut aider les parents s’ils sont un peu perdus, et puis on ne dit jamais assez à quel point c’est important et adapté de lire aux tout-petits. Pour plus de détails, voir la chronique de Sophie Van der Linden.
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Le monde est immense, Anne Cortey, Marion Coclkico, Grasset jeunesse, 2024, 16€90
Un petit bambin, haut comme trois pommes, face à une fenêtre trop haute pour lui. Mais il sait que de l’autre côté, le monde est immense. Tout comme sa soif de grandir et de liberté sans doute. Hop, il grimpe sur une chaise, toutes ces merveilles s’offrent alors à lui! A travers ses yeux, on découvre la beauté de la nature, et on partage son besoin d’émancipation… Jusqu’à un certain point : retrouver les bras rassurants de maman, c’est chouette aussi! J’aime beaucoup cette histoire de séparation qui, pour une fois, est initiée par l’enfant lui même, et qui n’est pas synonyme de peur mais d’autonomie. Les images en papier découpé et collé sont ombrées ce qui leur donne de la profondeur, elles sont très belles et épurées, les enfants comme les adultes ont plaisir à les lire.
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Choco train, Adrien Albert, l’école des loisirs, 2024, 13€
Vous vous souvenez de la grand-mère de chouchou? Elle avait la classe, hein. Figurez vous qu’elle est la protagoniste de ce nouvel album, et croyez-moi, ça remue toujours autant avec elle! Une histoire d’anniversaire, de train et de gourmandise, avec une course poursuite à faire pâlir d’envie James Bond, mais aussi de l’amour et de l’humour.
C’est drôle et plein d’énergie, Adrien Albert mène son histoire tambours battants, il nous entraine et le petit lecteur avec nous dans des rebondissement les plus inattendus. Bon, ne comptez pas trop sur ce livre pour le “retour au calme”, mais pour passer un bon moment y’a pas mieux! Et puis quelle chouette représentation de la vieillesse, ça change un peu!
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Opération poule mouillée, Lu Fraser, Sarah Warburton, Little Urban, 2024, 14€50
Marge, c’est une peureuse, une froussarde, une vraie poule mouillée! Et, bien qu’étant littéralement une poule, être trouillarde à ce point, ça lui pèse. Y’a UN truc qui semble la rassurer: tricoter. Quand quelque chose l’inquiète, elle se plonge dans son ouvrage et tente d’oublier ce qui l’entoure. Quand sa pote, Anna la brebis se fait enlever, faut bien réagir pourtant! Si vous voulez voir une poule déterminée conduire un vieux tracteur sur un rythme endiablé, foncez! On craque pour l’humour dans les dessins et le rythme endiablé du texte.
Cet album peut être l’occasion pour les petits de dédramatiser la peur et le manque de courage que tous ressentent de temps en temps.
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Le cauchemar du loup, François Vincent, Marion Piffaretti, Didier jeunesse, 2024, 13€90
Quand un loup menace de le dévorer, Gaspard s’en sort en lui proposant de le nourrir tous les jours de mets délicieux. Las, il n’a aucun des ingrédients nécessaires. Alors avec son épouse Gertrude, ils mettent un plan au point. Une marmite d’eau bouillante plus tard, le loup en prend pour son grade. Le souvenir de cette belle frousse sera-t-il suffisant pour tenir le prédateur éloigné définitivement? La littérature enfantine regorge de loups bernés par des humains plus malins que lui, et on en est généralement friands. Avec la verve de François Vincent (rien de tel qu’un conteur pour écrire un texte agréable en bouche) et le trait de Marion Piffaretti pour une touche d’humour supplémentaire, c’est un sans faute.
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Poulain Poulet et Poussin, Michaël Escoffier, Ella Charbon, éditions des éléphants, 2024, 13
Poulain, c’est l’incarnation de la frivolité enfantine, il est libre, joyeux, tout foufou et il a l’esprit d’aventure. Poussin, c’est le tout petit, tellement petit qu’il y a plein de trucs qu’il ne peut pas faire. Et Poulet, tout poulet qu’il est, c’est un genre de maman poule, qui veille sur Poussin au point d’être une véritable entrave à son désir d’émancipation. Le texte joue sur les allitération sur le son P et il est joliment rythmé, les illustrations attractives et colorées, au point qu’à la première lecture l’histoire peut presque passer au second plan derrière le plaisir des mots. Mais c’est une histoire de prise de risque, d’aventure et de liberté, moins anodine qu’on pourrait le penser pour le jeune enfant, qui prendra beaucoup de plaisir à feuilleter ce petit album cartonné.
