Anisia, Marion Durand, Pauline Comis, Kilowatt, 2025, 15€
Je rêve de vivre dans un monde où l’accueil soit une évidence, où les gens lambdas se mobilisent pour recevoir à bras ouverts ceux qui en ont besoin, où les humains s’entraident, spontanément.
Je rêve de ce monde, et il existe. Ce n’est pas le plus visible, il n’est ni médiatisé ni valorisé mais il existe.
Parfois, dans une ville, un village, une banlieue, des personnes se regroupent pour en aider d’autres. Et ça marche.
C’est cet élan de solidarité qui est montré dans cet album.
Anisia raconte à la première personne son arrivée dans un pays où elle découvre l’hiver, où sa mère est en travée par la barrière de la langue, où il a bien fallu aller mais où on n’est pas bien heureux, l’inquiétude est quotidienne. Un jour, son père lui donne une jolie tenue, pour qu’elle fasse son travail d’enfant: aller à l’école.
Elle y va pour apprendre mais ce sera aussi un lieu de rencontres et de jeux, et dans un moment de détresse, elle pourra se tourner vers son enseignante.
À travers ses yeux d’enfant, on vit avec elle l’inquiétude pour obtenir des papiers, l’angoisse face à une lettre de refus et la résolution heureuse, grâce au soutien d’une gentille maîtresse et de nombreux parents d’élèves.
Une belle histoire porteuse d’espoir, à raconter aux petits et aux grands car il faut le dire, oui, la mobilisation ça marche, oui, on peut faire le différence. J’ajoute que les illustrations sont superbes et l’écriture fluide, et que l’album est agréable à lire à voix haute.
Les gens de la plage, Maële Vincensini, Cédric Abt, Thierry Magnier, 2024, 18€50
Sur la plage de Ty Anquer, une baleine est échouée. Les habitants du village veulent spontanément lui venir en aide, ils s’arment de pelles et de seaux. Mais déjà une barrière est dressée devant la baleine, un policier s’interpose entre elle et les gens de la plage. Personne ne passe, c’est interdit.
Seuls les pompiers peuvent tenter quelque chose. Consternation et impuissance du côté des villageois, qui regardent avec inquiétude les pompiers tenter maladroitement des soins peu appropriés.
Voilà qu’arrive une pirate. Elle fait figure d’autorité, sait sauver les baleines et l’a déjà prouvé. Elle fait jouer ses relations et obtient le droit de passer, mais se rend rapidement compte que seule elle n’y suffira pas.
Face à l’urgence, les gens de la plage décident finalement de passer outre les consignes et forcent le passage. Ils aident la pirate juste à temps, avant que la marée ne redescende.
Il y a quelque chose de très apaisant dans les grandes illustrations en pleine page, en particulier dans celle, en fin d’album, qui montre la baleine libre dans les eaux. On trouve aussi du réconfort dans la solidarité dont font preuve les villageois, le naturel avec lequel ils choisissent ce qui est juste plutôt que ce qui est légal.
Mais c’est tout de même la peine et la colère dominent tout au long de la lecture de cet album. Colère à l’idée des règles, aussi réelles qu’absurdes, qui imposent des barrière meurtrières. Peine à la pensée des naufragés qui ne reçoivent aucun secours.
Heureusement, les gens de la plage ont su s’unir, dépasser leur sentiment d’impuissance, se rebeller et agir. Car c’est bien de notre pouvoir d’agir que parle cet album. Heureusement, la littérature enfantine nous offre une vision de l’humanité plus optimiste que les nouvelles du monde. Heureusement, il reste un espoir et les valeurs telles que la solidarité ne sont pas encore totalement criminalisées. Heureusement, on a encore le droit de montrer que pour sauver ceux qui échouent sur nos plages (baleines ou personnes) il faut parfois braver l’autorité.
Une journée extraordinaire, Philip Waechter, Didier jeunesse, 2023, 13€50
En littérature enfantine, l’ennuie est souvent le point de départ de jolies aventures, ou source de créativité.
Pour Raton laveur, c’est ainsi que l’histoire commence. Se trouvant désœuvré, il décide de faire un gâteau aux pommes.
Comme il n’a pas d’œuf, il va en demander à son amie renarde. Celle-ci, occupée à réparer sa gouttière à grand besoin d’une échelle. Blaireau en aura sûrement une à leur prêter. Mais celui-ci a besoin d’aide à son tour pour faire ses mots croisés, les voilà donc tous en route vers la maison d’ours.
