Avec une casserole retournée et deux cuillères en bois, une petite chouette s’en donne à cœur joie. « BIM BAM BIM BAM », sa musique envahit l’espace.
Plaisir communicatif, bien vite voilà toute une bande d’oisillons qui tambourinent joyeusement sur leurs instruments de fortune. Au Bim bam de la casserole s’ajoute alors le Zim zim des couvercles, le Boum boum de la louche sur le bol.
Chaque animal produit un son qui est matérialisé sur la page par une couleur de police.
Ça à l’air très structuré dit comme ça mais en fait c’est un vrai tintamarre et bien vite un adulte doit intervenir.
Hop, embarqués tous les instruments. Mais les petits ne vont pas rester dépités bien longtemps, apparemment c’est l’heure du goûter. Mais manifestement une bande de mouflets tout contents qu’on leur propose un gros gâteau ça fait autant de bruit que leur orchestre improvisé.
Bon, rassurons nous, comme le montre la chute, les jeunes enfants peuvent aussi rester silencieux… Mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle.
J’apprécie toujours beaucoup la douceur du trait de Frédéric Stehr et ses petits animaux tellement expressifs.
Ici, avec un texte entièrement dialogué, ponctué par les onomatopées, un dessin très lisible sur fond blanc et un format tout carton aux bords arrondis il nous offre un album idéal pour une section de moyens en crèche, dès le début d’année: Les petits déménageurs de deux ans ne peuvent que s’y reconnaître.
Ce qui m’a pas empêché de passer un très bon moment à le lire à un nourrisson de six mois qui me gratifiait de grands sourires à chaque zim bam boum.
A noter: Il existe une suite avec les mêmes personnages, L’orage.
Message important, Gabriel Gay, école des loisirs, 12€20
« Wou Wou », un chien hurle à la lune. Pin pon, pin pon, l’ambulance file à vive allure. L’image, en contre-plongée, nous montre un plan d’ensemble. On voit l’ambulance s’éloigner du chien. Il la suit d’ailleurs jusqu’à l’hôpital, mais les grilles sont fermées, il ne peut pas transmettre son message important à son jeune maître.
Heureusement, un chat passe par là et propose de faire le messager. Alors que la tension est à son comble la teneur du message détend tout de suite les jeunes lecteurs: « Ouaf! Viens jouer avec moi! » implore le chien.
Nous suivons ensuite le trajet du chat qui est investi de la mission. Mais il atteint rapidement ses limites: il ne peut passer le mur d’enceinte. Une souris passe par là, c’est donc à elle que le chat va confier le message important: « Ouaf, viens jouer avec miaou ». Généralement, à ce stade là, les enfants ne remarquent pas que le message est déformé. Mais quand le rongeur, à son tour bloqué par une grille, transmet à une fourmi le message suivant « Ouaf, viens chouii avec miaou », ils commencent à se douter de quelque chose.
La chaîne se poursuit et grâce à la solidarité d’animaux de plus en plus petits (et de plus en plus improbables), le message finit par pénétrer… Directement dans le corps de l’enfant. Où il aura un effet tout à fait inattendu et salutaire.
L’enfant finit par ressortir guéri et bien sur, il retrouve son chien.
J’aime assez l’idée que l’enjeu ici n’est pas la guérison. Rare sont les albums qui prennent pour décor un hôpital sans que ce soit le sujet principal de l’histoire. En faisant passer cet aspect au second plan, ce livre réussit à dédramatiser le thème de la maladie avec humour et légèreté.
Sur le blog collectif à l’ombre du grand arbre (que vous connaissez j’espère) nous ne chômons pas l’été. Nous publions tous les lundis des mois de juillet et août des billets sur un thème commun. L’an dernier, nous avons ainsi proposé des billets épistolaires, chaque carte postale étant l’occasion de parler d’un ou plusieurs livres.
Cette année, nous avons décidé d’explorer un sujet oh combien casse gueule mais qui se doit d’être posé. Quand l’idée a surgit, avouons le, on n’en menait pas large. Avons nous la légitimité pour répondre à cette question? En serions nous capable?
Et puis, nous nous sommes lancées. Parce que, après tout, on se la pose quotidiennement cette question, pour écrire nos billets et pour choisir les livres qui seront chroniqués. Qu’est-ce qu’un bon livre pour enfant?
Si, bien entendu, nos choix sont avant tout intuitifs et dictés par le plaisir que nous avons avec un livre, il faut avouer qu’avec le temps nous finissons par savoir ce que nous cherchons dans un livre, ce qui nous accroche.
