Je reconnais être passée à côté des précédents, en raison de mon aversion pour ce sujet qui ne cesse d’être exploité en littérature enfantine, au point que j’ai atteint la saturation.
Pourtant, il faut avouer que ces petites créatures monochromes, poilues, aux yeux ronds comme des billes ont de quoi séduire. J’ai donc fini par aller voir de plus près et il faut avouer que cette série sort du lot.
Déjà on ne reste pas cantonnés aux cinq émotions habituellement présentés, ici elles sont une trentaine.
Bon, par contre, soyons honnêtes, on peut s’interroger sur le terme générique d’émotion quand parmi les personnages on trouve par exemple le bon sens, la mémoire ou encore l’imagination. Mais passons, on adhère, parce qu’on comprend qu’il s’agit de ce qui agite notre vie interne.
Chaque personnage est mis en scène dans une action qui permet de le comprendre plus qu’elle ne le définit formellement.
Quand par exemple le texte nous dit que la nostalgie s’immerge dans les profondeurs, ou que la mélancolie joue du violon, que cela est accompagné d’illustrations qui rendent sensible ce que ressentent les protagonistes, il n’est pas besoin de donner d’explication indigeste, l’enfant a tous les atouts en main pour éprouver ce que les autrices souhaitent décrire.
De ce point de vue l’album est une absolue réussite, il ne fait pas de leçon mais il est explicite.
Les créatures sont attachantes, sensibles, pleines de tendresses, et elles sont représentées avec grâce et délicatesse.
Il y a une vraie force évocatrices dans chaque image, chaque ligne de texte, c’est un beau travail. On peut proposer cette série d’albums dès cinq ans, peut-être même avant avec des enfants habitués aux histoires, ils se laisseront porter par les sentiments même les plus complexes qui sont montrés.
De l’autre côté, Alfredo Soderguit, Didier jeunesse, 2024, 14€
Sur la page de titre, un dessin au trait montre une vue plongeante sur deux maisons, et le contraste est saisissant.
L’une emplit la plus grande partie de la page, elle attire immédiatement le regard, pièces ont l’air immenses et éclairées par de grandes baies vitrées.
De l’autre côté de la haie, une maison modeste se tient dans un jardin arboré.
D’un côté, il y avait la maison de Francisca, de l’autre, celle d’Antonina. L’une vivait en ville, et ne venait que pour les vacances, l’autre habitait là.
Un jour, par le portillon resté ouvert, les deux fillettes se sont rencontrées. Elles ont joué ensemble et immédiatement se sont appréciées.
Si la différence de milieux sociaux entre les deux enfants saute aux yeux du lecteur, les deux protagonistes y sont totalement indifférentes.
Elles passent du jardin de l’une à celui de l’autre, jouent au bord de la piscine ou de la rivière, leur amitié est la chose la plus naturelle du monde, elle les occupe le temps d’un été. Elles sont toujours montrées sur un pied d’égalité, partagent exactement le même bonheur, la même insouciance enfantine, chacune à quelque chose à apporter à l’autre.
Puis le temps passe et leurs chemins s’éloignent. Pas parce que l’une est riche et l’autre pas, simplement parce que la vie est comme ça parfois. Ce n’est pas triste, elles passent simplement à autre chose, sans regret, chacune poursuit son chemin sereinement.
Le temps passe, elles grandissent et leurs vies sont montrées en parallèle. Aucune n’est supérieure à l’autre, elles sont différentes mais elles se valent. Rien, jamais, ne les met en opposition.
Il y a peu d’albums qui célèbrent l’amitié, encore moins qui abordent la question de la classe sociale, et à ma connaissance aucun qui le fasse avec tant de douceur, en montrant tout simplement cette évidence: la différence sociale ne fait pas la valeur, et n’empêche pas la rencontre ni l’amitié.
Au delà de leur complicité le temps d’un été il y a aussi la vie qui s’écoule, on les voit grandir jusqu’à l’âge adulte, elles ont chacune une fille, et l’histoire va se reproduire.
