Chut! Morgane De Cadier, Florian Pigé, HongFei 15€50
La page de garde annonce la couleur. Deux maisons au milieu de rien. Deux maisons identiques. Identiques? Non, symétriques, on pourrait presque dire diamétralement opposées. D’ailleurs, elles sont séparées par la charnière de la page. Celle de droite se distingue par un écriteau: Vendu.
Celle de gauche est habitée par monsieur Franklin, celui que nous avons vu sur la couverture. Vous avez remarqué son sourire à l’envers? Ses paupières tombantes? La fenêtre et la porte fermées derrière lui? Alors vous l’avez compris, ce n’est pas un marrant.
Ce qu’il aime par-dessus tout c’est le calme, le silence, être tranquille quoi.
Le nouveau propriétaire de la maison de droite, on ne connaît pas son nom. Ce qu’on sait de lui c’est qu’il a beaucoup d’amis, qu’il aime faire la fête et qu’il met plein de lumières à ses fenêtres.
Autant dire que son arrivée ne met pas Monsieur Franklin en joie.
Mais il y a pire encore que cet inopportun voisin.
L’énorme oiseau qui s’est installé sur le toit de Monsieur Franklin et qui n’a de cesse de chanter. Et de grossir. C’est bien simple, plus on lui dit de se taire, plus il devient gros. A tel point qu’il finit par casser la petite maison de bois.
Voilà Monsieur Franklin bien dépité, tellement vulnérable à présent, lui qui avait tant besoin de fermer ses volets au nez du monde.
C’est alors que quelque chose d’étrange se produit. Ce voisin, dont on ne connaît toujours pas le nom, avec qui Monsieur Franklin n’a encore échangé aucun mot, ce voisin détesté, dérangeant, bruyant, le voilà qui vient tout naturellement apporter son aide.
J’ai toujours pensé que plutôt que « être ensemble » il fallait privilégier le « faire ensemble ». C’est semble-t-il aussi le point de vue du voisin. Il n’a jamais tenté de communiquer avec Monsieur Franklin mais en situation de crise il se montre solidaire, comme une évidence.
Et en reconstruisant ensemble la cabane de bois, ils entrent enfin en relation.
L’histoire se poursuit jusqu’à la 3eme de couverture qui montre que l’amitié entre Monsieur Franklin et son voisin n’est pas l’aboutissement mais un point de départ.
Servi par des illustrations sobres et élégantes, cet album porte des valeurs que je partage totalement et qu’il est bon de transmettre aux enfants.
Lettres à mon cher grand-père qui n’est plus de ce monde, Frédéric Kessler, Alain Pilon, grasset jeunesse 13€90
Nous retrouvons dans cet album Thomas, dont nous avions déjà partagé les interrogations et inquiétudes lorsqu’il écrivait à son futur petit frère.
Cette fois encore nous avons affaire à un album épistolaire. Mais ici les courriers de Thomas restent sans réponse.
C’est avec toute la candeur de l’enfance qu’il va petit à petit comprendre ce qu’est véritablement la mort et nous le donner à voir à travers sa prose, toujours juste et touchante.
Il y a d’abord un sentiment d’agacement. Ce grand-père qui décède quelques jours avant Noël, quelle idée! Et en plus, les lettres qu’on lui écrit reviennent à l’expéditeur. Alors Thomas se renseigne, il comprend que son grand-père repose désormais au cimetière. Qu’à cela ne tienne, il déposera donc ses lettres directement là-bas. Mais il n’obtient pas plus de réponse d’ailleurs son grand-père n’a même pas pris la peine d’arroser les plantes. On dirait bien que depuis qu’il est mort, on ne peut plus vraiment compter sur lui!
Entre deux missives, Thomas cherche à comprendre. C’est que cette histoire de mort, ce n’est pas très clair.
On ne voit jamais d’adulte pour accompagner l’enfant dans son deuil. Mais on comprend qu’ils sont tout de même présents et qu’ils répondent aux multiples questions qu’il se pose entre deux missives.
