Un petit cochon grassouillet, très souriant sur fond jaune. Groïnk!
Cette première page est joyeuse, on se demande si c’est un jouet ou un vrai animal. À la page suivante, changement total d’ambiance. Le cochon est en fait un dessin sur la robe d’une fillette, qui se plaint d’une faim tenace. La famine guette aussi Gérard, le tigre. Le texte, à la première personne, insiste sur la peur, le milieu hostile « la terrible nuit noire » qui les entoure et le danger qui les guette. Dans l’image se mêlent des éléments de dînette, des prédateurs plus ou moins effrayants et d’autres animaux dont on se demande bien ce qu’ils font dans cette jungle (mais que vient faire là ce chat? Et cette famille de lapin?)
À la lecture de ces pages, on ressent clairement un décalage. On veut croire cette fillette, qui nous affirme qu’elle est terrifiée, mais il y a quelque chose qui cloche, qui fait plisser les yeux du jeune lecteur. Abandonnée par ses parents, vraiment? Dans cette petite robe jaune, avec une assiette en plastique sur les genoux? Humm, c’est étrange cette histoire.
C’est finalement papa qui mettra fin au jeu de la petite fille. Il soulève la couverture aux couleurs bariolées qui faisait office de jungle, les animaux restent au sol, avec la petite dînette.
Il est temps d’aller se brosser les dents et au lit. C’est pourtant beaucoup plus amusant de jouer à être abandonnée dans la jungle, surtout quand on se sait en sécurité parce que tout cela c’est « pour de faux ». Allez, on y retourne?
J’aime la façon dont l’image nous donne des indices dès le début et nous aiguille sur la lecture de l’album. Les enfants demandent généralement une nouvelle lecture, puis une autre, et savourent d’autant mieux l’histoire qu’ils connaissent la chute.
Odile, Grégoire Solotareff, l’école des loisirs, 2021, 13€ Parfois, sans qu’on sache bien pourquoi, il y a des enfants qui ne sont pas pleinement à l’aise avec ce qu’ils sont.
Ce n’est pas un drame en soi mais cela peut être compliqué.
C’est le cas de la petite Odile, qui aimerait bien persuader son monde qu’elle est une enfant.
Il y a pourtant des indices contradictoires: elle a des écailles sur le dos, passe ses journées à la rivière plutôt qu’à l’école, et a une petite tendance à croquer les mouettes qui passent à porté de sa gueule.
A part ça, elle trouve qu’elle fait une enfant tout a fait convenable. Oui, UNE, pas un comme le disent ses parents, qui décidément ont bien du mal à la comprendre.
Ils ne sont pas les seuls d’ailleurs, Jo, le premier enfant qu’elle croise, a peur d’elle, et pour cause, il la prend pour une crocodile (UNE, pas un…).
Ils finissent par sympathiser mais tout de même, Jo s’interroge sur la nature de sa copine, parce que même avec une perruque à couettes sur la tête, elle est assez atypique comme enfant.
Les parents d’Odile quant à eux ne cessent d’être embarrassés par la situation. Aussi convaincante que soit la gamine, ils savent bien, eux, qui elle est au fond.
Comme dans le célèbre Loulou, du même auteur, nous avons affaire ici à un récit initiatique dans lequel il est question d’amitié, d’aller à la rencontre de l’autre par delà ses préjugés et surtout de se rencontrer soi même et de s’accepter tel que l’on est.
L’ensemble porté par des images pleine pages saisissantes, aux couleurs franches et contrastée qui ôte immédiatement tout risque de mièvrerie.
Si le propos est bien de se connaitre et de s’accepter, nous sommes loin des injonctions lénifiantes trop souvent adressées aux enfants.
À l’école! Sur les petits chemins de terre… Karen Hottois, Clémence Paldacci, Albin Michel jeunesse, 2021, 12€90
Le premier jour d’école est toujours attendu avec émotion par les enfants. Mais, de l’un à l’autre, les sentiments peuvent être très différents.
