Ah, il y a si longtemps que j’espérais trouver ce titre dans la collection pirouette! C’est justement pour son caractère universel que je l’attendais avec une telle impatience. Je me demande bien comment et pourquoi cet air là, particulièrement, à voyagé, de sorte qu’on lui trouve des paroles en mandarin, en langue berbère, en japonais, en russe, en swahili, bref, on la trouve partout.
Quand on se met à la fredonner dans une assemblée de parents venus de tout horizons, chacun peut livrer sa version. On assiste alors à des moments de partages vraiment sympa:
« C’est comment dans votre langue?
-Vous pouvez me la traduire en Français?
-Comment vous prononcez?
-Je n’y arrive pas, attendez, je réessaye… Comme ça? Non? »
Je me souviens d’avoir longuement essayé en vain de chanter la version Cantonaise devant une jeune mère patiente et un brin amusée par ma maladresse.
Alors bien sûr, j’étais ravie de le voir au catalogue de Didier jeunesse. Illustré par Christophe Alline en plus! Et, cerise sur le gâteau, plutôt que d’inventer une suite à la comptine française, il a choisi d’y associer les versions espagnole, italienne et anglaise. Ça tombe bien, celles là, j’arrive à peu près à les prononcer (et puis les gens sont indulgents alors même avec mon accent français à couper au couteau j’ose le chanter en public).
Deux doubles pages sont consacrées à chaque langue. Une couleur les domine à chaque fois (le bleu pour l’anglais, le jaune pour l’espagnol etc). Et chaque image entrouvre une fenêtre sur le pays concerné. Et pour finir frère Jacques, Brother John, Martinillo et Fra’Martino finissent par dormir sur la même page, les cloches attendront.
On ne présente plus la collection « pirouette« , de Didier jeunesse, qui est une référence pour qui veut chanter des comptines avec des enfants.
Cette collection a fait le pari de proposer une seule comptine par album, faisant ainsi une belle place aux images, qui complètent, enrichissent, éclairent le sens de la chanson.
Contrairement aux recueils qui sont généralement destinés aux adultes et ont pour principale fonction de les aider à se souvenir des paroles, ici, l’album est destiné à être partagé avec les enfants. On tourne les pages ensemble, on regarde longuement chaque image, on touche.
Ce sont des livres que j’utilise énormément dans mon travail. Je reviendrais plus longuement sur tout l’intérêt des livres de comptines avec, j’ai largement développé ce sujet avec mes collègues dans le livre Lire en chantant des albums de comptines.
Les albums de la collection pirouette me sont donc précieux et c’est toujours avec un grand plaisir que je découvre les nouveaux titres.
Cet été, il n’y a pas eu de nouveautés mais la réédition de 5 des titres de la collection sous un nouveau format, aux pages cartonnées.
Je dois avouer que j’espère vivement que la version initiale, aux feuilles en papier, restera disponible. C’est avec eux que, la plupart du temps, j’arrive à convaincre les adultes qu’on peut proposer des livres en papier aux bébés. Je montre ces albums à des bébés de quelques semaines depuis des années. Dès qu’ils sont assez grands pour maîtriser leurs mains, ils touchent les livres, attrapent les pages, les caressent. Ils expérimentent la fragilité du papier, ils feuillettent, ils affinent leurs mouvements, petit à petit attrapent plus finement les pages. Mais cette expérimentation que font les bébés est essentielle à leur motricité et à leur connaissance de l’objet livre. Il faut alors un accompagnement attentif. Bien sûr, les petites mains peuvent parfois déchirer les pages, dans leur impatience de le découvrir. Mais quand les bébés portent ces livres à leur bouche, ils ne les abîment finalement pas plus que les cartonnés (la salive de bébé peut transformer du carton en bouillie en quelques minutes).
