Au parc, le marchand de nuage est un peu délaissé, les gens préfèrent le nouveau manège ou les marionnettes. Il propose pourtant un large choix, nuage lapin, poisson ou éléphant. Louise, elle, ne rêve que d’un nuage simple, intemporel, un nuage qui s’émancipe des effets de mode.
Elle le chérit et s’engage a en prendre grand soin.
Le nuage de Louise se prénomme Milo et en retour, il arrose ses plantes et semble apprécier d’accompagner la fillette en promenade.
Mais une nuit, le nuage se déchaîne, dans la chambre de Louise c’est une véritable tempête qui déferle, au point que la petite fille se réfugie sous son lit.
J’ai déjà eu l’occasion de dire à quel point je trouve le travail des FanBrothers original, plein de délicatesse et de poésie.
Cette fois encore ils émerveillent leur lectorat, avec une histoire hors du temps, à la portée universelle.
Le sens de l’empathie de la petite propriétaire du nuage est palpable dans la douceur veloutée des images. On comprend qu’elle ne cherche qu’à lui donner de l’affection et du soin. Mais manifestement, les nuages sont faits pour vivre libres, et Louise finira par prendre acte de cette réalité.
Deux ans après la parution du Projet Barnabus, cette histoire étrille donc de nouveau l’idée d’un animal de compagnie, adopté parce qu’il est mignon, au détriment de sa liberté.
Chacun univers singulier, toujours très riche et porté par des images très évocatrices. Avec une utilisation parcimonieuse des couleurs (ici les nuances de gris ne sont rehaussées que par jaune solaire dans la plupart des pages) et un environnement rétro, les illustrations de cet album sont sensibles et touchantes.
C’est donc un gros coup de cœur, dont vous pouvez voir la présentation ici:
Jabari est un enfant plein d’idées et Alors quand il décide de fabriquer un engin volant, il y met les moyens. Énergie, créativité et ténacité sont au rendez-vous. Et surtout, il veut le faire tout seul.
Vis, plan et outils envahissent la table du jardin. Pendant ce temps papa vaque à ses occupations. Nina, la petite sœur de Jabari, aimerait bien participer, elle ne cesse de solliciter l’attention de son frère « moi, moi! » Dit elle.
Il finit par l’associer à la Jabari, mais là c’est la colère qui s’installe, fichu engin qui ne veut pas voler!
Rassurez-vous,
Il y a vraiment beaucoup de choses intéressantes dans cet album, dont la trame narrative est par ailleurs assez simple.
Le texte n’est pas bavard et il sonne juste, à hauteur d’enfant. Les changements d’humeur des protagonistes sont amenés avec naturel, on n’a pas le sentiment d’être face à un livre « pour parler des émotions », mais il permet bien évidemment de les comprendre.
J’aime aussi la façon dont il montre la fratrie, avec un brin de
Le père accompagne Jabari s’inspire de grands chercheurs ou ingénieurs tels que Lewis Howard Latimer, Roy Alleta ou encore Flossie Wong-Staal, qui sont cités dans l’et je trouve important qu’un album contribue à leur donner la célébrité qu’ils méritent.
Vas-y Jabari fait suite à Jabari plonge, sorti en France en 2021.
L’heure de la sieste, Sibylle Delacroix, Mijade, 13€ 2022
Une fillette, sandales aux pieds, sourire aux lèvres arrive chez sa grand-mère pour y passer des vacances. On devine le sud au soleil sur la façade et à la lavande qui y pousse. La grand-mère peint, même si on ne voit pas ses toiles, et la petite aussi, avec un trait enfantin comme il se doit. Le chat de la maison se prénomme Chagall. Ici, tous les jours, il y a le rituel de la sieste. Un trait de lumière passe par le volet entrouvert, sur le lit, la petite fille et son doudou se reposent sur la couverture en patchwork. Mais tous les jours, les volets verts l’attirent, elle les ouvre un peu et découvre un nouveau paysage à chaque fois. Juste le pour l’heure de la sieste, comme une parenthèse dans la réalité, la narratrice se retrouve dans un paysage inspiré de l’univers d’un peintre célèbre. Face à la jungle du douanier Rousseau ou de la vague d’Hokusai, la fillette s’émerveille avant de refermer le volet, hop, la sieste est finie. L’histoire ne dit pas si elle a véritablement dormi, après- tout, peut-être rêve-t-elle les yeux ouverts. D’ailleurs ses vêtements et certains jouets qui traînent autour du lit sont en lien avec ce qu’elle découvre derrière les volets.
