La collectionneuse, Emmanuelle Pétry-Sirvin, Lucile Placin, l’étagère du bas, 2024, 18€
Le goût des collections est chose répandue chez les jeunes enfants. Il suffit de vider leurs poches après une promenade pour s’en convaincre, en découvrant des séries de cailloux, petits bâtons et autres coquillages.
Tamaquil ne fait pas exception et, petite, elle collectionne les doudous.
Mais en grandissant, elle ne perd pas cette habitude, elle l’adapte à ses goûts qui évoluent avec l’âge.
Ado, elle collectionne les guitares, jeune adulte les théières, issues de ses différents voyages.
Puis ce sont carrément les voitures, les maisons et même… Les amoureux. Vide à combler? Besoin de posséder? L’histoire ne dit pas d’où lui vient cette étrange manie.
Quand son ventre grossit, elle s’imagine volontiers enceinte de triplets, voire de quadruplets, pourquoi pas. Mais c’est un unique bébé qui vient au monde, et son arrivée met fin à la vie de collectionneuse de sa maman. C’est que ça en prend de la place, un tout petit!
Tamaquil est pétillante du début à la fin de l’album. Toujours en mouvement, souvent pieds nus, elle dégage une impression de grande liberté et une confiance en elle qui semble inébranlable.
La collectionneuse est autant un portrait d’une femme joyeusement libre qu’une ode à la maternité.
Les grandes illustrations, qui laissent une grande place aux représentations de la nature, conviennent parfaitement au dynamisme de l’héroïne. Faut que ça fuse, faut que ça pulse, c’est pas une histoire pour s’endormir mais une pour se réveiller. L’orange fluo y côtoie harmonieusement le rose poudré dans des compositions pleines d’énergie.
Nous les humains, Dieter Bäge, Bernd Mölck-Tassel, la joie de lire, 2024, 18€90
On commente souvent la diversité des humains, pour souligner la richesse qui en découle.
Mais il peut également être intéressant de s’attarder sur ce qui nous réunit, ce qui nous permet de nous reconnaitre dans l’autre, aussi différent de nous soient-ils. Et sur le sujet il y a beaucoup à dire.
Dans cet épais volume (160 pages tout de même) les auteurs font une liste, non exhaustive mais très riche, de tout ce qui forge notre humanité, au delà des particularités de lieux ou de temps.
Si le livre est dense, sa lecture n’est pour autant jamais fastidieuse, le texte est court, à peine plus d’une phrase par page, et les illustrations propices à réflexion.
C’est un album très agréable à partager avec un ou plusieurs enfants. On peut alors s’interroger ensemble, et s’autoriser quelques désaccords avec les auteurs si besoin. Eux-mêmes d’ailleurs introduisent de la nuance, avec des termes qui reviennent comme « parfois » « certains d’entre nous » « la plupart du temps » etc
Et puis il y a les phrases tellement universelles qu’elles se passent de ces précautions.
« Nous les humains, nous aimons parler de ce que nous aimons, de ce que nous cuisinons, de ce que nous voulons devenir… »
Ce sont les images qui leur donnent toute leur saveur, montrant des femmes, des hommes, des enfants, dans différents contextes, racontant l’ici ou l’ailleurs, le familier ou l’exotique.
Un album que j’aurais certainement beaucoup de plaisir à partager aussi avec des adultes. Qui dépasse les âges et réunit les générations.
Gruffalo, édition anniversaire 25 ans, Julia Donaldson, Axel Scheffler, Gallimard jeunesse, 2024, 14€90
Ah bon, il a déjà 25 ans le Gruffalo? Mazette, comme le temps passe! Pourtant, il n’a pas une ride sous ses yeux oranges!
Vous ne le connaissez pas encore, Alors il est temps de faire les présentations.
D’abord, il y a une petite souris. Frêle, mais drôlement futée.
Pour elle, la forêt est plein de prédateurs, mais grâce à sa langue bien pendue, elle s’en sort fort bien.
Quand elle est menacée elle prétend avoir rendez-vous avec une créature redoutable, qu’elle décrit à grand renfort de qualificatifs effrayants.
Le Gruffalo a des défenses terribles, des dents redoutables, des mâchoires terrifiantes. Face à ces propos, les prédateurs (Renard, Chouette, Serpent) préfèrent détaler.
Mais quand un Gruffalo, un vrai, débarque devant notre petite souris, on s’inquiète pour le rongeur. Va-t-elle être prise au piège de son propre mensonge?
