Je crois que je me souviendrais toujours de la stupeur de ma mouflette, qui devait avoir environ deux ans et demis, quand elle a découvert que les adultes pouvaient aussi lire des livres. Elle était convaincue que les adultes ne lisaient que « dans l’ordinateur ». Ça m’a bien fait réfléchir à mes propres comportements de lecteurs quand elle m’a sorti ça, après tout, elle à grandit dans une famille où on se plaît à se considérer comme lecteurs et elle nous voit tout le temps le nez dans l’ordi… Humm…
L’âne de cet album à du trop fréquenter des gens comme nous. Des gens qui ont plus d’écrans que de livre. Il est tout surpris quand il voit le singe plongé dans son bouquin. Un truc qui ne fait pas « tooot », qui n’envoie pas de texto et dans le quel il y a plein plein de mots.
Mais, qu’est-ce que c’est que ce truc? C’est un livre, lui explique le singe, avec patience.
Un texte court et percutant et des images terriblement expressives font mouche à tout les coups.
On jubile à la lecture de cet album, si drôle et tellement représentatif.
On ne le dira jamais assez, le bébé est une personne. Mais quelle
étrange personne quand même. Certains jours, il faut bien le dire, les bambins ressemblent plus à un genre d’animal polymorphe et des plus perturbant qu’à un humain civilisé.
Zagazou est un adorable bébé tout rose, au sourire charmant, qui fait la joie de Georges et Bella. Mais un jour… Il se transforme en un énorme bébé vautour aux cris stridents. Georges et Bella se demandent comment ils vont supporter ça mais un jour… Zagazou devien un petit éléphant turbulent. Mais un jour… de transformations en transformation, Zagazou n’en finit pas de déstabiliser ses parents, devenant chaque jour un animal différent, voire tout un tas d’animaux en même temps. Puis, il devient une grande chose hirsute, et cette phase là semble durer un peu plus longtemps que les autres.
L’identification fonctionne à merveille, les parents se reconnaissent à tous les coups dans le couple qui a à peine le temps de s’habituer au comportement de leur mouflet avant qu’il ne change de nouveau. Curieusement, les enfants, eux, ne se reconnaissent pas du tout dans cet étrange protagoniste en revanche… Tout au plus certains y reconnaissent leur petit frère ou leur petite sœur.
J’aime toujours autant l’humour de cet auteur et le dessin proche de la BD qui tombe juste avec à peine quelques traits. Il y a quelque chose de réjouissant dans les traits des personnages, tellement expressifs. A la fin l’histoire propose une pirouette, qui met l’histoire en perspective (et qui, il faut l’avouer, peut provoquer chez les parents une forme de spleen)
Pomelo est bien sous son pissenlit 11€90 isbn: 978-2226128430
Et tous les autres…
C’est rare, c’est même vraiment rare, que j’aime autant une série de livre. Et c’est plus rare encore que sur autant de titre, aucun ne me semble décevant.
Tomber sur un livre de Pomelo, c’est l’assurance de passer un aussi bon moment que le bambin à qui on lit, et ça, c’est déjà chouette.
Lire une histoire de Pomelo, c’est réfléchir, s’émouvoir, rire.
Je ne sais pas pourquoi je n’en ai pas parlé plus tôt. Je crois que je me disais que tout le monde connaissait déjà, vu que les blogs de littérature jeunesse en ont beaucoup parlé, surtout à la sortie du dernier, « Pomelo grandit » qui, il faut le dire, est particulièrement savoureux. Mais évidemment, en vrai, tout le monde ne le connait pas encore, et c’est dommage.
Donc, les présentations. Pomelo, c’est un petit éléphant de jardin. Il vit sous un pissenlit entouré des habitants du jardin: Gigi l’escargot, Gantok la tortue, les patates, les carottes, et Sylvio l’araignée. Il vit des aventures toute simples ou extraordinaires. Il se pose toujours plein de questions. Il trouve toujours des réponses poétiques ou philosophiques. Sauf quand il ne trouve pas les réponses… Mais peu importe, ce qui compte, c’est de se poser les bonnes questions.
Je crois vraiment que les enfants grandissent eux aussi, à la lecture de ces albums.
Sur l’ile des Zertes C. Ponti école des loisirs (lutin poche 5,50 € ou 15€ album)
isbn (lutin poche) 978-2211070515
isbn (album) 9782211055734
Jule vit sur l’île des Zertes, avec de biens étranges créatures: un clou nommé Diouc, une brique dont il est fou-amoureux-fou, une petite Zerte discrète, un terrible marbaf qui tape sur tout ce qui bouge. En trois chapitres, on découvre sa vie quotidienne et ses aventures, dans un monde loufoque mais cohérent.
