Jabari est un enfant plein d’idées et Alors quand il décide de fabriquer un engin volant, il y met les moyens. Énergie, créativité et ténacité sont au rendez-vous. Et surtout, il veut le faire tout seul.
Vis, plan et outils envahissent la table du jardin. Pendant ce temps papa vaque à ses occupations. Nina, la petite sœur de Jabari, aimerait bien participer, elle ne cesse de solliciter l’attention de son frère « moi, moi! » Dit elle.
Il finit par l’associer à la Jabari, mais là c’est la colère qui s’installe, fichu engin qui ne veut pas voler!
Rassurez-vous,
Il y a vraiment beaucoup de choses intéressantes dans cet album, dont la trame narrative est par ailleurs assez simple.
Le texte n’est pas bavard et il sonne juste, à hauteur d’enfant. Les changements d’humeur des protagonistes sont amenés avec naturel, on n’a pas le sentiment d’être face à un livre « pour parler des émotions », mais il permet bien évidemment de les comprendre.
J’aime aussi la façon dont il montre la fratrie, avec un brin de
Le père accompagne Jabari s’inspire de grands chercheurs ou ingénieurs tels que Lewis Howard Latimer, Roy Alleta ou encore Flossie Wong-Staal, qui sont cités dans l’et je trouve important qu’un album contribue à leur donner la célébrité qu’ils méritent.
Vas-y Jabari fait suite à Jabari plonge, sorti en France en 2021.
L’heure de la sieste, Sibylle Delacroix, Mijade, 13€ 2022
Une fillette, sandales aux pieds, sourire aux lèvres arrive chez sa grand-mère pour y passer des vacances. On devine le sud au soleil sur la façade et à la lavande qui y pousse. La grand-mère peint, même si on ne voit pas ses toiles, et la petite aussi, avec un trait enfantin comme il se doit. Le chat de la maison se prénomme Chagall. Ici, tous les jours, il y a le rituel de la sieste. Un trait de lumière passe par le volet entrouvert, sur le lit, la petite fille et son doudou se reposent sur la couverture en patchwork. Mais tous les jours, les volets verts l’attirent, elle les ouvre un peu et découvre un nouveau paysage à chaque fois. Juste le pour l’heure de la sieste, comme une parenthèse dans la réalité, la narratrice se retrouve dans un paysage inspiré de l’univers d’un peintre célèbre. Face à la jungle du douanier Rousseau ou de la vague d’Hokusai, la fillette s’émerveille avant de refermer le volet, hop, la sieste est finie. L’histoire ne dit pas si elle a véritablement dormi, après- tout, peut-être rêve-t-elle les yeux ouverts. D’ailleurs ses vêtements et certains jouets qui traînent autour du lit sont en lien avec ce qu’elle découvre derrière les volets.
C’est une très jolie façon de familiariser les enfants avec l’iconographie des peintures avec simplicité et naturel. Ils peuvent s’arrêter sur les arabesques d’une nuit étoilée ou les détails inspirés de Brueghel, et qu’ils aient ou non conscience de la référence importe peu. Les postures enfantines de la fillette sont très justement croquées et elles se marient parfaitement aux paysages derrière les volets, Sibylle Delacroix fait un travail tout en finesse auquel je suis très sensible. Et puis, c’est une belle célébration de la sieste, ça donne presque envie de s’y adonner sur le champ!
Il suffit de regarder des enfants jouer avec des petits cailloux pour mesurer le potentiel ludique de ces petits bidules. La sculptrice et photographe Isabelle Simon l’a bien compris et forme ses personnages avec des galets, créant une galerie de portraits.
La personnalité de chacun s’exprime dans la phrase qu’il prononce, l’un semble avoir une âme de leader, un autre semble plus inquiet, il y a aussi le protecteur. Mais tous sont partants pour l’aventure et les voilà partis. Mais voilà que la rivière déborde, ils sont emportés et en sont tout chamboulés. Réduits à un amas de pierres dans l’eau limpide, ils ne se laissent pas abattre.
