Loup gris et la petite loupiote, Gilles Bizouerne, Ronan Badel, Didier jeunesse, 2025, 13€50
Ah là là, ce Loup Gris, toujours prêt à dispenser ses conseils à qui veut bien l’écouter. C’est vrai qu’il a l’âme d’un mentor. Il a le charisme, il a la confiance en lui il a… Oui, bon, il a surtout la confiance en lui en fait. Il faut avouer qu’il ne manque pas de malice, mais niveau bon sens, il y a encore du boulot.
Quand il voit une petite louve qui tente, en vain, d’attraper un papillon, il s’improvise enseignant, il va tout bien lui apprendre, comment chasser, tout ça.
Certes, en une dizaine d’album, on ne l’a encore jamais vu se mettre une proie sous la dent (à croire qu’il se nourrit de jus de navet) mais ce n’est pas grave. Il a des idées, il va les partager.
Voilà donc Loup Gris et la petite loupiote en chasse, gare à vous les lapins. Le message ne doit pas être très bien passé car justement un lapin le suis à la trace, visiblement plus amusé qu’inquiet.
La loupiote, quant à elle, est plutôt dégourdie, elle ne restera pas longtemps dans son rôle d’apprentie.
Décidément, la collection Loup gris est une valeur sûre. Elle ne cesse de s’étoffer mais garde au fil des épisodes ses qualités. Comme toujours on avale le texte avec gourmandise, on se régale des images qui ajoutent encore à l’humour de l’ensemble, on se désole du sort de ce pauvre loup autant qu’on s’en amuse. La lecture est rapide, le texte nous y incite, mais il faut en général bien vite la recommencer, les enfants en redemandent. Heureusement que nous, adultes, y trouvons aussi notre compte, on n’est jamais trop grand pour savourer un album du duo Gilles Bizouerne et Ronan Badel.
C’est mon lit! Sylvain Bouton, Les 400 coups, 2025, 12€50
Quand il rentre de promenade en famille, petit ours est consterné de trouver son lit occupé.
La petite frimousse aux cheveux bouclés et blonds est rapidement identifiée par le lecteur averti, d’autant que le petit ours, s’il est montré seul sur l’image, a mentionné qu’il était en promenade avec son papa ours et sa maman ours.
L’ouvrage repose donc sur son intertextualité, c’est-à-dire qu’il fait une référence, ici très claire, à une autre histoire bien connue des lecteurs.
Ce qu’il y a de chouette avec Boucle d’or, c’est que c’est un conte tellement raconté, modifié, parodié, qu’il fait partie du patrimoine culturel commun dans énormément de familles, même auprès des enfants jeunes.
Je pense que plein d’enfants connaissent vaguement le personnage de boucle d’or et savent qu’elle est généralement associée à une famille d’ours même sans en connaître l’histoire.
À partir de là, il y a déjà une complicité qui s’instaure entre l’auteur et le petit lecteur, ils partagent une connaissance, un secret presque, puisque le protagoniste de l’album, lui, ne semble pas connaître le conte et ne sait donc pas à qui il a affaire.
Mais la grande réussite de Sylvain Bouton est de faire une histoire qui tient la route aussi si la référence n’est pas connue.
L’histoire fonctionne avec les deux niveaux de lecture, la chute aussi.
Et comme la narration est relativement simple, on peut, au fil des lectures, se concentrer sur les images (à cet exercice là les enfants sont très forts, comme ils ne regardent presque pas le texte écrit ils lisent l’image avec précision).
Rien ne leur échappera des aventures de la familles araignée ou du goûter des souris.
Entre les différents niveaux de lecture, les références, les trucs marrants dans l’illustration qui s’adressent en priorité aux plus jeunes, c’est vraiment le genre de livre qui peut convenir à un large éventail d’âge, à garder précieusement quand l’enfant grandit (un bon livre, c’est comme du bon vin, ça doit supporter de vieillir)
Maman? Maurice Sendak, Arthur Yorkins, Matthew Reinhart, école des loisirs, 2006, 28€50
Aujourd’hui, je suis en route pour aller faire une conférence sur les livres qui « font peur » et leur utilisation (sujet que j’ai abordé ici si vous voulez un aperçu de ce que je vais développer).