Je pense que ce choix de Didier jeunesse répond en grande partie à une demande du public. D’ailleurs, quand je présente ces livres en formation, il est très fréquent que les professionnels regrettent leur fragilité. Il faut souvent toute ma force de persuasion pour les convaincre d’essayer quand même de travailler avec ces albums en section de bébés ou de moyens. Les parents aussi sans doute seront rassurés quant à la longévité du livre.
Pour autant, je pense qu’il serait très regrettable de sortir les livres en papier des crèches, de systématiquement choisir la facilité en ne proposant que des livres solides. Les enfants ont besoin de diversité, ils ont besoin de supports variés, et ils ont besoin de tester aussi la fragilité des livres. Ils ont besoin aussi, on ne le dira jamais assez, d’un adulte pour leur lire le livre. Je peux comprendre la nécessité de livres cartonnés pour les laisser en libre accès mais le libre accès n’a de sens à mon avis, que si un adulte est disponible pour répondre à une demande de lecture. Ce n’est pas en donnant aux enfants uniquement des livres solides qu’ils ne les abîmeront pas. C’est en leur lisant.
Je me suis posé les mêmes questions quand l’album « Beaucoup de beaux bébés » est sorti en version cartonnée. Et la réponse est venue au fil du temps: Les deux éditions coexistent dans les bacs des librairies et dans les crèches, et les deux ont un intérêt.
Cartonnée, plus petit format, pour les moments où les enfants manipulent seuls, pour ceux qui sont capables d’attraper la page très rapidement, qui risquent de la froisser, en papier pour les lectures avec un adulte, pour les enfants déjà sensibilisés et qui n’abîment plus ou pour les nourrissons qui de toutes façons n’ont pas encore la motricité fine nécessaire pour attraper l’album.
La version cartonnée des comptines de Didier garde toutes les qualités graphiques de la collection, les reproductions sur papier brillant sont aussi belles que celles sur papier mat des premières éditions. Le format légèrement plus petit ne nuit pas à l’attention que les bébés peuvent porter aux détails. Les coins arrondis donnent une douceur à l’objet qui n’est pas désagréable.
Je pense que je vais expérimenter ce nouveau format avec plaisir. J’espère juste que je pourrais aussi continuer à acheter les versions papier, qui me manqueraient beaucoup si elles disparaissaient.
Petites comptines pour grands tableaux Virginie Aladjidi, Palette 14€
isbn: 2358320099
Plus je travaille avec des enfants, plus je leur lis des livres, et plus je suis convaincue qu’il n’y a aucun domaine artistique au quel ils ne soient hermétiques.
La culture enfantine, celle qui se transmet bien souvent à l’oral, dont la comptine est sans doute la forme la plus accessible, se marie à ravir avec la Culture avec un grand C, celle des adultes et des musées. C’est le pari réussit de Virginie Aladjidi qui propose dans cet album de mettre en vis-à-vis sur chaque double page une comptine et une œuvre d’art d’un grand maître.
C’est ainsi qu’à la chanson « au clair de la lune » elle associe un tableau de Miro, « baigneuse ». Le tableau n’illustre pas la chanson. Il l’éclaire avec une lumière différente, il propose à l’enfant une piste de lecture, d’interprétation.
Les comptines choisies sont très connues, issues de la culture populaire dans le sens le plus noble du terme.
Quand je propose à un enfant qui ne m’a jamais vu de lui lire un livre, c’est souvent très facilitateur de lui chanter une chanson qu’il a déjà entendue en famille ou à la crèche. Il est ainsi tout de suite dans un domaine connu, un cadre rassurant pour lui.
Les tableaux en revanche, ne font généralement pas partie du quotidien des enfants. Ils découvrent alors avec grand plaisir ces images qui sortent de l’ordinaire. Un mélange tout à fait équilibré entre le quotidien et l’insolite, dans le quel les enfants peuvent se repérer et découvrir un univers.