À travers cinq personnages et leur histoire, l’autrice donne à voir aux petits lecteurs différentes façon de se préparer à ce passage symbolique.
Il y a l’écureuil, très inquiet de ne pas réussir à faire rentrer son doudou dans son cartable.
Le blaireau, quant à lui a prévu une tartine pour tous les enfants de sa classe, et même pour la maîtresse. Mais résistera-t-il à sa gourmandise? Il n’est pas certain que les tartines soient toujours là le jour J.
La belette est d’une insouciance totale, bien décidée à jouer jusqu’au dernier moment. Mais quand elle se retrouve face au grand escalier qui mène à la salle de classe, sa gorge soudain se noue…
Le ver de terre à bouclette envisage la rentrée des classes avec enthousiasme. Il est impatient de parler de ses petites voitures et de son vélo neuf à ses camarades.
Quant à la crevette, sa plus grande crainte est d’arriver en retard. C’est que la mer est bien éloignée de l’école!
Les histoires de ces cinq personnages vont se croiser. S’ils ont des préoccupations et des émotions différents, ils ont aussi des traits communs: leur gentillesse, leur attention à l’autre, leur générosité.
La tendresse de leurs sentiments se retrouve dans le trait de l’illustratrice, Clémence Paldacci. Dans des illustrations pleines pages ou des petites vignettes, les petites frimousses sont délicates et attachantes.
On pourrait presque imaginer un album par personnage, mais c’est ensemble que chaque historiette prend tout son intérêt. Pour une fois on montre une multiplicité de sentiments, chaque petit lecteur aura la possibilité de s’identifier ou, au contraire, d’évoquer ses propres émotions, uniques et singulières, face à cette étape collective.
La chasse au loup, Michaël Escoffier, Manon Gauthier, les 400 coups, 2021, 12€
Voilà trois petits chevreaux plein d’entrain, qui s’éloignent de la maison pour s’aventurer dans la forêt.
Mais un narrateur invisible les interpelle: « Hé, les enfants, où allez-vous comme ça?
-A la chasse au loup! »
Autant eux, semblent insouciants, autant le narrateur à l’air de se faire du mouron pour les pauvres petits inconscients du danger qui les guette.
La forêt autour ne semble pas hostile, et les trois petits sont accompagnés par un duo d’oiseaux et un hérisson qui ont tout l’air de connaitre les lieux. On croise aussi de nombreux insectes et un écureuil. C’est vivant, c’est plutôt gai, malgré les couleurs aux dominantes de beige, marron et gris.
En tant que lecteur, on est plutôt prompts à partager l’insouciance des chevreaux, mais le narrateur n’est pas de cet avis. D’un ton docte, pour ne pas dire paternaliste, il enjoint les enfants à la prudence, en les interrogeant sur leur projet de chasse au loup. Sont-ils vraiment capables de l’attraper? L’ont ils déjà fait? Que feront-ils après?
Les petiots répondent avec une certaine candeur. Oui, ils vont attraper, puis faire rôtir le loup, pas d’inquiétude, ils ont l’habitude. Et l’idée de partir pour cette chasse avec des arcs et des flèches en plastique est tout à fait réfléchie: c’est pour éviter de se blesser bien sûr (les adultes, quand-même, ils ne sont pas très fins des fois).
On attend le retournement de situation, qui se produit bien sûr, mais pas forcément tel qu’on l’aurait imaginé.
Il donne raison aux chevreaux, auxquels (comme ça tombe bien) les enfants ne manqueront pas de s’identifier. Tournant légèrement l’adulte en ridicule, l’album montre surtout que les enfants avaient tout prévu et qu’ils maîtrisent parfaitement la situation, puisqu’elle se déroule dans leur univers, celui de l’enfance, dont les adultes ne possèdent décidément pas tous les codes.
Est-ce une bonne idée de lire avec les enfants des livres qui font peur ?
Les éducateurs s’inquiètent de plus en plus de l’effet délétère de la peur sur le développement de l’enfant et s’interrogent sur les livres qui montrent des loups, sorcières et autres monstres.