Comme toujours avec cet auteur, les images fourmillent de détails, le texte est émaillé de mots inventés et l’improbable semble crédible.
C’est LE livre qui m’a fait aimer les grands albums de Ponti. Je l’ai découvert à sa sortie, j’ai immédiatement été séduite. Une histoire avec de l’amour, des frissons, de l’amitié, des rebondissements et évidemment, une histoire toute farfelue, surprenante, qui nous transporte dans un univers étrange et dans lequel pourtant on trouve très vite ses repères.
J’ai très longtemps travaillé avec, je le trimbalais partout, espérant qu’il serait choisi par les enfants, parce que j’ai un réel plaisir à le lire. A dire vrai, il n’était pas autant choisi que je l’aurais souhaité, entre autre sans doute parce que je travaille surtout avec des moins de 3 ans et que c’est quand même un album long. Mais à chaque fois qu’un enfant rentrait dans l’histoire, j’avais le sentiment que ce livre le marquait vraiment, d’ailleurs, il y revenait presque toujours.
Et puis, à force te le trimbaler partout, il a disparu, je ne sais plus s’il a été abimé ou perdu, bref, je ne l’avais plus.
Hier, c’est ma mouflette qui me l’a tendu dans la librairie, elle m’a dit « Oh maman, regarde ce livre, on dirait une histoire de Ponti mais y’a pas de poussins dedans?… »
Je n’ai même pas essayé de résister, je lui ai acheté et depuis hier, je le lui ai déjà lu au moins dix fois.
Ensemble on s’émeut des amours de Jules et Roméotte, on fait les courageuses face au terrible martabaf, on tremble devant le couv-touïour et on se réjouit à l’idée de boucher des trous.
On retrouve Olga, Anna, le chat et toute la bande, dans un nouveau livre que je trouve particulièrement beau.
Les enfants jouent à la marchande. Ils payent avec des petits cailloux. Mais si on n’a pas de cailloux? Pas grave, il suffit d’avoir des idées.
Anna décide qu’avec le chat, elle va faire un spectacle pour gagner des cailloux. Et tout le monde veut se joindre à eux.
J’adore l’ambiance de jeu, Ilya Green croque avec une grande justesse les comportements des bambins. L’intervention des fourmis qui seront les spectateurs, est une idée formidable. Coup de cœur toujours pour les illustrations où la couleur des tissus ressort particulièrement sur le fond blanc de la page. Ma mouflette, quand je lui ai lu le titre avait des étoiles dans les yeux: « Ah, oui, pestacle, parce que c’est Bou! » Bon, légère déception quand même, non, ce n’est pas une nouvelle aventure de Bou et son langage loufoque mais elle est tout de même très vite rentrée dans l’histoire, manifestement l’identification fonctionne très bien, depuis on joue beaucoup à la marchande.
A noter: on retrouve la même petite bande dans toute une série d’album, qui ont pour point commun de montrer comment leur vie sociale se construit, entre chamailleries et amitié. Parmi eux, « La dictature des petites couettes » est mon préféré, parce qu’il démonte sans en avoir l’air les stéréotypes de genre.
L’heure des parents C. Bruel N. Claveloux éditions être
isbn: 2844070124
Sur les marches de l’école, Camille sommeille, en attendant le retour de ses parents. mais qui sont-ils?
Entre rêve et réalité, nous faisons connaissance avec tous les parents possibles, aux professions improbables.
« Les parents de Camille s’appellent Louise et Grand fou. Ils vont à des réunions contre le dollar »
« Les parents de Camille s’appellent Nelson et Paul. Paul est menuisier, Nelson soigne des ordinateurs »
« les parents de Camille s’appellent Juliette et… C’est tout. Camille aussi sera toubib et trapéziste sur internet ».
Une galerie de portraits de famille qui déclinent des schémas classiques ou improbables. Toutes sortes de carrières ou de passes temps sont imaginés et les situations loufoques ne manquent pas, aux côtés des plus classiques.
Dans la dernière page, Camille se retrouve dans ce qui semble être sa famille réelle, dans le salon familial. Le petit lion (ou la petite lionne, le prénom mixte permet à chaque lecteur de faire son choix sur le sujet et le personnage n’est jamais genré dans le texte) est endormi dans la position exacte qu’il avait en début d’album. Autour de lui divers objets évoquent les pages précédentes. Ils ont probablement servi de support à l’imagination de l’enfant qui a inventé ces différentes familles.
