L’arbre et le poteau Laurent Condominas, Nina Missir, éditions courtes et longues
L’arbre était là depuis toujours. Il était celui qu’on rencontrait en premier, avant même d’arriver au village. Sous ses branches, les enfants jouaient, les amoureux s’échangeaient des serments. Il était le témoin bienveillant et silencieux de la vie des villageois. Un jour, des hommes en tenue de travail sont venus. Ils ont remué la terre avec des machines bruyantes et ont planté là, juste en face de l’arbre, un poteau électrique. Les saisons se succèdent et l’arbre vit sa vie d’arbre, des champignons poussent à ses pieds, ses feuilles tombent, il n’est pas très actif, oh non, c’est un arbre, mais il est vivant.
Le poteau, lui, ne change jamais. En lui, rien ne bouge.
Il n’est pas nourri par la pluie, il n’a pas de feuille qui chante dans le vent.
Le rapprochement de ces deux êtres immobiles va pourtant être possible, grâce à la persévérance de l’arbre, qui envoie ses branches puis ses racines, lentement, pousser en direction du poteau.
Les hommes ne comprennent pas cette amitié. Ils ne voient en l’arbre qu’une menace pour le poteau. Ils coupent les branches et les racines qui s’approchent trop de leur poteau. Comment alors le poteau va-t-il assouvir son besoin de sentir la vie autour de lui?
Comme dans les contes, un élément extérieur, presque magique, va arriver… Et d’ailleurs, il était là depuis le début, non?
L’amitié improbable entre ces deux là se raconte dans la douceur, avec des images aux couleurs pastels, très travaillées (le sol fait de confettis soigneusement ordonnés est impressionnant).
On ne présente plus la collection « pirouette« , de Didier jeunesse, qui est une référence pour qui veut chanter des comptines avec des enfants.
Cette collection a fait le pari de proposer une seule comptine par album, faisant ainsi une belle place aux images, qui complètent, enrichissent, éclairent le sens de la chanson.
Contrairement aux recueils qui sont généralement destinés aux adultes et ont pour principale fonction de les aider à se souvenir des paroles, ici, l’album est destiné à être partagé avec les enfants. On tourne les pages ensemble, on regarde longuement chaque image, on touche.
Ce sont des livres que j’utilise énormément dans mon travail. Je reviendrais plus longuement sur tout l’intérêt des livres de comptines avec, j’ai largement développé ce sujet avec mes collègues dans le livre Lire en chantant des albums de comptines.
Les albums de la collection pirouette me sont donc précieux et c’est toujours avec un grand plaisir que je découvre les nouveaux titres.
Cet été, il n’y a pas eu de nouveautés mais la réédition de 5 des titres de la collection sous un nouveau format, aux pages cartonnées.
Je dois avouer que j’espère vivement que la version initiale, aux feuilles en papier, restera disponible. C’est avec eux que, la plupart du temps, j’arrive à convaincre les adultes qu’on peut proposer des livres en papier aux bébés. Je montre ces albums à des bébés de quelques semaines depuis des années. Dès qu’ils sont assez grands pour maîtriser leurs mains, ils touchent les livres, attrapent les pages, les caressent. Ils expérimentent la fragilité du papier, ils feuillettent, ils affinent leurs mouvements, petit à petit attrapent plus finement les pages. Mais cette expérimentation que font les bébés est essentielle à leur motricité et à leur connaissance de l’objet livre. Il faut alors un accompagnement attentif. Bien sûr, les petites mains peuvent parfois déchirer les pages, dans leur impatience de le découvrir. Mais quand les bébés portent ces livres à leur bouche, ils ne les abîment finalement pas plus que les cartonnés (la salive de bébé peut transformer du carton en bouillie en quelques minutes).
Je pense que ce choix de Didier jeunesse répond en grande partie à une demande du public. D’ailleurs, quand je présente ces livres en formation, il est très fréquent que les professionnels regrettent leur fragilité. Il faut souvent toute ma force de persuasion pour les convaincre d’essayer quand même de travailler avec ces albums en section de bébés ou de moyens. Les parents aussi sans doute seront rassurés quant à la longévité du livre.