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Le cadeau, Marjorie Béal, le diplodocus, 2024, 13€50
C’est super un cadeau, surtout quand il est bien emballé! D’abord il y a le ruban, qui peut devenir serpent ou lasso le temps d’un jeu. Puis l’emballage coloré, idéal pour faire un cerf-volant.
Sans parler du carton, le plus polyvalent des engins, quel gamin ne s’en est jamais fait une voiture, un avion? Ici, il devient bateau! Loin de l’image consumériste qu’on prête parfois aux enfants, c’est la créativité et l’imagination enfantine qui sont à l’honneur. Et au fait, dans qu’est-ce qu’il contient finalement ce cadeau? Pour le savoir, lisez le livre.
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Train de nuit, Karine Guiton, Clémence Monnet, l’étagère du bas, 2024, 15€
Au milieu des passagers endormis, Zélie s’ennuie. Une musique venant de la voiture bar attire son attention, elle se glisse entre les rangées de sièges et part en exploration. Elle découvre alors un espace féérique, peuplé de créatures marines plutôt amicales, auxquelles elle se joint pour une nuit de rencontres et de jeux. Un verre de nectar de corail à la main, elle observe avec ses nouveaux amis le lever du soleil. Oh, il est temps de partir! Quand le jour est levé elle est de retour sur son siège, pile à temps pour le réveil de sa mère. Le voyage touche à sa fin, les passagers seront bientôt à la plage. Un joli voyage entre rêve et réalité, porté par des illustrations qui mêlent les techniques (peinture, crayon, collages) pour mieux rendre la diversité des sensations.
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Didlidam Didlodom, Sabine De Greef, Pastel, 2024, 13
Il était un petit homme, didlidom, et une petite dame, didlidam, qui étaient voisins. Chacun avait ses possessions, canard, chien et mouton pour l’un, cache, poule et chat pour l’autre. Au milieu pousse un pommier et chacun profite de ses fruits. Jusqu’au jour où petit homme trouve que petite dame prend plus de pommes que lui, nondidoum nondidom, non mais ça, ça ne va pas!
Ils entrent alors dans une surenchère de consommation de pommes, jusqu’à ce que, patatras, leur petit monde n’y résiste pas. Heureusement, ils ne restent pas dans leur aveuglement et trouvent une solution bien plus adaptée que la concurrence. Avec ses allures de contes et ses illustrations adorables, cet album ravira les enfants dès deux ans, et pour nous adultes, il est vraiment très agréable en bouche.
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Une boule de neige au printemps, Virginie Bergeret, l’étagère du bas, 2024, 16€
Dans un jardin au milieu de la ville, les enfants ont trouvé une petite boule blanche. Doux comme du coton, fragile comme un petit oiseau, il s’avère que c’est un lapin et qu’il est blessé. Les mouflets se mettent en tête de lui venir en aide, sans en référer aux adultes qui trouveraient sûrement quelque chose à redire au projet.
On suit le cheminement de ces enfants laissés assez libres eux-même qui vont se rendre compte petit à petit qu’un lapin ce n’est ni un jouet ni une peluche, et que sa place est dans la nature auprès des siens.
L’album n’est jamais ni mièvre ni moralisateur, il amène simplement chacun à réfléchir sur ce qu’est un être vivant et ce qu’on lui doit (lui porter secours si nécessaire et le laisser tranquille le reste du temps, en gros)
Trois, Per Nilsson, Lisen Adbage, l’étagère du bas
C’est un mouvement encore un peu timide mais les albums suédois commencent a arriver en France et la maison d’édition l’étagère du bas en particulier a à cœur de traduire cette littérature.
On reconnaît ici style coloré et vif de l’illustratrice Lisen Adbage, qui se prête parfaitement au texte de Per Nilsson.
C’est l’histoire de trois enfants, qui tous se prénomment Jonatan. Heu, non, il n’y en a qu’un en fait. Mais il a trois yeux. Ah non, bien sûr, des yeux il n’en a que deux. Par contre, il a trois derrières.
