Professionnelle de la lecture d'album, j'ai eu envie de créer ce blog pour faire connaitre la richesse de la production jeunesse aux parents et aux professionnels de l'enfance. Vous y trouverez des chroniques d'albums (livres de fonds ou nouveautés) mais aussi quelques éléments de pratique de lecture à voix haute et mon actu de formatrice en littérature jeunesse.
Le noir quart d’heure, Carl Norac, Emmanuelle Eeckhout, pastel
Un paysage du nord. En fond, le crassier des mines et les manufactures. A l’avant plan, la silhouette noire des maisons ouvrières. Une tâche jaune éclaire l’une des fenêtres.
Ce soir, papa travaille encore, il rentrera de la mine dans la nuit. Mais maman est là, elle a le temps pour le noir quart d’heure. Vous ne connaissez pas ce rituel qui, près de Mons en Belgique, accompagne les enfants vers le sommeil? Moi non plus, je l’ai découvert avec cet album.
Le noir quart d’heure, c’est le moment où on souffle la bougie et où les histoires se chuchotent. Des histoires de charbon, de corbeaux, de chocolat noir. La fillette et sa mère vont les raconter tour à tour, inventant ou se remémorant des petites histoires qui forment leur culture familiale, leur rituel.
Des histoires noires mais pas sombres, pour un album étonnant, à la fois rugueux comme la pierre, et poétique comme peuvent l’être les mots de Carl Norac.
Les images d’Emmanuelle Eeckhout résonnent parfaitement avec le texte, elles sont minérales et chaleureuses à la fois, seules quelques touches de jaune, presque doré et de rouge/rose viennent égayer les nuances de gris. Voilà qui permet d’être dans la douceur sans jamais frôler la mièvrerie.
Au delà du moment du soir entre la mère et sa fille, on devine aussi la relation au père, ce père qui probablement fait les 3/8 au fond et qui ce soir remonte alors que son enfant est déjà presque endormie, juste à temps pour le bisou qui sent bon le savon noir.
Moi grand, toi petit Lilli l’Arronge, Didier jeunesse, 13€10
Il y a un grand hamster et un petit hamster. L’histoire ne dit pas quel est le sexe des personnages et c’est très bien comme ça (je le souligne parce que ce n’est pas si fréquent, l’excellent blog fille d’album s’est penché sur le sujet, je vous conseille d’aller y jeter un œil). D’ailleurs, si enfants comme adultes ont tendance naturellement à voir dans le grand une figure parentale, j’ai quand même rencontré un enfant qui m’a demandé si c’était le grand frère. Chacun peut se faire plaisir et attribuer les rôles comme il l’entend, l’autrice a eu la bonne idée de ne pas imposer une vision unique.
Un grand et un petit, donc, et un jeu d’opposition qui s’instaure dès le titre. Mais ce n’est pas un livre sur les contraires. C’est un livre qui exploite les jeux d’opposition pour aborder la relation entre les personnages. Ce qui saute aux yeux des jeunes lecteurs, c’est la complicité qui unit grand et petit, bien plus que ce qui, page après page, les oppose.
Les premières pages donnent la clef de lecture de l’album: le grand sur une page, le petit sur l’autre, la reliure qui les sépare et le texte qui met l’accent sur les contraires. Mais rapidement on entre dans une narration, la mise en relation du texte et de l’image raconte, saynète après saynète, la tendresse entre les deux personnages.
Avec un humour qui n’échappera pas aux parents, le quotidien des deux hamsters est exploré.
Le texte seul ne suffit pas, il faut aussi l’image pour comprendre. Une gymnastique mentale dans la quelle les enfants, même les plus jeunes, sont experts. Ils comprendront très bien pourquoi le grand est épuisé alors que le petit, dont le texte dit juste qu’il est réveillé, fait des cabrioles sur le lit. Ils ne tarderont pas non plus à mettre cette page en relation avec la précédente, où le grand porte le petit sur son dos pendant une randonnée.
Cet album délicieux charmera sans aucun doute les parents autant que les enfants, depuis que je travaille avec il a été très apprécié à la fois par les bambins et par les professionnelles qui travaillent avec eux.
Le plouf, Guillaume Olive, He Zhihong, éditions des éléphants 14€
isbn: 978-2-37273-009-9
La journée semble paisible dans la forêt. Petit lapin gambade tranquillement, le papillon au dessus de lui et les fleurs semblent indiquer qu’on est à la belle saison, une grande douceur se dégage des illustrations. Mais d’un seul coup, un « plouf! » retentit pas loin. Le petit lapin, terrifié par ce bruit détalle.