Par ailleurs, je prépare en ce moment une intervention autour de Maurice Sendak (infos ici, il reste des places et vous pouvez aussi suivre la matinée en visio, ce sera l’occasion d’entendre aussi Stéphanie Blake et Adrien Albert).
Ce sont deux motivations pour vous parler de ce formidable album pop-up qui joue sur les codes de l’horreur tout en étant adapté aux petites oreilles des bambins.
Sur chaque double page, un marmot en pyjama cherche sa maman. Visiblement il n’a pas peur, il n’hésite pas à ouvrir toutes les portes qui se présentent à lui et n’est nullement impressionné par les étranges créatures qu’il découvre alors.
Vampires, momies, chauves souris et autres monstres surgissent des pages, et le bébé n’hésite pas à interagir avec chacun d’eux.
Il donne sa tétine à l’un, déroule malicieusement les bandelettes de l’autre, bref, il semble parfaitement dans son élément. Ce que confirmera la chute finale, qui repose plus sur l’humour et la surprise que sur la réassurance du jeune lecteur.
Je reconnais que celui-ci je l’utilise assez peu avec les moins de 3 ans, ne serait-ce qu’en raison de sa fragilité.
Mais avec les enfants d’âge maternelle, il a un succès fou!
La manipulation d’un pop-up est toujours une joie pour les enfants, surtout ceux qui sont aussi précis dans la découpe et exubérants dans les images que celui-là.
Ils sont excités à l’idée de ce qui se cache derrière chaque page et se pressent d’ouvrir chaque rabat. Il faut les voir hésiter à toucher du doigt les monstres, se lacer des défis mutuellement. Ils en oublient le bébé du livre, ils sont eux même le protagoniste, heureux de se sentir en sécurité tout en visitant cette étrange maison.
Ne comptez pas trop sur ce livre pour le fameux « retour au calme », mais pour bien se marrer avec un petit groupe d’enfants de maternelle, il est idéal.
Succès garanti en bibliothèque de rue par exemple (d’ailleurs, c’est un des albums accroche pour les ados que je préfère.)
Hervé ne veut pas partager, Steve Small, Sarbacane, 2025, 15€50
Dès la couverture, tout est dit. Hervé est un gros radin, amateur de gros radis, qu’il garde rien que pour lui.
Non mais après tout c’est normal, parce que si on partage les trucs après on en a moins pour soi, c’est logique, donc donner à ses voisins sans raison, il n’en voit pas la logique. Point.
Ses voisins, justement, qui sont-ils? De nombreux animaux variés qui sont plutôt prompts à faire preuve de générosité et en font la preuve quand la famille lapin emménage dans le coin. Chacun donne un petit truc à manger à la famille dans le besoin, qui saura très rapidement leur rendre la pareille en organisant une soupe collective.
Hervé, comme tout le monde, est invité, mais il a été très clair, il ne veut pas partager! Alors du coup, bon ben voilà quoi il va pas manger avec les autres vu que bon quand-même les autres ils partagent et que ça Hervé il le fait pas, enfin, c’est pas vrai que les carottes de Lapin elles ont l’air drôlement bonnes mais bon voilà, lui, ses navets, il veut pas trop en donner aux autres quoi et puis bon après sinon, hein, on sait où ça commence mais heu, hein, voilà quoi.
En réalité, le texte es beaucoup moins bavard que le résumé que j’en fais, parce que les bouilles des personnages sont tellement expressives qu’elles ne nécessitent pas beaucoup de mots pour être explicites. On voit Hervé courroucé et on comprend bien que ce qui l’agace le plus c’est d’être coincé dans ses propres principes, alors qu’autour personne ne lui demande de compte.
Jusqu’à ce qu’un ennemi commun surgisse, sous la forme d’un sanglier glouton qui ne se soucie pas de savoir à qui appartiennent les légumes avant de les croquer.
Ce sera l’occasion pour Henri, qui n’est finalement pas si détestable que ça, de se montrer sous un jour nouveau et de se faire des amis, ce qui n’est pas si mal qu’il le pensait.
