Des albums de littérature enfantine à proposer aux bébés dès 1 an, parce qu’ils aiment déjà les histoires, chansons, imagiers. Il n’est jamais trop tôt pour leur proposer un éveil au livre.
Coricoco, Charline Collette, Seuil jeunesse, 2023, 12€50 Cet album accompagne en douceur l’enfant dans la nuit.
Le constat d’abord: Le coq ne chante pas, les cloches ne sonnent pas, la voiture est au garage, mais pendant que toi tu dors, d’autres s’activent encore.
Cette phrase se décline sur trois pages, texte à gauche (dans une jolie écriture cursive, à la rondeur rassurante, qui confère à la page un petit air désuet) image à droite. C’est la nuit, les couleurs sombres dominent, et il se dégage de l’image du bébé endormi une atmosphère des plus paisibles.
Suit une énumération des métiers nocturnes: La gardienne allume le phare, l’électricien répare le train, la routière guide son camion.
En fin d’album nous revenons naturellement vers l’enfant à qui s’adresse le livre. La nuit a manifestement été paisible, et voilà que, coricoco, le coq chante le moment du réveil.
Un album contemplatif, de nature à accompagner un endormissement serin. Conscient du monde qui continue de tourner autour de lui, le tout-petit peut s’endormir tranquillement, et quand le jour se lève, de nouvelles découvertes s’offrent à lui.
Les belles peintures de Charline Collette (qui m’avaient déjà séduite dans un précédent album) subliment les métiers de la nuit comme le bébé endormi.
Bloom, Julie Safirsten, éditions du livre, 2021, 20€
De temps en temps j’achète pour mon travail un livre totalement atypique. Dans le milieu on les nomme livres objets, livres d’artiste ou encore livres singuliers. C’est cette dénomination qui a ma préférence, car tous les livres sont pensés aussi dans leur matérialité et qu’il est bien difficile d’estimer que tel illustrateur est un artiste et pas tel autre.
Les éditions du livre sont spécialisées dans ce type de livres. Bloom est l’un d’eux.
Le livre invite à la sensation, en le manipulant on peut former une boule, ce qui nous donne l’impression d’assister à l’éclosion de la fleur, magnifique, étonnante.
Quand on le montre à un jeune enfant, il créé de l’émerveillement. Comment une fleur peut-elle surgir de ce petit objet? Comment a-t-elle disparu si rapidement?
Le jeu se reproduit, les petites bouches des bambins s’ouvrent, esquissent un sourire, les yeux s’écarquillent. Ils veulent toucher aussi, pour en découvrir les secrets.
J’avoue que c’est un des livres que je ne laisse pas les enfants mettre à la bouche. Bien trop fragile, il n’y résisterait pas. Mais je les accompagne dans la découverte sensorielle par le toucher, en veillant à la délicatesse de leur geste. Les enfants les plus grands et les adultes imaginent bien des prolongements au moment de lecture: fabriquer à son tour des fleurs de papier, en reproduisant le pliage du livre ou dessiner des pétales colorés.
Bloom est un album qui est finalement assez facile à présenter aux enfants, ils sont ouverts et apprécient la découverte. Du côté des adules, certains sont déroutés par cet objet qu’ils ne savent pas où classer.
Mais n’est-ce pas une des fonctions de l’art, de dérouter son spectateur?
Pour voir Bloom en situation, je vous invite à visiter la galerie de photo sur le site consacré à la lecture en salle d’attente de PMI, sur l’une des photos la lectrice le présente à une mère et son bébé.
Loin de moi l’idée qu’il faut absolument des albums cartonnés pour lire avec les bébés. Je dis même régulièrement en formation qu’il y a plein de livres en papier adaptés avec les nourrissons, qui ont un temps d’attention parfois long et qui n’abîment pas tellement les livres.
Ça se complique avec les enfants qui commencent à se déplacer, mettent les livres dans la bouche et veulent tourner les pages eux-mêmes!
Cependant, parce que c’est pratique, parce que c’est un peu moins cher et parce que ça permet de garder les mêmes livres quand les enfants grandissent, on me demande très régulièrement des albums aux pages cartonnées.
Les éditeurs connaissent bien cette demande et rééditent souvent des livres à succès dans ce format (citons par exemple ceux de Chris Haughton ou encore le très réussi Bébé au marché).