Dans sa course folle, il croise d’abord le renard, à qui il transmet immédiatement sa peur: « Sauve toi vite, voilà le plouf! »
Tour à tour, renard, singe, zèbre vont alors traverser la page, à toute vitesse, de gauche à droite, pour fuir le plouf.
Dans les rangs des animaux en fuite, la nouvelle se propage: « le plouf arrive, il faut se sauver ». La rumeur enfle, des animaux de plus en plus imposants, hippopotame, girafe et même lion, se laissent gagner par la panique.
Un animal va-t-il finir par se demander ce qu’est ce fameux plouf et pourquoi il convient d’en avoir si peur?
Je connaissais de He Zhihong les illustrations en peinture sur soie de Que fais tu bébé?, ici si je ne me trompe pas elle à peint sur du papier de riz, technique qui convient parfaitement au pelage des animaux, dont on peut deviner la douceur. Les enfants s’attardent généralement en particulier à leurs grands yeux sensibles. Le format à l’italienne, qui s’ouvre dans le sens de la hauteur, permet des manipulations inhabituelles aux enfants (et rend l’album difficile à photographier, je n’ai pas réussi un cliché dans le quel on voit les deux pages, désolée)
Je regrette tout de même une chose c’est cette page où, sans raison apparente, les animaux se mettent à courir de droite à gauche (avant qu’ils ne retournent vers leur point de départ pour chercher l’origine du bruit). Cette « anomalie » me déstabilise, je me demande quel effet elle produit sur les enfants. Mais, jusqu’à présent, aucun de ceux à qui j’ai lu cet album n’y ont réagit.
La maisonnette en bois de grand maman est nichée au cœur de la forêt. Pas l’hostile forêt du loup, non, la forêt en fleur du printemps, celle qui sent bon et où on peut entendre chanter le colibri.
D’ailleurs, il y fait si doux que grand maman sort le landau du bébé pour qu’il fasse un petit somme. Elle a ôté ses sabots et va préparer la compote de pommes pour le goûter.
Le bébé se met à pleurer mais la nature entière veille sur lui. Dans le dégradé de vert que forment les feuillages on repère ici une tâche rouge dans les branches, là une paire d’oreilles qui dépasse derrière une racine, une petite tête d’écureuil qui dépasse d’un trou dans l’arbre. De la minuscule souris au plus imposant renard, tous les animaux viennent s’inquiéter des pleurs du bébé. Mais ils ne veulent pas interrompre grand maman dans la confection de la compote, ils espèrent bien qu’il y en aura un peu pour eux. Tous ensemble, ils veillent le bébé, en attendant que grand-maman soit disponible.
Il y a dans ces images, un intéressant jeu sur l’intérieur et l’extérieur. Porte et fenêtres de la maisonnette sont toujours ouvertes, il y a presque autant de bois dans la cuisine que dans la foret. Mais la frontière est claire: on marche en chaussette dedans et en sabot dehors, les animaux ne passent pas le seuil, et si on regarde souvent de l’intérieur vers l’extérieur ou vice-versa, la limite est bien marquée par l’encadrement de la porte ou de la fenêtre.
Pour finir, tout le monde se régale de la délicieuse compote. Et quand la nuit tombe, les animaux rentrent dans la foret, alors que dans la maisonnette désormais close, brille une douce lumière.
Anne Brouillard à fait plusieurs albums sans textes. Ici, quelques mots viennent se poser délicatement sur les images. Pas trop, juste ce qu’il faut pour accompagner l’histoire.
On pense forcément à la lecture de cet album à l’indémodable, pousse poussette dans le quel un enfant perdu dans la forêt est ramené par des animaux. Là encore, une économie de texte (avec une structure entièrement dialoguée) sert l’histoire. Là encore, l’image raconte presque plus que les mots. Là encore, on a affaire à un petit bijou d’album, qui fait la joie des petits.
Mais quelle mouche l’a piqué? Coralie Saudo, Mélanie Grandgirard, Frimousse
Mais, il est frapadingue ce gorille?! Il fait irruption dans le calme de la nuit et chahute les paisibles habitants de la savane. Sourire ravi collé sur la figure, il saute sur le dos des hippopotames endormis, bouscule les girafes, embrasse les léopards et hop, repart comme il était venu.
Généralement, à ce stade du récit, les enfants sont presque aussi joyeusement excités que le gorille. Si vous lisez dans l’espoir d’un retour au calme du nain, passez votre chemin, ce livre n’est pas pour vous. En revanche, pour rendre sa bonne humeur au nain ronchon c’est nickel.