De l’autre côté est le troisième album d’Alfredo Soderguit édité par Didier jeunesse et à chaque fois son style graphique est radicalement différent du précédent. Il a publié une cinquantaine d’albums qui ne sont pas encore traduits, j’espère avoir l’occasion de les lire en Français un jour, il explore des thème rares en littérature enfantine.
En route, Atinuke, Angela Brooksbank, éditions des éléphants, 2024, 15€
C’est rare que je chronique tous les livres d’une même série, je crois même que c’est la première fois que ça m’arrive.
Mais il est rare aussi que j’ai un tel coup de cœur et que la série se renouvelle sans s’épuiser, sans que les albums ne soient redondants les uns des autres.
Voilà donc le quatrième opus de ce duo d’autrices, les autres sont là.
Cette fois, nous allons quitter le village, pour nous rendre avec les protagonistes dans la ville de Lagos. En route nous allons marcher dans la nuit, monter dans un bus, traverser des paysages de savane, croiser des animaux impressionnants, et tout cela avant même que la journée ne commence.
Les illustrations qui se déploient sous le ciel nocturne sont tout aussi jolies que celles des livres précédent.
Quand l’Afrique est représentée dans des albums pour enfant, c’est très souvent le milieu rural qui est montré. Pourtant, au Nigeria par exemple, où se passe cette histoire, 70% de la population vit en ville. Alors c’est chouette de voir cette famille arriver dans la métropole, de montrer l’ambiance qui y règne (Angela Brooksbank est très douée pour les scènes d’ensemble qui fourmillent de détails, on se plonge avec bonheur dans leur contemplation). Le texte fonctionne à l’économie: peu de mots, mais l’essentiel est là, on devine la chaleur des relations entre les protagonistes, et on partage les sensations qui les traverse pendant cette longue journée.
Panorama, Fanette Mellier, éditions du livre, 2022
En vue d’une conférence sur les livres d’artistes que je prépare pour fin mars (programme complet ici) , je lis beaucoup de livres assez atypiques aux enfants en ce moment. Je vais donc faire plusieurs articles les concernant en axant mon propos sur la façon dont on peut les utiliser et la façon dont les enfants les reçoivent, puisque telle était la demande pour ma conférence. Panorama est de ceux-là.
Après le livre magique, encore un livre étonnant signé Fanette Mellier. Cette fois-ci la couverture joue sa sobriété.
Notre regard est attiré par le chat au centre, le reste ne fait pas immédiatement sens, si ce n’est peut-être la forme qui évoque un œil en bas à gauche et la lune, que le regard identifie immédiatement, en haut à droite.
L’album s’ouvre en hauteur, format calendrier, il n’égraine pas les mois mais les heures.
Dans la première image on repère le fameux chat, juste à l’emplacement qui lui était réservé sur la couverture, un grand soleil brille en lieu et place de la lune et ce qui ressemblait à un œil est un reflet dans l’eau d’un puits.
La scène est statique, elle représente une maison et le paysage qui l’entoure.
On va retrouver exactement chaque élément, à la même place dans chaque page, seules les couleurs changent, et ce sont elles qui matérialisent le temps qui passe.
Les tonalités s’assombrissent de façon presque imperceptibles d’abord.
Selon les choix chromatiques, l’œil du lecteur est attiré par différents éléments de la page.
Et puis, bien sûr, il y a les aspirations de chacun.
Le petit K, 2 ans et demis, vadrouille dans la salle d’attente de la PMI depuis un moment. Je lui ai proposé de lui lire des histoires, il a décliné. Mais, me voyant feuilleter le livre seule, il vient voir. Il pointe immédiatement la forme ronde et s’exclame « Ballon, ballon! »
Ah, ça y est, j’ai mon accroche. Je lui propose de tourner les pages pour voir ce qu’il y a d’autre dans le livre. À chaque page il répète joyeusement « Ballon ». Je reconnais que c’est sans doute en ballon en effet (à vrai dire ma première hypothèse était plutôt une balle de paille, ce qui me semblait plus attendu dans un champ, mais peu importe, s’il voit un ballon c’est un ballon, s’il avait vu autre chose il aurait raison aussi).