Dans ses différents albums, Steve Small tourne souvent autour du thème de l’amitié, comme c’était le cas dans la série des super potes Ours et Écureuil, mais aussi dans le plus récent Plouf et Nouille, pour les plus jeunes, dont je vous parlerai très prochainement. C’est un excellent point de départ pour penser le vivre ensemble. À mes yeux dans Hervé ne veut pas partager il est autant question d’acceptation de l’autre que de répartition des richesses. Des valeurs que je suis heureuse d’apporter aux enfants.
Et puis, au delà de la question du message, ses albums sont toujours très marrants et ça, c’est chouette!
Un amour d’ours, Stéphane Servant, Lætitia Le Saux, Didier jeunesse, 2025, 13€90
Ah la la, ce papa ours, toujours aussi agaçant, toujours aussi touchant. On le retrouve ici dans les mêmes tiraillements que dans les épisodes précédents. Sa vision de la masculinité et de ce qu’il pense devoir transmettre à son fils se heurte sans cesse au mur de la réalité, où les choses sont bien plus subtiles!
Ainsi aujourd’hui il doit répondre à une demande de conseil de Petit ours, qui souhaite savoir comment faire quand on « zaime beaucoup quelqu’un ». Et papa ours, il SAIT. Ben oui, c’est un peu son job de papa de savoir, il est un ours un vrai je vous le rappelle.
Alors il explique: Il faut être fort, être beau, faire des cadeaux. La base, quoi. Il est tellement certain de parfaitement maitriser son sujet qu’il n’est pas tellement à l’écoute, pourtant, petit ours aimerait bien apporter une précision à sa question…
Maman ours, elle, ne cherche pas la contradiction, elle a toujours sur son mari d’ours un regard aussi tendre que malicieux, et elle le laisse déblatérer sans broncher. Mais elle fait tout de même remarquer à son petit que pour chaque exemple qu’il donne, papa ours est… Le parfait contre-exemple.
J’aime toujours beaucoup la façon dont l’auteur et l’illustratrice portent la cause féministe, par le biais de l’humour et d’histoires, qui font réfléchir sans prendre la tête. Il s’agit moins de déconstruire papa ours que de lui laisser la possibilité d’évoluer, car tout de même il n’est pas totalement stupide et ne reste pas ancré dans ses certitudes. C’est comme ça qu’il peut être, lui aussi, un amour d’ours!
Il ne sera pas le premier à changer de point de vue sur ses valeurs en étant confronté au regard qu’un enfant peut poser dessus. Car oui, on s’élève avec les enfants autant qu’on les élève.
Floof le chat, Heidi McKinnon, l’élan vert, 2025, 13€90
Il est très poilu, il est doudou, mignon, c’est floof le chat.
Il a une vie de félin domestique tout ce qu’il y a de plus classique, racontée en quelques phrases et beaucoup d’images. Sa petite bouille tendre suscite la sympathie.
Mais alors que le texte raconte visiblement sa vision des choses, l’image donne un point de vue extérieur et il y a souvent un décalage assez savoureux entre les deux.
Quand le narrateur textuel nous affirme que Floof est très fort à cache-cache, l’image montre ses oreilles dépassant d’un carton. Quand on nous dit qu’il a beaucoup de travail, des vignettes le montrent plutôt occupé à saccager le travail des humains (en toute innocence, cela va sans dire, c’est un chat, pas un démon).
Avec Floof le chat, n’en doutez pas, vous aurez une nuit douce et tranquille, aussi tranquille qu’elle peut l’être en compagnie d’un chat qui a trouvé une balle…
C’est un chouette album à proposer aux petits pour éprouver leur capacité à lire l’image. Ils sont souvent étonnants et peuvent, très jeunes, nous faire remarquer que le texte raconte « n’importe quoi » (les petits sont du genre à croire ce qu’ils voient plutôt que ce qu’on leur raconte, et ils sont bien raison).
Et s’ils passent à côté de ce décalage, ne vous inquiétez pas, ils apprécieront tout de même l’histoire pour son texte court et rythmé et son personnage des plus attachants.
Un bisou pour mon frère, Adrien Albert, l’école des loisirs, 2024, 13€50
On le sait depuis son voyage en Antarctique, le petit lapin Simon aime bien se remémorer les bons moments qu’il vient de passer. La dernière fois, ça l’empêchait de dormir, cette fois, ça va lui faire oublier l’heure du bus que doit prendre Tobold, son frère.