Depuis Les bons amis, de très nombreux albums mettent en scène des chaînes de solidarités entre animaux. La structure peut donc sembler attendue pour les adultes habitués aux albums. Mais les enfants, eux, posent un œil neuf sur ce type d’histoire, et ils apprécient d’autant plus les valeurs qu’ils y trouvent.
Ici, l’histoire dévie du cours attendue en milieu d’album.
Laissant un temps les quêtes de chacun de côté, les animaux se baignent dans la rivière tous ensemble, dans une petite parenthèse hors du temps.
Quand le soleil commence à décliner, il n’est pas trop tard pour se mettre à l’ouvrage et chaque problème est résolu avant la fin de journée.
Enfin, les amis peuvent partager le fameux gâteau aux pommes, dans la lumière d’un coucher de soleil, mettant fin à une journée extraordinaire, faite de solidarité, de jeu, de spontanéité, de plaisirs… Et de travail accompli, sans sentiment d’effort.
Sans détour, Stéphanie Demasse-Pottier, Tom Haugomat, l’étagère du bas, 2022, 15€
Une fillette, dans un paysage urbain. Accompagnée de sa mère elle parcourt tous les matins le même chemin qui la mène jusqu’à l’école. Elle porte des bottes rouges, est protégée de la pluie par sa capuche. Un trajet banal, vu à travers les yeux de l’enfant, qui compte ses pas, observe l’environnement. mais une chose la tracasse. Quotidiennement, elle passe devant la dame, assise devant la boulangerie, son bébé dans les bras. Pour la fillette, cette rencontre est terrible, entre honte et compassion elle ne sait pas comment réagir. Maman semble moins affectée, elle donne parfois une pièce, un gâteau, toujours un bonjour et un sourire.
Mais quand on est petit, c’est plus compliqué de savoir que dire ou faire. Alors maman trouve les mots, et l’enfant comprend qu’elle aussi peut agir, à son niveau, pour la dame et son bébé. Le titre, Sans détour, évoque bien sûr le trajet de la fillette, et l’idée de ne pas se détourner des plus pauvres. Mais il convient également parfaitement à l’ambiance générale de l’album. Le sujet est abordé de façon franche, directe et avec un style épuré tant dans les images que dans les mots.
Les très belles illustrations sont sensibles et très évocatrices. Le sujet de la précarité est très rarement abordé en littérature enfantine. Ici il est traité avec la gravité qu’il mérite, sans édulcorant, mais la fin pleine de douceur et d’espoir, tout comme la simplicité de la forme, le rendent accessible aux enfants même jeunes, je pense que dès la fin de la maternelle on peut le proposer.
L’homme aux chats d’Alep, Irène Latham, Karim Shamsi-Basha, Yuko Shimizu, le genévrier, collection caldecott, 2022, 17€
Alaa est ambulancier dans la ville d’Alep, en Syrie, quand le conflit éclate en 2011.
Dans le pays en guerre, il conduit son ambulance pour porter secours à ceux qui en ont besoin. La ville autour se désertifie. Ses proches lui manquent.
Mais dans sa solitude, il remarque la présence de très nombreux chats, abandonnés dans les ruines.
Alaa ne peut pas luter contre la guerre. Mais il peut aider et nourrir les chants. Alors il le fait.
Quotidiennement il apporte de l’eau et de la nourriture pour les chats, mais ses moyens d’y suffisent pas, alors il demande de l’aide sur les réseaux sociaux.
Et son histoire devient rapidement virale, les aides affluent.
Un refuge est créé, qui accueillera chats et humains, puis bientôt tout types d’animaux. Un puits est creusé pour qu’il y ait de l’eau pour tous. Sur le terrain de jeu, les enfants restés à Alep jouent au foot, au milieu des chats qui somnolent.
Cette histoire vraie, peut-être la connaissez vous déjà, elle a fait le tour du monde.
Elle est racontée ici à deux voix pour le texte, Irène Latham et Karim Shamsi-Basha, qui ont souhaité la faire connaitre plus encore et la mettre à hauteur d’enfant. Ainsi certains évènements ont été gommés, comme le nécessaire déménagement du refuge à plusieurs reprises, pour le mettre à l’abri des bombardements. Il reste l’essence de l’histoire: l’optimisme d’un homme qui dans un pays en guerre parvient à réaliser l’impossible: un refuge pour les animaux mais aussi un orphelinat et puits d’eau potable pour tous.