Pour autant, je pense qu’il serait très regrettable de sortir les livres en papier des crèches, de systématiquement choisir la facilité en ne proposant que des livres solides. Les enfants ont besoin de diversité, ils ont besoin de supports variés, et ils ont besoin de tester aussi la fragilité des livres. Ils ont besoin aussi, on ne le dira jamais assez, d’un adulte pour leur lire le livre. Je peux comprendre la nécessité de livres cartonnés pour les laisser en libre accès mais le libre accès n’a de sens à mon avis, que si un adulte est disponible pour répondre à une demande de lecture. Ce n’est pas en donnant aux enfants uniquement des livres solides qu’ils ne les abîmeront pas. C’est en leur lisant.
Je me suis posé les mêmes questions quand l’album « Beaucoup de beaux bébés » est sorti en version cartonnée. Et la réponse est venue au fil du temps: Les deux éditions coexistent dans les bacs des librairies et dans les crèches, et les deux ont un intérêt.
Cartonnée, plus petit format, pour les moments où les enfants manipulent seuls, pour ceux qui sont capables d’attraper la page très rapidement, qui risquent de la froisser, en papier pour les lectures avec un adulte, pour les enfants déjà sensibilisés et qui n’abîment plus ou pour les nourrissons qui de toutes façons n’ont pas encore la motricité fine nécessaire pour attraper l’album.
La version cartonnée des comptines de Didier garde toutes les qualités graphiques de la collection, les reproductions sur papier brillant sont aussi belles que celles sur papier mat des premières éditions. Le format légèrement plus petit ne nuit pas à l’attention que les bébés peuvent porter aux détails. Les coins arrondis donnent une douceur à l’objet qui n’est pas désagréable.
Je pense que je vais expérimenter ce nouveau format avec plaisir. J’espère juste que je pourrais aussi continuer à acheter les versions papier, qui me manqueraient beaucoup si elles disparaissaient.
L’arbre à confiture, Komako Sakaï, Mutsumu Ishii, école des loisirs, 12€70
isbn: 978-2-211-10764-8
Blandine est une petite lapine qui est née au printemps dernier. Dans sa maisonnette au fond de la forêt, elle découvre le monde avec la joie et l’enthousiasme de la petite enfance. Les peintures de Komako Sakaï donnent à voir la douceur et la chaleur du foyer. Un jour, sa maman lui fait goûter de la confiture de pommes. Humm, c’est délicieux, Blanche se régale. Sa mère lui parle du pommier, devant la maison. Blanche n’a plus qu’une idée: aller voir cet arbre de plus près et croquer dans une pomme.
Comme elle est longue, la nuit, quand on a des projets pour le lendemain! Blanche peine à trouver le sommeil, tant elle est pressée de manger la pomme. L’impatience tranquille de l’enfance est tendrement représentée dans une double page où Blanche cherche le sommeil.
Arrivée devant l’arbre, Blanche se demande quelle partie peut avoir si bon goût et finit par croquer… dans le tronc. Aïe aïe aïe, ça fait mal aux dents!
Ce sont bien sûr les images de Komao Sakaï qui font mouche au premier regard, comme toujours. Les illustrations pleine pages comme les crayonnés sur les pages de textes contiennent toute la douceur de la relation entre la mère et l’enfant, la chaleur de la maison, la tendresse de l’enfance. Je regrette juste un peu le marron de la couverture, un peu trop présent, je comprend bien qu’il représente l’écorce de l’arbre mais je trouve qu’il assombrit l’image.
J’ai trouvé le texte un peu bavard, pour une histoire qui peut s’adresser à des enfants très jeunes, c’est dommage. Mais il faut reconnaître qu’il s’accorde à merveille avec les illustrations et met en avant la complicité entre la lapine et sa mère. Son rythme conviens bien à l’histoire, qui prend son temps pour laisser Blanche grandir tranquillement. Le temps qui passe est d’ailleurs à mes yeux le sujet central de cet album: le temps de grandir pour Blanche, de pousser pour les pommes, le rythme des saisons, le repas qu’on voit à peine passer tant il est délicieux et les nuits qui sont lentes quand on voudrait être déjà demain.
Un bien joli album, d’ailleurs, Pépita l’a aimé aussi.
Un petit escargot, expressif comme peuvent l’être les personnages de bric-et-de-broc de Christian Voltz ouvre le livre. Il part de la page de gauche et s’élance en direction de celle de droite: « C’est parti mon kiki ». Il file comme… Ben, comme un escargot, c’est à dire qu’il va prendre tout le temps de l’album pour parvenir à son but. Mais il fonce, cornes en avant et son enthousiasme compense largement son manque de vélocité.