Je n’ai encore jamais rencontré un enfant désorienté par les œuvres de cet album, même quand elles sont très abstraites, comme « album le rouge » de Gérard Fromanger, qui accompagne « 1,2,3, nous irons au bois » ni quand elles sont très éloignées de l’iconographie adressée aux enfants, comme « Le cheval rouge » De marc Chagall, qui accompagne « c’est Gugus avec son violon »
Au contraire, leur regard navigue très naturellement d’une page à l’autre, du tableau au texte. Le texte d’ailleurs, qui se prête particulièrement à ce lien, puisque la typographie lui donne des faux airs d’illustrations: Il s’enroule sur lui même, sautille, la taille et la couleur des lettres varient selon la chanson.
Gentille alouette/Promenons-nous dans les bois Julia Chausson rue du monde 7€80
isbn: 9782355043147
Rue du monde réédite les albums comptines qui étaient d’abord parus chez l’éditeur « Après la lune » avec quelque nouveaux titres. Ce sont des petits albums cartonnés, adaptés aux menottes des bambins, qui revisitent avec talent les comptines traditionnelles du patrimoine oral.
Julia Chausson propose ici des versions en apparence très simples, mais où l’image et la mise en page ajoutent un effet de surprise aux chansons bien connues.
Ainsi, dans Gentille alouette, l’image semble être la même de page en page. Mais l’œil expert des enfants repère rapidement que le plumage disparaît, remplacé par un aplat jaune. On peut ainsi repérer les différentes parties du corps de l’oiseau au fur et à mesure qu’elles sont nommées. Et quand il ne reste plus de l’oiseau que sa silhouette, une transformation inattendue s’opère.
Promenons-nous dans les bois, à l’inverse montre l’apparition d’un élément nouveau à chaque page. La silhouette du loup se dessine peu à peu par ses vêtements montrés seuls sur fond blanc. Ridiculisé par une culotte à poids avant même d’être montré, civilisé au point de porter une cravate ( seul élément qui n’est pas mentionnée dans la chanson), notre loup ne semble pas très effrayant. La chute le confirme d’ailleurs: si les trois petits cochons l’ont appelé de leur chant pendant tout l’album, c’est bien pour qu’il soit le dindon de la farce.
Tous les titres de la collection (y compris une poule sur un mur, qui n’est actuellement plus disponible, mais j’espère que ça ne durera pas) jouent ainsi sur l’apparition et la disparition de l’image ou du texte. Un choix qui fait échos aux jeux de coucou qui passionnent les bébés.
J’aime beaucoup travailler avec ces albums qui rassemblent petits et grand dans le même plaisir. Aujourd’hui, c’est une fratrie de 4 enfants, de 6 mois à 7 ans, qui a chanté en cœur avec moi (certes, le bébé ne chantait pas, mais c’était lui qui donnait le rythme!) Il n’y a rien de tel pour mettre une ambiance festive dans une salle d’attente ou dans une section de crèche.
Et ne manquez pas d’aller voir le site internet de l’autrice, vous y verrez un bébé lecteur absolument craquant (et des images de l’intérieur des albums)
Miss carabis carabosse soldatC. Mollet Didier jeunesse 14€20
isbn:978-2-278-07512-6
Les comptines, les formulettes, les jeux-de-main-jeux-de-vilains qui ont rythmé nos récréations n’ont vraiment pas leur pareil pour nous replonger en enfance. Quand j’ai eu le recueil de Charlotte Mollet (remarquablement préfacé par Evelyne Resmond-Wenz, spécialiste de ces formes poétiques enfantines) j’ai d’abord boudé. Attitude enfantine s’il en est. Les premières pages ne transmettent pas MA culture enfantine, ce ne sont pas MES souvenirs. Donc, mes souvenirs ne sont pas universels, je ne détiens pas la mémoire de l’enfance dans son ensemble? Cruelle déception. Et puis… Ah, mais si, bien sûr. Ce napoléon premier qui cherche les cabinets, je le reconnais, l’environnement à un peu changé, les phrases qui précédent et suivent ne sont pas tout à fait les mêmes mais c’est bien l’espèce de cornichon qui me faisait tant jubiler quand j’étais mouflette.
Et puis il y a la mise en image de Charlotte Mollet. Et là, on voit qu’on a affaire à une vrai artiste. Elle réussit la prouesse de proposer des images qui viennent compléter celles que chaque lecteur à déjà en lui sans s’y substituer. Des images qui enrichissent le texte, sans jamais le réduire, sans jamais imposer un point de vue. A donner une unité sans nuire à la formidable diversité des formes proposées par les textes.
Alors j’ai décidé de passer outre mon premier mouvement infantile et d’explorer plus avant ce recueil. Pas loin de 50 jeux de récré y sont explorés, dans une mise en page vivante et musicale. On se surprend à fredonner, à scander le texte, on cherche dans les recoins de sa mémoire les airs enfouis.
Partager cet album avec des enfants, c’est comme reconnaître leur culture. Ils sont surpris, heureux de voir leurs rondes, leurs chants, imprimés. Ainsi un adulte a pris la peine de les écouter, de les noter, de les aimer et de les consigner dans un livre? Merveilleuse découverte pour les bambins, qui, loin de se sentir dépossédés, se réjouissent de voir des grandes personnes soulever le rideau pour observer un instant l’univers de la cour de récré.
Partager cet album avec des adultes, c’est leur offrir une occasion de renouer avec leurs souvenirs d’enfance, de replonger dans le brouhaha d’une cour vivante et d’y trouver, caché au fond de leur mémoire les bribes d’un jeu, la prosodie d’une formulette, le mouvement de la main qui l’accompagne.
Et n’hésitez pas à rejoindre la page FB du blog, pour trouver plein d’infos et d’actu concernant la littérature jeunesse ou la petite enfance.
Née en 1998, la collection Pirouette, de Didier jeunesse, vise à mettre en image les chansons et comptines destinées aux jeunes enfants. Selon les titres, il peut s’agir d’une version traditionnelle, jusqu’alors transmise à l’oral, ou d’une version qui s’enrichit d’une création de la part de l’illustrateur, qui brode autour de la comptine.
La particularité de cette collection est de proposer un livre par titre, alors que jusqu’alors les chansons proposées à l’écrit étaient généralement regroupées dans des recueils.
Tout le monde sait que les bébés aiment entendre chanter. Presque tout le monde pense à bercer son enfant en chantonnant.
Mais on ne pense pas toujours à proposer aussi des images avec la chanson. Pourtant, les bébés sont très réceptifs aux images, il n’y a qu’à les regarder devant un mobile pour s’en convaincre.
Bon, il est vrai que dès qu’ils le peuvent ils essayent de mettre le livre dans la bouche, problème qui ne se pose pas quand un chante sans livre.
Mais prenez le risque de laisser des livres, en papier, aux pages fragiles, qui se froissent et qui s’abîment, dans les mains d’un petit bébé. Vous verrez qu’il est captivé par votre voix, qu’il est amusé de découvrir que vous chantez tout le temps les mêmes paroles sur la même page, que vous vous taisez s’il ferme le livre.
En accompagnant en douceur ses gestes et sa découverte vous ferez un heureux (et il m’abîmera pas plus de livre que si vous retardez le moment où vous lui en donnerez, au contraire)
Dans la collection Pirouette, j’aime particulièrement « ainsi font font font » pour les tout petits, « dame tartine » pour les gourmands, « pirouette cacahuète » pour ceux qui aiment les histoires et « ah les crocodiles » pour ceux qui aiment frissonner un peu.
A noter que le titre « une souris verte » existe en bilingue franco-arabe.
Et si vous voulez voir comment réagissent les bébés quand on leur lit-chante ces albums, je vous conseille ce petit film.