Mon poussin Akiko Hayashi, Kiyoshi Soya, école des loisirs 6€50
isbn:978-2211090117
Dès la couverture, il y a ce décalage entre l’image et le titre. Le poussin est très seul, dans le soir tombant, malgré l’étoile qui l’éclaire, on s’inquiète un peu pour lui. Mais ce n’est pas un poussin, c’est mon poussin. Pendant tout le livre, il est accompagné et soutenu par la voix du narrateur.
Heureusement d’ailleurs, parce qu’il semble bien fragile ce petit poussin qui cherche, seul, un abri pour la nuit. Son plumage jaune tranche sur les couleurs froides du crépuscule.
Mais bien sûr, une maman poule veille toujours sur son poussin, même s’il ne la voit pas. Quand elle vient réchauffer son bébé endormi elle est rassurante et enveloppante.
Il est intéressant de noter que le petit a trouvé le sommeil tout seul, qu’il a puisé en lui même les ressources pour se rassurer. Je trouve ça plutôt chouette comme message, montrer aux enfants qu’ils ont cette capacité là. Et que, même si ils l’ont, leur maman veille et reste présente.
Bref, sans en avoir l’air c’est un petit album cartonné sympa, dont l’intérêt va au delà de la beauté et de la douceur des illustrations.
Comme souvent, c’est un enfant qui m’a convaincue, une fillette qui n’a pas deux ans et qui me l’a demandé en boucle pendant vingt bonnes minutes. Elle faisait une petite moue tristounette quand le poussin était tout seul et un sourire éclatant quand la poule vient le rejoindre.
Eté et Printemps Marc Pouyet Petite plume de carotte 9€90
isbn: 978-2-36154-048-7
et:
978-2-36154-047-0
La collection p’tit land art propose un support adapté aux plus jeunes, pour leur faire découvrir l’art de mettre en scène les éléments de la nature.
Présentés d’abord seuls sur un fond blanc, sur la page de gauche, chaque objet est ensuite disposé, organisé, associé à d’autres pour créer une œuvre éphémère.
Les marguerites soigneusement alignées, dépouillées d’une partie de leurs pétales, forment un carré parfait. Les fraises, qu’on devine juteuses, croquantes et appétissantes sont disposées en rectangle sur un rocher. Contraste des matières, les fruits semblent d’autant plus doux et lisses que la pierre est rugueuse.
Dans été des galets noirs, brillants et mouillés dessinent des petites traces de pattes sur le sable humide. Nul doute que cette photo évoquera des souvenirs de vacances aux plus jeunes et d’enfance à leurs parents. Quel bambin n’a jamais collectionné les petits cailloux?
Ces livres mettent ainsi en lumière le lien qui unit les artistes et les enfants: le plaisir de manipuler la matière, de mettre en scène, de collectionner, transformer les petites bricoles. Les feuilles de laurier deviennent un moulin, les bâtons tordus un arc-en-ciel. On s’émerveille de la ronde des feuilles dans l’eau, on s’étonne des spirales de cailloux. On a presque l’impression, à tourner les pages de ces albums de prendre un bain de nature.
Aux quatre albums sur les saisons ont succédé des ouvrages thématiques: Jardin, noir, rouge, jaune. Tous ceux que j’ai eu entre les mains ont le même charme, de véritables petits objets d’art, beaux et accessibles, qui font la joie des bébés et des plus grands.
Pourquoi dans toute la série, j’ai choisi de parler du printemps et de l’été? Parce que tout les moyens sont bons pour sortir la tête de l’hiver, voyons! Et que les livres sont encore le moyen le plus simple de s’évader du quotidien quand il ne nous convient pas.
Emmanuelle Houdart est une artiste qui a un style bien reconnaissable. Des couleurs chatoyantes, des images très rock’n’roll et sensuelles à la fois.
Dans cette boite à images, elle s’adresse aux enfants les plus jeunes. Le format, les pages cartonnées, les coins arrondis des livres en attestent. De prime abord, on est dans du classique. Quatre petits albums au nom très enfantin, nommés par de simples onomatopées: “Areuh!”, “Miam!”, “Grrr!” et “Argh!”, dans un joli petit coffret cubique orné de petits cœurs. C’est mignon tout plein, on imagine déjà ces albums dans les mains potelées des bébés de quelque mois.
A y regarder de plus près, la petite canine pointue qui sort de la bouche d’un genre de fantôme sur la tranche du livre “argh!” interpelle un peu. Alors bien sûr, on sort les livres, on les parcourt, et on va de surprises en émerveillement.
Chaque album à sa thématique, comme son titre l’indique. Si on veut commencer en douceur, on prend d’abord “Miam!” ou “Areuh!, l’un consacré au quotidien de l’enfant, l’autre à la nourriture.