Le même jour, S, (âgée de 6 ans trois quart m’a-t-elle dit) me demande des livres avec du texte parce que « je sais lire maintenant ». Je lui en propose plusieurs qui me semblent adaptés, puis pendant que je lis à un autre enfant je vois qu’elle explore les différents albums que j’ai laissés à disposition.
Je vois qu’elle feuillette Panorama puis s’y arrête.
Elle regarde longuement la première page, puis la suivante, et revient à la première.
Elle dit à voix haute « je trouve pas ». Puis « c’est bizarre… »
Je lui demande ce qu’elle ne trouve pas, elle me répond, comme s’il s’agissait d’une évidence « ben, les différences ». Puis elle ajoute « là c’est pas la même couleur mais c’est partout pas la même couleur ».
Finalement, nous avons regardé cet album ensemble assez longuement, en nous demandant ce qui changeait au fil des pages. Elle a rapidement compris que la nuit tombait, elle a également remarqué que le chat était toujours dans la même position mais elle lui prêtait des humeurs différentes selon les pages (« il a peur? » « Il est content! » « Là, il attend juste »).
Chaque enfant à sa façon de s’approprier Panorama, en fonction de ses habitudes (jeu des sept erreurs) ou de ses appétences (ballon).
J’ai un seul petit regret, je l’ai amené beaucoup sur les différents lieux où je travaille et j’ai finalement assez peu d’observations avec cet album, il est peu choisi. À mon avis cela ne tient pas à son contenu mais à sa couverture, qui n’attire pas beaucoup les enfants. C’est généralement quand je le présente ouvert qu’il va capter le regard.
Je suis toujours très heureuse qu’il soit choisi car il me semble qu’il offre aux enfants de nombreuses pistes de réflexion et qu’il aiguise leur sens de l’observation.
Quant à moi je mesure sa richesse au fait que je ne m’en lasse pas, chaque lecture me plonge dans un plaisir contemplatif.
C’est bien mon chéri, Julien Couty, la joie de lire, 2024, 14€90
Vous avez remarqué, on fustige toujours les écrans dans les mains des enfants mais on s’interroge encore assez peu sur l’effet délétère des écrans sur les enfants quand ce sont les adultes qui s’y adonnent. Dans cet album, les parents sont manifestement très absorbés par le smartphone qu’ils ont chacun greffé à la main. C’est pas des mauvais parents, hein. Ils font à manger, ils encouragent leur môme, ils ont l’air plutôt sympa/normaux. Mais, il faut l’avouer, ils sont peu attentifs. Aucun problème pour le gamin, lui aussi est occupé, il a des projets de construction. Aidé du chat (enfin, il aide comme les chats savent aider, quoi, c’est à dire qu’il se lâche la patte en regardant d’un œil), il se lance dans la construction d’une tour de dominos. Puis y ajoute les coussins du canapé pour plus de hauteur. Et la table basse. Hop, quelques portes de placard, et un échafaudage tant qu’à y être. Il commente chaque étape et obtient immanquablement le même commentaire parental « C’est bien mon chéri » prononcé mécaniquement par un adulte qui n’a toujours pas levé les yeux de son smartphone.
L’imagination du petit s’emballe et son pouvoir d’agir semble sans limite. Des ouvriers viennent lui prêter main forte, une serre tropicale est bâtie, puis un toboggan géant! L’absurdité de la situation contraste avec le réalisme du comportement parental, qui est à peine exagéré. Je n’aime pas trop que la littérature enfantine fasse la morale aux gamins, ici elle ne la fait pas non plus aux parents, puisque rien ne vient sanctionner leur comportement. Ils en sont même presque récompensés, puisqu’ils finissent par retrouver leur salon impeccable. La chute m’a réjouie, elle m’a fait penser à celle de Au lit dans dix minutes, ici aussi il faut tout remettre en ordre en un temps réduit, mais heureusement dans les livres il se produit souvent des miracles!
Les animaux, Bastien Contraire, La partie, 2022, 18€
En vue d’une conférence sur les livres d’artistes que je prépare pour fin mars (programme complet ici) , je lis beaucoup de livres assez atypiques aux enfants en ce moment. Je vais donc faire plusieurs articles les concernant en axant mon propos sur la façon dont on peut les utiliser et la façon dont les enfants les reçoivent, puisque telle était la demande pour ma conférence. Les animaux est de ceux-là.