Pendant ce temps un bout de bois, poc poc poc, bondit de gauche à droite. Suivit par une longue tige, tig tig tig, puis par deux ronds qui se pressent. Ils vont drôlement vite ceux là, et ils ont tôt fait de précéder notre gastéropode. Pourtant, il à bien progressé, et lorsqu’il arrive à la charnière du livre le cadrage change, la couleur de la page de droite déborde. Bouts de ficelle, vieille balle, feuilles d’arbres, tous les petits objets improbables qu’on trouve généralement au fond des poches de nos bambins se pressent pour s’installer. Quel bazar! Vraiment? Tout cela prend forme soudain et on comprend au dernier moment que la course de l’escargot avait un but et qu’il arrive juste à temps.
Comme dirait Raymond Devos: « une fois rien, c’est rien, deux fois rien, c’est rien, mais trois fois rien, c’est déjà quelque chose ».
Cet album fait encore une fois la preuve qu’entre les mains d’un Christian Voltz, trois fois rien c’est toujours un peu magique et surprenant. On pense à la lecture de ce livre à celui de PontiAu fond du jardin et c’est avec plaisir qu’on retrouve le même principe dans un univers graphique totalement différent.
Les tout petits lecteurs à qui je l’ai montré (les moins de deux ans) gloussent de plaisir d’entendre les onomatopées et se réjouissent de reconnaître soudain une forme très familière, peut être le premier dessin que les nourrissons sont capables d’identifier.
Du bruit dans l’art, Andy Guérif, Edouard Manceau, Palette 14€50
isbn: 978-2-35832-159-4
Les éditions palettes semblent s’être donné pour mission de désacraliser l’art et de le rendre accessible à tous y compris aux plus jeunes. Après les comptines et les poèmes, ce sont ici des onomatopées qui sont associées à des toiles de maître. Une fois de plus, le pari est réussi, et l’humour est au rendez vous.
J’ai toujours pensé que l’art visuel n’était pas silencieux. Qu’il chuchote à nos oreilles ou qu’il éclate en son puissant, il suffit d’écouter le son que l’œuvre envoie dans notre tête. Nul préalable n’est nécessaire pour s’amuser ou s’émerveiller d’un tableau, ce livre, et les réactions qu’il suscite chez les bébés, en sont la preuve.
Ouvrez le à son début ou laissez le bambin l’ouvrir n’importe où. Laissez son regard se poser sur la page de droite et lisez à voix haute (ou à voix basse d’ailleurs) le texte de la page de gauche. Savourez la réaction de l’enfant. Qu’il s’étonne, qu’il rit, qu’il garde tout son sérieux et sa concentration, quelque chose de précieux se produit dans sa psyché. L’association du son et de l’image, improbable, inattendue, impertinente même parfois, laisse rarement les enfants sans réactions.
Seul le nom de l’auteur est mentionné avec chaque œuvre, les références complètes sont à la fin de l’album. En général, je ne les lis pas. Les enfants aux quels je m’adresse dans mon travail ont pour la plupart moins de 3 ans, ils n’ont pas encore besoin de connaître le nom du tableau ou le nom du musée qui l’abrite. Ils ont besoin, en revanche, d’être nourris de belles images, de se familiariser avec l’art, besoin d’être autorisés à en rire. L’air de rien, l’art fait son chemin en lui, il entre dans la sphère du quotidien, du normal, de l’accessible. Et l’enfant acquiert une sensibilité, une appétence pour les grandes œuvres qu’il gardera probablement toute la vie.
Apprécié aussi par la collectionneuse de papillon et son pilote-de-balançoire qui prouve qu’on n’est jamais trop jeune pour rentrer apprécier l’art ni pour y trouver des repères.
Le creux de ma main, Laëatitia Bourget, Alice Gravier, Sarbacane 9€50
isbn: 978-2-84865-822-3
Après avoir été absent des librairies pendant deux ans, ce très charmant album est enfin réédité (avec une couverture souple, c’est dommage, mais il est aussi moins cher que la première édition du coup). Ce qui est une bonne nouvelle pour moi: j’ai un grand plaisir à le lire et mon exemplaire commence à montrer des signes de fatigue à force d’être lu et relu, manipulé et aimé par les enfants avec les quels je travaille.
La narratrice de cet album est une fillette pleine de vie (et un peu rock’n’roll, avec son kilt sur son leggin). Dans le creux de sa petite menotte, elle récolte les petits trésors du monde. Un flocon de neige, un petit têtard, des coquillages… Ces petites riens minuscules qui, à travers les yeux des enfants sont de petits enchantements.
Sur les pages de gauche, l’enfant est présentée sur fond blanc, toujours en mouvement, avec sa trouvaille. La page de droite montre ce qu’elle en a fait. Parce que, déjà, avec ses petites mains, elle agit sur le monde. L’oiseau blessé peut être soigné, la porcelaine cassée recollée, les graines devenir fleurs.
Les images sont d’une grande fraîcheur et très délicates, le texte s’égraine comme un poème. Cette fillette respire la joie de vivre et l’indépendance.
Pour finir, au creux de sa main, elle tient la tête délicate d’un nouveau né. C’est à lui que s’adresse tout l’album. Et il lui répond d’un sourire. Douce vision de la fraternité, paisible, ça change des albums centrés sur la thématique de la rivalité.
Ours et Gouttes Elsa Valentin, Ilya Green, didier jeunesses, 12€90
Elsa Valentin et Ilya Green ont déjà collaboré pour nous offrir le merveilleux, l’étrange, le hors du commun « Bou et les trois zours« , cet album à nul autre pareil, parut en 2009 et que je lis toujours avec le même plaisir.
Ici, elles ont opté pour un style plus épuré, tant dans le texte que dans les illustrations. Mais elles ne perdent rien de leur talent et cet album est aussi une réussite.
Grande sœur Ourse joue. Elle joue à la famille goutte, elle joue à pêcher avec les petits oursons, elle joue à leur lire des fleurs. Elle glisse d’un jeu à l’autre, sans jamais faire de transition, les choses s’enchaînent naturellement grâce à son imagination qui semble fertile.
J’aime infiniment regarder les enfants jouer. Ils sont toujours capables de nous surprendre. Dans le jeu on peut se faire un bateau d’un parapluie, on peut se rouler dans la boue, on peut être un ours. On peut aussi ne plus être un ours et on peut même être un ours qui n’est pas vraiment un ours mais un peu quand même, ça dépend des moments. C’est ce que montre cet album. Le jeu d’une fillette, qui navigue entre réalité et imagination, sans nécessité d’une frontière très marquée entre les deux.
Ours, goutte ou fillette déguisée?
Les enfants ne sont nullement déstabilisés du passage de l’un à l’autre. C’était un ours mais en fait c’était déjà une fillette déguisée mais on le savait pas sauf qu’on l’avait quand même bien vu dans l’image mais on le disait pas alors ça n’avait pas d’importance. Voilà comment les enfants reçoivent ce livre. C’était des oursons et on jouait avec et qu’importe qu’ils soient en peluche ou pas, ça reste de vrais oursons. Faudrait vraiment être une grande personne pour se demander si ce qu’il se passe dans ce livre est plus ou moins vrai que ce qui se passe dans un autre livre. C’est une vraie histoire, à défaut d’être une histoire vraie, et c’est une histoire qui fait plaisir, point. Et les mots qui sont écrits sont de vrais mots, même si, d’un point de vue d’adulte, ce ne sont pas toujours les bons mots. En vrai, motolokive est quand même un mot qui dit parfaitement ce dont il s’agit alors il est vrai, puisqu’on le comprend.
Quoi de plus agréable, en rentrant de vacances, que d’admirer des images qui prolongent les plaisirs de l’été? Dans cet imagier marin, Arnaud Nebbache nous offre des représentations sublimes du monde maritime. Un bel album au format à l’italienne, propice aux vues d’horizon, au papier mat et épais, qu’on a un grand plaisir à tourner.
Sur chaque double page, un bateau, un animal, un objet.
Il est difficile de parler de cet album dont la qualité tient surtout à la très grande beauté des images. Avec des pochoirs, l’illustrateur arrive à représenter la transparence de l’eau, les reflets, la blancheur de la glace. Des doubles pages aux tonalités bleutées ou des dégradés de gris, qui m’évoquent les paysages bretons à l’automne, aux pages aux couleurs chaudes, qui évoquent le coucher de soleil sur la mer, ce livre nous fait voyager au fil de l’eau. Nous croisons une baleine, un phoque mais aussi un pigeon et un rat. Le bateau de pirate succède au chalutier. A chaque page, on se laisse porter par l’image, on s’attarde un peu avant de tourner, on caresse le papier. C’est un livre dont la beauté m’apaise. Avec des bébés comme avec des bambins plus grand, on se laisse aller à la contemplation de ces images et le temps s’arrête.
Rapido dans la ville, Joelle Jolivet, Hélium 14€90
isbn: 9782358510547
Aujourd’hui, c’est jour de livraison. Liste en main, nous voilà prêts, il n’y a plus qu’à sauter dans le camion. Sur la page de titre, déjà, certains enfants commencent à jouer et essayent de deviner, à leur forme, ce que contiennent les paquets.
La forme ludique, amenée par le texte tout en rythme et rimes est accentuée par les volets à soulever.
Nous circulons dans la ville, pour livrer à chacun ce dont il a besoin. Sous chaque volet, une phrase à compléter avec un mot de la liste de départ.
C’est rare les albums qui célèbrent la ville. On voit la campagne et ses bienfaits souvent mis en valeur, mais le milieu urbain, qui est pourtant très souvent celui du quotidien des enfants, est moins montré. Ici, la ville est vivante, joyeusement colorée et offre au regard des enfants une architecture variée. Du port à la proche banlieue, entre pavillons, immeubles modernes ou haussmanniens, le camion se faufile dans des rues étroites ou de plus grandes artères.
Certains enfants comprennent tout de suite que la « réponse » est sur la première page. D’autres se fient à la rime et essayent de deviner. D’autre encore se trompent. Ils disent « lampe » pour « ampoule » ou « caméra » pour « projecteur ». Je ne les corrige jamais. Après tout, on est là pour s’amuser. Certains enfants encore, n’entrent pas du tout dans ce jeu de vocabulaire. Ils préfèrent suivre le camion rouge qui déambule dans la ville et le pointent dans l’image: « Là! Là! »
Dans les illustrations de Joelle Jolivet, chacun trouve le petit détail qui va lui parler: Les pompiers qui font des exercices, le jeu de ballon, le chant à la fenêtre. Moi, ce qui m’a fait sourire, c’est la référence à la pochette de disque d’abbey road des Beatles, vous la voyez?
Un album qu’il faut regarder de loin pour apprécier les perspectives et les plans d’ensemble et aussi de tout près, pour savourer les détails.
Théo, le grand blond et Tom, le plus jeune, sont deux frères. Tout au long de l’année, on les voit jouer, interagir, se chamailler aussi un peu. Dans leur quotidien à la maison ou à l’extérieur on croise d’autres enfants, un chien, quelques bonhommes de neige, beaucoup de peluches et autres jouets, mais jamais d’adultes. Sur chaque double page se déroule une saynète, avec à gauche le texte (entièrement dialogué) et les images à droite, façon bande dessinée.
Théo prend soin de Tom, parfois il fait preuve d’une autorité rapidement contesté par son cadet mais il est toujours bienveillant. Tom est un peu plus tempétueux, il déborde d’idées et il semble très attaché à son aîné. Les petites histoires qu’ils vivent ensemble sont intemporelles et universelles. Le charme désuet des images me rappellent un peu les albums de Mimi Cracra d’Agnès Rosensthiel, d’ailleurs il y a la même tendresse dans cet album.
C’est un album charmant, doux, un album dans le quel on se sent bien. Il demande une certaine habileté dans la lecture de l’image et parfois les enfants se font répéter plusieurs fois la même page pour bien la comprendre. Au fil des lectures ils se familiarisent avec les personnages et la forme en dialogue, ils se repèrent alors très bien et peuvent savourer pleinement les histoires.
C’est une auteure que je connaissais et appréciait déjà pour ses dessins animés Kockasfulu nyul (non, je ne sais pas le prononcer), qui sont également pleins de charme et qu’une amie hongroise a eu la gentillesse de m’offrir, je ne crois pas qu’on les trouve en France et c’est bien dommage. J’ai eu un grand plaisir à retrouver son trait dans cet album.