“Areuh” semble avoir une construction très structuré. On part de la maison, puis le baiser entre les parents, suivent l’image de la mère enceinte, enfin le bébé, qu’on peut voir grandir jusqu’à fêter ses 3 ans à la fin de l’album, en passant par quelques étapes clef comme les premiers chagrins ou la propreté.
La force d’Emmanuelle Houdart c’est qu’elle nous raconte tout ça sans un mot, et que la majorité de l’histoire se raconte entre les pages, c’est l’ordre et la succession des images qui fait sens.
“Miam!” est le livre de la gourmandise. La couverture nous met l’eau à la bouche, avec son image de cup-cake rose bonbon. Mais là encore, la surprise est au rendez vous. Oignon, carotte et choux semblent former les traits d’un visage. Face à face improbable entre un ver et un verre dans le potager. Image ambiguë où l’on se demande si l’on a affaire à une bouteille de vin ou à du sirop de violette. Les enfants et les adultes ont souvent des interprétations différentes de ces images. Sur la dernière page, une bouche pointue, aux lèvres d’un rouge charnel, tend une langue malicieuse. “Maman” à dit ma fille cadette en pointant les lèvres rouges. “vampire” à dit mon aînée. Petite discussion entre l’une et l’autre: “c’est une dame?” “Elle est gentille tu crois?” “Elle veut manger les bonbons”, “elle fait une grimace, elle veut jouer”. Je me suis bien abstenue de répondre à leurs questions, elles savent lire les images au moins aussi bien que moi, je partage toutes leurs interrogations.
“Argh!” est l’album consacré aux peurs. Les peurs symboliques, les peurs rationnelles et irrationnelles, les grandes peurs et les peurs dont on n’ose pas toujours parler. L’album débute et se clos par deux images très fortes: une tête de mort d’abord, qui évoque bien sûr la peur de la mort et ces de deux visages, homme et femme qui se tournent le dos et pleurent. Séparés par la charnière de la page, ils ont les yeux rougis et semblent se chercher du regard, sans oser tourner la tête. Cette image de dispute, de séparation peut être, peut sans doute raisonner très fortement chez certains enfants. (les miennes y ont été totalement indifférentes, les genoux écorchés de la page précédente les a bien plus marquées)
Enfin “Grrr!”, le bestiaire insolite. La sirène y côtoie un étrange kangourou vert, un âne aux œufs d’or (si, si) et des scarabées. La merveilleux et le terrible, l’étrange et le quotidien, la douceur et la noirceur.
Les images de ces livres sont toutes issues du très bel album Dedans, actuellement indisponible. En isolant certaines images, en permettant donc à l’enfant de faire un focus dessus, en leur donnant l’écrin d’un coffret, Emmanuelle Houdart leur a donné une nouvelle vie.
Ces images sont très éloignées de l’iconographie qu’on réserve habituellement aux jeunes enfants. Elles ne disent pas tout, elles gardent une part de mystère. On est certes loin de l’imagier du père castor. Ce ne sont pas des images pensées pour que l’enfant apprenne. Mais il me semble qu’elles nourrissent la psyché des enfants, qu’elles leur offrent des éléments de réflexions, qu’elles les stimulent.
Proposer ces albums à des jeunes enfants, c’est faire confiance à leur intelligence, les considérer comme des lecteurs de l’image compétents.
La boite à images a été élu pépite au salon de Montreuil cette année.
Un imagier pour jouer, Pascale Estellon, les grandes personnes. 12€50
isbn: 978-2-36193-224-4
Le titre annonce la couleur, cet album qui se déplie comme un paravent est un intermédiaire entre le jeu et le livre. On peut le poser sur un tapis, près d’un bébé. On pourra alors voir le bébé ramper vers le livre, essayer de l’attraper, le toucher, le gratter, le mettre à la bouche aussi sans doute. Le regarder dans un sens puis dans l’autre, à l’envers même. Le bébé découvre l’objet avec tous ses sens, avant de rentrer dans le contenu.
Pascale Estellon a pris la peine de paginer son album, indiquant ainsi aux parents un sens de lecteur. On commence donc avec la page du miroir. Permettre aux bébés de partir d’eux même pour s’aventurer ensuite vers l’inconnu est une très belle idée.
Après avoir observé son propre visage, le bébé découvre sur les deux pages suivantes deux visages stylisés, l’un qui sourit, l’autre qui fait la tête. Cette version très graphique de Jean qui rit/Jean qui pleure est facilement identifiable pour un tout petit, on sait que dès la naissance un bébé est capable de reconnaître une représentation de visage.
On note au passage que, pour une fois, ce n’est pas le visage blanc qui sourit mais le noir, je suis contente que la couleur noire ne soit pas (plus?) systématiquement associée à un aspect négatif.
