La grosse grattouille, Victoria Cassanell, Didier jeunesse, 2020, 13€90
Quand Ours se réveille, après l’hibernation, ça le gratte très fort. Dans le dos. Une démangeaison terrible juste à l’endroit qu’il ne peut pas atteindre tout seul. Le voilà tout dépité, presque accablé (je ne sais pas pourquoi au juste mais j’aime bien les images d’ours accablés. L’accablement sied bien aux ours).
Bref, il se met en quête de l’arbre parfait pour régler son problème de grosse grattouille.
Mais il n’est pas le seul à être affligé de ce mal et il y a foule devant l’arbre.
Et quand c’est enfin son tour, voilà qu’un castor débarqué d’on ne sait où abat l’arbre! Sans sommation. Plus moyen de se frotter le dos!
Devant la mine catastrophé de l’ours, le castor lui propose son aide pour trouver un nouveau grattoir.
Ils ne trouveront pas mais ils feront connaissance, et le délicat problème de démangeaison sera tout de même réglé.
Il y a beaucoup de tendresse dans les expressions des protagonistes.
Les images au pastel gras, rehaussées parfois d’aquarelle, rendent bien le pelage de l’ours et la fraîcheur de la nature au printemps.
Ce sont elles surtout, qui font le charme de l’album. Elles sont une bouffée d’oxygène et une immersion en pleine nature très plaisante.
Notre boucle d’or, Adrien Albert, école des loisirs, 2020, 12€50
Dans la maisonnette rose habitent deux gros ours: Papa et maman ours. Il y a aussi leur tout petit ourson.
Aujourd’hui, ils plantent des bulbes dans le jardin.
En leur absence, un petit garçon s’approche de la maison et, sans sonner, ouvre la porte et entre. Quel malpoli!
Sur la table sont posés deux grands bols de chocolat chaud et un plus petit. Sans gêne, l’enfant monte sur une chaise haute et tente d’attraper un bol. Mais le maladroit bascule et se retrouve au sol dans une flaque de chocolat. Il se relève et déambule dans la maison, semant des traces de chocolat partout.
A leur retour, les ours découvrant les dégâts ne sont pas très contents…
Boucle d’or est un conte très souvent adapté en littérature enfantine, sans doute parce qu’il s’adresse aux tout petits et qu’il permet de nombreuses interprétations.
Les auteurs et illustrateurs s’en donnent à cœur joie avec cette trame et laissent libre court à leur créativité. On peut ainsi voir des versions très graphiques, comme chez Olivier Douzou, ou une boucle d’or aux cheveux noirs.
Mais c’est la première fois que je vois une version où le protagoniste est un garçon. Et pourquoi pas. Après tout, le petit chaperon rouge est bien une fillette!
Adrien Albert s’émancipe aussi de l’idée, trop souvent admise, selon laquelle le papa ours est forcément plus gros que la maman et que ses possessions sont à l’avenant. Ici ils sont mis sur un pied d’égalité: chaises et bols sont de la même taille et ils font manifestement lit commun.
Il en va de même pour les parents de boucle d’or, que l’on rencontre à la fin de l’album et qui travaillent de concert dans la bergerie, sans hiérarchie apparente entre eux.
Outre ce traitement égalitaire entre les genres auquel je suis (vous le savez sans doute) sensible, Notre boucle d’or propose une version très plaisante du conte traditionnel.
Souvent, avec cet auteur, on part d’un univers très ancré dans le réel puis ça dérape vers le loufoque.
Ici c’est l’inverse, on a d’abord les animaux qui parlent et on finit dans une histoire de voisinage tout à fait classique.
J’aime assez cette façon dont Adrien Albert brouille les pistes entre le réaliste et le fantastique.
Et puis il y a toujours les bouilles très expressives de ses personnages (mention spéciale à la bouille des ours quand ils sont successivement en colère puis effrayés) et les aplats de couleurs vives qui attirent l’œil (cette forêt rose, quelle merveille!).
Si vous voulez en savoir plus sur son travail, vous pouvez l’écouter au micro de Marie Richeux dans l’émission de radio Par les temps qui courent.
Poèmes à murmurer à l’oreille des bébés (de 9 secondes à 9 mois et au-delà…) Marcella, Marie Poirier, éditions les venterniers, 2020, 20€
Ce petit recueil adressé aux nourrissons est un petit bijou de littérature enfantine, joliment présenté dans un écrin de papier kraft.