La reconstruction qui fait suite à l’accident est prompte et facile, mais, c’est bien connu, les aventures, ça vous change un homme! Dans le tumulte, les jambes de l’un se retrouvent sur le torse de l’autre, boutons, têtes, nez mains pieds, tout est mélangé.
Et même les personnalités semblent être modifiées. Ce qui amène à cette question à laquelle je n’ai pas la réponse: si le bonhomme n’a plus le même corps ni la même personnalité, est-ce encore le même bonhomme? Quoi qu’il en soit la petite troupe est prête à poursuivre son chemin, où d’autres péripéties l’attendent. Ainsi va la vie, on avance parfois on trébuche, on surmonte des obstacles et on repart. C’est comme ça qu’en route, on évolue.
Les illustrations sont très sympa et donnent facilement envie aux enfants de les reproduire (le petit épilogue qui leur explique comment s’y prendre ne me semble pas nécessaire d’ailleurs). Le texte entièrement dialogué est court et rythmé. L’idée de marcher tranquillement sur le fil de la vie et de surmonter les difficultés est montrée avec simplicité et évidence, ça fonctionne bien.
Comme expliqué ici, je ne peux pas consacrer une chronique à tous les albums jeunesse qui retiennent mon attention. Je fais donc régulièrement un article pour attirer le vôtre (d’attention) sur des livres qui la méritent (toujours votre attention, faut suivre un peu quand-même). Voilà donc une petite sélection d’albums jeunesse qui méritent d’être connus et sont sortis en 2022.
Un tout petit grain de sable, Galia Tapiero, Marion Brand, Kilowatt
Un petit format pour raconter, comme une histoire, le trajet d’un morceau de montagne qui se détache un jour d’orage, se cogne, rebondit, atterrit dans l’eau, devient de plus en plus petit et finit sur une plage. Presque un premier documentaire, avec de jolies illustrations dans lesquelles humains ou animaux croisent le trajet du minéral. Cet album fait suite à Une toute petite goutte de pluie.
Qui a peur de la peur?Milada Rezkova,Jakub Kaše,Lukáš Urbánek, éditions Helvetiq
Au premier regard on peut être impressionné par le format de ce grand documentaire, mais il est aéré et plein d’humour et finalement se lit très facilement. Le sentiment de peur y est abordé sous ses différents aspects. La peur est définie, on s’intéresse à l’effet qu’elle produit dans le corps, dans la tête, dans les relations aux autres. Elle est personnifiée et c’est elle la narratrice, aussi le livre contribue à l’apprivoiser pour ne plus la subir. Un livre qui pourra passionner adultes et enfants, à partir de 8-9 ans.
Mais qui conduit ce train? Ellen Karlson, Monika Forsberg, l’étagère du bas
Il y a un monde fou dans le train, chat, poulpes, crocodiles… Et plus d’animaux encore voudraient y monter. Mais il va beaucoup trop vite, bousculant ses passagers et oubliant de s’arrêter! Mais qui donc peut conduire ainsi?
Un album au rythme effréné et à la chute sympathique, qui ravira les bambins débordants d’énergie et passionnés d’engins ou d’animaux (autant dire qu’il va plaire au plus grand nombre, dès 2 ans)
Josette au bout de l’eau, Alex Cousseau, Csil, A pas de loups
Poussée par sa curiosité, la petite Josette s’embarque sur un bateau pour découvrir ce qu’il y a au loin, plus loin que tout ce qu’elle peut percevoir. Au fil de sa promenade, elle émet des hypothèses sur le bout de l’eau, fait quelques rencontres, visite les profondeurs de la rivière, va jusqu’à la banquise et quand elle revient, de nouvelles questions se bousculent dans sa tête. Les illustrations colorées et pleines de peps tout comme le texte en rimes portent parfaitement cette histoire où l’émerveillement invite à découvrir le vaste monde.
Mon petit papa, Davide Cali, Jean Jullien, Sarbacane.