Les images de Yuko Shimizu passent brièvement sur la violence de la guerre, sans l’éclipser, puis font la part belle au réconfort et à la joie. Sans fausse naïveté tout de même, les enfants qui jouent n’ont pas été épargnés, on peut le voir à leurs blessures. Et sur la dernière page, Alaa semble presque nonchalant, faisant le marché, entouré d’une bande de chats et de gamins qui marchent dans son sillage.
Mais à l’arrière plan, la ville est en ruine, le conflit est toujours là.
L’homme aux chats d’Alep est un très bel album, une histoire inspirante de générosité et d’attention portée aux autres.
Dans le contexte actuel c’est également un livre qui donne de l’espoir et montre ce que l’humain peut avoir de lumineux et de généreux.
Blaise, Isée et le tue-planète, Claude Ponti, l’école des loisirs 2021, 22€
Rentrer dans un album de Claude Ponti n’est pas donné à tout le monde. Disons le, il y a les enfants qui adhèrent et ceux qui sont hermétiques. C’est pareil pour les adultes d’ailleurs.
Il faut dire que cela demande un certain lâcher prise et la capacité à se projeter dans un univers loufoque, peuplé de créatures singulières et où les mots eux même deviennent étranges, se déforment, s’inventent à chaque page.
Quand on a passé le pas, c’est un immense bonheur de retrouver ce monde, d’années en années, au fil des albums.
Blaise, Isée et le tue-planète s’inscrit dans une série d’albums peuplée de poussins. L’un d’entre eux, Blaise, se distingue par le masque rouge et grimaçant qu’il porte (on sait depuis Milles secrets de poussins que c’est celui qui porte le masque qui devient Blaise).
Isée est également un personnage déjà connue des fans, on la rencontre dans La venture d’Isée puis dans L’avie d’Isée.
Mais si vous ne connaissez encore ni le monde ni les personnage de Claude Ponti, pas d’inquiétude, vous n’avez besoin d’aucune connaissance préalable pour découvrir Blaise, Isée et le Tue-planète.
Prenez une grande inspiration, plongez et laissez-vous émerveiller par la richesse de l’album.
Tout commence par l’atterrissage brutal d’Isée, dont le vaisseau s’écrase pile poil sur la maison des poussins. La petite héroïne a mal contrôlé son atterrissage, il faut dire qu’il y a urgence, elle vient chercher l’aide de ses amis.
Car il se passe quelque chose d’horibilifique. Un tue-planète sévit dans la galaxie.
Partout, les habitats sont détruits, il faut absolument construire un nouveau vaisseau et tuer le monstre.
Manifestement, la construction d’ un vaisseau est pour les poussins une activité aussi ludique que la confection d’un gâteau. Ils s’attellent donc à la tâche avec leur entrain habituel et bâtissent un fabuleux vaisseau en forme de poussin géant, dont le détail ravira les enfants. Aussi fonctionnel que plein de fantaisie, il est présenté de fond en combles , intérieur et extérieur, sur deux doubles pages qui ne demandent qu’à être longuement explorées.
Enfin la troupe s’élance pour éradiquer le tue-planète mais aussi pour accueillir les survivants, sauver les naufragés, héberger les sans planètes.
La mission n’est pas sans danger et les péripéties nombreuses, chaque planète à son caractère propre mais aussi son problème spécifique: celle-ci est envahie par une forêt mortelle, telle autre devient une boule de banquise ou est couverte de poils barbiturique.
Mais ensembles, les poussins trouvent toujours la solution.
Et l’album s’achève sur un rêve commun. Les poussins de partout et leurs amis d’ailleurs se voient reconstruire des plus belles, accueillantes, heureuses, différentes les unes des autres mais incroyabilicieuses et magnifiquissimes.
Un hymne à l’hospitalité, à la diversité et à l’écologie, des thèmes chers à l’auteur.
Pas de doute, le Ponti de l’année est une belle réussite, qui porte de belles valeurs sans jamais faire la morale aux gamins, c’est pas trop le genre de l’auteur.
C’est l’automne dans la forêt. Les feuilles d’arbre sont au sol, papa et maman ont enfilé leurs gros pulls. Endormi dans sa poussette Simon est recouvert d’une couverture chaude.