Fabrication à la main, reliure cousue et élégante jaquette, l’objet est déjà agréable et attractif.
Les poèmes de Marcella sont un hymne à la relation parent enfant, ils évoquent les corps, le souffle et sont le reflet du lien.
Ils sont une adresse directe à l’enfant. Reconnaître le nourrisson comme un interlocuteur, lui dire « je » et lui dire « tu », c’est le faire entrer dans le monde des humains. L’accueillir comme un sujet, singulier et capable de penser.
Et le faire sous forme de poèmes, c’est aussi s’adresser à l’être sensible, celui qui ressent avant même d’analyser.
Il y a une intimité très touchante dans chacune des pages de cet album.
Les images de Marie Poirier sont des touches de couleurs délicatement posées sur une page où le blanc domine; Là encore, le souffle est très présent, on sent de la fraîcheur et beaucoup d’espace dans ces quelques centimètres carrés.
Il y a une grande stabilité dans ces illustrations, elles sont comme un socle sur lequel se poser, paisibles, rassurantes.
On imagine aisément des petits moments de lecture, dans un temps suspendu. La nuit peut-être. Ces moments où on tient un tout petit, niché au creux des bras, qu’on se laisse happer par l’intensité de ce regard, propre aux nouveaux nés. Alors on cherche des mots d’amour à chuchoter. Les Poèmes à murmurer à l’oreille des bébés s’invitent dans ce moment banal et merveilleux.
Puis le bébé grandira et le livre restera. Il pourra être un joli témoignage de cette période de douce fusion, dont on est parfois nostalgique.
Un bel album qui rejoint ceux que je propose en cadeau de naissance. Vous pouvez bien sûr le commander à votre libraire préféré mais aussi directement sur le site de l’éditeur.
Ces poèmes ont été un coup de cœur aussi pour Pépita.
Nom d’un chien, François David, Henri Galeron, Motus C’est tout de même dommage que l’humour et la poésie ne soient pas plus souvent associés parce que franchement, ce sont deux genres qui se marient parfaitement bien. En tout cas dans ce petit livre ça fonctionne à merveille entre les deux.
Au fil des trente petits textes nous faisons connaissance avec toutes sortes de chien dans toutes sortes de situations. Ils sont presque toujours en relation avec des humains et à travers ces mini histoires on constate que les cabots peuvent être très humains et que les hommes sont parfois de vrais chiens.
Ces petits poèmes donnent une vision en kaléidoscope de la gente canine: ils sont aimants, obéissants, drôles ou placides. Toujours touchants. Le texte, avec malice, joue autour des noms de différentes races mais aussi des expressions qui mettent les chiens à l’honneur.
Les images, faussement désuètes, montrent des chiens terriblement attachants et très expressifs. En utilisant beaucoup de noir et blanc et quelques nuances entre l’ocre et le marron, proche du sépia des photos d’enfance, Henri Galeon place ses images hors du temps, elles semblent faire appel à notre sens de la nostalgie.
On se surprend à caresser la page, certain de sentir la douceur du poil, tant ils semblent réalistes. Nos doigts rencontreront alors le grain épais du papier, agréable et de belle qualité.
Nom d’un chien est tout à fait le genre de recueil que nous, adultes, avons plaisir à lire à voix haute à nos enfants déjà grands. Les plus petits ne seront peut-être pas toujours sensibles à l’humour mais ils ne restent pas indifférents au regard doux de tout ces chiens.
Avec Laura, la super bibliothécaire du blog La licorne et ses bouquins, on a bien aimé faire un billet croisé sur les indispensables de la maternelle.
Du coup on récidive, avec une demande récurrente pour elle comme pour moi : Quels livres pour un cadeau de naissance? Voilà ma liste, vous trouverez la sienne sur son site.