Alors, chacun avec notre sensibilité et notre personnalité nous avons développé un aspect de cette question.
J’ai beaucoup aimé rédiger mon billet sur ce sujet. J’ai encore plus aimé découvrir les billets des autres membres du collectif.
Je pense que c’est la pluralité des points de vue, qui se complètent et s’enrichissent, qui fait la qualité de cette série de billets.
Nous n’avons évidemment pas la prétention d’être exhaustives et nous savons qu’il y a encore bien des critères à explorer. N’hésitez pas d’ailleurs à nous faire part des vôtres en commentaires.
Voilà donc la liste des billets publiés cet été:
Des livres qui font penser les enfants (celui que j’ai écrit): Il y a des livres qui divertissent et il y a ceux qui font cogiter. Parce que le texte et l’image ne disent pas tout à fait la même chose, parce que tout n’est pas dit, parce que l’auteur laisse une place à l’interprétation.
Des livres qu’on a envie de relire (Par Pépita, du blog mélimelo de livres) C’est un des droits des lecteurs, selon Daniel Pennac, et c’est une nécessité pour les plus jeunes lecteurs. Mais certains livres se prêtent particulièrement à la relecture, parce qu’ils sont tellement riches qu’on a besoin de temps pour tout découvrir, parce qu’ils permettent une identification rassurante ou… Juste pour le plaisir.
Des livres aux personnages forts (Par Bouma, du blog un petit bout de bib) Que serait un livre sans personnage? Ils sont la voie d’entrée, la clef du livre, ce sont eux qui permettent l’identification du lecteur.
Des livres qui ont un titre alléchant (Par Carole, du blog 3 étoiles) avec le point de vue de Gilles Bachelet, Cécile Roumiguière, Alice Brière-Haquet, Maryvonne Rippert, côté écrivain, et Tibo Bérard et Brune Bottero, côté édition.
J’espère que ces billets vont vous intéresser autant qu’il m’ont plut, en tout cas je suis vraiment heureuse et fière de faire partie de cette bande de passionnées qui font vivre le grand arbre.
Manifestement, Petit Ours n’est pas rassuré. Couché en boule dans les fougères, il ne veut pas se lever.
Grand(e) Ours(e) qui l’accompagne (son père? Sa mère? L’histoire ne le dit pas, à chacun d’imaginer ce qui lui convient) l’enveloppe et le câline tendrement en lui demandant ce qui se passe.
Petit ours, tout penaud, annonce: « Je ne veux pas aller à la rentrée des classes ». Et comme Grand(e) Ours(e) le laisse poursuivre, il exprime toutes ses craintes.
A ses angoisses, Grand(e) Ours(e) répond par des gestes rassurants. Il lui tend son cartable, lui cueille des baies, lui donne la main.
Pas de morale ni d’injonction dans le discourt de l’adulte, il est à l’écoute et en empathie.
Mais c’est surtout son attitude physique qui est rassurante. Les deux ours font le chemin vers l’école en jouant, en mangeant (miam, le saumon fraîchement pêché) et ils sont peu à peu rejoints par d’autres écoliers: Renards, cerfs, lapins et souris font le même trajet qu’eux.
Ce premier album de Fleur Oury est une réussite totale. Les illustrations au feutre sont belles et touchantes, elles fourmillent de détails qui font le bonheur des enfants. Elles sont d’une grande fraîcheur et d’une grande tendresse. Sans appuyer son propos l’autrice parvient à rassurer le jeune lecteur et à émerveiller les parents.
Olivier Douzou nous entraîne ici dans une cour d’école. Manifestement, on fait la course. Et tous les animaux pensent être premier. Mais ce n’est pas canard le premier, c’est oie (« c’est moi »). Dès cette première page les enfants identifient un jeu de plouf qu’ils connaissent bien (une oie, deux oies, trois oies, quatre oies, cinq oies, six oies, c’est toi).
Mais non, devant oie il y a lapin. Ce n’est pas le lapin blanc d’Alice au pays des merveilles mais il a tout de même une montre gousset à la main.
Les candidats à la médaille se succèdent et les références enfantines aussi. Parfois un clin d’œil est adressé aux adultes, comme cette page hautement philosophique où l’on se demande qui de l’œuf ou de la poule est le premier.