En effet, les connaissances nouvelles sur le développement de l’enfant, et en particulier les neurosciences, pointent les conséquences de la peur sur le cerveau des tout petits. C’est le cas particulièrement dans le livre Pour une enfance heureuse, du docteur Catherine Gueguen.
Parallèlement, les enfants continuent de choisir ces livres dans les bacs, et les adultes eux-mêmes ont souvent le souvenir d’avoir écouté ce genre d’histoire dans leur jeunesse sans que cela n’ait posé de problème à long terme.
Alors, les livres qui font peur, bons ou mauvais pour les enfants ?
Pourquoi les enfants sont-ils si friands d’histoires qui font peur ?
Les enfants vivent des choses inquiétantes, ils connaissent naturellement les angoisses de mort, de séparation, de dévoration. Tout cela fait partie de leur développement normal. Y compris quand cela s’accompagne de cauchemars.
Ils sont compliqués à gérer pour les parents et fatigants pour toute la famille, mais les cauchemars n’ont rien d’anormal.
Les livres peuvent donc accompagner les enfants (et leur entourage) dans cette période. Ils permettent au petit lecteur de mettre des mots et des images sur ces peurs. Et les nommer, c’est déjà un peu les apprivoiser, bientôt les surmonter. Il n’est pas rare que l’enfant qui est justement sujet à de nombreux cauchemars réclame en boucle le livre qui y fait écho. Les parents sont alors parfois tentés de le censurer, espérant ainsi retrouver des nuits plus sereines. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples, et si le livre est écarté du quotidien de l’enfant, la peur, elle, reste là, et peut continuer à réveiller toute la famille encore longtemps.
Au contraire, en laissant l’enfant manipuler l’album librement, l’écouter, mais aussi bien sûr le refermer s’il en a envie, on peut l’aider à surmonter cette frayeur qui ne le lâche pas.
Comment lire ces albums ?
La question est bien alors celle de la pratique de lecture et de la liberté que l’on offre à l’enfant dans ces moments-là. Bien sûr, une histoire dont l’enfant serait captif, qu’il n’aurait pas choisie et qui lui serait imposée peut créer des peurs excessives et non souhaitées.
Et chaque enfant à un seuil de tolérance à ces histoires qui lui est propre. Nous pouvons rencontrer des petits particulièrement inquiets face à des histoires qui pourtant nous semblent anodines, avec notre regard d’adulte. D’autres, à l’inverse, réclament avec insistance des histoires de monstres et attendent de l’adulte qu’il fasse une voix bien effrayante pour mieux jouer le méchant.
Il est donc nécessaire de respecter le besoin de lecture de chaque enfant, sans jamais imposer un livre, et en laissant l’enfant maître de la lecture. S’il veut tourner plusieurs pages d’un coup, pour aller plus vite au passage rassurant, s’il veut écouter de loin, en faisant autre chose, respectons ces besoins. C’est uniquement ainsi que le livre est rassurant.
L’observation de l’enfant, clé de la lecture adaptée.
Lire avec des enfants, c’est sans cesse les observer et s’adapter à eux. Sans même en avoir conscience, on adopte un ton plus doux avec un bambin qui se blottit dans nos bras ou qui serre son doudou contre lui, alors que l’enfant qui semble tout à fait rassuré nous incitera à faire des voix plus fortes, à mimer un peu les personnages, à accélérer le rythme.
L’enfant est le chef d’orchestre des moments de lecture, il nous guide vers la bonne pratique, c’est-à-dire celle qui est adaptée à ce moment-là, pour cet enfant-là. Parfois on doute, et il est alors tout à fait permis de poser la question à l’enfant « tu veux qu’on continue ? Ça va, tu n’as pas peur ? » Après tout, rien n’impose jamais qu’on termine le livre, si l’enfant ne le souhaite pas. Et si relire un passage rassurant fait du bien à l’enfant, pourquoi s’en priver ?
Des livres qui se finissent bien.