D’abord il y a les livres plutôt pour les enfants, mais que les parents aimeront aussi
Doux dodo, Cécile Hudrisier, Didier Jeunesse, 2020, 9€50 Vous savez combien il est important d’entourer les bébés de jolies choses. Déjà parce que ça nous permet d’évoluer dans un environnement plus agréable, et ça, ce n’est pas rien. Mais aussi parce que l’éducation du regard des enfants se fait dès le plus jeune âge. Les bébés s’intéressent aux images qui les entourent et apprécient la variété. Alors autant qu’ils aient les même gouts que nous, ça facilitera la déco de l’appart! (Je ne prétends pas que ça durera jusqu’à l’adolescence, mais on peut toujours essayer) Dans cette optique, poser un joli livre paravent à hauteur du regard des bébés est une très bonne idée. Comme les différents jouets mis à disposition des petits, les livres contribuent à leur éveil. La première face de doux dodo est un paysage sur fond noir où se détachent de nombreux motifs jaunes et quelques éléments d’autres couleurs. Ce contraste est très adapté à la vue des bébés (dont on sait qu’ils perçoivent les couleurs, contrairement à une idée reçue mais il est vrai qu’ils sont particulièrement sensibles aux contrastes). C’est une vision douce, poétique et rassurante de la nuit. (Je ne prétends pas que ça va faire dormir les mouflets récalcitrants mais on peut toujours essayer) De l’autre côté, les images sur fond pastel montrent différents animaux au seuil de l’endormissement. On se laisserait bien aller au sommeil avec eux.
Avec son petit format et ses pages cartonnées, l’album de prête bien aux manipulations par les menottes des bébés.
Il sera découvert avec ravissement, mais bien sûr la présence de l’adulte reste nécessaire.
Sinon le livre risque de succomber aux explorations tactiles et gustatives des petits. Car, je le rappelle, les bébés lisent avec leurs mains, leur bouche et généralement en mouvement (voir à ce propos ce petit guide). Et puis très jeunes les enfants sont sensibles a l’attention que l’adulte leur accorde, un objet est toujours beaucoup plus intéressant quand on le regard a deux que seul. Doux dodo vous offre de bons moments de lecture partagées en perspectives.
L’attente, Stéphanie Demasse-Pottier, Eunjin Oh, éditions des éléphants,
Habituellement, Léa va pêcher avec Karl. Mais cette fois, il a dû partir seul pour faire la réserve de poisson pour l’hiver. Elle, pendant ce temps, bricole, cuisine, rentre le bois et tricote. Un tout petit pull pour le bébé qui arrondit déjà bien son ventre.
Karl lui manque et elle manque à Karl. Mais il sera de retour à temps, elle en est certaine.
Le temps s’étire, il passe en douceur. Léa attend, sereine.
Elle prépare le foyer, un nid douillet, accueillant, où le tout petit se sentira bien.
Les illustrations aux couleurs automnales sont douces, apaisantes. On ressent la confiance tranquille de Léa, ainsi que la force du lien qui l’unit à Karl et qui l’unira, sans aucun doute à leur bébé.
Il est peu montré cet avant, dans la littérature enfantine. Les parents sont généralement représentés dans la relation avec leur enfant. Ici, malgré la distance, l’amour qu’éprouvent Karl et Léa est central. Il est le terreau parfait pour accueillir un bébé.
Quand l’attente prendra fin, tout sera prêt. Il y aura du bois, de la nourriture en abondance. Et, sans doute, Karl sera de retour.
J’ai toujours pensé que les moments qui précèdent la naissance d’un bébé sont un chapitre important du roman familial. Les parents aiment le raconter et les enfants adorent l’entendre. Cet album le met en mots et en image avec énormément de douceur et de justesse.
Le projet barnabus, the Fan Brothers, Little urban, 2020, 15€90
Dans un laboratoire souterrain et secret sont fabriquées des créatures parfaites.
Mais Barnabus, lui, est un échec. Il ne correspond pas aux normes de beautés établies et se retrouve donc sous une cloche, sur une étagère, aux côtés d’autres créatures imparfaites.
Le petit animal, mi éléphant mi souris, est pourtant tout à fait attachant et il emporte tout de suite l’adhésion des jeunes lecteurs.
Barnabus est condamné, comme les autres projets ratés, à attendre sous sa cloche le moment où il sera recyclé pour être plus conforme aux attentes des consommateurs. Au dessus du laboratoire, en effet, une boutique propose les créatures parfaitement parfaites à des hordes d’enfants peu soucieux des conditions de leur fabrication.