Viennent ensuite les mains, sur lesquelles les enfants peuvent spontanément poser les leurs.Ils se mesurent, ils comparent: cette main est plus grande que la mienne mais plus petite que la tienne. Les plus jeunes grattent l’image qui est en relief.
Plus tard dans l’album, c’est un cheminement qui est proposé au bambin. On suit la route (un ruban de carton collé sur la page donc une fois encore en relief) et ses boucles, dans un geste qui préfigure déjà celui du tracé de l’écriture.
Succède un jeu de coucou et l’exploration des premières peurs puisque quand le mouton se cache, le loup apparaît et vice versa. Les bambins peuvent passer un temps infini à tourner la page dans un sens puis dans l’autre, à mettre le doigt ou à glisser un coup d’œil dans le trou pour voir sans se faire voir ce qu’il se passe de l’autre côté.
Enfin, l’album se termine sur une image plus complexe, celle d’un petit bateau qui tangue sur les vagues. Plaisir suprême on peut le faire bouger. Alors, entraîné par le rythme du balancement, on se surprend à chanter “bateau, sur l’eau, la rivière la rivière…” et l’enfant, joyeux, accompagne notre chant d’un bercement.
La fin de la chanson, quand le bateau chavire et que les enfants tombent dans l’eau clôt en beauté l’album.
Mais on peut aussi le continuer puisque sa forme invite à revenir à la première page pour recommencer le cheminement du début.
Un joli travail d’artiste et un ouvrage très adapté aux plus jeunes des enfants, solide en plus (pour une fois la charnière est en tissus, on peut le plier dans tout les sens sans l’abîmer) en font un album qui devrait trouver sa place dans toute les sections de bébés de crèches.
Ouvre moi ta porte Michaël Escoffier, Matthieu Maudet, loulou et cie 12€30
isbn: 978-2-211-21424-7
Dehors il fait tout noir, on devine qu’il ne fait pas chaud. Mais dans sa maison, qui apparaît quand on soulève un cache, le lapin prend tranquillement une tasse de thé bien chaud. C’est douillet là dedans. Mais voilà que toc, toc, toc, le cerf frappe. Bon, on la connaît la chanson, le cerf est poursuivit et le lapin l’invite à se réfugier chez lui. Ah oui mais non, ce n’est pas un chasseur qui le poursuit, c’est le loup.
D’ailleurs, le voilà qui frappe à son tour à la porte, lui aussi se dit poursuivit. Le lapin n’est pas d’accord pour lui ouvrir, quant au cerf, il est déjà planqué sous le canapé.
Qu’à cela ne tienne, le loup passera par la cheminée. C’est qu’il n’a vraiment pas l’air rassuré, le bougre. Le lapin et le cerf, voulant le fuir, sortent à leur tour de la maison. Pour revenir aussitôt en courant.
Au premier regard, l’histoire ne casse pas trois pattes à un canard. Mais son rythme de course folle, qui évoque celui des cartoons, les flaps et les caches qui, pour une fois servent l’histoire, les expressions des personnages en font un album réussit.
Les enfants apprécient beaucoup de voir l’intérieur de la maison du lapin en soulevant le cache qui en forme le mur, ils relèvent des détails dans l’image. Moi j’aime bien le côté maison de poupée. Et puis il y a l’arrivé d’un seul coup d’un élément en couleur dans l’image en noir et blanc, qui les fait réagir à coup sûr. La chute, bien qu’attendue pour les plus grands, fonctionne bien. Un album sympa où les enfants auront la joie de voir le loup avoir peur, ce renversement des rôles les amuse généralement beaucoup.
Le ça M. Escoffier M. Maudet école des loisirs 10€50
isbn: 978-2-211-21426-1
Ah, comme il est difficile de parler de cet album sans dévoiler sa savoureuse chute!
Jules joue tranquillement, les fesses à l’air, quand il est interpellé par sa mère. Mais qu’est ce que c’est que ça? L’index pointé vers l’objet du délit, la mère n’a pas l’air ravi ravi, même si on n’en voit que les jambes, on imagine facilement le ton de sa voix. Mais Jules ne semble pas se sentir coupable. Ça, c’est le ça, tout bêtement. Avec la pudeur des adultes et le manque de vocabulaire des enfants, le ça revient dans la conversation qui s’en suit et désigne plusieurs choses: “c’est ça le pot pour le ça? Oui, c’est ça”.
Mais, n’y aurait il pas un gros malentendu entre Jules et sa mère? Quand l’album se termine, les adultes comme les enfants le relisent en général immédiatement. Et découvrent alors que l’illustration, bien que minimaliste, avait dés le début, montré le ça qui n’est pas forcément celui qu’on croit.