Une vision étonnante et loufoque de la diversité, qui intrigue ou prête à rire.
L’heure des parents est un classique, d’abord paru aux éditions être en 1999 et enfin réédité par Thierry Magnier.
Une bien jolie surprise m’attendait dans ma librairie. Il m’a tout de suite attiré l’œil. Ce sont les petites chose que font les fillettes tous les jours en se préparant pour l’école. Choisir des chaussettes, hésiter entre barrettes ou chouchou, remplir son petit sac de mouchoirs et de bonbons.
Sur la page de gauche, le texte, tout simple. Sur celle de droite, une illustration, sur fond blanc, comme un imagier. On voit des chaussures, une brosse à cheveux, toutes sortes de barrettes. On ne sait pas ce que la fillette va choisir, on ne voit pas l’action, juste les objets.
Un album qui laisse donc toute la place à l’imaginaire, chacun complète à loisir les images dans sa tête. Et, comme sur la couverture, on voit la fillette partir pour l’école, sans jamais nous avoir dévoilé son visage. C’est joli, c’est frais, c’est un travail d’éditeur très intéressant (c’est en fait un label de Flammarion qui ne publie que des livres Coréens). Je suis vraiment contente d’être tombée dessus (on ne remerciera jamais les libraires qui mettent de type de livre en valeur)
Une vie merveilleuse M. Pigois éditions Belize 14€
Isbn: 9782917289211
Un arbre en fleur, tronc noir et pétale roses, sur la page blanche. Une phrase, comme une voix off: « c’est ici que j’ai passé la plus grande partie de ma vie. » L’histoire est racontée par une feuille de l’arbre. Une feuille qui grandit, admire la vue du haut de son arbre et observe la vie autour d’elle. Au fil du temps elle change de couleur, finit par se décrocher de l’arbre et commence un voyage.
La petite feuille survole des paysages inconnus, rencontre de nouvelles feuilles.
Son voyage s’achève sur une dernière vision, particulièrement colorée.
Une vie. On naît, on grandit, on découvre, puis le chemin s’arrête. Une vie simple. Une vie merveilleuse.
C’est une façon particulièrement douce (mais pourtant parlante) d’aborder le sujet du deuil avec les jeunes enfants.
Les images très claires, pleines de vie et lumineuses ne sont jamais inquiétante.
La disparition de la protagoniste arrive de façon très naturelle, sans tristesse. Elle est simplement arrivée au bout de sa vie, sans amertume ni regret.
Le livre est très beau, les illustrations attirent les enfants, même si les plus jeunes ne vont pas toujours jusqu’au bout de l’histoire. Tous les adultes à qui je l’ai montré jusqu’ici ont également été séduit.
Dès mon premier billet sur ce blog, on m’a posé la question: Quels livres, pour quel âge?
Au départ, j’avais la ferme intention de ne pas y répondre.
D’abord parce que l’âge de l’enfant et l’âge du lecteur, ce sont deux choses parfois très différentes. Je vois régulièrement dans mon travail des enfants très lecteurs, qui, dès la section des moyens de crèche, peuvent écouter des histoires longues, comme « Max et les Maximonstres ». Et d’autres, moins habitués aux histoires, qui auront du mal à aller jusqu’au bout alors qu’ils sont en maternelle.
Je vois aussi des enfants, absolument pas sensibilisés, qui écoutent avec une grande attention un album long que l’on pourrait considérer pour les plus grands et je ne sais pas à quoi tient cette attention.
Je vois surtout des enfants, très nombreux, qui n’écoutent pas jusqu’au bout et je n’en conclue pas pour autant que le livre n’est pas adapté à l’âge.
Il y a plein de raisons de ne pas aller au terme de l’histoire, le mouflet peut avoir peur, être intéressé brutalement par autre chose, s’ennuyer, avoir besoin de gigoter (à ce sujet, vous pouvez consulter le petit guide sur Lire avec mon bébé, quelle drôle d’idée? que j’ai écrit pour l’association LIRE).
Mais s’il a choisit ce livre, s’il y revient éventuellement plus tard, peut-on dire qu’il n’est pas adapté à son page, au prétexte qu’il ne l’écoute pas de façon linéaire?
Il y a aussi les enfants lecteurs, sensibilisés, habitués aux histoires longues et complexes qui ont un grand plaisir à lire des livres tout simples, qu’ils écoutaient déjà plusieurs années auparavant.
C’est vraiment une idée d’adulte qu’un album puisse faire « trop bébé » pour un mouflet de quelques années.