Quand son doudou glisse de ses mains endormies, aucun des humains ne s’en aperçoit. Heureusement pour lui, Lapin a été témoin de la scène et intervient immédiatement. Il invite Nino le doudou dans son terrier. Là, il lui présente son ami écureuil, et lui propose une part de tarte. Comme souvent chez cette autrice, tous les personnages sont par nature généreux, portés sur l’entraide et désireux d’aller à la rencontre les uns des autres. Invité par différents animaux, Nino visite la maison de l’écureuil, puis celle des mésanges noires. Quand la nuit finit par tomber, c’est Renard qui le prend sous sa protection. Ensemble, ils aident les animaux qui en ont besoin, Nino d’ailleurs cédera son écharpe à une belette frigorifiée.
Tout au long de l’album, les illustrations sont à l’image des sentiments des personnages: Chaleureuses, douillettes, contenantes. On trouve ici des pages sans texte, où les vignettes s’enchaînent pour montrer la succession des actions, ou les doubles pages où l’image prend toute la place, très immersives et qui laissent place à la contemplation.
L’histoire bien entendu donnait une fin heureuse, et Nino retrouvera son foyer. Cette thématique de la solidarité animale à l’égard d’un individu venu de chez les humains avait déjà été exploré dans plusieurs albums d’Anne Brouillard, dont le très joli « Petit somme ».
J’aime toujours énormément les albums de cette autrice parce que ce sont des livres d’ambiance, qu’ils nous plongent dans un univers animalier très proche de la nature dans lequel je me sens bien. Ils sont l’expression même du réconfort.
Madame hibou cherche appartement, Caroline Dorka-Fenech, Géraldine Alibeu, à pas de loups, 2021, 16€50
Dans son vieil arbre, madame hibou prend la pluie sur la tête, l’hiver, il a les branches complètement gelées et il est ouvert aux quatre vents.
C’en est assez, madame hibou l’affirme, elle aspire à mieux, elle voudrait un lit douillet, des murs (peints en jaune) et une douche. Voilà.
Mais la société des hiboux n’a rien à envier à l’absurdité de la nôtre, et madame hibou va se heurter à une absurdité administrative digne de Kafka.
C’est que pour être logé dignement, il faut faire une demande, avec plein de paperasse, en vue de prouver… Que l’on existe bien. Rien que cela. Madame hibou est tenace, elle traverse les étapes vaillamment. Elle surmonte les innombrables appels téléphoniques nécessaires pour comprendre la marche à suivre, réunit les nombreux papiers, se rend devant le grand bâtiment gris où sont traitées les demandes.
Et y découvre une queue de plusieurs milliers de hiboux, tous munis de leur dossiers.
C’est lors de cette attente de plusieurs jours qu’elle va se lier d’amitié avec ses semblables, qui eux aussi espèrent un jour être logés.
L’allégorie fonctionne très bien et le lecteur comprend qu’il n’est finalement pas beaucoup plus insensé de demander à quelqu’un de prouver sa propre existence que de lui demander par exemple d’être né au bon endroit ou encore de travailler quand il n’y a pas de travail.
S’il est bien sûr question ici de pauvreté et d’exclusion, c’est surtout l’amitié et le pouvoir d’agir des individus qui est mis en avant. Quand on annonce qu’il ‘y a plus un seul logement, madame hibou prend les choses en main, elle met en place un système basé sur l’entraide et la solidarité dans lequel tout le monde peut trouver sa place.
Il m’apparaît nécessaire de traiter ces sujets en littérature enfantine, et bien sûr, s’adressant aux enfants, il faut que l’histoire se termine bien.
Madame hibou cherche appartement est un album motivant, qui incite à interroger les règles les plus ineptes, à se rebeller contre elles si besoin et à s’appuyer sur la force du collectif pour y parvenir.
Il est servi par de très belles images, chaleureuses, où le dessin au posca se mêle aux papiers découpés, ce qui leur donne profondeur et relief.
Tu ne dors pas, Isidore? Frédéric Stehr, Pastel, 12€50, 2019
Non, tous les ours n’hibernent pas en hiver. En tout cas, pas Isidore, qui ne trouve pas le sommeil. D’ailleurs, il se demande si tout le monde sommeille réellement, dehors? Il sort pour en avoir le cœur net.
Il rencontre d’abord Blaireau, qui l’invite à partager la soupe chaude. Puis ensemble, ils trouvent Lapin, qu’ils vont sauver d’une mort certaine puisque le pauvre a perdu connaissance dans la neige.