C’est qu’ils sont tellement heureux du temps passé ensemble. Vous vous souvenez, Simon avait gravi une montagne de nuit pour rendre visite à Tobold, c’est dire s’il l’aime. Là, ils boivent une menthe à l’eau, tranquille, en se remémorant la journée qu’ils viennent de passer. Je vous la raconte pas, vous la découvrirez en images, mais sachez qu’il y avait un tractopelle, de la vitesse, un peu de gourmandise (avec des fraises sur le dessus), un manège, un film en 3D, bref, tous les ingrédients d’une journée bien remplie. En une double page, tout ça est raconté en 17 vignettes, comme dans un film à ellipse, avec la petite musique qui va bien et tout.
Mais voilà le bus, il faut filer, vite, ah oups, trop tard pour le bisou, Tobold monte à bord juste à temps.
Et c’est là, dans le bus du retour, que l’aventure commence. Avec les rebondissements les plus inattendus, le rythme effréné que l’on connaît chez cet auteur, des péripéties qui ne cherchent pas à être crédibles mais des sentiments toujours très justes. Et puis, cette tendresse qui unit les deux frères, tellement touchante. Parce qu’il faut le dire, la fratrie ce n’est pas que rivalité, il est bon de montrer aussi de temps en temps qu’avoir un frère c’est chouette.
Ça m’a fait drôlement plaiz de retrouver la petite bouille de Simon, et les mouflets aussi adorent découvrir une nouvelle aventure de ce très attachant petit lapin.
Le roi est occupé, Mario Ramos, Pastel, 1998, 16 €.
Je poursuis mon exploration de l’œuvre de Mario Ramos, toujours en vue de cette intervention (que vous pouvez suivre en visio si ça vous branche). À vrai dire, mon texte est prêt, mais, étant contrainte par le temps, il y a plein de livres dont je ne vais pas parler. Dont celui-là, pour lequel j’ai pourtant de chouettes observations de terrain avec les enfants.
C’est un livre jeu interactif, l’enfant est invité à chercher sous des rabats les passages secrets qui mènent vers le roi. L’objectif est de trouver le souverain pour lui expliquer « tout ce qui ne va pas dans le royaume ».
On en profite pour visiter cet archétype de château-fort, avec son vocabulaire spécifique. Partout sont cachées des créatures vertes plutôt joviales.
En fin d’album, on découvre enfin le roi, qui a délaissé son trône pour s’asseoir sur… Les toilettes ! Désolée pour le spoil, mais les réactions des enfants tournent quand même beaucoup autour de cette page. Ils sont ravis de voir que les puissants aussi font caca, et une des réactions qui revient souvent c’est « même la maîtresse va aux toilettes ! » (mes observations proviennent pour beaucoup d’une bibliothèque de rue qui se tient devant une école, le contexte explique sans doute la récurrence de cette remarque.)
On se rapproche de l’album Chhht, lui aussi basé sur des caches à soulever dans un château mais avec beaucoup moins de tension narrative, ici c’est plus doux, on peut s’adresser à des enfants plus jeunes ou plus craintifs. Le roi est occupé nécessite aussi moins de théâtralisation, et quand je le lis les enfants prennent volontiers la parole. Ils me racontent qu’ils n’ont pas peur des monstres (ou alors juste un tout petit peu), ils mémorisent les caches qui mènent au passage secret sur chaque page et sont fiers de me montrer qu’ils l’ouvrent du premier coup, ils commentent les actions des sujets. Aucun enfant n’a relevé que le roi était un chat alors que tous les autres personnages sont des souris. Pour ce que j’en ai vu les enfants sont assez peu inquiets de la salle des tortures où le bourreau chauffe ses instruments. Par contre, ils manifestent un vif intérêt pour la salle du trésor, et certains préféreraient faire main-basse sur les coffres que poursuivre le chemin en direction du roi. Un enfant m’a dit « hop, je prends ce coffre, hop, je remonte l’escalier, hop, je ressors comme je suis venu. » Il a tourné les pages en sens inverse pour revenir à la première et s’est ravisé « en fait, j’y retourne et je prends tous les coffres, sur mon dos ! »
Il a tout de même accepté qu’on aille jusqu’au bout du livre « pour voir ». À la dernière page, découvrant le roi sous le cache, je lui dis « alors, qu’est-ce qu’on lui dit maintenant qu’on l’a trouvé ? » Il m’a répondu « moi c’est bon, j’ai les coffres maintenant, j’ai plus de problème à lui dire ».