Ainsi, petit à petit, Thomas expérimente et comprend l’absence, le chagrin, le souvenir. Au fil des lettres il assimile tout le champ lexical qui entoure généralement la mort (Oui, il faut employer les vrais mots et ne surtout pas bannir celui de mort avec les enfants. Mais un concept aussi complexe que celui là mérite bien qu’on le nomme de plusieurs façons, comme c’est le cas dans cet album).
Du rire aux chagrin, de la naïveté à la compréhension, Thomas fait son chemin avec subtilité.
Comme dans le premier album, toutes les notions clés sont abordées ici. Les rituels qui entourent le décès, l’importance du souvenir, le droit d’être triste mais aussi celui d’oublier, le cycle de la vie de génération en génération. Mais, là encore, point de discourt indigeste ou prescriptif. Juste le regard que l’enfant-lui même porte, avec émotion mais sans pathos, sur la disparition de son grand-père.
Oh, hé, ma tête! Shinskue Yoshitake, kaleidoscope, 11€
Il y a des moments dans la vie, où on a besoin d’un bon petit fou-rire des familles. Je l’ai déjà dit plusieurs fois, les albums sont là pour faire penser, pour aider à comprendre le monde, pour grandir. Mais aussi parfois pour se marrer, passer un bon moment et voilà tout.
Passer un bon moment avec son enfant et rire un bon coup, c’est juste vital.
Donc, bref, aujourd’hui je vous parle d’un album avec lequel mes mouflettes, leur père et moi, on s’est bien poilés. Oui, parce que, idéalement, il faut trouver l’humour qui fait tilt toutes générations confondues et ça, ce n’est pas si courant.
C’est l’histoire d’un petit gars qui, à la louche, doit avoir dans les 3 ans. En tout cas, il n’est manifestement pas sorti de la fameuse période « moi tout seuuuulll » (oui, chez certains enfants, ça dure).
Il se retrouve la tête coincée dans son tee-shirt. Ce qui n’est évidemment pas de sa faute, c’est forcément de celle de sa mère qui, trop pressée, a tiré sur le tee-shirt au lieu de laisser son gamin se débrouiller pour se déshabiller (oui parce que déjà, elle avait exigé qu’il prenne un bain, vous imaginez le genre de mère abusive auquel on a affaire quoi).
Le pauvre a les jambes qui se débattent frénétiquement alors qu’elle le soulève littéralement par le morceau d’étoffe. Mais bon, c’est pas grave, il va se débrouiller tout seul.
Sauf que bon, il est coincé avec ses petites menottes qui peinent à dépasser au-dessus de sa tête, il s’en sort pas. Qu’à cela ne tienne, il peut très bien vivre comme ça. C’est le plus sérieusement du monde qu’il envisage son avenir d’enfant à la tête coincé.
De la situation qui sent le vécu on va maintenant vers l’absurde total, pour notre plus grand plaisir.
Lorsque l’enfant parait, Françoise Dolto, éditions points, Essais 7€80
La venue au monde d’un enfant est un grand
bouleversement dans la vie de tout parent. Heureusement certains auteurs sont
là pour nous apporter des réponses.
Grand
incontournable s’il en est un ! Françoise Dolto, pionnière dans le champ
de l’éducation, a marqué des décennies de parents et professionnels de son
empreinte.
« Lorsque
l’enfant paraît » est l’un de nos indispensables. Cet ouvrage, accessible
à tous, se présente sous forme de questions/réponses posées par des auditeurs
radio. Parfois décriée, Françoise Dolto ne se démonte pas et répond avec
aisance aux diverses interrogations parentales.
De nombreux
sujets y sont abordés : préparer l’arrivée du bébé, l’étape de la
propreté, le complexe d’Œdipe, la séparation, l’angoisse, le cauchemar, la fratrie,
l’opposition… De « qui abandonne qui ? », « c’est le bébé
qui créé la maman », à « ce qui a été fait a été fait »,
« des enfants agressifs ou agressés ? » ou encore « bébés
collés, jumeaux jaloux », un large panel de situations nous est présenté.
Bien que des
années nous séparent de ce livre (1977), et on le sent dans des petits détails
tout au long de notre lecture (c’est une époque où les parents laissaient
rarement leurs enfants en nourrice toute la semaine !), les conseils
apportés restent, pour la plupart, vrais aujourd’hui, par exemple sur la
propreté, ou encore la séparation.