Il y a deux choses que les enfants aiment bien à la lecture de cet album. Entendre l’adulte lecteur répéter “je me trompe” très régulièrement (pour une fois qu’un adulte admet son erreur avec tant de facilité) et énumérer les différentes parties du corps (surtout le derrière, qu’il y en ait un seul ou plusieurs, cela les ravit)
Ah, mais non, je me trompe encore! Il y a une autre chose qui fait plaisir aux enfants. la chute qui satisfait pleinement leur tendance auto-centrée. Car si Jonatan n’a pas trois jouets mais des milliers, pas plus qu’il n’a trois nez ou trois mots à son vocabulaire, il a bel et bien trois ans, et ça c’est un âge parfait pour ce petit garçon unique au monde.
Alors que le rythme de lecture de cette histoire est très rapide, chaque relecture permet de mieux apprécier des petits éléments savoureux.
La tentative de Jonatan, fesses à l’air, d’aller sur le pot, déroulant des mètres de papier. le chien qui lui lèche la frimousse. Et la maman, peu mentionnée dans le texte mais très présente dans les images.
Et moi j’aime le ton général réaliste, pas du tout édulcoré de l’ensemble.
Frères, Marie Le Cuziat, Hua Ling Xu, l’étagère du bas, 15€, 2023 Il existe beaucoup d’albums sur la fratrie et c’est un thème qui m’est régulièrement demandé.
Mais le plus souvent, c’est le prisme de la rivalité qui intéresse les adultes. Ils proposent ces livres en réponse à un problème (réel ou supposé) de conflit entre frères et sœurs.
Et si l’on parlait plutôt de fraternité? (ça marche aussi avec la sororité, je vous rassure).
Arùn et Rey sont deux frères qui ne se ressemblent en rien. L’un grand et brun, l’autre petit et blond, leur caractère est également opposé.
Au point que parfois les gens ont du mal à croire qu’ils sont de la même famille.
Mais eux savent bien que par certain côté ils ne font qu’un.
L’image les montre d’abord en opposition, chacun d’un côté de la double page, se livrant à des activités différentes, leurs regards ne se croisent pas. Puis ils se font face, se réunissent, se chamaillent aussi parfois, avant de retourner chacun à ses préoccupations.
Parfois proches, parfois lointains, frères toujours.
Les illustrations sont très travaillées, elles donnent vie à la complicité d’Arùn et Rey. Le texte, court, va à l’essentiel et laisse l’image porter une grande part du récit.
Comme expliqué ici, il m’est impossible de chroniquer tous les albums de qualité qui passent entre mes mains, alors de temps en temps je fais une petite séance de rattrapage, aujourd’hui, c’est le tome 4.
Du fond de la classe Sébastien Joanniez, l’étagère du bas 14€ 2022 Celui-du-fond-de-la-classe voit le premier rang au loin, comme si une mer les séparait. Il n’a jamais franchit cette distance et reste à ce qui semble être sa place depuis longtemps. Mais quand une nouvelle élève arrive et s’installe devant, il a très envie de la rejoindre. Heureusement, on n’est jamais à l’abri d’un éclair de génie. Une histoire forte, servie par des illustrations saisissantes.
Riz, riz, riz, Bamco, rue du monde, 2022, 16 € Gros coup de cœur pour cet album qui raconte la culture du riz.
Le texte, le plus souvent composé d’un seul mot répété, met l’histoire en rythme et donne la cadence, la lecture est rapide et enjouée. Il est inséré dans l’illustration façon calligramme. Avec ce livre, j’ai fait éclater de rire un bébé de 6 mois, chaque lecture était plus jubilatoire que la précédente!
L’arbre généreux, Shel Silverstein, l’école des loisirs, réédition. L’école des loisirs a eu l’excellente idée de rééditer ce classique indémodable, un joyau de la littérature enfantine qui a fait ses preuves depuis sa première édition en 1964 et dont j’avais déjà parlé ici.
Imagier des pays nordiques, Magali Attiogbé, Amaterra, 14€90, 2022. Un nouveau leporello dans la jolie collection dont j’ai déjà parlé ici. Comme d’habitude, un bel objet solide et coloré, des mots représentatifs d’une région du monde, et les très jolies illustrations de Magali Attiogbé. Les bébés ont plaisir à le manipuler (ah, cette fermeture aimanté, un succès fou à chaque fois) et découvrent ainsi de nouveaux horizons.