Cependant, quand on va jusqu’au bout de l’histoire, le petit lecteur y trouve une nouvelle source de réassurance. Les albums pour les jeunes enfants se terminent toujours bien, et c’est important qu’ils l’expérimentent. Les petits héros de papier affrontent bien des difficultés mais ils les surmontent et retrouvent une situation d’équilibre.
Les méchants sont terrassés, les monstres disparaissent, le protagoniste en sort grandi. Si l’enfant, inquiet, ne veut pas aller jusqu’au bout de la lecture, on peut se contenter de lui signaler que l’histoire se termine bien et qu’on peut lui lire une autre fois s’il en a envie. C’est à lui de décider à quel moment il sera prêt à écouter l’histoire en entier, et si cela ne vient pas, ce n’est pas grave, cela montre qu’il connaît ses limites.
En conclusion
Finalement, on constate que quand on lit des livres « qui font peur » aux enfants, il n’est en réalité pas question de leur faire peur. Au contraire, il s’agit de rassurer les enfants, en leur montrant qu’ils sont capables d’affronter les loups et autres monstres.
Les enfants jouent avec ces livres, ils se montrent plus forts que le prédateur puisqu’ils ont, eux, le pouvoir de l’enfermer dans le livre et de le faire disparaître. Ils se savent en sécurité quand ils écoutent une histoire, rassurés par la présence d’un adulte bienveillant et attentif.
Retrouvez d’autres articles sur la pratique de la lecture à voix haute ici.
Si vous souhaitez vous lancer, vous pouvez trouver ici des références d’albums qui font échos aux grandes peurs des enfants.
Va-t’en grand monstre vert, tout carton, Ed Emberley, Kaléidoscope, 2021, 10€90
Voilà une nouvelle édition très attendue par les professionnels de la petite enfance. Je me suis même laissée dire que les parents et les professeurs des écoles maternelles espéraient eux aussi voir cet album sous une forme plus résistante.
Va-t’en grand monstre vert, a fait parti des premiers albums dont j’ai parlé sur ce blog, à l’époque où je chroniquais essentiellement des livres de fonds, avant d’aborder les nouveautés. (le billet, daté de 2009, est toujours en ligne ici)
C’est LE classique des crèches depuis sa sortie en 1996. Son succès ne s’est jamais démenti et il s’est imposé parmi les indispensables, au point que les équipes le rachètent parfois tous les ans.
Il faut avouer que jusqu’ici, son succès n’avait d’égal que sa fragilité.
Les petites menottes des bambins avaient tôt fait d’arracher le long nez bleu turquoise ou d’agrandir les yeux en y insérant leurs petits doigts.
Mais c’est désormais chose ancienne. Dans cette nouvelle forme, les pages sont cartonnées, ce qui lui confère une solidité nouvelle.
Pour tout dire je me suis souvent demandé pourquoi cet album n’existait qu’en papier. Était-ce pour s’assurer de bonnes ventes, les exemplaires au nez arrachés étant régulièrement remplacés? Une volonté de l’auteur, désireux de ne pas dénaturer son œuvre? Ou une contrainte technique?
Quoi qu’il en soit, il existe enfin et c’est une très bonne chose.
Certes, j’estime important qu’on laisse aux enfants l’occasion d’expérimenter la fragilité du papier. Qu’ils puissent manipuler les feuilles, apprendre les bons gestes.
Mais s’agissant d’un album aux pages découpées, qui en plus soulève généralement une excitation certaine chez les petits lecteurs, il me semble tout de même plus simple d’opter pour des pages cartonnées.
Ainsi, les enfants auront la joie de construire et plus encore de détruire le monstre, en toute sécurité pour le livre.
Cela évitera je l’espère une situation que j’ai très souvent rencontré: que l’adulte refuse que l’enfant touche le livre. La satisfaction est bien plus grande quand l’enfant peut maîtriser le monstre lui-même.
Notre boucle d’or, Adrien Albert, école des loisirs, 2020, 12€50
Dans la maisonnette rose habitent deux gros ours: Papa et maman ours. Il y a aussi leur tout petit ourson.
Aujourd’hui, ils plantent des bulbes dans le jardin.