Mais notre petit héros ne peut se résoudre à attendre sans rien faire son futur recyclage. C’est que, malgré l’évidence, il ne se trouve pas raté. Il s’aime bien tel qu’il est. Il rêve d’évasion et il se prend à penser qu’il a le droit, lui aussi, de voir un jour l’extérieur. Plus que tout ce sont les étoiles qu’il aimerait contempler.
Il parvient à briser le verre qui l’entoure et à libérer également ses camarades d’infortune, auprès desquels il va vivre une formidable aventure émancipatrice.
L’illustration met l’accent sur le contraste entre le monde du dessus: la boutique pleine de couleurs et de lumière, temple de la consommation à outrance, et celui du dessous, sombre et inquiétant.
Au cours de leur épopée, les « projets ratés » vont faire preuve de solidarité et d’amitié, ils vont se montrer braves. En suivant leurs aventures, les jeunes lecteurs peuvent redéfinir les qualités réellement importantes.
Comme souvent avec ces auteurs, il y a plusieurs niveaux de lectures et chacun y trouve son compte, l’album est un plaisir à lire pour les adultes aussi.
Si le projet Barnabus est parfaitement aux moins de cinq ans, on y trouve tous les ingrédients pour faire un long métrage qui s’adresserait à un large public familial.
Si l’hiver arrive, dis lui que je ne suis pas là, Simona Ciraolo, pastel, 2020, 13€
Le petit garçon qui est le narrateur de l’histoire adore l’été. Ben oui, c’est trop chouette, nager, manger des glaces… Mais sa sœur le préviens, avec peu être un brin de de sadisme, ha ha, profites en bien parce-que c’est bientôt fini et après arrive l’automne puis l’hiver et ça, c’est horrible. Adieu maillot de bain, place à la pluie incessante, aux jours qui raccourcissent. Ça à l’air franchement affreux, au point que l’enfant se dit qsi l’hivers ue ce n’est même pas vrai.
Mais si: les parents confirment. Argh.
Et puis finalement, ça se produit et en réalité ce n’est pas si mal que ça. Quand sa sœur lui disait que l’hiver on ne décolle pas du canapé il se voyait solitaire, perdu et frigorifié. Mais quand ça arrive, il est blottit aux côté de ses parents, dans la chaleur d’un plaid, tout souriant. Sous la pluie on le voit gambader gaîment. Et la neige, quel plaisir ! Il faut en profiter, l’hiver non plus ne durera pas… Une jolie histoire sur l’alternance des saisons et le fait de grandir.
Il y a beaucoup de pages dans lesquelles l’image porte une partie du récit, elle donne de la nuance au propos ou une touche d’humour.
C’est aussi elle qui met en valeur la relation de la fratrie, faite à la fois de conflits et de complicité, le rôle des parents (peu mentionnés dans le texte) et qui montre que l’enfant a avantageusement troqué la glace pour un chocolat chaud.
Un album sympathique qui montre que chaque saison à ses avantages.
Nous retrouvons ici Berk, le doudou cradoc et attachant que l’on avait déjà rencontré dans plusieurs histoires.
Comme d’hab, il raconte, via son petit humain, sa mésaventure du moment.
C’est qu’il lui arrive toujours des choses TERRIBLES.
Ces aventures se déroulent toujours dans une pièce qui fait partie du quotidien des enfants (d’abord la chambre à coucher, puis la salle de bain, la salle de classe et dans ce nouvel album la cuisine).
Il y est accompagné d’autres personnages jouets aux personnalités variées et aussi sympathiques que lui. Il y a souvent un malentendu, de la surprise, beaucoup d’humour et de très belles images pleines pages.
On retrouve ici tous les ingrédients qui font le succès de la série.
Berk, comme on s’en doute en voyant la couverture, a perdu son œil. L’avantage d’être un doudou c’est qu’il peut assez bien s’en passer, mais il craint de faire peur aux enfants ce qui serait fâcheux.
Les autres, au contraire, trouvent que c’est marrant de faire peur, et ils s’amusent à se grimer, avec les ustensiles qu’ils ont sous la main, en différents personnages emblématiques d’Halloween.
L’histoire tient la route et on y retrouve tout le talent de Julien Béziat pour l’illustrer: les personnages sont expressifs et très drôles, les cadrages audacieux et variés.
Je regrette juste la fin que je trouve un peu abrupte. Une page de plus, en guise d’épilogue, aurait été bienvenue.