Un album qui nous fait revivre notre pire cauchemar enfantin: se retrouver en culotte devant sa classe. Heureusement, il se termine par notre meilleur rêve d’enfant: accomplir un exploit devant toute la classe. Entre les deux, le petit héros fait preuve d’ingéniosité et montre sa capacité à prendre sur lui.
Le texte est soigné et tout tendre et le format met en valeur les magnifiques illustrations de Quentin Gréban.
Chacun son tour, Mariane Dubuc, Saltimbanque, 14€50 2023
En jouant, Tortue, Lièvre, Ours et Souris trouvent un œuf. Ils en prennent soin à tour de rôle. Cette drôle d’adoption collective va permettre la naissance d’un petit oiseau. Ensemble ils montrent une autre façon de faire famille, dans laquelle tout le monde apporte sa touche. Un schéma atypique mais favorable, puisque le petit oiseau finira par prendre sa liberté.
Entre album et bande-dessinée ce livre s’adresse aux enfants dès 3 ans et montre la chaleur des relations amicales comme la pluralité des familles possibles.
Classe Volcan, John Hare, Pastel, 2023, 14€ Après classe de lune et classe sous marine, John Hare nous invite pour un nouveau voyage scolaire dans un environnement tout aussi étonnant. La trame narrative est semblable aux opus précédents: un des écoliers s’égare et rencontre les habitants locaux. Ici ce sont donc des êtes de lave. Une belle immersion dans des paysages étranges et une jolie rencontre de l’autre.
(comme les précédents, cet album est sans texte)
Renard des neiges, Alexandra Page, Stef Murphy, Mila, 2022, 12€90
Dans la cabane en bois où elle passe l’hiver avec sa mère, Lucie se sent seule. On comprend dès le début de l’album qu’il y est question d’un deuil. A l’occasion d’une promenade nocturne dans la neige, elle rencontre un renard qui va l’aider à poser un regard émerveillé sur le monde et lui réchauffer le cœur.
Basé sur le mythe des révontulets, qui explique l’existence des aurores boréales par la présence des renards, cette histoire très douce aborde le deuil avec beaucoup de tact.
Marta et la bicyclette, Germano Zullo, Albertine, la joie de lire, 2023, 14€
Réédition de l’album intemporel paru pour la première fois en 2001. Marta, la vache orange est assez singulière et elle y tient. Contrairement à ses amies, elle n’est pas attirée par les trains mais veut faire du vélo. J’aime la confiance tranquille que Marta s’accorde à elle même.
Elle se débrouille, fabrique elle même sa bicyclette et gagne la course. Et ce n’est que le début de ses aventures, puisque trois autres albums ont suivi.
C’est super chat! Michel Van Zeveren, Pastel, 2023, 10€
J’ai un gros faible pour le trait tendre cerné de noir de Michel Van Zeveren, si adapté aux tout-petits. Cet album est le troisième d’une série qui montre les relations et les jeux d’un chat et d’un bébé, inaugurée par C’est qui chat?
Petite historiette du quotidien toute douce, qui joue sur les sonorités et l’ambiguïté entre le mot chat et “ça” mal prononcé par l’enfant très à propos nommé Sacha.
Sous la glace, Michaël Escoffier, Ella Charbon, éditions des éléphants, 2023, 13€
Un album au format à l’italienne, dont le pli sert de séparation. En haut, sur la glace, un enfant pêche. En bas, sous l’eau, un poisson affamé a mordu à l’hameçon. Chacun est aidé par les des amis de plus en plus nombreux, ça tire sur la ligne! C’est très joli, au premier regard l’histoire est sympathique sans plus. Mais un twist en dernière page nous fait comprendre qu’on était complètement passé à côté du sens réel. Alors on relit du début et c’est encore plus savoureux.
J’aime voir s’éclairer l’œil de l’enfant au moment où il comprend, et voir son plaisir à recommencer l’album. Exactement comme dans le ça, du même auteur
Dix petites souris, Colin Thibert, Haydé, la joie de lire, 12€, 2022
Une petite histoire en randonnée, assez classique sur la forme (dix souris se rendent à Paris mais renoncent les unes après les autres au fil du voyage), mais fort sympathique, avec son petit format cartonné à l’italienne, les illustrations amusantes et dynamiques de Haydé et une rime en “i” tout au long de l’album.