Évidemment, les animaux protestent, ils ont passé une nuit épouvantable à cause de ce satané singe! Mais quelle mouche l’a donc piqué? La mouche, qui justement passe par là, plaide non coupable. Il faudra chercher ailleurs la cause de cette anormale agitation.
Un rythme endiablé, des animaux très expressifs, un grand format et du beau papier, une chute certes un peu attendue pour les adultes mais néanmoins tendre et amusante, tout est réunit pour que cet album ait un grand succès dans les sections de moyens de crèches.
Les aventuriers du soir Anne Brouillard, éditions des éléphants
Les aventuriers ce sont Gaspard, Lapinus, son doudou et Mimi, la chatte. Le terrain d’exploration, c’est la forêt. En tout cas ça y ressemble, puisque nos personnages sont au milieu des feuillages. Ils y ont fait une cabane, avec un vieux tronc d’arbres ils jouent à pêcher d’un bateau puis, lassés du jeu, ils grimpent dans l’arbre pour regarder le monde.
Après quelque pages découpées en vignette, comme une bande dessinée, voilà une pleine page sans texte, au premier plan l’arbre qui abrite les trois amis (et quelques oiseaux), plus loin, la maison familiale baignée de soleil. La mère lit, le père jardine, sur la table on a manifestement pris un thé en fin d’après midi, qui s’est un peu éternisé parce qu’on a le temps. Cette illustration respire le calme des journées d’été, quand on est en vacances, qu’on a oublié quel jour de la semaine on est parce que ça n’a plus d’importance.
Cette double page, on s’y attarde un peu tellement on s’y sent bien. On mesure à quel point Gaspard et ses amis sont en sécurité, à proximité de la maison. Eux aussi semblent rassurés et ils peuvent maintenant repartir à l’aventure, dans le soleil couchant.
Quand la nuit est tombée, Gaspard rentre à la maison, qui est illuminée dans l’obscurité. Un bref instant, il semble avoir un tout petit peu peur et il accélère le pas pour atteindre la porte. Là encore, l’image suffit à raconter ce moment furtif où on serre son doudou un tout petit peu plus fort, où on fixe la porte et la lumière un peu plus intensément.
Dans la maison ce n’est pas parfaitement rangé mais c’est chaleureux. Un foyer.
Il y a quelque chose de profondément juste dans les illustrations d’Anne Brouillard. Elles ont une force évocatrice incroyable. On devine l’odeur du gratin sorti du four, le grincement du plancher sous les pattes du chat, la douceur des draps de Gaspard, la petite brise qui passe par la fenêtre ouverte.
Dans cet album elle exploite les possibilités de variations dans l’image: succession de pages avec et sans texte, images pleine page ou vignettes, travellings, plans fixe ou vue plongeante.
La lecture trouve ainsi son rythme, le regard des enfants fouille l’image, certains détails sont mis en valeur, d’autre seront découverts, comme des secrets, au fil des lectures.
Le tout est servi par un grand format à la française, et une belle qualité de papier.
J’ai eu un vrai coup de cœur pour cet album, que je lirais avec grand plaisir cet hiver, quand j’aurais envie de replonger un peu dans le bain de nature des vacances estivales.
Anne Brouillard est la quatrième lauréate du Grand Prix Triennal de littérature de jeunesse de la fédération Wallonie-Bruxelle, qui vient de la récompenser pour la quarantaine d’albums qu’elle a déjà publiés.
L’arbre et le poteau Laurent Condominas, Nina Missir, éditions courtes et longues
L’arbre était là depuis toujours. Il était celui qu’on rencontrait en premier, avant même d’arriver au village. Sous ses branches, les enfants jouaient, les amoureux s’échangeaient des serments. Il était le témoin bienveillant et silencieux de la vie des villageois. Un jour, des hommes en tenue de travail sont venus. Ils ont remué la terre avec des machines bruyantes et ont planté là, juste en face de l’arbre, un poteau électrique. Les saisons se succèdent et l’arbre vit sa vie d’arbre, des champignons poussent à ses pieds, ses feuilles tombent, il n’est pas très actif, oh non, c’est un arbre, mais il est vivant.
Le poteau, lui, ne change jamais. En lui, rien ne bouge.
Il n’est pas nourri par la pluie, il n’a pas de feuille qui chante dans le vent.
Le rapprochement de ces deux êtres immobiles va pourtant être possible, grâce à la persévérance de l’arbre, qui envoie ses branches puis ses racines, lentement, pousser en direction du poteau.