Dans les sorties récentes j’ai repéré entre autre ces quatres petits albums que j’aime bien lire avec les bébés, qui sont agréables en bouche, et qui plaisent aussi aux adultes qui accompagnent les enfants (ce qui, vous le savez, est un critère important dans mon travail)
C’est le troisième album de ce format proposé par l’atelier SAJE et, comme les deux précédents, il se reconnaît à son style épuré, ses couleurs vives, ses lignes simples. Les pages sont animées (on peut faire tourner le petit hérisson ou le cacher dans le feuillage) mais tout de même solides. Et ici, petit intérêt supplémentaire, le texte est une comptine (Qu’est-ce qui pique pique pique, qu’est-ce qui pique quand on le prend? C’est mon hérisson mesdames, c’est mon hérisson. Ceux qui la connaissent l’ont désormais dans la tête pour la journée. De rien.)
Un livre accroche idéal, qui attirera l’oreille comme le regard.
C’est parti, petite souris, Emmanuelle Halgand, Motus, 12€
C’est parti petite souris joue également sur des lignes pures, et des images très lisibles. Pas de comptine ici mais un texte très court, celui prononcé par une petite souris malicieuse qui n’hésite pas à aller voir les animaux les plus imposants. Mais elle file si vite de pages en pages qu’ils n’ont même pas le temps de réagir, hop, la voilà partie.
L’histoire de cette petite souris qui n’a pas froid aux yeux ravit les petits, tout comme la diversité des animaux représentés.
Hi! Colette, Catherine Louis, HongFei, 10,90
Hue, Oh, Eh, Ah, Hi, voilà le tout dernier de la série de Catherine Louis!
Comme les autres, il est illustré par des gravures où le noir et blanc domine. Ici le rouge surgit en fil d’album.
Bien qu’il n’apparaisse pas sur la couverture le héros de ce petit album est le chat noir, qui va retrouver la petite Colette pour des jeux pleins d’imagination. C’est simple et joli, le contraste noir, blanc et rouge est toujours très efficace pour lire avec les bébés, il attire leur regard immanquablement. D’ailleurs, cette petite collection a déjà montré ses qualités puisque ce sont des livres qui sont très souvent choisis par les petits.
L’escapade, Marine Schneider, Cambourakis, 10€
Du noir et blanc ici encore (nous savons combien les bébés sont sensibles aux contrastes) à l’exception de la couverture et d’un mot sur chaque page écrit en orange.
Bravant la pluie, un narrateur invisible décide de faire une petite promenade. Il enfile ses bottes et hop, dehors. Il voit des animaux, observe la nature. L’image montre un focus sur un élément important, montré en noir sur fond blanc. C’est très joli et efficace.
Dans l’univers, il y a mon papa, Gigi Bigot, Julia Spiers, Didier jeunesse, 2023, 14€
« Dans l’univers, il y a la terre. Sur la terre, il y a un pays. »
Cette structure narrative issue du poème Dans Paris il y a, d’Eluard, on la retrouve dans de nombreux albums.
Sans doute parce qu’elle permet de faire un focus sur un sujet qui préoccupe l’enfant.
J’aime voir la façon dont auteurs et illustrateurs s’en emparent pour en faire une œuvre singulière, qui reflète leur univers.
Ici, il y a les gouaches de Julia Spiers, qui attirent immanquablement le regard.
Au texte, Gigi Bigot joue sur l’effet de zoom et dé-zoom pour évoquer l’éloignement des êtres et du rapprochement des cœurs.
Car dans les rêves d’un enfant qui est ici, il y a un père qui est là-bas. Et dans ceux de ce papa qui est loin en mer, il y a son p’tit gars.
Les illustrations, qui mêlent l’étrangeté du rêve et le réalisme du quotidien abolissent les distances. Père et fils, réunis sur la couverture, sont ensemble grâce aux rêves qu’ils font l’un de l’autre.
Le thème de la séparation et de l’amour père enfant, mais aussi la douceur poudrée des illustrations et le rythme du texte rendent cet album très accessible aux tout petits. L’universalité du sujet attirera également les plus grands. Et le charme infini des images en font également un régal pour les adultes.
Dans l’univers il y a mon papa aurait donc toute sa place dans la sélection des cadeaux de naissance!