Normalement, un papa, c’est plus grand que son fils. Au début en tout cas. Puis il arrive que l’enfant atteigne la taille de son père. Et même qu’il le dépasse. Mais que le papa rétrécisse, c’est étonnant. Celui là ne cesse de perdre des centimètres, et dans le même temps, son caractère change, il devient de plus en plus enfantin. Et même s’il perd la mémoire il reste toujours souriant.
Métaphore de la vieillesse ou simple histoire loufoque, cet album peut être reçue de plusieurs façons selon le lecteur, mais c’est toujours l’humour de la situation qui prime. Et si finalement la relation de soin entre le fils et son père s’inverse, ce qu’il reste constant c’est l’affection qui les unit.
Méli-Mélo au pôle Nord, Martine Perrin, les grandes personnes
Nous retrouvons avec plaisir les découpes chères à cette autrice dans un nouvel album tout carton pour les petits. Comme toujours ça fonctionne parfaitement autant dans la métamorphose des images lorsque l’on tourne la page que tu texte, très agréable en bouche. C’est également l’occasion de découvrir des animaux peu connus (sterne voyageuse, morue polaire)
Ici à travers le regard des animaux la question de l’écologie, de l’impact de l’homme sur le milieu naturel et du changement climatique est abordée mine de rien, et l’album se termine sur l’image d’un morse qui regarde fondre la banquise.
Tous à la rescousse, Tomoko Ohmura, l’école des loisirs
Nous retrouvons ici un défilé d’animaux dont l’autrice est coutumière et il faut bien le dire, ça fonctionne à tous les coups!
Ici ce sont des créatures marines qui sont sollicitées pour régler un mystérieux problème. C’est la crevette qui joue les chefs de rang, mais quelle sera leur mission ? Nous le sauront en ouvrant la page à rabat en fin d’album. Beaucoup de poissons peu connus peuplent cet album, ils ont tous des bouilles rondes adorables et s’associent pour rendre un coup de main. Cette série est toujours très appréciée des enfants et l’autrice trouve toujours une surprise pour ne pas lasser le lecteur.
Maman, maman, Claude K. Dubois, pastel
Ils sont tellement adorables, ces petits poussins. Et, disons-le, ils sont tellement pénibles! Toujours à chercher un truc! Maman, maman, il est où mon skate?
Maman a toujours la réponse mais elle aimerait quand-même bien finir son livre tranquillement! Et c’est toujours quand elle en est à un moment crucial de l’intrigue que ses petits l’interpellent de nouveau. Au point que c’est elle qui finit par se cacher, pour pouvoir bouquiner tranquille. Heureusement que les poussins ne sont pas doués pour trouver des trucs! J’adore toujours le trait tendre de cette autrice, et l’histoire est tout à fait parfaite!
Pétille colère, Amélie Carpentier, l’étagère du bas
La petite Pétille est furax. Une colère dévastatrice qui l’emporte irrémédiablement. Tout autour d’elle vole en éclat, et elle même n’y échappe pas. Mais dans ce tourbillon, elle va faire plusieurs rencontres. Chaque animal montre sa propre façon de vivre la colère et petit à petit, la sérénité revient… Jusqu’à la prochaine fois. J’avoue avoir toujours un petit soupir quand je vois de nouveaux livres sur les émotions en général et la colère en particulier, tant ces sujets sont à la mode actuellement, mais ici j’aime assez le traitement graphique. Et puis il est peut-être temps de trouver des alternatives à Grosse colère, qui semble s’être imposé dans les crèches et les écoles.
Eh Colette, Catherine Louis, HongFei
Nous retrouvons ici les très jolies linogravures de Catherine Louis qui m’avaient déjà charmées dans les deux premiers albums mettant la petite Colette à l’honneur. Comme d’habitude, elle n’apparaît qu’en fin d’album, créant la surprise pour le jeune enfant, le chat tient d’abord le premier rôle. J’aime toujours la très grande simplicité des illustrations avec une utilisation très parcimonieuse de la couleur. Au fil des livres l’univers de Colette se tisse, deux autres album sont prévus.