Les hommes ne comprennent pas cette amitié. Ils ne voient en l’arbre qu’une menace pour le poteau. Ils coupent les branches et les racines qui s’approchent trop de leur poteau. Comment alors le poteau va-t-il assouvir son besoin de sentir la vie autour de lui?
Comme dans les contes, un élément extérieur, presque magique, va arriver… Et d’ailleurs, il était là depuis le début, non?
L’amitié improbable entre ces deux là se raconte dans la douceur, avec des images aux couleurs pastels, très travaillées (le sol fait de confettis soigneusement ordonnés est impressionnant).
On ne présente plus la collection « pirouette« , de Didier jeunesse, qui est une référence pour qui veut chanter des comptines avec des enfants.
Cette collection a fait le pari de proposer une seule comptine par album, faisant ainsi une belle place aux images, qui complètent, enrichissent, éclairent le sens de la chanson.
Contrairement aux recueils qui sont généralement destinés aux adultes et ont pour principale fonction de les aider à se souvenir des paroles, ici, l’album est destiné à être partagé avec les enfants. On tourne les pages ensemble, on regarde longuement chaque image, on touche.
Ce sont des livres que j’utilise énormément dans mon travail. Je reviendrais plus longuement sur tout l’intérêt des livres de comptines avec, j’ai largement développé ce sujet avec mes collègues dans le livre Lire en chantant des albums de comptines.
Les albums de la collection pirouette me sont donc précieux et c’est toujours avec un grand plaisir que je découvre les nouveaux titres.
Cet été, il n’y a pas eu de nouveautés mais la réédition de 5 des titres de la collection sous un nouveau format, aux pages cartonnées.
Je dois avouer que j’espère vivement que la version initiale, aux feuilles en papier, restera disponible. C’est avec eux que, la plupart du temps, j’arrive à convaincre les adultes qu’on peut proposer des livres en papier aux bébés. Je montre ces albums à des bébés de quelques semaines depuis des années. Dès qu’ils sont assez grands pour maîtriser leurs mains, ils touchent les livres, attrapent les pages, les caressent. Ils expérimentent la fragilité du papier, ils feuillettent, ils affinent leurs mouvements, petit à petit attrapent plus finement les pages. Mais cette expérimentation que font les bébés est essentielle à leur motricité et à leur connaissance de l’objet livre. Il faut alors un accompagnement attentif. Bien sûr, les petites mains peuvent parfois déchirer les pages, dans leur impatience de le découvrir. Mais quand les bébés portent ces livres à leur bouche, ils ne les abîment finalement pas plus que les cartonnés (la salive de bébé peut transformer du carton en bouillie en quelques minutes).
Je pense que ce choix de Didier jeunesse répond en grande partie à une demande du public. D’ailleurs, quand je présente ces livres en formation, il est très fréquent que les professionnels regrettent leur fragilité. Il faut souvent toute ma force de persuasion pour les convaincre d’essayer quand même de travailler avec ces albums en section de bébés ou de moyens. Les parents aussi sans doute seront rassurés quant à la longévité du livre.
Pour autant, je pense qu’il serait très regrettable de sortir les livres en papier des crèches, de systématiquement choisir la facilité en ne proposant que des livres solides. Les enfants ont besoin de diversité, ils ont besoin de supports variés, et ils ont besoin de tester aussi la fragilité des livres. Ils ont besoin aussi, on ne le dira jamais assez, d’un adulte pour leur lire le livre. Je peux comprendre la nécessité de livres cartonnés pour les laisser en libre accès mais le libre accès n’a de sens à mon avis, que si un adulte est disponible pour répondre à une demande de lecture. Ce n’est pas en donnant aux enfants uniquement des livres solides qu’ils ne les abîmeront pas. C’est en leur lisant.
Je me suis posé les mêmes questions quand l’album « Beaucoup de beaux bébés » est sorti en version cartonnée. Et la réponse est venue au fil du temps: Les deux éditions coexistent dans les bacs des librairies et dans les crèches, et les deux ont un intérêt.
Cartonnée, plus petit format, pour les moments où les enfants manipulent seuls, pour ceux qui sont capables d’attraper la page très rapidement, qui risquent de la froisser, en papier pour les lectures avec un adulte, pour les enfants déjà sensibilisés et qui n’abîment plus ou pour les nourrissons qui de toutes façons n’ont pas encore la motricité fine nécessaire pour attraper l’album.
La version cartonnée des comptines de Didier garde toutes les qualités graphiques de la collection, les reproductions sur papier brillant sont aussi belles que celles sur papier mat des premières éditions. Le format légèrement plus petit ne nuit pas à l’attention que les bébés peuvent porter aux détails. Les coins arrondis donnent une douceur à l’objet qui n’est pas désagréable.