Comment poussent les pastèques, Eizô Hirayama, les grandes personnes, 2023, 18€
Il n’y a pas à dire, le noir et blanc donne toujours une certaine classe aux illustrations.
On peut s’étonner de ce choix pour un album sur la pastèque, tant ce fruit se caractérise graphiquement par le contraste du vert de l’extérieur et du rouge de l’intérieur, rehaussé par les graines noires.
Et pourtant, cela fonctionne bien et l’ouvrage est très beau.
Il raconte avec précision le cycle de vie de la pastèque.
Les insectes ont bien sûr leur rôle à jouer. On peut les repérer dans l’image, à condition d’en faire une lecture attentive (ce que font les enfants, ils sont très doués pour voir le détail qui nous avait échappé)
Après la naissance et la croissance du fruit il est cueillit et dégusté par un gourmand invisible. Une nouvelle graine promet une prochaine pousse. Le texte, concis et descriptif fait de Comment poussent les pastèques le plus poétique des documentaires.
Publié pour la première fois au Japon en 1974, cet album frappe par la force de ses illustrations, qui n’ont rien de désuets et la qualité de son texte, épuré et agréable à lire à voix haute.
En cette fin d’été, brutalement, le soleil vient à manquer. Alors je suis ravie de le retrouver sous la forme de ce chouette album aux pages cartonnées, destiné aux tout petits mais avec un texte qui n’a rien à envier à la poésie des adultes.
Après un livre célébrant la neige puis un autre sur les orages, l’autrice Anaïs Brunet nous propose un ciel plus clément dans un ouvrage aux couleurs éclatantes.
Beaucoup de jaune bien sûr, mais aussi du rose fluo, du bleu, du vert, qui se mêlent dans un feu d’artifice pétillant. Un peu de noir aussi pour le contraste et des touches de vernis pour le brillant. Les bambins vont en avoir plein des mirettes! Chacun s’attardera sur les éléments de l’image qui les intéresse le plus, les animaux pour les uns, les enfants qui jouent pour les autres, ou encore le détail des motifs.
Le texte est un poème en six strophes, dont chaque vers a cinq syllabes. Son rythme fluide s’impose très naturellement lorsqu’on le lit à voix haute.
Les jeunes enfants y découvriront probablement des mots encore jamais entendus. Ce sont souvent ceux-là qu’ils trouvent les plus savoureux. Et comme les petits aiment la répétition, je ne doute pas que rapidement, ils connaîtront l’album par cœur.
Ses imagiers où des caches en noir et blanc recouvrent une photo ont toujours un succès fou auprès des enfants.
Il a déjà exploré plusieurs thématiques, les engins d’abord, puis les animaux, et les objets.
Les formats aussi ont variés, aux albums format moyen du début ont succédé des petits cartonnés.
Mais la patte de l’auteur est toujours là, et les enfants reconnaissent sans peine la série.
Dans Imagier des outils, il y a des instruments très connus et d’autres un peu moins. Une petite phrase explique la fonction de chacun.
Je ne sais pas si tous les enfants retiendront que la grelinette sert à aérer la terre, mais je suis convaincue qu’il seront, comme moi, séduit par le mot lui-même.
Pour les tout-petits, il y a le plaisir du contraste et du noir et blanc, pour ceux qui maîtrisent tout juste leurs mains le jeu de soulever les caches, pour les plus grands le plaisir de connaitre la fonction de chaque objet. Et les adultes apprécieront la qualité des photos.
Moi j’ai bien aimé y voir une fillette qui répare son vélo.
Bref, chacun y trouvera ce qu’il cherche et tout le monde appréciera ce petit album.
La soupe est prête, Susanne Straßer, tourbillon, 2023, 12€50
Décidément, j’ai un faible pour les histoires drôles et tendres de cette autrice.
Comme souvent, c’est une histoire en randonnée (dans laquelle une phrase est répétée régulièrement comme un refrain) et ici une randonnée a accumulation (on ajoute des éléments au fur et à mesure).
Ça commence par un enfant qui prépare la soupe. À sa droite, la table est dressée pour six convives.
Le cheval arrive, il estime qu’une bonne soupe a besoin de betteraves. Snipp snipp snipp, dans la marmite. Puis il prend place à table. Arrive ensuite l’oie. Une bonne soupe a besoin de betteraves et d’herbe verte, rip, rap, dans la marmite.