Mais c’est une idée tellement souvent répétée que les enfants eux-mêmes finissent par l’intégrer et on les voit parfois se détourner d’un livre avec lequel pourtant ils pourraient avoir du plaisir parce que « ils ont passé l’âge ». Comme s’il était dévalorisant de s’intéresser aux livres pour les plus jeunes.
J’ai donc d’abord évité soigneusement de donner des indications d’âge sur mes articles de blog.
Mais rapidement la demande a été très forte pour que je mette au moins une fourchette.
En lisant l’article, il est parfois difficile de se représenter l’album et, tout de même, un livre destiné à des enfants de 5 ou 6 ans, ce n’est pas comme un album premier âge.
Les adultes, qu’ils soient parents ou professionnels, avaient besoin de repère.
Et je les comprends, moi-même, quand je vais sur des sites où il est question de roman, j’aime qu’on m’indique s’il s’agit plutôt d’un livre pour des enfants de primaire ou pour des adolescents.
Je me suis donc efforcée de répondre à cette légitime demande.
En m’appuyant sur mon expérience et sur ma connaissance des enfants.
Pour chaque album, je m’interroge. Alors voyons, l’autre jour à la PMI je l’ai lu à un petit de 14 mois, il était en joie… A la crèche, je me souviens bien, il était toujours demandé dans la section des grands, entre 3 et 4 ans donc… Humm, il faut que je mette un truc, il faut que je mette un truc, je vais mettre dès 1 an tiens. Ah mais oui mais non parce que si je fais ça les parents d’enfant de 3 ans penseront qu’il fait « trop bébé » pour leur enfant, c’est dommage quand même. Bon, je vais mettre les deux alors, « dès un an » et « dès 3 ans ». Et puis aussi « dès deux ans » au milieu pour faire bonne mesure…
Ne vous étonnez donc pas si vous voyez des fourchettes assez larges sur certains albums, à vous de voir en fonction des habitudes de lecture des enfants à qui vous destinez le livre.
On ma fait remarquer que je pêche parfois par optimisme. Je tague par exemple « dès 2 ans » un livre qui donnera souvent du fil à retordre à un enfant de cet âge. C’est peut-être du au fait que je vois dans certaines crèches des enfants à qui on lit quotidiennement et qui ne sont pas toujours représentatifs. C’est aussi parce que dans une pratique de lecture souple, où on tolère que l’enfant s’éloigne, tourne plusieurs pages d’un coup, joue en même temps ou prenne son doudou pendant la lecture, la palette de livres qu’ils apprécient est beaucoup plus large. C’est sûr que dans une lecture collective et plus coercitive, le choix de l’album est un problème bien plus prégnant pour maintenir l’attention du groupe.
Dans un cadre familial, il n’est pas question de lecture collectives. L’idéal sans doute est alors de laisser tout simplement l’enfant lui même choisir ses livres. Ce qui n’est pas toujours possible quand on veut faire un cadeau ou une surprise par exemple. Dans ce cas, je pars du principe que l’enfant à qui vous destinez le livre va grandir, et que s’il ne s’y intéresse pas tout de suite, il sera sans doute content de le redécouvrir plus tard.
J’avoue, j’ai tendance à penser qu’on devrait toujours avoir quelques livres d’avance, sous le coude, sait-on jamais!
Quoi qu’il en soit, les notions d’âge que je met ici ne sont qu’indicatives et je ne saurais trop vous inviter à vous en détacher. Surtout si c’est à la demande d’un enfant, bien sûr.
Retrouvez d’autres articles et réflexions sur la lecture à voix haute ici.
Les petits oiseaux Susumi Shingu Gallimard giboulées.
Une branche d’arbre, un lézard, autour du trou de l’arbre, un petit oiseau s’affaire, bientôt rejoint pas un comparse.
Grâce aux pages en papier calque, qui laissent apparaitre les illustrations en superposition, on devine le mouvement des ailes des deux mésanges, on entends presque leur bruissement.
Ensemble ils installent leur nid. Puis le temps passe. Jour, nuit, les feuilles de l’arbre poussent.
Des œufs, puis les petits oiseaux affamés piaillent maintenant dans le nid. Le couple de mésanges s’affaire pour les nourrir.
Un album qui se passe très bien de texte et qui raconte, avec délicatesse et douceur, comme une documentaire en image, le premier envol d’une nichée de mésanges. Très joli, très doux, on y reconnaît bien l’œuvre d’un artiste (Susumi Shingu est aussi sculpteur et peintre)