Orage, Anaïs Brunet, Didier jeunesse Après le très beau Neige qui m’avait déjà tapé dans l’œil, l’autrice revient avec un nouvel album cartonné pour les plus jeunes. Encore une fois, elle utilise du vernis sélectif pour mettre en valeur certains détails, qui vient se superposer aux magnifiques images, elle joue avec le flou et le contraste. Le texte comme un poème accompagne remarquablement les images, on entend gronder l’orage, on sentirait presque l’eau sous nos doigts. Une très belle réussite, que l’on peut lire dès le plus jeune âge et qui plaira aussi aux plus grands. Il séduit presque à tout les coups les adultes comme les enfants.
Le bon lit douillet, Florence Desnouveaux, Marion Piffaretti, Didier jeunesse, à petits petons, 2022, 13€10 La mer au loin, des animaux souriants plein le jardin, une grand-mère accueillante, dès la première page cette histoire fleure bon les vacances à la campagne, on imagine déjà les cache-caches sous le saule pleureur et les bouquets de fleurs d’hortensias.
Peut-être que maman est repartie travailler, en tout cas c’est Grand-mère qui couche petite fille dans le bon lit douillet. Elle éteint la lampe de chevet (clic) et tire la porte (iiii). Mais Bououououhhh, Petite Fille pleure, elle à peur. Grand-mère, pleine de douceur, rallume la lumière (clic), va chercher la chatte, et la dépose sur le lit de Petite Fille pour lui tenir compagnie, avant de refermer la porte (iiii)
Mais Miaououou, la chatte miaule, bouououhh, Petite Fille pleure, elles ont peur. Sont alors appelés à la rescousse le chien, la chèvre et même le poney, avec tout ce monde dans le lit, plus de raison d’avoir peur. Mais cette fois, c’est un grand crac qui se fait entendre, le lit, tout douillet qu’il est, n’est pas fait pour recevoir tant de monde. Heureusement, Grand-mère à plus d’un tour dans son sac et dans sa boite a outils!
Avec une belle palette de tons bleutés pour la nuit et des tonalités plus chaudes pour les personnages, l’image instaure une ambiance paisible et douce, et j’avoue que je craque pour les cheveux roses de la grand-mère, qui lui accentuent la douceur de son visage.
Les bambins adorent cette histoire en randonnée rythmée par de nombreuses onomatopées, qu’ils reproduisent dans une joyeuse cacophonie. Comme il est d’usage dans la collection à petits petons, le texte est pensé pour être lu à voix haute et chatouiller agréablement les oreilles des petits, qui peuvent donc apprécier cette histoire avant même de la comprendre. La thématique de la peur y est survolée avec beaucoup de douceur, l’humour et le rire prennent le dessus.
Au début, Ramona Badescu, Julia Spiers, les grandes personnes, 2022, 22€ Et si, ensemble, nous remontions le temps?
C’est ce que nous propose ce récit, qui se déroule sur plus de soixante ans et qui montre la vie d’une famille, autour d’un néflier qui sert de fil conducteur au texte. Dans les premières pages, nous sommes en juillet 2020, le néflier est majestueux, et autour de lui se réunit une grande famille. Que s’est-il passé avant cet été?
De pages en pages nous remontons le temps pour découvrir comment les évènements se sont enchaînés pour nous conduire dans ce jardin là, avec cette famille là. Le texte n’évoque quasiment que la nature, les oiseaux qui font leur nid dans les branches, les fruits qui poussent. Ce sont les images qui portent le récit. D’ailleurs, de nombreuses pages se passent totalement du texte.
Dans le coin en haut à droite, un encadré donne une simple date. A la première lecture, on peut légitiment se sentir déconcerté. Difficile de suivre le fil, il y a de nombreux personnages et on ne sait pas encore quelques il convient de s’attacher, qui sera là jusqu’au début de l’histoire? Quand on a terminé la lecture, on est incités à recommencer dans l’autre sens, et tout s’éclaire. On a alors envie de recommencer la lecture, dans un sens puis dans l’autre, de se promener dans la ligne du temps, de sauter des pages même, ça y est, on a repéré les personnages, on s’est attachés à cette fillette devenue mère puis grand-mère, on a vu sa silhouette changer, ses cheveux blanchir, mais son regard conserve toujours la même douceur. On lui est reconnaissant d’avoir gardé la maison de son enfance, et de permettre aujourd’hui aux cousins de s’y retrouver, dans l’ombre du néflier. Il y a quelque chose de très agréable à se sentir accueillis dans cette famille.