Pas le moins du monde, les auteurs n’ont visiblement pas pour but de faire la morale aux mouflets en leur expliquant que c’est mal de mentir mais plutôt de les divertir.
J’avoue que je partage ce parti-pris. La mode des livres très normatifs, qui ne cessent de dure aux enfants comment bien se comporter me désole.
Je préfère l’humour et la fantaisie du Grufallo qui montre que l’imagination (et une bonne dose d’audace) peut compenser quand on n’est pas le plus fort.
Dans cette édition spéciale une jaquette décor et des personnages à découper complètent l’album pour que les enfants jouent avec. Il y a aussi quelques activités en fin d’ouvrage que je ne trouve pas très utiles mais qui ne mangent pas de pain.
Pour compléter on peut aussi offrir le cherche-et-trouve qui est sorti en même temps. Les images foisonnantes d’Axel Scheffler se prêtent parfaitement à ce jeu. Avec ses 14 grandes scènes et ses 120 éléments à trouver, il y a là de quoi occuper les mouflets un moment.
Couleur, David A. Carter, Gallimard jeunesse, 2024, 26€90
Je l’attends désormais avec une impatience non dissimulée, le pop-up de noël créé par David A Carter, maître incontesté du genre.
Il nous surprend toujours par des mécanismes nouveaux, des volumes atypiques, des formes sans cesse plus impressionnantes.
Si celui sorti en 2022 reste un de mes préférés parce qu’il invite le lecteur à jouer avec les mécanismes, le cru 2024 est également excellent.
Une double page par couleur et du carton teinté dans la masse pour montrer les différentes nuances.
Ainsi le rouge va du rose au cramoisi, en passant par l’écarlate, le rubis, cerise ou coquelicot.
La page suivante est également appétissante. Pêche, curry ou safran illustrent la couleur orange, viennent ensuite les jaunes, les verts etc.
Comme souvent avec les albums de cet auteur (ingénieur papier lui convient sans doute mieux), la précision des découpes nous ferait presque oublier qu’il y a aussi un texte, il a pourtant son importance et offre aux enfants de nombreux adjectifs pour qualifier les couleurs, en plus de leur noms respectif.
Bien entendu, ce genre de livre ça a un coût de fabrication que l’on retrouve dans le prix de vente.
À manipuler avec précaution et accompagné d’un adulte, donc, mais il émerveille les petits et les grands, c’est un des livres qui peut réunir des enfants de 4 ans et d’autres de 8 avec le même plaisir.
Mac Pat le chat chanteur, Julia Donaldson, Axel Scheffler, Gallimard jeunesse, 2009, 14€90
A l’occasion de la sortie en salle du film éponyme, Gallimard réédite Mac Pat le chat chanteur, paru initialement en 2009, raconté par le duo autrice/illustrateur qui s’est fait connaitre pour le célèbre Gruffalo.
C’est l’histoire de Fred, un musicien des rues qui, accompagné de son chat Paddy Mac Pat rencontre un certain succès dans le voisinage, en particulier quand le félin se joint à lui pour pousser la chansonnette.
Un jour, un voleur dérobe l’argent qu’ils ont récolté, Fred le poursuit, trébuche et se retrouver à l’hôpital.
Le chat le cherche en vain, l’attend patiemment toute une semaine et finit par se suivre Soquette, la chatte du quartier qui pense qu’il y aura une place pour lui chez ses maitresses, Nella et Isa.
Les deux femmes adoptent immédiatement Mac pat qui se plait beaucoup dans ce nouveau foyer, mais régulièrement il pense à Fred et à leur vie passée…
Tout comme Fred pense à son chat qu’il désespère de retrouver un jour.
Ah, comme elle semble longue cette séparation !
Même si chacun est heureux de son côté, même si Paddy Mac Pat connait le bonheur de devenir un papa chat, on est drôlement soulagés quand ils se retrouvent enfin.
Et non, le chat ne retournera pas auprès de son ancien maitre, après tout, il a construit une nouvelle vie. Mais la résolution sera tout aussi rassurante pour le jeune lecteur et plaisante pour tous les protagonistes.
Au fond, il s’agit de maintenir les liens affectifs, pas de rester fusionnels pour toujours. Grandir, s’émanciper, faire sa vie, tout en maintenant son attachement, c’est un peu la vie des mouflets et je ne doute pas qu’ils trouveront dans cette histoires de multiples échos à leurs préoccupations du quotidien.
Derrière une apparente simplicité et un trait humoristique qui rend la lecture légère, il y a là matière à réflexion.