En leur absence, un petit garçon s’approche de la maison et, sans sonner, ouvre la porte et entre. Quel malpoli!
Sur la table sont posés deux grands bols de chocolat chaud et un plus petit. Sans gêne, l’enfant monte sur une chaise haute et tente d’attraper un bol. Mais le maladroit bascule et se retrouve au sol dans une flaque de chocolat. Il se relève et déambule dans la maison, semant des traces de chocolat partout.
A leur retour, les ours découvrant les dégâts ne sont pas très contents…
Boucle d’or est un conte très souvent adapté en littérature enfantine, sans doute parce qu’il s’adresse aux tout petits et qu’il permet de nombreuses interprétations.
Les auteurs et illustrateurs s’en donnent à cœur joie avec cette trame et laissent libre court à leur créativité. On peut ainsi voir des versions très graphiques, comme chez Olivier Douzou, ou une boucle d’or aux cheveux noirs.
Mais c’est la première fois que je vois une version où le protagoniste est un garçon. Et pourquoi pas. Après tout, le petit chaperon rouge est bien une fillette!
Adrien Albert s’émancipe aussi de l’idée, trop souvent admise, selon laquelle le papa ours est forcément plus gros que la maman et que ses possessions sont à l’avenant. Ici ils sont mis sur un pied d’égalité: chaises et bols sont de la même taille et ils font manifestement lit commun.
Il en va de même pour les parents de boucle d’or, que l’on rencontre à la fin de l’album et qui travaillent de concert dans la bergerie, sans hiérarchie apparente entre eux.
Outre ce traitement égalitaire entre les genres auquel je suis (vous le savez sans doute) sensible, Notre boucle d’or propose une version très plaisante du conte traditionnel.
Souvent, avec cet auteur, on part d’un univers très ancré dans le réel puis ça dérape vers le loufoque.
Ici c’est l’inverse, on a d’abord les animaux qui parlent et on finit dans une histoire de voisinage tout à fait classique.
J’aime assez cette façon dont Adrien Albert brouille les pistes entre le réaliste et le fantastique.
Et puis il y a toujours les bouilles très expressives de ses personnages (mention spéciale à la bouille des ours quand ils sont successivement en colère puis effrayés) et les aplats de couleurs vives qui attirent l’œil (cette forêt rose, quelle merveille!).
Si vous voulez en savoir plus sur son travail, vous pouvez l’écouter au micro de Marie Richeux dans l’émission de radio Par les temps qui courent.
Nous retrouvons ici Berk, le doudou cradoc et attachant que l’on avait déjà rencontré dans plusieurs histoires.
Comme d’hab, il raconte, via son petit humain, sa mésaventure du moment.
C’est qu’il lui arrive toujours des choses TERRIBLES.
Ces aventures se déroulent toujours dans une pièce qui fait partie du quotidien des enfants (d’abord la chambre à coucher, puis la salle de bain, la salle de classe et dans ce nouvel album la cuisine).
Il y est accompagné d’autres personnages jouets aux personnalités variées et aussi sympathiques que lui. Il y a souvent un malentendu, de la surprise, beaucoup d’humour et de très belles images pleines pages.
On retrouve ici tous les ingrédients qui font le succès de la série.
Berk, comme on s’en doute en voyant la couverture, a perdu son œil. L’avantage d’être un doudou c’est qu’il peut assez bien s’en passer, mais il craint de faire peur aux enfants ce qui serait fâcheux.
Les autres, au contraire, trouvent que c’est marrant de faire peur, et ils s’amusent à se grimer, avec les ustensiles qu’ils ont sous la main, en différents personnages emblématiques d’Halloween.
L’histoire tient la route et on y retrouve tout le talent de Julien Béziat pour l’illustrer: les personnages sont expressifs et très drôles, les cadrages audacieux et variés.
Je regrette juste la fin que je trouve un peu abrupte. Une page de plus, en guise d’épilogue, aurait été bienvenue.