Bastien Contraire est un adepte des livres concept, de ceux avec lesquels les enfants peuvent jouer et qui laissent parfois les adultes perplexes.
Dans les animaux, il nous trompe dès le titre, à moins qu’il ne s’agisse là d’un indice pour nous guider dans la lecture qui va suivre.
Chaque page montre un rond de couleur unie sur fond blanc. Ne cherchez pas un jeu d’échelle, tous les ronds ont exactement la même taille, et ils sont tous précisément positionnés de la même façon sur la page. Il n’y a donc que la couleur pour évoquer chaque animal, ainsi que son nom écrit en cursive en dessous.
On peut instaurer un jeu de devinette avec les enfants mais c’est quand-même un peu vache: certains sont quasiment impossibles à deviner. Car après le jaune du poussin ou le gris de la souris, nous avons l’autre gris, celui de l’éléphant, et l’orange peut aussi bien être celui du crabe que celui, moins soutenu, du renard.
On peut aussi, et c’est généralement ce que je fais, se contenter de tourner les pages en lisant le texte, et voir comment les mouflets vont se débrouiller avec ça.
Et là, les réactions sont très variées. Certains nous regardent d’un air indécis, se demandant manifestement si on ne se moquerait pas tout de même un peu d’eux.
D’autres entrent immédiatement dans le jeu, et cherchent alors à deviner la suite (dans ce cas bien entendu je respecte leur jeu et je ne donne pas le nom de l’animal, je ne suis pas sadique non plus)
Nombreux sont ceux qui après quelques lectures retiennent le nom et l’ordre d’apparition de chaque animal, avec un taux d’erreur étonnamment faible.
Quand on a affaire à un petit groupe, les discussions vont bon train, et ceux qui connaissent déjà le livre n’hésitent pas à se positionner en expert, présentant eux-mêmes l’ouvrage à leurs copains, faisant des commentaires ou détrompant fièrement ceux qui n’auraient pas identifié la bonne bestiole.
La dernière page offre une surprise qui accentue le côté ludique du livre et incite généralement les enfants à le prendre en main eux-même, pour mieux jouer avec. Je ne saurais trop vous inciter à les laisser faire autant que possible: c’est toujours chouette que les enfants souhaitent s’approprier un livre.
C’est l’un des contes populaires très adaptés pour les jeunes enfants.
La trame est la même, une moufle perdue dans la neige et des animaux qui s’y réfugient. La chute varie selon les versions.
Ici l’autrice a pris le parti de l’épure: des images sobres avec le rouge de la moufle pour seule couleur et la silhouette des animaux qui se détache en noir sur la neige et très peu de texte sous forme de livre à compter. Les traces de pas des animaux sont représentées en relief sur le blanc de l’image. D’abord celles délicates de la souris, qui traversent la page pour s’arrêter dans la moufle rouge. Puis celles de l’écureuil (tiens, les pattes arrières ne laissent pas la même trace que celles de l’avant) et du lapin. Les animaux, de plus en plus nombreux, viennent grossir la forme de la moufle pendant que la neige se couvre de traces de pattes.
Mais… 1, 2, 3, 4, 5, on arrive finalement à 6 animaux. 6? C’est beaucoup trop pour une moufle, qui est faite pour seulement 5 doigts c’est bien connu!
Hop, avec cette chute on peut faire le lien avec un jeu de doigt, qui peut accompagner l’histoire.
Un petit livre tout simple, très joli, qui plaira aux bambins et résistera à leur manipulation même si elle est parfois un peu maladroite: les pages cartonnées sont particulièrement solides.
Les mamies et les papis, Georgette, Didier jeunesse, 2024, 11€90
Revoilà l’autrice Georgette, et ses petits personnages illustrés façon gommette.
Elle poursuit son exploration du monde réel et nous en renvoie une image juste à travers ses albums.
Car si la littérature jeunesse représente souvent les mamies et les papis stéréotypés, lui fumant une pipe, elle faisant des gâteaux, dans les familles la réalité est tout autre.
Il ne s’agit pas de gommer les traces de la vieillesse, au contraire. Les rides sont bien là, tout comme les coups de fatigues et la mémoire hasardeuse. Mais les stigmates de l’âge sont valorisés, si papi a un visage tout plissé c’est qu’il a beaucoup rigolé et mamie est douce et moelleuse comme un oreiller, pratique pour la câliner.
Ici nous voyons des mamies amoureuses ou qui vont en manif, des papis pirates ou qui aiment danser.
Ils sont nombreux, ils sont joyeux, ils sont tous différents, ils ont la saveur des grands-parents réels.
Comme dans l’album qu’elle consacre aux familles et celui sur l’amour, Georgette permet à chacun de se reconnaitre, et pour s’adresser à des petits son texte est court et ses images très lisibles. Je le lis avec plaisir aux enfants de moins de trois ans comme à ceux de maternelle.
Birds, Damien Poulain, éditions du livre, 2023, 15€
Qu’est-ce qui permet de reconnaître à coup sûr un oiseau? Faut-il des ailes? Des plumes?
Par quelles inférences les enfants sont-ils capables très tôt d’en identifier un qui leur est montré de façon très parcellaire?
Dans ce petit pèle mêle aux pages cartonnées, les bambins ne s’y trompent pas, ils savent dès les premières pages qu’on leur montre des yeux et rapidement identifient également le bec et peuvent nous dire, en pointant fièrement les pages: « C’est un oiseau ». Ce qui n’était pas donné par le titre, puisque la plupart des enfants avec lesquels je travaille ne parlent pas l’anglais.
On le sait depuis longtemps, les bébés reconnaissent une représentation stylisée d’un visage dès leur naissance. Ils ont un attrait particulier pour tout ce qui leur évoque les yeux. Aussi les formes colorées proposées ici par Damien Poulain leur semblent-elles d’emblée familières et attractives.
Les mouflets un peu plus grands cherchent parfois la précision: C’est une chouette, à n’en pas douter! Une fois un enfant de 5 ans, féru de documentaires animaliers m’a dit sa mère, m’a expliqué doctement que sur l’une des pages il s’agit incontestablement d’une mouche et non d’un oiseau.
Libre à lui de le penser, d’ailleurs, à bien y regarder, je suis assez d’accord avec lui. Tout comme je partage le point de vue de cette fillette de 3 ans qui en tournant les pages me disait pour chaque oiseau formé « Il est content » ou au contraire « il est fâché » et, dans un souci de nuance sans doute, a également annoncé « il est pas très content ».
J’aime les albums qui incitent les enfants à parler, à penser, et qui attirent le regard des bébés. J’aime aussi cette première expérience artistique que font les enfants avec ce livre aux formes épurées qui nécessitent une interprétation personnelle.
Il y a parfois des auteurs dont on reconnait le style au premier coup d’œil et qui, brutalement, nous surprennent avec un album qui n’est pas du tout caractéristique de leur travail.
Avec l’imagier des sens, Anne Crausaz s’éloigne des lignes claires et des couleurs vives qui font habituellement sa patte.
L’autrice explore les quatre éléments, l’air, l’eau, la terre et le feu et cherche à nous faire vivre une expérience multisensorielle en rapport avec chacun d’eux. Par le texte et par l’image, elle parvient à convoquer nos sensations, on se remémore la fraîcheur de l’eau sur nos pieds, le bruit du vent entre les feuilles, la chaleur du feu, son crépitement.
J’aime les livres d’Anne Crausaz, je les trouve toujours charmants, plaisants. Mais c’est la première fois que j’en trouve un à ce point émouvant, son pari de transmettre sur le papier des sensations variées est réussi, on perçoit la matière, on devine la rugosité de la terre, ou la douceur du galet sous nos doigts. Dans ces pages il y a du mouvement, des odeurs. La gouache donne une chaleur aux images qu’on ne trouve pas dans celles créées à l’ordinateur.
Cet album était le deuxième de la maison d’édition Askip, qui prévoit de n’en faire qu’un par an, souhaitons qu’ils soient tous aussi réussis que celui-là!