Les très belles aquarelles de Julia Spiers, qui m’avaient déjà éblouies dans « Une sieste à l’ombre » racontent magnifiquement le temps qui passe. On se plaît à voir changer les coiffures, les vêtements, les jouets, d’une décennie à l’autre. Et il s’en dégage une très grande douceur et sérénité.
« Au début » est un album dans lequel on plonge avec délice.
Les images de Lou et Mouf, Jeanne Ashbé, Pastel, 6€80
Jeanne Ashbé est toujours très attentive aux bébés, elle les observe beaucoup et cherche à faire des livres qui les amusent tout en étant adaptés à leurs besoins en terme de développement.
Pour cette petite série d’albums sans texte, elle a souhaité favoriser le dialogue entre les tout-petits et les adultes qui les accompagnent.
Les thèmes choisis sont les moments ordinaires et merveilleux qui sont fondateurs pour les jeunes enfants: Le matin, le soir, le bain, le repas, le voyage, le zoo, le jardin et la mer. Chaque double page met en vis-à-vis un objet ou un animal en gros plan et une scène d’ensemble. L’attention des enfants peut circuler de l’un à l’autre, faire des liens.
Les enfants les plus habitués reconnaîtront Lou et Mouf, personnages récurrents dans l’œuvre de l’autrice: un petit enfant et son doudou, dont la vie quotidienne est montrée avec justesse au fil des albums. (On note que Lou est un prénom mixte, ce qui permet à chacun d’y voir un garçonnet ou une fillette).
Avec son petit format et ses pages cartonnées, la série Les images de flaps ou de volet à soulever ici). Les images sont très lisibles, et il y a un joli travail sur les motifs qui leur donne de la profondeur. L’absence de texte est destinée à laisser la parole aux quel que soit sa langue.
Dans mon travail, ces livres sont de précieux alliés, ils sont accessibles et donnent lieu à de riches échanges. Je suppose que c’est aussi dans l’optique de les rendre accessibles au plus grand nombre que le coût est si bas, c’est rare de trouver de chouettes livres à moins de 7 euros.
Je les trouve vraiment jolis, agréables à regarder et ils répondent parfaitement à l’objectif fixé, ils sont supports d’échanges et de connivence entre adultes et enfants et parfois en collectivité pour les enfants entre eux également. Si vous êtes (comme beaucoup d’adultes) mal à l’aise avec les albums sans texte, vous pouvez trouver des pistes d’utilisations dans cet article, et au pire faites confiance aux enfants, ils sauront vous guider!
La petite sœur est un diplodocus, Aurore Petit, Les fourmis rouges, 2022, 15€50
Ce nouvel album d’Aurore Petit est le dernier opus de ce qui semble être une saga familiale et intimiste.
Après Une maman c’est comme une maison, centré sur la relation mère fils puis Bébé ventre, dont le narrateur était l’enfant à naître, nous avons ici le point de vue de l’aîné quand le nouveau bébé arrive dans la famille.
Et nous retrouvons les éléments qui ont fait le succès des deux premiers albums: une histoire intime, racontée avec délicatesse et une économie de mots, des illustrations agréables et très toniques, avec beaucoup de tons fluos.
Le grand frère est le narrateur, pourtant le texte ne détaille pas ses pensées, il est au contraire assez factuel et parfois même l’histoire se passe totalement de texte pendant plusieurs pages. Je trouve cela tout à fait approprié, les jeunes enfants n’étant généralement pas capable de verbaliser les émotions qu’ils ressentent. Ici on peut comprendre ce que le petit garçon éprouve à travers des images très parlantes, c’est suffisant (je ne suis pas fan de cette habitude de vouloir absolument mettre des mots sur tout, tout le temps). Quand il a exprimé son désaccord, il n’est pas non plus noyé de mots par les parents, il est juste câliné, ce qui ma foi semble assez efficace.