Rien que toi, Sally Grindley, Célia Chauffrey, l’école des loisirs, 2020, 13€
Une promenade au parc en famille (monoparentale la famille, semble-t-il).
Soudain, le petit Alfie pose une question essentielle: « Maman, est-ce qu’il y a d’autres ours comme moi? »
La présence de la petite sœur de l’ourson dans la poussette n’est probablement pas étrangère à cette préoccupation.
S’il y a un autre enfant dans la famille, suis-je vraiment unique ?
C’est sans doute une préoccupation récurrente chez les ainés, en tout cas, elle me semble légitime.
La réponse maternelle va replacer Alfie au sein de sa famille, en même temps qu’elle reconnait son unicité: « Pas comme toi, non. Il y a toi, moi, avec ta sœur ça fait trois, mais il n’y a pas deux ours comme toi »
Voilà qui est déjà rassurant.
Le dialogue entre la mère et son fils se poursuit, mettant en avant la singularité d’Alfie mais aussi ses compétences.
La mère décrit et commente les jeux et les souvenirs de son fils, elle prend le temps d’étayer sa réponse, posant sur son enfant un regard qui l’aide sans doute à grandir.
La cadette est nommée, elle est sur l’image qui participe à la promenade. Mais elle ne prend pas la parole: cette histoire se joue entre Alfie et sa maman.
Les belles images de Célia Chauffrey accompagnent parfaitement le texte, et donnent à voir la tendresse qui unit la famille, petite sœur incluse. J’avais d’ailleurs déjà été séduite par ses illustrations dans « Trop tôt », un autre album dans lequel l’amour parental est mis en avant.
Quant au texte de « Rien que toi », il est ponctué de répétitions, et renforce le caractère rassurant de l’histoire.
Il est dans un registre très différent de ce que l’on connait de l’autrice ( qui a écrit « Chuuut » et « Toc! toc! Qui est là ? » ) mais on repère un gout certain pour les randonnées, forme si chère aux jeunes enfants.
Pas de panique, petit crabe, Chris Haughton, éditions Thierry Magnier, 2019
Il est temps pour petit crabe de plonger dans le grand bain. Au sens propre. Accompagné de Très Grand Crabe, il va quitter sa petite mare pour se confronter à l’océan.
D’abord, il s’élance plutôt joyeusement. Rochers, flaques, algues, il affronte des aspérités du paysage vaillamment.
Ils arrivent enfin devant l’océan. C’est grand. Très grand. Et c’est plein de vagues. Impressionnantes les vagues.
Soudain le petiot n’est plus si sûr d’avoir envie d’être là, finalement la mare lui manque.
La première vague les asperge brutalement, d’autres vont suivre, Petit Crabe doute de plus en plus. Pas de panique, petit crabe, le rassure Très Grand Crabe, tout va bien se passer. A ce stade là, les enfants à qui j’ai lu cet album hésitent quand-même a faire confiance au grand, beaucoup m’ont dit qu’au contraire, ça allait mal se passer!
Mais la confiance tranquille de l’adulte aura raison de l’inquiétude du petit, qui finalement découvrira bien ce jour-là les fonds sous-marins.
On reconnait le trait inimitable de Chris Haughtun, ses personnages particulièrement expressifs et son regard à hauteur d’enfant, rencontrés entre autre dans l’hilarant « Oh non Georges! » . Mais alors qu’il nous a habitué à des albums où l’humour prédomine, ici il est secondaire et c’est surtout la justesse des sentiments qui fait mouche.
Il utilise sa maitrise de la mise en page, son sens du rythme son habituelle précision dans la construction du récit pour servir une histoire universelle, ce mélange de peur et de désir face à la découverte de l’inconnu.
C’est peut-être mon album préféré de cet auteur. Il est particulièrement aboutit. J’ai toujours beaucoup aimé ses livres mais c’est la première fois que je m’exclame « wahoo, c’est beau! » en en lisant un.
Je mettrais ma main au feu que cet album va rapidement devenir un incontournable des crèches et écoles maternelles.
Et si je n’ai pas encore réussi à vous convaincre, regardez ce petit teaser: