Mon chat sauvage, Isabelle Simler, éditions courtes et longues,15€
Il a le format d’un petit roman, peut se lire comme un album et a la précision d’un documentaire. Autant dire que nous avons affaire à un livre inclassable. J’imagine que les bibliothécaires vont s’arracher les cheveux pour savoir où le ranger mais moi, j’avoue, j’aime assez ce côté « hors des cases »
D’autant qu’il offre plusieurs niveaux de lectures tant dans les images que dans le texte.
C’est un portrait du chat, présenté façon documentaire animalier. Les caractéristiques de la bête (sa vivacité, son comportement chasseur, son tonus) sont sans cesse contredites par l’image qui montre un chat beaucoup plus domestique que sauvage, tour à tour vautré sur le radiateur, installé sous la chaleur d’une lampe ou caché derrière le rideau.
Y aurait il un brin de mauvaise foi dans la vision du narrateur qui nous présente son chat?
Je dirais plutôt que c’est un regard à peine déformé par l’amour porté à l’animal, rien de plus naturel!
En contrepoint à ce regard partial, un sous texte plus petit vient enrichir certaines pages.
Il apporte des informations très précises sur les propriétés du chat (imaginiez vous qu’il peut courir 100 mètres en 9 secondes seulement ? Ou qu’il a un champ de vision de 287°?)
Ce double décalage, entre les deux types de texte et les images, font de ce petit album un bijou de drôlerie.
Et bien sûr, on est charmé par les magnifiques illustrations d’Isabelle Simler, si finement travaillés qu’on croirait voir bouger chaque moustache du félin.
Idéalement, un album à coupler avec son pendant, « Mon escargot domestique », tout aussi réussi.
Le livre extraordinaire des reptiles et amphibiens, Tom Jackson, Mat Edwards, Little urban, 22€
La collection des livres extraordinaires s’enrichit d’un nouveau titre, tout aussi impressionnant et de qualité que les précédents.
Comme dans celui qui concernait les animaux préhistoriques, on trouve ici de très belles représentations en gros plan (le format généreux de l’album leur laisse la place de s’épanouir), un texte explicatif et un encadré qui reprend les éléments clé.
L’introduction explique brièvement la différence entre reptile et amphibien.
En fin d’ouvrage, une carte du monde permet de situer les différentes espèces. J’ai un petit regret sur le manque de précision de cette carte, mais on retrouve sur les fiches techniques le lieu de vie de chaque animal.
Trente-six animaux sont présentés en détails, parmi lesquels mon préféré l’axolotl, la classique rainette aux yeux rouges, l’anachronique lézard à collerette (qu’on imagine fort bien dans l’opus précédent) et le cobra royal que, personnellement, je ne trouve pas très rassurant. J’y ai découvert des bestioles dont je n’avais jamais entendu parler et même des mots inconnus (oui, j’ignorais que le caméléon avait des cornes verrusqueuses, mon correcteur automatique ne connaît pas non plus d’ailleurs).
Le dessin est toujours très précis, scientifique, détaillé. Au point qu’un enfant m’a demandé si il s’agissait de photos. Et beaucoup d’autres y ont réfléchit à deux fois avant d’oser toucher la page!
Vive le sport, Ole Konnecke, école des loisirs, 12€80
Décidément, je suis très sensible à l’humour un peu pince sans rire de cet auteur!
Vive le sport se présente comme un documentaire, illustré avec des animaux très expressifs.
Le texte semble surtout descriptif, des phrases courtes, qui vont à l’essentiel en décrivant brièvement chaque activité.
Et pourtant, il prête à sourire a plusieurs reprises.
Mais c’est surtout de l’association du texte et de l’image que naît cet humour délicat et délicieux qui fait qu’on ne se lasse pas de cet album au fil des lectures.
Il y a la répétition du mot « merveilleux » qui rythme l’histoire, puisque (bien sûr) chaque sport présenté l’est.
Ce qui vaut des phrases telles que: « La boxe est un sport merveilleux.
Deux boxeurs se font face et de frappent jusqu’à ce que l’un ait gagné »
Je suis peut être bonne cliente mais je trouve cette phrase pleinement savoureuse.
« La pêche est un sport merveilleux. Pour les pêcheurs comme pour les moustiques » me plaît beaucoup aussi.
Au fil de la lecture, on se demande sans cesse quel est le degré d’ironie. Élevé, probablement.
Les animaux qui s’adonnent à ces pratiques le font avec un tel sérieux!