La question
délicate de l’âge d’entrée à l’école maternelle est également abordée.
Ce que l’on
peut retenir, c’est que Françoise Dolto ne dicte pas de conduite à tenir. Elle s’adapte
à chaque situation et à chaque enfant, attitude que nous devons toujours
adopter en tant que professionnel de la petite enfance.
P158, la
nudité est un sujet peu abordé. Devant qui ? À quel âge ? Exhibitionnisme, bon ou mauvais ?
P17. La
parole de Madame Dolto a eu tendance à être déformée ces dernières années :
oui elle a indiqué qu’il fallait parler aux enfants, qu’il fallait les écouter,
mais pas de TOUT expliquer ni de TOUT laisser passer…
En bref, relire
un Dolto est toujours utile, et nous rappelle que le non-jugement doit rester
l’une de nos priorités.
Médecin
psychanalyste, Françoise Dolto (1908-1988) est l’une des figures marquantes de
l’histoire du mouvement psychanalytique en France. Sa pensée et ses travaux ont
profondément renouvelé le regard des adultes sur les enfants.
Dès 1976, Françoise
Dolto connaît un immense succès grâce à son émission quotidienne sur France
Inter, « Lorsque l’enfant paraît ». Elle répond à des lettres de
parents en difficulté dans l’éducation de leur enfant. Sans prétendre donner
des recettes, elle définit une attitude : chercher les raisons de chaque
problème rencontré et y répondre avec la justesse que l’attitude
psychanalytique lui permet.
Pour
aller plus loin :
Françoise
Dolto : « lorsque l’enfant paraît Tome 2 »
Françoise
Dolto : « lorsque l’enfant paraît Tome 3 »
Françoise
Dolto : « la cause des enfants »
Françoise
Dolto : « destins d’enfants »
Jean-Luc
Aubert : « les sept piliers de l’éducation- Quels repères donner à
nos enfants ? »
Corinne
Morel : « ABC de la psychologie de l’enfant »
Clair comme lune, Sandra V. Feder, Aimée Sicuro, Didier jeunesse, 13€90
Quand le jour décline, Lola a peur. Cette peur, commune à tant d’enfants, et que l’on retrouve dans maintes d’histoires, Lola la ressent quotidiennement. Elle a mis en place des rituels pour se rassurer: il faut allumer toutes les lumières, pour lutter contre le noir, et, bien sûr, tenir fermement la main de maman.
La maison est grande mais chaleureuse, maman est disponible, le chien accompagne la fillette dans tous ses déplacements. Mais cela ne suffit pas. La peur du noir est toujours là.
Lola n’aime pas que les couleurs s’assombrissent, ce qu’elle aime par-dessus tout c’est le jaune, la couleur du soleil.
Toute la première partie de l’album est baignée de tons jaunes, la chevelure noire de l’enfant et de sa mère s’y découpent nettement.
Si le père est absent du texte, on l’aperçoit sur une photo dans un cadre au mur: il l’accompagne à sa façon. Tout dans l’image est rassurant, contenant, enveloppant. La présence du chien, le joyeux désordre qui règne dans la maison, les fleurs, très présentes. Mais pour apprivoiser sa peur, Lola va devoir s’y confronter. Accompagnée par sa maman, elle va observer la nuit, au dehors. Là encore l’environnement est rassurant, la nature luxuriante et de nombreux petits animaux soutiennent Lola de leurs regards bienveillants. Et le jaune est toujours là!
On pense bien sûr, à la lecture de cet album, au désormais classique Tu ne dos pas petit ours? de Martin Wadell et Barbara Fint.
Si l’histoire est effectivement connue, cet album la réinvente et y apporte un éclairage nouveau. Richesse et chaleur des images, douceur du texte, on se laisse volontiers emporter dans ce tendre récit.
Chichi Poilu, Lenia Major, Caroline Ayrault, Maison Eliza, 14€50
C’est l’histoire d’Achille, un jeune lion que sa maman à surnommé Chichi poilu dans sa tendre enfance.