Je pense que je vais expérimenter ce nouveau format avec plaisir. J’espère juste que je pourrais aussi continuer à acheter les versions papier, qui me manqueraient beaucoup si elles disparaissaient.
L’arbre à confiture, Komako Sakaï, Mutsumu Ishii, école des loisirs, 12€70
isbn: 978-2-211-10764-8
Blandine est une petite lapine qui est née au printemps dernier. Dans sa maisonnette au fond de la forêt, elle découvre le monde avec la joie et l’enthousiasme de la petite enfance. Les peintures de Komako Sakaï donnent à voir la douceur et la chaleur du foyer. Un jour, sa maman lui fait goûter de la confiture de pommes. Humm, c’est délicieux, Blanche se régale. Sa mère lui parle du pommier, devant la maison. Blanche n’a plus qu’une idée: aller voir cet arbre de plus près et croquer dans une pomme.
Comme elle est longue, la nuit, quand on a des projets pour le lendemain! Blanche peine à trouver le sommeil, tant elle est pressée de manger la pomme. L’impatience tranquille de l’enfance est tendrement représentée dans une double page où Blanche cherche le sommeil.
Arrivée devant l’arbre, Blanche se demande quelle partie peut avoir si bon goût et finit par croquer… dans le tronc. Aïe aïe aïe, ça fait mal aux dents!
Ce sont bien sûr les images de Komao Sakaï qui font mouche au premier regard, comme toujours. Les illustrations pleine pages comme les crayonnés sur les pages de textes contiennent toute la douceur de la relation entre la mère et l’enfant, la chaleur de la maison, la tendresse de l’enfance. Je regrette juste un peu le marron de la couverture, un peu trop présent, je comprend bien qu’il représente l’écorce de l’arbre mais je trouve qu’il assombrit l’image.
J’ai trouvé le texte un peu bavard, pour une histoire qui peut s’adresser à des enfants très jeunes, c’est dommage. Mais il faut reconnaître qu’il s’accorde à merveille avec les illustrations et met en avant la complicité entre la lapine et sa mère. Son rythme conviens bien à l’histoire, qui prend son temps pour laisser Blanche grandir tranquillement. Le temps qui passe est d’ailleurs à mes yeux le sujet central de cet album: le temps de grandir pour Blanche, de pousser pour les pommes, le rythme des saisons, le repas qu’on voit à peine passer tant il est délicieux et les nuits qui sont lentes quand on voudrait être déjà demain.
Un bien joli album, d’ailleurs, Pépita l’a aimé aussi.
Un petit escargot, expressif comme peuvent l’être les personnages de bric-et-de-broc de Christian Voltz ouvre le livre. Il part de la page de gauche et s’élance en direction de celle de droite: « C’est parti mon kiki ». Il file comme… Ben, comme un escargot, c’est à dire qu’il va prendre tout le temps de l’album pour parvenir à son but. Mais il fonce, cornes en avant et son enthousiasme compense largement son manque de vélocité.
Pendant ce temps un bout de bois, poc poc poc, bondit de gauche à droite. Suivit par une longue tige, tig tig tig, puis par deux ronds qui se pressent. Ils vont drôlement vite ceux là, et ils ont tôt fait de précéder notre gastéropode. Pourtant, il à bien progressé, et lorsqu’il arrive à la charnière du livre le cadrage change, la couleur de la page de droite déborde. Bouts de ficelle, vieille balle, feuilles d’arbres, tous les petits objets improbables qu’on trouve généralement au fond des poches de nos bambins se pressent pour s’installer. Quel bazar! Vraiment? Tout cela prend forme soudain et on comprend au dernier moment que la course de l’escargot avait un but et qu’il arrive juste à temps.
Comme dirait Raymond Devos: « une fois rien, c’est rien, deux fois rien, c’est rien, mais trois fois rien, c’est déjà quelque chose ».
Cet album fait encore une fois la preuve qu’entre les mains d’un Christian Voltz, trois fois rien c’est toujours un peu magique et surprenant. On pense à la lecture de ce livre à celui de PontiAu fond du jardin et c’est avec plaisir qu’on retrouve le même principe dans un univers graphique totalement différent.
Les tout petits lecteurs à qui je l’ai montré (les moins de deux ans) gloussent de plaisir d’entendre les onomatopées et se réjouissent de reconnaître soudain une forme très familière, peut être le premier dessin que les nourrissons sont capables d’identifier.