La girafe qui oublie sa perche pour sauter, tout en gardant son air concentré est cocasse, tout comme son sourire quand elle atterrit finalement sur la tête (après un saut magnifiquement réussi).
On en vient à se demander quel genre de sportif est l’auteur, la réponse réside peut-être dans cet autre extrait: « L’aviron est un sport formidable. On s’installe confortablement sur la berge, on mange, on boit et on encourage les athlètes quand ils passent à toute vitesse. »
Un bel album au format généreux, qui se prête à la lecture à voix haute et que j’imagine très bien investit par les enfants entre eux.
Cueillons les feuilles de thé, Yuichi Kasano, Nobi-nobi, 12€
Comme souvent, Yuichi Kasano nous offre une plongée dans le Japon rural et familial avec justesse et simplicité.
Ici c’est la récolte annuelle du thé en famille qui est montrée, à travers l’oeil du jeune héros et avec une précision digne d’un documentaire.
Tout commence chez papi et mamie. Le thé est si bon ici! C’est qu’il est confectionné sur place et cette année, le jeune narrateur va pouvoir participer pour la première fois.
Cueillir les feuilles (uniquement les plus tendres) en évitant les araignées, les faire cuire, ce n’est déjà pas facile. Il faut ensuite les pétrir, longuement, alors qu’elles sont encore chaudes.
Le bambin ne ménage pas ses efforts, comme le reste de la famille. Mais ça vaut le coup, c’est encore meilleur quand on l’a fait soi-même!
Petit à petit, au fil de ses albums, Yuichi Kasano arrive à nous rendre le Japon presque familier. On a même l’impression de faire un peu partie de la famille, on profite de la transmission instaurée entre les différentes générations. On ressent toujours un lien chaleureux entre les personnages et on se sent bien au milieu d’eux, comme le chat ou les poules qui se promènent dans l’image.
On retrouve les ingrédients qui font le succès des albums de Kasano: belles illustrations pleine page, personnages toujours expressifs, variation dans les cadrages et multiplication des points de vue, souci du détail. Et un texte qui va à l’essentiel, tout en étant réellement précit.
Le livre extraordinaire des animaux préhistoriques, Tom Jackson, Val Walereczuk, little urban, 22€
A vrai dire, il est rare que je me passionne pour des documentaires. J’en lis parfois aux enfants, dans mon travail ou, plus souvent, à la maison mais j’ai une nette préférence pour les histoires.
C’est peut-être dommage, parce qu’il y a des documentaires qui font rêver aussi sûrement qu’une histoire, qui nous émerveillent, nous font frissonner. C’est en tout cas le cas de celui-ci.
La couverture, qui évoque un cabinet de curiosité, ne laisse pas indifférent.
Si on peut encore facilement identifier le tigre à dents de sabre, ce n’est pas le cas, loin s’en faut, de nombre des créatures qui se trouvent dans cet ouvrage. Il permet de découvrir les plus improbables, les plus impressionnants, les plus étranges animaux préhistoriques.
Le livre fait la part belle aux illustrations, avec un seul animal par double page, représenté avec un réalisme impressionnant. Mais la précision du texte en fait aussi un documentaire sérieux, fiable, dont les explications sont juste sans jamais être indigestes.
Pour chaque animal donc, une image pleine page, très détaillée. On se surprend à caresser la fourrure du megatrerium, on se méfie de la mâchoire béante du mégalodonet on s’attendrit du regard de l’Hyracotherium. Pour certains animaux, tel par exemple le gigantopithèque, le livre se lit dans le sens de la hauteur, pour mieux nous laisser imaginer à quel point la bête est imposante.
Un cadre met en avant les éléments importants: Lieu de vie, signification du nom, taille, poids, époque et alimentation. On y retrouve aussi la silhouette de l’animal au côté de celle d’un homme à titre d’échelle.
Le texte explique comment vivait l’animal, comment il a été découvert (fossile, squelette) et comment il a disparu.
C’est suffisamment détaillé pour intéresser des adolescents (et des adultes d’ailleurs) et assez simple pour être apprécié dès 5 ans.
Je ne connais pas les autres titres de la collection mais à mon avis, ils ne vont pas tarder à m’être réclamés par mes mouflettes!
Tout sur les tremblements de terre, Perceval Barrier, Matthieu Sylvander, école des loisirs, 12€20.
