Bonogong, Moog, Dwiggy, Helvetiq, 2022, 14€90
Dans une forêt de papier, deux tatous vivent au rythme de leur musique : ta-TOU, tou-TA, ta-TOU, TOU-ta. Derrière eux, les arbres forment un camaïeu de gris, la forêt n’est pas inquiétante mais tout de même un peu terne. Quand débarque un chat, qui produit sa propre musique cha-cha-CHA! cha-cha-CHA! Il est joyeux, plein d’entrain et se détache sur la page grise par son pelage orange. Il danse, accompagné de ses maracas. Ce qui n’est pas du tout au goût des tatous, qui le rembarrent avec une certaine brutalité “Pas de ce tintamarre chez nous!”
En s’éloignant, le chat nous adresse un regard très expressif, à faire pousser des soupirs de quoi inspirer de la pitié même au plus insensible des lecteurs! Mais les tatous y sont indifférents, et ils reprennent leur rengaine rapidement.
Jusqu’à l’arrivée d’une mouette jaune. Elle souffle dans une trompette mais le mou-ouêêêT qu’elle produit ne sied pas du tout à nos tatous, dont on aura compris qu’ils ne sont pas un modèle d’accueil de l’autre ni de tolérance à la différence! La mouette s’éloigne, la tête haute et le bec fier. Vient ensuite un duong (si, si, ça existe) mais son son est également rejeté, puis c’est au tour du singe.
Vous l’aurez peut-être deviné, les animaux mélomanes éconduits forment un groupe dont la musique va attirer l’attention des deux désagréables tatous. Et comme ils sont sympas, eux, ils reçoivent les deux rabat-joie dans leur groupe.
L’histoire pourrait se terminer ici, mais de nouveaux protagonistes vont arriver et créer la surprise, avant la chute et la fin ouverte, que chaque lecteur pourra donc interpréter à sa façon, selon son sens de l’humour (j’ai bien ma petite idée sur ce qui se passe une fois le livre refermé, mais il parait que ce n’est pas correct d’imposer son point de vue).
Je vous conseille vivement de vous entraîner un peu avant de lire Bonogong à des enfants, pour que les bruits produits par les animaux ne cassent pas la fluidité du texte. Une fois qu’on a trouvé le rythme, ça va tout seul et son peut savourer les images (un petit théâtre de papier photographié) et le texte qui n’est pas bavard et agréable en bouche, avec un jeu sur les adjectifs que les tatous donnent à chaque musique (sons qualifiés tour à tour de “étrange et inconnu”, “bizarre et farfelu”, “curieux et malvenu”, “loufoque et saugrenu” etc)