C’est une très jolie façon de familiariser les enfants avec l’iconographie des peintures avec simplicité et naturel. Ils peuvent s’arrêter sur les arabesques d’une nuit étoilée ou les détails inspirés de Brueghel, et qu’ils aient ou non conscience de la référence importe peu. Les postures enfantines de la fillette sont très justement croquées et elles se marient parfaitement aux paysages derrière les volets, Sibylle Delacroix fait un travail tout en finesse auquel je suis très sensible. Et puis, c’est une belle célébration de la sieste, ça donne presque envie de s’y adonner sur le champ!
Le bon lit douillet, Florence Desnouveaux, Marion Piffaretti, Didier jeunesse, à petits petons, 2022, 13€10 La mer au loin, des animaux souriants plein le jardin, une grand-mère accueillante, dès la première page cette histoire fleure bon les vacances à la campagne, on imagine déjà les cache-caches sous le saule pleureur et les bouquets de fleurs d’hortensias.
Peut-être que maman est repartie travailler, en tout cas c’est Grand-mère qui couche petite fille dans le bon lit douillet. Elle éteint la lampe de chevet (clic) et tire la porte (iiii). Mais Bououououhhh, Petite Fille pleure, elle à peur. Grand-mère, pleine de douceur, rallume la lumière (clic), va chercher la chatte, et la dépose sur le lit de Petite Fille pour lui tenir compagnie, avant de refermer la porte (iiii)
Mais Miaououou, la chatte miaule, bouououhh, Petite Fille pleure, elles ont peur. Sont alors appelés à la rescousse le chien, la chèvre et même le poney, avec tout ce monde dans le lit, plus de raison d’avoir peur. Mais cette fois, c’est un grand crac qui se fait entendre, le lit, tout douillet qu’il est, n’est pas fait pour recevoir tant de monde. Heureusement, Grand-mère à plus d’un tour dans son sac et dans sa boite a outils!
Avec une belle palette de tons bleutés pour la nuit et des tonalités plus chaudes pour les personnages, l’image instaure une ambiance paisible et douce, et j’avoue que je craque pour les cheveux roses de la grand-mère, qui lui accentuent la douceur de son visage.
Les bambins adorent cette histoire en randonnée rythmée par de nombreuses onomatopées, qu’ils reproduisent dans une joyeuse cacophonie. Comme il est d’usage dans la collection à petits petons, le texte est pensé pour être lu à voix haute et chatouiller agréablement les oreilles des petits, qui peuvent donc apprécier cette histoire avant même de la comprendre. La thématique de la peur y est survolée avec beaucoup de douceur, l’humour et le rire prennent le dessus.
Les images de Lou et Mouf, Jeanne Ashbé, Pastel, 6€80
Jeanne Ashbé est toujours très attentive aux bébés, elle les observe beaucoup et cherche à faire des livres qui les amusent tout en étant adaptés à leurs besoins en terme de développement.
Pour cette petite série d’albums sans texte, elle a souhaité favoriser le dialogue entre les tout-petits et les adultes qui les accompagnent.
Les thèmes choisis sont les moments ordinaires et merveilleux qui sont fondateurs pour les jeunes enfants: Le matin, le soir, le bain, le repas, le voyage, le zoo, le jardin et la mer. Chaque double page met en vis-à-vis un objet ou un animal en gros plan et une scène d’ensemble. L’attention des enfants peut circuler de l’un à l’autre, faire des liens.
Les enfants les plus habitués reconnaîtront Lou et Mouf, personnages récurrents dans l’œuvre de l’autrice: un petit enfant et son doudou, dont la vie quotidienne est montrée avec justesse au fil des albums. (On note que Lou est un prénom mixte, ce qui permet à chacun d’y voir un garçonnet ou une fillette).
Avec son petit format et ses pages cartonnées, la série Les images de flaps ou de volet à soulever ici). Les images sont très lisibles, et il y a un joli travail sur les motifs qui leur donne de la profondeur. L’absence de texte est destinée à laisser la parole aux quel que soit sa langue.
Dans mon travail, ces livres sont de précieux alliés, ils sont accessibles et donnent lieu à de riches échanges. Je suppose que c’est aussi dans l’optique de les rendre accessibles au plus grand nombre que le coût est si bas, c’est rare de trouver de chouettes livres à moins de 7 euros.
Je les trouve vraiment jolis, agréables à regarder et ils répondent parfaitement à l’objectif fixé, ils sont supports d’échanges et de connivence entre adultes et enfants et parfois en collectivité pour les enfants entre eux également. Si vous êtes (comme beaucoup d’adultes) mal à l’aise avec les albums sans texte, vous pouvez trouver des pistes d’utilisations dans cet article, et au pire faites confiance aux enfants, ils sauront vous guider!
La petite sœur est un diplodocus, Aurore Petit, Les fourmis rouges, 2022, 15€50
Ce nouvel album d’Aurore Petit est le dernier opus de ce qui semble être une saga familiale et intimiste.
Après Une maman c’est comme une maison, centré sur la relation mère fils puis Bébé ventre, dont le narrateur était l’enfant à naître, nous avons ici le point de vue de l’aîné quand le nouveau bébé arrive dans la famille.
Et nous retrouvons les éléments qui ont fait le succès des deux premiers albums: une histoire intime, racontée avec délicatesse et une économie de mots, des illustrations agréables et très toniques, avec beaucoup de tons fluos.
Le grand frère est le narrateur, pourtant le texte ne détaille pas ses pensées, il est au contraire assez factuel et parfois même l’histoire se passe totalement de texte pendant plusieurs pages. Je trouve cela tout à fait approprié, les jeunes enfants n’étant généralement pas capable de verbaliser les émotions qu’ils ressentent. Ici on peut comprendre ce que le petit garçon éprouve à travers des images très parlantes, c’est suffisant (je ne suis pas fan de cette habitude de vouloir absolument mettre des mots sur tout, tout le temps). Quand il a exprimé son désaccord, il n’est pas non plus noyé de mots par les parents, il est juste câliné, ce qui ma foi semble assez efficace.
Et il s’il peut affirmer que la petite sœur est un diplodocus, c’est que manifestement elle prend beaucoup de place, pour une si petite personne!
Dépêche toi Alphonse Aubert, Gunilla Bergström, l’étagère du bas, 2022, 12€ Oh joie, oh bonheur, un nouvel opus de cette réjouissante série est sorti cette année!
Nous y retrouvons le petit garçon à tête ronde et son flegmatique papa, qui, cette fois, risque bien de perdre patience!
Parce que voilà, c’est le matin, il faut se préparer pour l’école, mais le petit garnement d’en fait qu’à sa tête et a toujours une activité plus urgente. Alors que son père insiste avec ses « Dépêche toi, Alphonse! », lui enfile un pull à sa poupée, répare une petite voiture cassée, lit un livre sur les reptiles. Que d’occupations absolument nécessaires avant de partir pour la maternelle, vous en conviendrez!
Dans la cuisine, le ton commence à monter, papa n’en peut plus d’attendre son fils et il se crispe à chaque fois qu’il entend une réponse qui commence par « Il faut juste que je… »
Évidemment, le temps passe, l’horloge représentée sur les pages de texte est implacable, alors que l’histoire a commencée à 6 heures il est presque une heure de plus quand Alphonse entame son petit déjeuner. Mais il a une surprise pour papa, et bientôt la situation va s’inverser.
Quelle fripouille cet Alphonse!
Le trait tremblant, les images décalées, l’humour et surtout la situation, tellement proche de la réalité, me plaisent toujours beaucoup dans les albums de cette série.
Celui-ci peut être un prétexte pour parler de l’école, de la routine matinale ou même pour apprendre à lire l’heure (on retrouve l’horloge et ses aiguilles presque à chaque page), si vous voulez vraiment rentabiliser chaque lecture.
Mais je vous invite plutôt à le lire juste pour passer un bon moment, ce qui est tout de même la fonction première de la littérature
L’arche que Noé a bâtie, Henri Galeron, les grandes personnes, 2022, 18€
L’album débute quand l’arche est déjà prête. On s’attend à y voir monter les couples d’animaux, mais ce n’est pas le propos du livre. Devant le bateau, un sac de riz. Le museau dans ce sac, un rat. Le rat qui a grignoté le riz qu’il faut embarquer sur l’Arche que Noé a bâtie.
Voici la chouette, qui a chahuté le rat, qui a grignoté le riz qu’il faut embarquer sur l’Arche… Vous la voyez venir la randonnée à accumulation?
En effet vont se succéder divers animaux, chacun interagissant avec le précédent. Le texte grandit donc au fil des pages. Et les pages elles même grandissent, pour accueillir le texte mais aussi les différents animaux. Après la chouette voici le chat, le pélican, le sanglier… Chacun est plus imposant que le précédent et rapidement une joyeuse confusion règne entre les animaux.
Alors que le texte garde sa forme très structurée, avec la reprise systématique des mots des pages précédentes, l’image devient rapidement loufoque, contrastant vivement avec le calme de la première page.
Alors que la petite ménagerie est en effervescence, voilà Noé lui même qui débarque dans son bleu de travail (ben oui, c’est un bâtisseur n’oublions pas). Va-t-il mettre bon ordre là dedans afin de pouvoir embarquer sereinement? Manifestement, ce n’est pas son intention! Qu’importe tant qu’il y a de la joie!
Je suis toujours une fan du travail d’Henri Galeron, ses illustrations sont pleines d’humour, on y sent très souvent une influence surréaliste.