Aux champignons, Camille Allessandroni, le diplodocus, 2024, 14€50
Je suis sûre qu’en cet automne au climat morose je ne suis pas la seule a rêver d’une promenade en forêt.
Enfiler une tenue bien chaude pour aller fouler les feuilles mortes, avant de rentrer dans une maison douillette.
C’est exactement ce que va faire la petite Louison, en compagnie de son papi. Équipés de bottes et blousons, ils ont pris le panier et vont aux champignons.
Il faut aller jusqu’au grand chêne, mais c’est surtout l’occasion d’une promenade. Avec un texte entièrement dialogué qui n’est jamais trop bavard, on suit les protagonistes qui apprécient leur ballade en pleine nature.
Une rencontre avec un escargot, une cabane improvisée. Pas de renards, ni de chouettes, car ce sont des animaux nocturnes, mais, chut, qui vient par ici? Un lapin ici, une biche là, c’est plein de vie ce bois!
Une cueillette de feuilles mortes, des châtaignes pour le gouter, on en oublierait presque qu’on était venus pour les champignons, qu’on ne trouvera pas cette fois… Mais ce n’est que partie remise.
Sur les images les couleurs automnales se superposent, comme s’entassent les feuilles mortes sur le chemin. Elles provoquent des sensations sur le lecteur, on devine leur épaisseur, leur texture.
C’est un album très réconfortant, que me ferait presque aimer cette saison !
Betty, Marie Norin, Elisabet Ericson, l’étagère du bas, 2024, 15€
La narratrice est une jeune femme, aux cheveux qui tombent le long de son visage. Dans sa posture on sent quelque chose d’empêché chez elle. Ce n’est pas de la rigidité, ça ressemble plutôt… Je ne sais pas, un sens trop aigu de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas, comme une bonne éducation excessive, comme s’il n’y avait pas beaucoup de place pour la fantaisie.
Elle vit à la campagne, une vie solitaire que l’on imagine sans grandes joies. Jusqu’à l’arrivée de Betty.
Toute en rondeur, en mouvement, elle est séduisante par sa joie de vivre, elle a beaucoup voyagé et a plein de trucs dans sa voiture. On la devine volubile, elle prend sa place dans l’espace, à l’opposé de la narratrice elle n’est jamais gênée, ne s’excuse pas.
À la faveur de la bonne éducation de son interlocutrice, elle s’installe dans la maison, la rempli de ses objets, de sa vie à elle, réduisant à peau de chagrin l’espace restant.
Combien de temps sera-t-elle tolérée?
C’est drôle, la première fois que j’ai lu cet album j’ai pensé qu’il évoquait des préoccupations d’adultes. Pourtant à bien y penser, les amitiés toxiques sont légion dans l’enfance (et l’adolescence).
C’est un livre à avoir en maternelle et même plus tard, les enfants y trouveront matière à réflexion.
Sans morale excessive, sans insister sur la supposée gentillesse de l’une ou méchanceté de l’autre, cette histoire montre qu’on peut renoncer à une amitié quand on n’y trouve plus son compte. Et même peut-être qu’il n’y a pas de regret a avoir. Quand la narratrice se débarrasse enfin de Betty, elle semble avoir gagné en assurance, mieux profiter de sa vie, aussi solitaire soit elle. D’ailleurs, elle y a gagné la présence d’un chien.
L’histoire est très bien menée et donne à penser, elle s’adresse à la capacité des enfants à penser le monde, je pense que ça vaut le coup de faire connaitre cet album.