Mais voilà, Achille est sorti de l’enfance, il est maintenant un gros lion, à la crinière impressionnante et au rugissement furieux. Et avec ses attributs sont aussi arrivées les responsabilités. Achille est devenu le roi de sa savane. Il a la carrure et la prestance nécessaire pour l’emploi. Une seule chose cloche. Le surnom. Hors sa mère, pleine de bonne volonté mais fort distraite semble-t-il, n’a de cesse d’appeler son fiston chichi poilu au plus mauvais moment. En pleine négociation avec Boris, l’ours roi de Sibérie par exemple (et voilà le programme « glaçons pour vos mares contre aigrettes de grues pour nos fourrures » remis en cause en raison de l’irrésistible fou-rire de Boris)
Il est bien patient, Achille. Et sa mère sans cesse promet qu’on ne l’y reprendra plus. Mais les incidents se multiplient et il finit par exploser de colère et il bannit sa mère pourtant bien aimée.
C’est que pour être respecté, on se doit de maintenir une certaine image de soi, voyez-vous. Mais est-il vraiment le seul, parmi les grands de ce monde, à être affublé d’un surnom ridicule?
Pour grandir faut-il absolument perdre une partie de soi, la partie la plus fragile, intime, ici symbolisée par le surnom? Faut-il se détacher de la figure maternelle? Doit-on absolument renvoyer aux autres une image de soi confiante et forte?
Avec un texte léger et un ton humoristique, ce sont toutes ces questions qui peuvent être soulevées par la lecture de cet album.
Et puis, il faut l’avouer, le surnom issu de la petite enfance qui colle à la peau, ça peut être casse-pied quand même.
Encore un très bel album à la réalisation impeccable qui met en valeur les illustrations à l’aquarelle aux couleurs chatoyantes de Caroline Ayrault.
Ma sœur, je la déteste! Christine Davernier, Kaléidoscope 13€
Ma sœur, c’est la plus douée, la plus gâtée, la plus intelligente, et, bien sûr, la préférée de tous!
La complainte est bien connue, tant la rivalité entre sœurs est habituelle.
Ici, pour une fois, c’est la cadette qui se plaint que son aînée ait les faveurs des adultes. Et, il faut l’avouer on la comprend un peu. Car si le texte, rédigé à la première personne, ne nous donne pas d’explication à cette jalousie de la fillette, l’image, elle donne quelques clefs.
Déjà, elle est habillée à l’identique de sa grande sœur, perso j’y vois une raison d’agacement légitime. Et quand elles reçoivent chacune une poupée en cadeau, elles ne sont pas en tous points semblables, regardez plutôt:
Alors d’accord, un ruban c’est juste un ruban, mais un truc en plus, c’est un truc en plus et ça, c’est trop.
Alors la cadette protège son intimité, elle établit une frontière au milieu de la chambre commune et y suspend ses dessins en guise de rideau. Tiens, ces dessins d’enfant, on les a déjà vus sur la page de garde d’ailleurs…
Le summum du comble de l’exagération de l’injuste est atteint quand la grande reçoit un chien en cadeau. Là, croyez moi, les enfants réagissent vivement « c’est vraiment trop injuste »
Mais à y regarder de plus près, la narratrice semble se satisfaire de son cadeau: Une grande boite de couleurs. Qui suscite d’ailleurs un regard de convoitise de la part de sa sœur.
C’est vrai qu’elle aime beaucoup dessiner. Et qu’elle est douée, d’ailleurs sa frangine aimerait bien l’être autant. Et voilà que la relation s’inverse, c’est au tour de la cadette d’être jalousée.
Avec beaucoup de tendresse, un texte très court et des images très parlantes, cet album sonne juste. A sa lecture, les enfants s’indignent du sort réservé à l’une ou l’autre, compatissent, trouvent parfois qu’elles exagèrent tout de même.
Si l’identification fonctionne à plein régime, ce livre peut aussi bien sûr être lu à des enfants uniques, une petite fille de 6 ans m’a d’ailleurs fait remarquer qu’elle était bien contente de ne pas avoir ce genre de problème, elle.