Il est bien rare qu’un album sur ce sujet soit aussi drôle, il est bien rare aussi qu’un album aussi simple propose deux niveaux de lecture. Une grande réussite, il ne faut pas passer à côté.
Ah, qu’il est dur de rentrer de vacances, de quitter la campagne pour le paysage urbain! Allez, parlons d’un album qui nous replonge dans un univers champêtre.
Potirons et cornichons est un imagier photo, cartonné, format à l’italienne, sans texte. En pleine page, les légumes du potager. La photographe les a pris en très gros plan, ils sont énormes, charnus, dépassant parfois le cadre de la page.
Malgré le choix du thème, on se sent loin de la nature morte, au contraire il y a plein de surprises et de vie dans ces images. Ici une abeille butine, là une coccinelle s’est posée sur la courgette.
Cet imagier donne une furieuse envie d’aller toucher des légumes, de mettre son nez au raz du sol, de sentir l’odeur de la terre. On caresse la page, on se demande si l’aubergine est lisse ou rugueuse, si sa tige est douce ou piquante. Les enfants les plus citadins peuvent peiner à reconnaître le cornichon dans son habitat naturel (quoi, ça ne pousse pas dans un bocal?!? Et les poissons sont pas carrés peut être?) ou le petit pois dans sa cosse.
Un imagier en somme qui, au delà de la beauté, est une véritable éducation du regard, qui incite les enfants à ouvrir les yeux et à s’émerveiller de ce qui les entoure.
Fourmi Olivier Douzou, éditions du Rouergue 13,90€
isbn:2812603348
Que reste-t-il d’un ours blanc, très stylisé, sur un fond blanc lui aussi? Un nez orange, deux yeux noirs, c’est déjà suffisant pour que les enfants identifient un visage. Sur un fond noir, apparaît le dessin de l’ours, mais un petit élément vient alors la perturber. L’enfant qui écoute le livre fronce des sourcils, il émet des hypothèses, il lit l’image. Et, bien sûr, il la décrypte, avec cette dextérité toujours impressionnante des enfants. C’est une fourmi qui se promène sur le corps de l’ours blanc, semblant tour à tour dessiner des griffes, des sourcils, des cheveux.
L’ours semble placide, il laisse la fourmi se promener ainsi sur son corps sans faire un mouvement. Apparition sur la page noire, disparition sur la page blanche, jeu de surprise, malgré l’immobilité de l’ours, il se passe beaucoup de choses dans cet album, que les plus petits peuvent explorer longuement.
Un joli jeu graphique qui étonne adultes et enfants, avec un procédé simple et efficace, comme souvent chez Olivier Douzou.
A noter: l’application pour iphone issus de ce livre vient d’obtenir le prix de la pépite de la création numérique du salon de Montreuil. Elle sera normalement bientôt disponible à l’apstore.
Qu’il est doux, tendre et touchant, ce bébé endormi sur la couverture.
C’est une fillette, née dans une famille où tout le monde la reconnait. “Elle à mon nez, mes oreilles de musicienne, la carrure de notre famille”, qui n’a pas déjà entendu ça?
Pour chaque membre de la famille, Rascal utilise une technique d’illustration différente, fusain, crayons de couleurs, pastels etc. comme pour appuyer le message selon le quel, malgré toute nos ressemblances, nous sommes tous différents. Et toujours, un visage en gros plan, qui va captiver le regard du petit lecteur à qui on adresse le livre.
L’auteur réussit la prouesse de montrer en quelques mots toute la complexité que cachent ces phrases toutes faites. Oui, on veut reconnaître à ce petit être nouveau né sa singularité, et pourtant, on ne peut pas s’empêcher de le faire sien, en décelant chez lui les attributs de la famille. Entre banalité et mot d’amour… Et le tout est extrêmement accessible aux tout petits, qui en plus y découvriront le nom des différentes parties du corps. Un très bel album, qui peut faire un magnifique cadeau de naissance.
Au fond du jardin C. Ponti école des loisirs 6,50€
isbn: 978 2 211 09122 0
Il s’en passe des choses au fond du jardin, quand on y regarde de près. Une souris cueille une fraise, un oiseau à un drôle de jeu, des papillons s’ignorent… Et l’espace d’un instant, furtif et poétique, une image se crée, étonnante.
Et hop, c’est déjà finit.
Comme toujours dans les livres de Ponti l’image est très riche et l’humour au rendez vous. Et les enfants, qui aiment tant regarder les toutes petites choses, se passionnent pour les 4 pages qui forment cet album.
Ils ont alors l’occasion de montrer à quel point ils sont des lecteurs de l’image performants, dès le plus jeune âge ils pointent des détails pertinents dans les illustrations.