Je suis ton manteau, Angélique Villeneuve, julien Martinière, l’étagère du bas, 2023
Igor est un enfant froussard. Ça arrive parfois. Il a peur de sortir de la maison mais plus encore de franchir le pont, celui qui mène au grand là-bas.
Il se sent en sécurité quand il est chez lui, entouré de ses jouets et plus encore quand il est dans les bras de son père. C’est d’ailleurs lui qui encourage Igor à franchir le pont, pour qu’il puisse voir et apprendre. Mais la peur est plus forte, elle paralyse l’enfant, ses jambes ne le tiennent plus.
Jusqu’au jour où une idée formidable leur vient. Ils vont recueillir un maximum de plumes et en garnir le manteau de l’enfant. Avec ces ailes, dissimulées dans la doublure, rien ne peut lui arriver, même seul il pourra voler aussi sûrement que quand c’est son père qui lui faisait faire l’avion!
Le manteau doudou talisman fait son travail, et Igor peut désormais traverser le pont. De l’autre côté, le monde est immense et ça le transporte de joie. Il grandit, faisant désormais des allers retours sur le pont, insouciant. Et quand cela est nécessaire, son père rallonge le manteau afin qu’il soit toujours à la bonne taille. Mais le jour où il rencontre Ida, il rentre chez lui le cœur léger… Mais en ayant oublié le manteau. Cette histoire d’émancipation, de confiance en soi est très jolie et elle est servie par des images absolument magnifiques. Les pages en plan éloigné, montrent la beauté de la nature dans des couleurs dominantes d’ocre et de marron, alors que l’eau ou la maison d’Igor se détachent en bleu lumineux. Quand Igor rencontre Ida, on peut les voir s’amuser dans une totale liberté, les corps se font légers, ils dansent, font la roue, semblent capables de mille prouesses. On ne s’étonne pas alors que le garçon ait besoin de se débarrasser du manteau qui soudain l’alourdit. Ce sont les images aussi qui montrent qu’en plus du manteau, Igor possède un doudou en forme de canard, jamais mentionné par le texte mais auquel il semble très attaché. Je vous invite vivement à aller voir sur le site de l’éditeur, pour vous en faire une meilleure idée.
La galette, Mathilde Brosset, l’étagère du bas, 2023, 15€ Oui, bon, d’accord, je sais, il y a une date pour manger la galette des rois, c’est une tradition et patati et patata. Personnellement, je n’ai jamais retenu la date de l’épiphanie et, avouons le, je me soucie peu de sa signification. Car il y a une chose bien plus importante dans mon quotidien que la spiritualité, c’est la gourmandise. Aussi pour moi le mois de janvier est-il plus synonyme de crème d’amande que de rois mages.
La tradition d’ailleurs est aujourd’hui souvent célébrée dans bien des établissements scolaires ou petite enfance sans que la connotation religieuse ne soit abordée. On peut donc sans craintes proposer des histoires de galette aux enfants même si la date du 6 janvier est passée.
Après cette longue introduction visant à noyer le poisson de ma procrastination et à justifier que mon article paraisse avec un léger retard de calendrier, voyons un peu de quoi il s’agit.
Une petite princesse acariâtre, autoritaire et qui semble avoir une tendance à l’excès exige de son cuisinier toujours plus d’ingrédients dans la galette qui trône au milieu de la table.
Il se prête au jeu avec déférence et humour, au point que la demoiselle se déride un peu devant l’amoncellement d’ingrédients.
Après le beurre et la poudre d’amande, elle réclame confiture, chocolats, bonbons, quelques caramels et des bâtons de cannelles, et ce n’est pas fini… Si on la flambait au rhum? La princesse en sera pour ses frais, le cuisinier semble finalement plus facétieux que servile. Et le petit chien que se promène de ci de là? Il à l’air de trouver tout cela bien amusant.
Le texte très court, tout en dialogue incite à une lecture rapide, qui met en valeur l’humour de la situation et l’excès de la surenchère. Les illustrations en papier découpé sont vraiment sympas et dynamiques. Voilà un album qui met de bonne humeur!