Mais les bambins ne sont pas en reste. Ils savent mieux que nous comment le fromage est battu (pour lui c’est rappé) se prennent au jeu de la boucle qui nous impose de recommencer la lecture aussitôt l’album finit. Eux ne subissent pas la répétition, ils la savourent. Ils retiennent très vite dans quel ordre les animaux vont arriver, s’amusent à anticiper sur le récit, grondent volontiers le renard tricheur et raillent le pingouin qui se trompe de sens. Le rythme s’accélère, on passe de la course à la ronde et le plaisir augmente au fil des lectures. Un succès assuré.
onte Le grand méchant Graou, Ingrid Chabbert, Guridi, samir éditions 12€
Qu’est ce qui fait qu’on est méchant? A part Kirikou, personne ne se pose la question, généralement on est méchant parce qu’on est né comme ça, point. Le grand méchant Graou, lui, il est méchant parce que c’est ainsi que tout le monde l’imagine.
Certes, personne n’aurait l’idée d’aller vérifier ça de près, on évite même de prononcer son nom alors aller le voir, vous n’y pensez pas!
Mais se réputation le précède, et même si de lui on n’aperçoit qu’un bout de pelage noir ou des traces de pattes, on comprend tout de suite qu’il ne faut pas s’y frotter.
Mais dès qu’il est montré le lecteur comprend que ce pauvre Graou n’est pas aussi belliqueux que sa réputation le laisse entendre. Son regard fixe vers nous suscite immédiatement l’attachement (il est fort Guridi, pour faire passer tant d’émotions dans deux simples ronds blancs sur la silhouette noire).
Les humains d’un coté, la bête dite « sauvage » de l’autre, chacun campe sur sa position tout en évitant la confrontation. Comme il est confortable parfois de s’installer dans la peur de l’autre, de se replier sur soi même.
Heureusement, il y a les enfants. Eux peuvent s’extirper des préjugés. La fillette qui va à la rencontre de Graou veut se faire sa propre idée. Gentil, méchant? c’est difficile à affirmer avec certitude, il faut dire qu’il a adopté certains réflexes à force d’être ostracisé.
Mais la fillette a apporté quelque chose avec elle. Un cadeau pour Graou. Un objet de nature à révéler ce qu’il y a de civilisé en lui. A faire fuir la sauvagerie. Un livre.
Une jolie histoire d’amitié, sur trame de petit chaperon rouge, servie par des illustrations minimalistes et touchantes et un texte qui marche, lui aussi, à l’économie.
Dans mon boulot, je suis toujours à la recherche d’albums pour les enfants les plus jeunes (j’entends par là les sections de bébés de crèches, ceux qui ont entre quelque mois et un an et demi) que je puisse lire sans m’en lasser. Si en plus c’est un album qui peut plaire aussi aux enfants plus grands, c’est mieux. Et si, cerise sur le gâteau, quand je le lis les adultes présents font des « Ohh » émerveillés, alors là c’est le top.
Déjà est un livre qui produit tous ces effets là, je travaille avec depuis quelques semaines et il semble faire l’unanimité. La simplicité du texte en randonnée et la beauté des images font mouche à tous les coups.
L’histoire est toute simple, une petite souris va réveiller tour à tour un chat, un oiseau, une grenouille, une poule et un lapin pour une mystérieuse destination. Presque imperceptiblement, le bleu nuit de la page devient bleu ciel. Alors que tous les animaux s’exclament « Déjà? » à leur réveil, le lapin créé la surprise (« Enfin! » dit-il).
Et voilà nos six amis enfin arrivés à destination, et cette fois la surprise est bien plus importante, elle se raconte par l’image dans une double page qui se déplie pour montrer un paysage en format italien. Cette double page est d’ailleurs le seul petit reproche que je pourrais faire à cet album: elle rend la manipulation compliquée avec un bébé et n’est pas absolument nécessaire: l’album aurait été une grande réussite aussi sans.
Mais il est vrai qu’elle est très belle, avec une grande maîtrise des couleurs, et les enfants qui savent déjà bien tourner les pages se régalent à la déployer.
Un album apprécié par Pépita qui, comme moi, aime bien les livres destinés aux tout petits.
L’ascenseur de petit paresseux, Tomoko Ohmura, école des loisirs, 12€20
Il n’est pas bien rapide, petit paresseux, il est même carrément du genre à aller doucement le matin et pas trop vite l’après-midi.
Mais il a de bonnes idées. Aujourd’hui, il fait très chaud. Et son idée c’est de prendre un bon bain pour se rafraîchir. C’est rare qu’il quitte le haut de l’arbre qu’il habite. Il commence sa descente, doucement doucement, et en chemin il rencontre ses amis les autres habitants de l’arbre.
Aigles, écureuils volants, singes et autres koalas sont également partants pour une bonne baignade. Ils filent vers le bas de l’arbre alors que petit paresseux poursuit son chemin tranquillement mais sûrement.
