Mon royal petit frère, Sally Lloyd-Jones, David Roberts, Little urban, 13€50
La fillette qui nous livre ici sa version des faits est l’exemple typique du narrateur non fiable. (allez lire l’article. Si, si, j’insiste, allez lire ce merveilleux article de Clémentine Beauvais qui est à la fois très drôle et très instructif, croyez moi, vous ne le regretterez pas. De rien)
Elle raconte comment elle vit l’intrusion de son royal petit frère dans sa vie quotidienne, à travers le prisme de sa mauvaise foi. C’est qu’elle était comblée, petite princesse au centre de l’attention de ses parents. Jusqu’à ce que naisse sa majesté le roi bébé. Depuis, il n’y en a que pour lui, père et mère semble faire allégeance au petit tyran, laissant l’adorable (et belle, gentille, dotée d’une abondante chevelure blonde qui plus est) livrée à elle même.
Mais l’image donne une toute autre version des faits. Et les enfants, vous savez comment ils sont, ils ont tendance à croire ce qu’ils voient, plutôt que ce qu’on leur raconte, surtout dans les livres (faudrait voir à pas les prendre pour des cornichons, ils repèrent très bien les contradictions texte/image et savent en tirer les conclusions qui s’imposent).
Alors, ils repèrent que l’abondante chevelure de la fillette est en réalité une paire de collants jaune et ils se mettent à douter légèrement d’elle.
Pourtant, notre petite narratrice à plus d’un tour dans son sac pour rendre crédible ses propos, elle n’hésite pas par exemple à les illustrer elle même.
L’enfant qui écoute l’album doit donc se confronter à une triple lecture: le texte, l’image officielle et celle des dessins de la narratrice. Ils s’en sortent très bien: en un regard ils analysent les dessins, les confrontent au texte et hop, éclatent de rire.
La mention sur la page de titre leur semble alors particulièrement savoureuse, ils devinent que c’est la fillette qui tient à préciser qu’il s’agit d’une “terrible histoire vraie”, ce qui ne fait que discréditer un peu plus ses propos.
Mais ne nous y trompons pas, il y a du vrai dans cette histoire. Là encore les enfants le savent bien: le sentiment d’être délaissé est réel, si elle grossit le trait ce n’est que pour mieux nous faire ressentir sa jalousie.
L’un dans l’autre cet album permet de prendre de la distance avec les émotions suscitées par la rivalité, il joue sur l’ambivalence des sentiments de l’ainé avec brio. Bien sûr, il montre aussi que, au delà de la jalousie, il y a également de l’attachement entre les frères et sœurs.
Et surtout, il est bien drôle.