Et il s’il peut affirmer que la petite sœur est un diplodocus, c’est que manifestement elle prend beaucoup de place, pour une si petite personne!
Dépêche toi Alphonse Aubert, Gunilla Bergström, l’étagère du bas, 2022, 12€ Oh joie, oh bonheur, un nouvel opus de cette réjouissante série est sorti cette année!
Nous y retrouvons le petit garçon à tête ronde et son flegmatique papa, qui, cette fois, risque bien de perdre patience!
Parce que voilà, c’est le matin, il faut se préparer pour l’école, mais le petit garnement d’en fait qu’à sa tête et a toujours une activité plus urgente. Alors que son père insiste avec ses « Dépêche toi, Alphonse! », lui enfile un pull à sa poupée, répare une petite voiture cassée, lit un livre sur les reptiles. Que d’occupations absolument nécessaires avant de partir pour la maternelle, vous en conviendrez!
Dans la cuisine, le ton commence à monter, papa n’en peut plus d’attendre son fils et il se crispe à chaque fois qu’il entend une réponse qui commence par « Il faut juste que je… »
Évidemment, le temps passe, l’horloge représentée sur les pages de texte est implacable, alors que l’histoire a commencée à 6 heures il est presque une heure de plus quand Alphonse entame son petit déjeuner. Mais il a une surprise pour papa, et bientôt la situation va s’inverser.
Quelle fripouille cet Alphonse!
Le trait tremblant, les images décalées, l’humour et surtout la situation, tellement proche de la réalité, me plaisent toujours beaucoup dans les albums de cette série.
Celui-ci peut être un prétexte pour parler de l’école, de la routine matinale ou même pour apprendre à lire l’heure (on retrouve l’horloge et ses aiguilles presque à chaque page), si vous voulez vraiment rentabiliser chaque lecture.
Mais je vous invite plutôt à le lire juste pour passer un bon moment, ce qui est tout de même la fonction première de la littérature
L’arche que Noé a bâtie, Henri Galeron, les grandes personnes, 2022, 18€
L’album débute quand l’arche est déjà prête. On s’attend à y voir monter les couples d’animaux, mais ce n’est pas le propos du livre. Devant le bateau, un sac de riz. Le museau dans ce sac, un rat. Le rat qui a grignoté le riz qu’il faut embarquer sur l’Arche que Noé a bâtie.
Voici la chouette, qui a chahuté le rat, qui a grignoté le riz qu’il faut embarquer sur l’Arche… Vous la voyez venir la randonnée à accumulation?
En effet vont se succéder divers animaux, chacun interagissant avec le précédent. Le texte grandit donc au fil des pages. Et les pages elles même grandissent, pour accueillir le texte mais aussi les différents animaux. Après la chouette voici le chat, le pélican, le sanglier… Chacun est plus imposant que le précédent et rapidement une joyeuse confusion règne entre les animaux.
Alors que le texte garde sa forme très structurée, avec la reprise systématique des mots des pages précédentes, l’image devient rapidement loufoque, contrastant vivement avec le calme de la première page.
Alors que la petite ménagerie est en effervescence, voilà Noé lui même qui débarque dans son bleu de travail (ben oui, c’est un bâtisseur n’oublions pas). Va-t-il mettre bon ordre là dedans afin de pouvoir embarquer sereinement? Manifestement, ce n’est pas son intention! Qu’importe tant qu’il y a de la joie!
Je suis toujours une fan du travail d’Henri Galeron, ses illustrations sont pleines d’humour, on y sent très souvent une influence surréaliste.
La forme (des pages cartonnées épaisses qui grandissent au fil de la lecture) est en parfaite adéquation et rend l’objet agréable à toucher (et très solide). Les animaux ont des postures cocasses et l’œil expressif.
D’ailleurs le singe que l’on voit sur la couverture, avec sa posture qui évoque le penseur de Rodin et son sourire malicieux est tout à fait emblématique de la suite.