Voilà un moment que l’école des loisirs s’amuse à croiser les genres. Entre les romans et la bande-dessinée par exemple. Mais aussi, de plus en plus, entre les albums et les documentaires. C’est le cas dans le très précis Comment fabriquer son grand frère et c’est encore le cas ici. Et une fois de plus, la réussite est totale.
Dans la plaine immense et tremblotante, Aigle tremblotant est occupé. Il compte. A chaque fois que la terre tremble, il fait une encoche sur son totem. Et il en a déjà fait 2 556 761 quand arrive un gros camion jaune conduit par un homme qui à la coupe de cheveux de Trump mais qui à l’air sympa quand même. Enfin mois antipathique en tout cas. Appelons le Bob (parce qu’il s’appelle Bob).
Lui, il a des projets. Une grande ville sera bâtie dans la pleine. Avec plein de trucs supers comme une piscine, une gare, un aquarium géant, bref, il s’emballe déjà. Et, dans le même temps, il se met à l’ouvrage.
Mais évidemment, dès que la terre tremble, son ouvrage s’effondre. Avec les conseils avisés d’Aigle Tremblotant et surtout les connaissances technique de Tablette Tactile il va peu à peu comprendre le phénomène des tremblements de terre, les normes de constructions pour y résister et encore bien des leçons de la vie mais ça, je vous laisse le découvrir dans l’album.
Un livre hybride entre une histoire, pleine de sagesse et d’humour à la fois et un documentaire, pris en charge par la fameuse tablette tactile.
La mise en page, le changement de cadre et de typographie permettent de savoir dans quel domaine on se trouve et j’ai vu des enfants, parmi les plus jeunes, passer les explications scientifiques alors que d’autres sautaient les pages d’histoire.
Moi je trouve que le mélange des deux fonctionne à merveille et je n’aurais pas l’idée de sauter la moindre page (mais les enfants, ils ont le droit, ne les obligez pas à tout lire, vous n’aimeriez pas qu’on vous le fasse avec vos livres à vous).
Après une chute savoureuse, les auteurs nous offrent un bonus (où l’on apprend que Bob s’appelle Bob, je vous l’avais bien dit) sur leurs vies d’auteur/sismologue pour Matthieu Sylvander et d’illustrateur amateur de chocolat pour Perceval Barrier. Un petit plus qui est aussi l’occasion de donner quelques précisions supplémentaires sur les tremblements de terre mais qui permet aussi aux enfants d’avoir en tête que derrière un livre, il y a des auteurs. Parfois, ça les trouble autant que s’ils avaient rencontré leur instit au super-marché du coin.
Enfin, pour finir de vous convaincre de vous précipiter dans votre librairie le commander, sachez qu’avec ce livre vous apprendrez sans doute des choses, vous vous amuserez probablement autant que vos bambins et que les papis/mamies/oncles/amis de passages seront ravis de le lire à vos gamins quand ils viendront manger chez vous. Ce qui, il faut le dire, est très appréciable.
Comment fabriquer son grand frère un livre d’anatomie et de bricolage, Anaïs Vaugelade, école des loisirs 19€80
Il y a plusieurs années, j’ai eu la chance de rencontrer Anaïs Vaugelade sur un salon. Elle a dédicacé Le matelas magique à ma mouflette et on a échangé quelques mots. Ma mouflette lui a dit qu’elle attendait avec impatience un nouvel album de Zuza, « son personnage le plus préféré du monde entier ». A l’époque, Anaïs nous avait répondu qu’il n’y en aurait probablement pas d’autre. Grosse déception, mais heureusement, il y avait les Quichons pour nous consoler.
Alors vous imaginez ma joie quand j’ai vu un nouvel album avec pour héroïne l’impertinente fillette au catalogue de l’école des loisirs. J’ai immédiatement montré ça à ma mouflette. Les yeux gourmands, elle a regardé le catalogue « chouette, enfin ». Si, du haut de ses dix ans, elle s’attarde moins aujourd’hui sur les albums que sur les romans, elle était tout de même bien contente de retrouver cette petite madeleine de sa petite enfance.
Elle s’attendait certainement à retrouver les ingrédients qui ont fait le succès de ce personnage auprès des enfants: Des histoires à la fois loufoques et très proches de la pensée des enfants, une héroïne au caractère bien trempé, indépendante au possible, qui mène ses aventures joyeusement entourée de ses jouets.
Et, effectivement, je crois qu’Anaïs à mis tous ces ingrédients dans sa tambouille. Mais je crois que quand elle cuisine une histoire, elle ne suit pas de recette. Ce qui fait que ça à toujours un goût différent.