En chemin il aperçoit des fruits. C’est que le chemin a été long, il a une petite faim. Oups, le voilà qui glisse et le rythme s’accélère soudain, ses amis le voient chuter avec inquiétude. Ouf, en bas la mare amortit le choc, il peut enfin profiter du bain avec ses amis. Mais en fin de journée, comment remonter? La solidarité entre animaux va lui permettre d’arriver avant la nuit. Je vous laisse découvrir vous même comment (non, la réponse n’est pas vraiment contenue dans la couverture)
Les animaux tout en rondeur de Tomoko Ohamura ont toujours un grand succès avec les enfants, ils sont attachants et sympathiques.
Le format en hauteur, avec une page qui se déplie en fin d’album et créé la surprise fonctionne très bien en lecture en petit groupe comme en lecture individuelle.
Si tu ne ranges pas ta chambre… Ingrid Chabbert, Séverine Duchesne, Frimousse 13€
La phrase revient souvent dans la bouche des parents. « Si tu ne ranges pas ta chambre je vais… » argh, je vais quoi déjà? T’étriper? Non, j’ai pas le droit. Pleurer de fatigue? Il parait que c’est pas bon pour les enfants de voir leurs parents craquer. Finir, de guerre lasse, par la ranger moi même? Sûrement mais ça, il ne faut surtout pas le dire au gamin récalcitrant!
La mère de Louis est du modèle cool, calme, et qui garde le sens de l’humour (comme moi quand je serais grande). Elle profère des menaces farfelues (« Si tu ne ranges pas ta chambre une armée de fourmis géantes va s’y installer! ») mais le mouflet ne se laisse pas impressionner. Finalement, inspirée sans doute par le livre qui traîne par terre dans la chambre en désordre, elle menace d’appeler l’ogre Galuffe.
Ah, ah, cette blague, il n’existe pas l’ogre Galuffe!
Vraiment? Le doute subsiste à la fin de l’album, mais en tout cas Louis à obtempéré, il fait même du zèle.
Avec un texte dialogué sans mot inutile, cet album laisse parfois l’image seule raconter l’histoire. La confrontation mère/fils s’y déroule dans une sérénité certaine (et enviable!). Qu’on soit parent ou enfant on peut se reconnaître dans cet album qui sonne juste.
La reine des truites, Sandrine Bonini, Alice Bohl, grasset jeunesse 15€20
Suzie et son petit frère Ismaël (Is, pour les intimes) s’amusent bien ensemble, dans la campagne. Elle a pensé à apporter le goûter, et le livre d’images d’Ismaël. Tout va bien, vraiment vraiment, aucun problème.
Alors pourquoi le petit insiste-t-il comme ça pour aller à la rivière? Il sait pourtant bien que ce n’est pas possible. Suzie aimerait bien qu’il passe à autre chose mais il y revient sans cesse, il a chaud, il veut se baigner. Seulement voilà, à la rivière, il y a les autres. Et les autres ne sont pas d’accord pour laisser les enfants se baigner. C’est comme ça. Is à l’insouciance des jeunes enfants, il se voit déjà barbotant. Et puis il est prêt à passer par le chemin des orties pour ne pas être vu, et puis il promet qu’il ne pleurera pas du tout du tout, même s’il se pique, alors, hein, ils peuvent bien y aller, les autres ne les repéreront pas.
Suzie finit par céder et les voilà en route. Mais bientôt, les autres surgissent. Trois enfants, qui portent des couronnes de feuilles et des branches en guise de lance. Leur attitude de guerriers tribaux est tout de même démentie par le sourire sur le visage du plus petit. Ils décident d’escorter nos deux héros jusqu’à la reine des truites, qui interdit à quiconque de se baigner. Is retient ses larmes mais devant la fillette couronnée il ne peut pas s’empêcher d’argumenter. Bientôt, le jeu prend le dessus et l’autorité de la reine est contestée par ses petits soldats. Dépouillés de leurs armures de feuille, les enfants forment désormais une seule petite bande dans la quelle chacun trouve sa place, ensemble ils se baignent joyeusement et on comprend pourquoi la petite Flora avait pris la posture d’une reine pour éviter la baignade.
Le texte, entièrement dialogué, a la saveur de l’enfance. Les personnages sont justes, nuancés et touchants.
Les images, tour à tour en vignettes et en aquarelle pleine page, nous transportent dans la chaleur d’un été du sud de la France. Quand je le lis, j’entends les cigales des vacances dans les Cévennes de mon enfance.