Puis la chèvre: Une bonne soupe a besoin de betteraves, d’herbes vertes et de tendres rameaux, cric, crac, dans la marmite.
Structure simple, toujours très efficace, surtout quand elle est rehaussée d’onomatopées comme ici. Au-delà de la fantaisie des ingrédients utilisés, on s’amuse des bouillettes des personnages qui s’accumulent, eux aussi, sur la page de droite. On sait, au nombre de places vides, combien d’invités sont attendus.
Et l’œil attentif des enfants remarquera qu’un des convives n’a pas attendu que la soupe soit servie pour se mettre quelque chose sous la dent…
Et quand la soupe est prête, l’album se termine par une double chute, certes un peu attendue pour nous adultes, mais qui fonctionne très bien avec les bambins.
Et puis on est séduit par les expressions cocasses des personnages.
Tous au parc! Tous à la plage! Martine Perrin, les grandes personnes, 2023, 10€50
Depuis de nombreuses années les images très graphiques, aux couleurs franches et aux forts contrastes, de Martine Perrin font le bonheur des tout petits.
Ces deux nouveaux albums reprennent un format qu’elle avait déjà exploré avec Chat, et qui plaît beaucoup: des petits carrés, même pas dix centimètres de côté, aux pages nombreuses et cartonnées ce qui leur donne des allures de cubes, dont on ferait bien des constructions.
Les bambins adorent les trimbaler partout, les cacher dans le four de la dînette ou dans le coffre du camion trotteur.
Ce petit format et la simplicité des images les rendent particulièrement adaptés aux bébés, mais il faut toute la capacité de lecture de l’image des enfants pour vraiment les savourer.
Chaque histoire est racontée à la première personne par un narrateur invisible, et illustré par des plans subjectifs sur ce qu’il regarde, procédé particulièrement immersif puisque nous sommes les yeux du protagoniste.
Si le texte se suffit à lui même pour raconter une journée assez classique d’un jeune enfant, c’est l’image qui nous donne plus d’information sur ce qu’il se passe réellement. Ainsi par exemple quand le texte dit « Je suis héroïque », l’image d’un grand toboggan en plan éloigné nous indique que cet héroïsme consiste à surmonter sa peur pour jouer sur la structure de jeu.
De même quand le texte dit « j’explore la faune… courageusement » et que l’image montre une petite araignée, un oiseau et un chien, la faune habituelle des squares pour enfant. Ce que vit le protagoniste et ce qu’il ressent sont donc présentés simultanément par le texte et l’image, à charge pour le lecteur de faire le lien entre les deux.
Et les enfants excellent dans cette double lecture de l’image vue et du texte entendu.
Ce sont donc des albums très intéressants pour les enfants dans leurs premières années et comme ils sont bien jolis et peu bavards ils sont agréables à lire pour les adultes.
Vive la sieste, Yuicho Kasano, l’école des loisirs, 2023, 9€
Allez, un petit album de Yuichi Kasano, ça ne se refuse pas! Je ne les présente pas tous sur le blog parce qu’il n’y a pas énormément à en dire, mais tous sont de petits bonheurs à lire avec les enfants, ils ont une simplicité qui touche à la perfection. La tendresse du trait, la qualité des expressions, il n’en faut pas plus pour séduire enfants et parents. Ici nous avons une succession d’animaux qui baillent puis s’endorment comme des bien heureux, au milieu de chaque double page.
Chacun à sa posture mais le point commun est le plaisir manifeste qu’ils ont tous à piquer un petit roupillon. On pense bien sûr aux albums Roule et Saute, de Tatsuhide Matsuoka tant celui là en est proche par la forme.
Mais ne crions pas trop vite au plagiat, c’est bien l’univers graphique de Yuichi Kasano qui fait toute la force de ce petit album fort sympathique.
Aux côtés de l’ours, du chien, du chat et du cochon, nous sommes nous aussi tentés de nous étendre au cri de Vive la sieste, un slogan que nous aimerions voir plus souvent adopté par les bambins!
Je ne promets pas que ce livre fasse dormir les mouflets mais je promet qu’ils passeront un bon moment et c’est déjà pas mal!