Zuza, donc, se demande comment fabriquer son grand frère. Parce que voyez-vous, une petite sœur, c’est nul. Et que Zuza, quand elle veut un truc, ben elle le fait, c’est quand même plus chouette que d’attendre que quelqu’un d’autre lui donne.
Son crocodile, je me suis toujours demandé si c’était un doudou ou une manifestation de sa conscience. Ma fille m’a expliqué que j’avais tout faux, ce n’est certainement pas une peluche, encore moins un ami imaginaire, c’est juste son crocodile qui l’aide et la conseille (et lui souffle la réponse en classe quand elle est interrogée par la maîtresse)
En tout cas, dans cet album, il apporte les précisions techniques grâce à l’encyclopédie Crocodilis, sorte de manuel du castor junior en plus mieux encore.
Voilà donc toute la bande occupée à couper du bois pour faire les os, des élastiques pour les muscles, des câbles pour les nerfs. Il faudra encore fabriquer une langue, des oreilles, de la peau etc.
Ce n’est ni vraiment une histoire ni un documentaire, nous avons affaire à un genre nouveau, hybride, qui mêle des explications justes et précises et une histoire improbable à laquelle on adhère pourtant totalement.
Il parait qu’il a fallu deux ans à Anaïs Vaugelade pour faire ce livre. Ça n’est guère étonnant. Il faut aussi beaucoup de temps pour le lire dans le détail et plus encore pour l’assimiler. Ma mouflette s’y est régalée pendant plusieurs heures. Ma cadette l’a écouté par morceaux, ce qu’elle préfère c’est picorer dedans. On ne lit que le texte en bas de page pour voir Zuza fabriquer son grand frère. Ou uniquement les vignettes, façon BD, du crocodile qui fait des expériences scientifiques avec les jouets dans la pièce d’à côté.
Et bien sûr, elle est très sensible à la fin de l’histoire, qui réhabilite Marianna, la « vraie » petite sœur de Zuza, en faisant d’elle l’élément magique qui donne vie au grand frère.
Cet album est une fête. Un feu d’artifice de bonne humeur et de connaissances.
Une nuit au chantier K. Banks G. Hallensleben, gallimard jeunesse 5.50 €
isbn: 978207054628
Tout les soirs, le père d’Alex vient embrasser son fils avant de partir pour le chantier sur lequel il est ingénieur.
Un jour enfin, le père d’Alex à une surprise, un casque pour son fils: ce soir ils vont ensemble sur le chantier.
La découverte des machines, du bruit et des travailleurs de la nuit va émerveiller Alex, comme les enfants à qui on lit ce livre.
Finalement de bons albums sur les engins, qui sont beaux et bien écrits, il n’y en a pas tant que ça. Les peintures de Georg Hallensleben sont chatoyantes et colorées, très attractives pour les enfants?
« Une nuit au chantier » n’est malheureusement plus édité dans sa première version, en grand format et couverture cartonnée et les illustrations perdent un peu de leur beauté mais il reste un chouette cadeau à faire à un p’tit gars… Ou à une mouflette qui aime bien les grues.
Au feu les pompiers! Tadayoshi Yamamoto, école des loisirs, Archimède
isbn:10: 2211037607
Un premier documentaire qui raconte une intervention de pompiers. L’alarme retentit, il y a un incendie quelque part, vite!
Les camions rouges se détachent sur une illustration presque en noir et blanc. La grande échelle, le camion citerne, les véhicules de secours.
On est aux côtés des pompiers, au sol d’abord, quand ils branchent les tuyaux, puis tout en haut de l’immeuble, dans un plan vertigineux sur l’échelle contre l’immeuble, avec la petite fille saine et sauve, comme son perroquet.
Le feu finit par être éteint, l’ambulance emporte les blessés (qu’on ne voit pas).
On a vu de la fumée, la foule et l’organisation pour les pompiers mais aucune image ne montre les flammes.
Le livre montre donc l’urgence de la situation, ce n’est pas spécialement édulcoré mais il est très rassurant, les mots choisis et les images montrées ne risquent pas d’être générateurs d’angoisse pour le jeune lecteur.
Surtout apprécié des petits garçons ce livre fait pourtant en ce moment la joie de ma fille. Il a le mérite d’être juste, même si les tenues des pompiers français diffèrent de celles des Japonais, les enfants ne s’y trompent pas. Ils apprécient les détails techniques (et la justesse du vocabulaire)