Heureusement, un peu de soupe chaude le remet sur pied.
Les trois compères poursuivent leur chemin ensemble et ils se font interpeller un peu agressivement par deux chiens errants. Mais ours n’est pas inquiet. Il propose un peu de soupe aux deux nouveaux venus qui s’adoucissent aussitôt: Ce sont des chiens battus qui se sont échappés et ils apprécient cette marque d’amitié.
Ensemble, ils décident de rentrer au terrier de Blaireau, mais le mauvais temps les rattrape. Faisant preuve de courage, de ténacité et surtout de solidarité ils surmontent les difficultés qu’ils rencontrent.
En quelques péripéties, les animaux nous montrent comment faire société, par-delà les différences. Le dessin offre une tendresse palpable, chaque personnage est très attachant.
J’ai toujours aimé l’univers de Frédéric Stehr, que je trouve d’une grande sensibilité et très juste.
Quand j’ai commencé dans le métier de lectrice (il y a plus de vingt ans, ça ne nous rajeunit pas ma bonne dame), je lisais souvent (et toujours avec grand plaisir) Calinours va faire les courses aux enfants de crèches.
Au fil des albums je trouve son travail de plus en plus abouti et, sincèrement, je trouve qu’on touche à la perfection avec Tu ne dors pas Isidore?
C’est un album sans prétention mais dont le texte est un plaisir à lire à voix haute, le rythme est parfaitement maîtrisé, les personnages campés avec justesse. Les bouilles des animaux sont très expressives et suscitent immédiatement l’empathie.
Je travaille avec depuis plusieurs mois et il fait l’unanimité à la fois avec les parents, les professionnels et les enfants.
Il s’inscrit dans la lignée des Bons amis de Gerda Muller, et je lui souhaite une longévité comparable, ce serait tout à fait mérité.
Chut! Morgane De Cadier, Florian Pigé, HongFei 15€50
La page de garde annonce la couleur. Deux maisons au milieu de rien. Deux maisons identiques. Identiques? Non, symétriques, on pourrait presque dire diamétralement opposées. D’ailleurs, elles sont séparées par la charnière de la page. Celle de droite se distingue par un écriteau: Vendu.
Celle de gauche est habitée par monsieur Franklin, celui que nous avons vu sur la couverture. Vous avez remarqué son sourire à l’envers? Ses paupières tombantes? La fenêtre et la porte fermées derrière lui? Alors vous l’avez compris, ce n’est pas un marrant.
Ce qu’il aime par-dessus tout c’est le calme, le silence, être tranquille quoi.
Le nouveau propriétaire de la maison de droite, on ne connaît pas son nom. Ce qu’on sait de lui c’est qu’il a beaucoup d’amis, qu’il aime faire la fête et qu’il met plein de lumières à ses fenêtres.
Autant dire que son arrivée ne met pas Monsieur Franklin en joie.
Mais il y a pire encore que cet inopportun voisin.
L’énorme oiseau qui s’est installé sur le toit de Monsieur Franklin et qui n’a de cesse de chanter. Et de grossir. C’est bien simple, plus on lui dit de se taire, plus il devient gros. A tel point qu’il finit par casser la petite maison de bois.
Voilà Monsieur Franklin bien dépité, tellement vulnérable à présent, lui qui avait tant besoin de fermer ses volets au nez du monde.
C’est alors que quelque chose d’étrange se produit. Ce voisin, dont on ne connaît toujours pas le nom, avec qui Monsieur Franklin n’a encore échangé aucun mot, ce voisin détesté, dérangeant, bruyant, le voilà qui vient tout naturellement apporter son aide.
J’ai toujours pensé que plutôt que « être ensemble » il fallait privilégier le « faire ensemble ». C’est semble-t-il aussi le point de vue du voisin. Il n’a jamais tenté de communiquer avec Monsieur Franklin mais en situation de crise il se montre solidaire, comme une évidence.
Et en reconstruisant ensemble la cabane de bois, ils entrent enfin en relation.
L’histoire se poursuit jusqu’à la 3eme de couverture qui montre que l’amitié entre Monsieur Franklin et son voisin n’est pas l’aboutissement mais un point de départ.
Servi par des illustrations sobres et élégantes, cet album porte des valeurs que je partage totalement et qu’il est bon de transmettre aux enfants.