La forme (des pages cartonnées épaisses qui grandissent au fil de la lecture) est en parfaite adéquation et rend l’objet agréable à toucher (et très solide). Les animaux ont des postures cocasses et l’œil expressif.
D’ailleurs le singe que l’on voit sur la couverture, avec sa posture qui évoque le penseur de Rodin et son sourire malicieux est tout à fait emblématique de la suite.
Perso mon préféré c’est celui qui tire la langue, en bas à droite sur la couverture.
Mais ils sont tous franchement adorables et attachants, les 10 chats croqués par Emily Gravett dans cet album.
Il y a la mère, une chatte au pelage blanc, et les chatons qui s’ébattent joyeusement autour d’elle. Les trois pots de peinture aux couleurs primaires que l’on voit sur la page de titre laissent présager quelques bêtises colorées.
Effectivement, les petiots vont s’en donner à cœur joie, pendant que leur mère est abandonnée au sommeil.
J’aime énormément le trait de cette illustratrice, qui parvient à saisir les postures félines et à les montrer avec malice et tendresse. La chatte s’étire dans son sommeil, change de position, la bouille presque souriante elle semble indifférente aux cabrioles de ses petits. On envie sa sérénité!
Le texte, très court, attire l’attention des jeunes lecteurs sur les caractéristiques des chats, les mélanges de couleurs et leurs actions. Comme le titre le laisse supposer, 10 chats est aussi un livre à compter, qui invite les enfants à dénombrer les éléments sur l’image:4 chats à la robe tachetée, 8 barbouillés de vert etc.
Je suis persuadée que cet album fera la joie des enseignants de maternelle tant il permet d’aborder de notions. Le dénombrement, les couleurs primaires et secondaires (ce qui est également annoncé graphiquement dès la couverture), du vocabulaire et une partie de l’histoire portée seulement par l’image en fin d’album. (il aurait toute sa place dans mon top 20 pour la maternelle d’ailleurs)
Mais, à mon avis, ce qui intéressera surtout les enfants, c’est vraiment la qualité des illustrations. Et aussi peut-être de voir que les frasques des chatons restent impunies…
Dans une forêt de papier, deux tatous vivent au rythme de leur musique : ta-TOU, tou-TA, ta-TOU, TOU-ta. Derrière eux, les arbres forment un camaïeu de gris, la forêt n’est pas inquiétante mais tout de même un peu terne. Quand débarque un chat, qui produit sa propre musique cha-cha-CHA! cha-cha-CHA! Il est joyeux, plein d’entrain et se détache sur la page grise par son pelage orange. Il danse, accompagné de ses maracas. Ce qui n’est pas du tout au goût des tatous, qui le rembarrent avec une certaine brutalité « Pas de ce tintamarre chez nous! »
En s’éloignant, le chat nous adresse un regard très expressif, à faire pousser des soupirs de quoi inspirer de la pitié même au plus insensible des lecteurs! Mais les tatous y sont indifférents, et ils reprennent leur rengaine rapidement. Jusqu’à l’arrivée d’une mouette jaune. Elle souffle dans une trompette mais le mou-ouêêêT qu’elle produit ne sied pas du tout à nos tatous, dont on aura compris qu’ils ne sont pas un modèle d’accueil de l’autre ni de tolérance à la différence! La mouette s’éloigne, la tête haute et le bec fier. Vient ensuite un duong (si, si, ça existe) mais son son est également rejeté, puis c’est au tour du singe.
Vous l’aurez peut-être deviné, les animaux mélomanes éconduits forment un groupe dont la musique va attirer l’attention des deux désagréables tatous. Et comme ils sont sympas, eux, ils reçoivent les deux rabat-joie dans leur groupe.
L’histoire pourrait se terminer ici, mais de nouveaux protagonistes vont arriver et créer la surprise, avant la chute et la fin ouverte, que chaque lecteur pourra donc interpréter à sa façon, selon son sens de l’humour (j’ai bien ma petite idée sur ce qui se passe une fois le livre refermé, mais il parait que ce n’est pas correct d’imposer son point de vue).
Je vous conseille vivement de vous entraîner un peu avant de lire Bonogong à des enfants, pour que les bruits produits par les animaux ne cassent pas la fluidité du texte. Une fois qu’on a trouvé le rythme, ça va tout seul et son peut savourer les images (un petit théâtre de papier photographié) et le texte qui n’est pas bavard et agréable en bouche, avec un jeu sur les adjectifs que les tatous donnent à chaque musique (sons qualifiés tour à tour de « étrange et inconnu », « bizarre et farfelu », « curieux et malvenu », « loufoque et saugrenu » etc)