Nos enfants, ces petits philosophes. Partager avec eux leurs grandes questions sur la vie.
Collection Questions
de parents
Éditions Albin
Michel
Prix : 13.90€
« Chacun, parce qu’il pense, est seul responsable de la
sagesse ou de la folie de sa vie » nous disait Platon.
La philosophie peut être
considérée comme un lien vers la sagesse, une lutte contre le phénomène
« mouton » qui pousse à suivre plutôt qu’à réfléchir, une ouverture
vers une citoyenneté plus active.
Quel rapport avec les enfants que
nous côtoyons me direz-vous ?
Tout petit, l’enfant a déjà
conscience de nombreuses choses, de par les expériences qu’il vit, de ce qu’il
entend de la bouche des adultes, ou de ce qu’il ressent au fond de lui.
Beaucoup de questions restent en
suspens, muettes, soit par peur de les formuler soit par non-réponse des adultes,
eux-mêmes pris par l’angoisse de la quête existentielle à laquelle nous sommes
soumis par notre nature-même d’être vivant pensant.
Les questions philosophiques
dérangent, alors que pour l’enfant elles sont naturelles et emplies de
curiosité. Mais qui a envie de répondre à « Pourquoi on meurt ? Pourquoi
on mange les animaux ? Pourquoi ne fait pas ce que l’on veut ?
Pourquoi on tue des enfants ? ». Qui a envie d’argumenter face aux
« C’est pas juste ! Même pas peur ! Je suis nul ! C’est pas
bien ! ».
Nous n’avons en réalité pas le
choix, car que ce soit nos propres enfants ou ceux que l’on accompagne
professionnellement, il est de notre devoir d’adulte-référent de donner à ces
petits penseurs les clefs des serrures menant au raisonnement. Car ne
l’oublions pas, « je pense donc je suis ». (René Descartes).
Nicole Prieur et Isabelle
Gravillon nous guident à travers ce chemin tortueux à l’aide d’exemples
concrets, de conseils adaptés selon l’âge et de petites choses à mettre en
pratique. Par exemple, pour un enfant se dévalorisant : s’exercer à faire
une liste de ce qu’il aime ou non de lui, faire une « bd » de sa vie,
choisir un souvenir particulièrement heureux, ou encore, sur la notion de
bonheur, dresser la liste de quelques éléments heureux de la journée, décrire
son remède contre la tristesse ou faire un portrait chinois.
Nous rencontrons des exemples
tous les jours, tout à fait explicites pour les enfants. Des plantes qui
essaiment leurs graines avant de mourir afin de ne pas tout à fait disparaître,
aux ingrédients d’un gâteau qui se mélangent pour former un tout, à la petite
graine qui devient fleur, de la laide chenille au beau papillon.
Cela permet à l’enfant de
cultiver son jardin, de ne pas se laisser enfermer dans le réel mais de pouvoir
créer son petit « cinéma intérieur ». Les auteurs nous rappellent que l’enfant va
projeter ce petit film sur le monde extérieur, et ainsi lui en donner une
coloration très personnelle. Et que quiconque a une vie intérieure riche et
vivante, voit son sentiment de sécurité accroître.
La guerre, l’injustice, la
violence, l’amour, l’amitié, la mort, la différence, la liberté, la curiosité,
la responsabilité, la peur, la volonté, le courage font partie de nos vies.
Il est normal que l’enfant
exprime des interrogations et des angoisses, Schopenhauer soulignait il y a
déjà bien longtemps « c’est quand rien ne m’inquiète que c’est
inquiétant », le tout étant de trouver un interlocuteur aiguilleur.
N’oublions pas qu’ « en tant qu’être humain, nous sommes tous des êtres en devenir, avec le choix de revivre
les mêmes choses ou de les changer » (Nietzche), et qu’en tant qu’adulte,
nous nous devons de cultiver le capital « confiance en la vie »
présent en chacun des petits bouts que nous accompagnons.
Caroline
Nicole Prieur est philosophe et thérapeute familiale.