Mais quand un petit groupe d’enfant se constitue autour de cet album, en général les discussions vont bon train quant à ce qu’il faut dire au roi. C’est assez marrant de voir comment les gamins de maternelle ont des idées de ce qui ne va pas dans leur royaume personnel. Les revendications tournent beaucoup autour du menu de la cantine ! J’aime bien la façon dont Mario Ramos prend l’enfant par la main pour le rendre acteur et lui donner un pouvoir d’agir. En lui faisant ouvrir les caches, il l’invite à agir, et en lui proposant cette histoire, il l’invite à réfléchir. D’une façon générale, les livres de cet auteur se veulent émancipateurs, ils font confiance à l’enfant, le reconnaissent dans sa capacité à comprendre et à penser le monde. C’est tout simple, c’est ludique, c’est accessible, et en même temps c’est futé et juste assez subversif. Et en plus, c’est drôle, que demander de plus?
Jim, Marion Bataille, les grandes personnes, 2024, 20€
Sincèrement, je crois que c’est la première fois que j’apprécie un cours de sport! Non, sérieusement, faire le chien tête en bas ou la posture de l’enfant, ça m’a jamais éclatée. Mais regarder le petit bonhomme de papier de Marion Bataille faire ses exercices, ça m’enchante! Alors bien sûr, on peut essayer de le suivre (j’ai vu des enfants tenter de reproduire les postures de chaque pages et ça m’a bien fait marrer) mais on peut aussi se contenter de l’admirer, ça marche aussi (pas pour le gainage mais pour passer un bon moment). J’aime beaucoup la précision avec laquelle l’illustratrice créé le mouvement, la page où Jim bouge ses jambes alternativement quand on plie plus ou moins l’album est une petite merveille. Une mécanique parfaitement huilée se met en place. La lecture est rapide, elle invite au mouvement (pour vraiment apprécier l’album il faut le bouger dans tous les sens selon les pages), on s’amuse et hop, c’est déjà terminé. Encore! s’écriront les mouflets avant de nous le prendre des mains pour le manipuler eux-même (accompagnez-les tout de même s’ils sont encore un peu patauds, c’est fragile un pop-up)
L’art en jouets, Maria Jalibert, palette, 2024, 14€95 On a peut-être trop tendance à penser que l’art (celui des musées, auquel on met volontiers une majuscule, l’art légitime quoi) est une chose à prendre au sérieux. Que les enfants doivent y être éduqués, de préférence avec déférence. Maria Jalibert prend le contre-pied de cette idée, elle désacralise les œuvres majeures, s’en amuse sans s’en moquer et les rends accessibles à tous. Nul besoin du moindre préalable culturel ni de quelque connaissance pour apprécier les tableaux représentés ici, la mise en regard avec leur version plastique suffit à les rendre amusants. Les enfants s’étonnent, s’amusent, s’émerveillent et surtout ils scrutent chaque page avec attention.
J’ai eu la surprise de voir que certains se demandent quelle des deux images était « la vraie » et même qu’au terme de leurs discussions ils en déduisent parfois que la version jouets de pacotilles est la plus crédible. J’ai ainsi pu engager une discussion avec un petit groupe d’enfant (des « grands » d’au moins 6-8 ans) sur les notions de « vrai », d’image, de représentation et de représentation de la représentation, qui les a fait cogiter un moment.
Tous ne rentrent pas aussi profondément dans le propos de l’autrice mais en général l’art en jouets incite vraiment les enfants à regarder les œuvres avec attention et ils sont sensible à l’humour de certaines mises en scène.
J’ajoute que c’est un livre qui attire souvent les regards et que les enfants le choisissent fréquemment. Bref, un album qui s’est vite imposé dans mon fonds comme un indispensable.