Intéressée par les relations entre individus, leur couple et leur famille, elle
fait partie du comité scientifique des colloques du Centre d’Etudes Cliniques
de Communications Familiales (CECCOF). Nicole Prieur intervient également au
niveau de la cour d’appel et des conseils généraux (adoption, divorce,
maltraitance…).
Isabelle Gravillon est journaliste, spécialisée dans les questions de famille et de
psychologie et coauteur de plusieurs ouvrages aux
éditions Milan et Albin Michel. Elle collabore à Femme actuelle, Enfants
Magazine et le Pélerin.
Pour aller plus loin :
Adultes :
Jean-Luc Aubert : « les
sept piliers de l’éducation- Quels repères donner à nos enfants ? »
Sophie Carquain :
« petites histoires pour devenir grand »
Tout le monde t’attend! Jean-Marc Létang, Charlotte Mollet, Didier jeunesse 16€
C’est une famille bien impatiente: Tout le monde est dans l’attente. Une famille de drôles de petits bonshommes, avec des visages en empruntes digitales, comme pour dire à la fois sur ressemblance et leur singularité. Ils sont tonton, cousin, tata papi et tous s’adressent directement à celui qui est tant attendu.
Texte sur la page de gauche, portrait en action de chaque membre de la famille sur la page de droite, l’album nous invite à faire connaissance avec cette famille un peu loufoque.
Pour préparer la venue d’un nouveau membre, ils inventent des gâteaux, sèment des fleurs ou imaginent des histoires. Déjà, ils donnent au bébé à venir une vraie place, ils pensent à ses goûts, ses jeux.
Je suis toujours très sensible aux images en papier découpé de Charlotte Mollet, comme à ses choix de couleurs. Mention spéciale à la factrice qui se prépare à apporter la nouvelle à tout le monde, clin d’œil au tout premier album de la collection « Pirouette » initiée par Charlotte Mollet en 1999, « pirouette cacahouette »
Avec son grand format, ses phrases courtes et ses couleurs attractives, cet album peut être lu à des bébés. Quant aux enfants plus grands, ils saisissent mieux la richesse des images, comme ce petit garçon qui a relevé: « T’as vu, Nadia (la grande sœur), elle a qu’une chaussure! » Ou encore « La cousine Julie, elle n’a pas peur des loups! »
Le chat qui est chien, Alex Cousseau, Charles Dutertre, Rouergue
Dans le pays de tout-reste-à-sa-place, chaque saison a sa couleur, chaque chose a un nom et on appelle un chat un chat sans se poser de question.
Mais, même dans le pays de tout-reste-à-sa-place, il arrive, de temps en temps, que quelqu’un ne se sente pas tout à fait ce à quoi il ressemble. Car cela arrive partout.
Dans ce pays où tout est si bien rangé, le chat qui est chien se sent perdu, il s’isole. Près de la rivière, il observe sans le reconnaître son reflet. C’est là qu’il rencontre un roi. Lui aussi est perplexe face à l’image que lui renvoie la rivière. C’est que, malgré la couronne et la moustache, il ne se sent pas roi.
Passe alors une grenouille qui attend le baiser qui la transformera en princesse… Quand on est plusieurs à partager le même questionnement, c’est déjà plus facile d’y réfléchir.
Chat/chien et roi pas si roi plongent dans l’eau, à travers leurs reflets. Ils passent de l’autre coté, et ce sera le premier pas vers leur émancipation.
En cheminant ensemble, ils traversent d’abord la rivière puis atteignent un arbre frontière. Et, pendant la route, ils devisent: Le roi qui n’est pas né ours peut-il le devenir? Le chat qui est chien serait-il en réalité un chien qui ressemble à un chat?
Quand ils arrivent finalement devant l’arbre frontière qui leur barre la route ils n’ont aucun doute. Ils savent maintenant qu’ils peuvent s’affranchir des règles et passent outre tout naturellement. Par delà les frontières, un autre pays existe. Celui où tout est possible.
Ce n’est pas chose facile de parler aux enfants de liberté et d’identité avec subtilité. Ici, grâce à la beauté des images et à la symbolique du texte, chacun peut réfléchir à ces questions tout en restant dans le plaisir d’écouter une histoire.