Le livre extraordinaire des bébés animaux, Simon Treadwell, little urban, 24€
Ha ha, ça y est, je l’ai, LE livre qui va faire de moi la star des bibliothèques hors les murs, la vedette des lectures dans les écoles, la dealeuse officielle de livres documentaires pour les mouflets, bref, j’ai le livre accroche ultime pour les enfants de maternelle et au-delà. Car s’il est difficile de résister aux images d’animaux de cette collection, il est carrément impossible de ne pas craquer devant ces bébés animaux ! Vous les avez vus les grands yeux ronds de l’ourson ? Hé bien, dedans, vous trouverez aussi des guépardeaux qui se chamaillent, un zébreau qui fait ses premiers pas, un blanchon qui nous regarde dans les yeux, et un suricate qui fait la commère, comme il se doit. Et encore plein d’autres animaux, une quarantaine en tout, avec leurs caractéristiques, une fiche d’informations précise, leurs lieux de vie. Car nous avons bien affaire à un vrai documentaire, et non à un simple imagier, qui présente donc des espèces variées (oui, bon, j’ai choisi les plus racoleuses, mais il y en a aussi qui ressemblent moins à des peluches, comme la tortue plate ou la salamandre tachetée) et des précisions de qualité. Je suis persuadée que plus on connaît et comprend les animaux et mieux on les respecte donc je suis toujours très heureuse quand les enfants me demandent de lire le texte. Mais ça n’est pas toujours le cas et je ne m’en formalise pas. Ils piochent selon leurs centres d’intérêt ou leur capacité d’attention, et pourront continuer d’apprécier cet album en grandissant (la collection a toujours beaucoup de succès quand je travaille en école élémentaire, et je l’imagine aussi assez bien dans un CDI de collège). Comme toujours dans cette collection, les images sont impressionnantes de réalisme au point que certains peinent à croire qu’il ne s’agit pas de photos, mais bien de dessins. Et le grand format bien sûr attire immanquablement le regard. Bref, voilà qui va remplacer dans mes séances de lecture le tout aussi joli livre extraordinaire des chats, qui a mystérieusement disparu de mon fonds (un enfant a dû l’aimer tellement qu’il n’a pas pu s’empêcher de partir avec, je ne vois que ça comme explication.)
Le roi est occupé, Mario Ramos, Pastel, 1998, 16 €.
Je poursuis mon exploration de l’œuvre de Mario Ramos, toujours en vue de cette intervention (que vous pouvez suivre en visio si ça vous branche). À vrai dire, mon texte est prêt, mais, étant contrainte par le temps, il y a plein de livres dont je ne vais pas parler. Dont celui-là, pour lequel j’ai pourtant de chouettes observations de terrain avec les enfants.
C’est un livre jeu interactif, l’enfant est invité à chercher sous des rabats les passages secrets qui mènent vers le roi. L’objectif est de trouver le souverain pour lui expliquer « tout ce qui ne va pas dans le royaume ».
On en profite pour visiter cet archétype de château-fort, avec son vocabulaire spécifique. Partout sont cachées des créatures vertes plutôt joviales.
En fin d’album, on découvre enfin le roi, qui a délaissé son trône pour s’asseoir sur… Les toilettes ! Désolée pour le spoil, mais les réactions des enfants tournent quand même beaucoup autour de cette page. Ils sont ravis de voir que les puissants aussi font caca, et une des réactions qui revient souvent c’est « même la maîtresse va aux toilettes ! » (mes observations proviennent pour beaucoup d’une bibliothèque de rue qui se tient devant une école, le contexte explique sans doute la récurrence de cette remarque.)
On se rapproche de l’album Chhht, lui aussi basé sur des caches à soulever dans un château mais avec beaucoup moins de tension narrative, ici c’est plus doux, on peut s’adresser à des enfants plus jeunes ou plus craintifs. Le roi est occupé nécessite aussi moins de théâtralisation, et quand je le lis les enfants prennent volontiers la parole. Ils me racontent qu’ils n’ont pas peur des monstres (ou alors juste un tout petit peu), ils mémorisent les caches qui mènent au passage secret sur chaque page et sont fiers de me montrer qu’ils l’ouvrent du premier coup, ils commentent les actions des sujets. Aucun enfant n’a relevé que le roi était un chat alors que tous les autres personnages sont des souris. Pour ce que j’en ai vu les enfants sont assez peu inquiets de la salle des tortures où le bourreau chauffe ses instruments. Par contre, ils manifestent un vif intérêt pour la salle du trésor, et certains préféreraient faire main-basse sur les coffres que poursuivre le chemin en direction du roi. Un enfant m’a dit « hop, je prends ce coffre, hop, je remonte l’escalier, hop, je ressors comme je suis venu. » Il a tourné les pages en sens inverse pour revenir à la première et s’est ravisé « en fait, j’y retourne et je prends tous les coffres, sur mon dos ! »
Il a tout de même accepté qu’on aille jusqu’au bout du livre « pour voir ». À la dernière page, découvrant le roi sous le cache, je lui dis « alors, qu’est-ce qu’on lui dit maintenant qu’on l’a trouvé ? » Il m’a répondu « moi c’est bon, j’ai les coffres maintenant, j’ai plus de problème à lui dire ».
Mais quand un petit groupe d’enfant se constitue autour de cet album, en général les discussions vont bon train quant à ce qu’il faut dire au roi. C’est assez marrant de voir comment les gamins de maternelle ont des idées de ce qui ne va pas dans leur royaume personnel. Les revendications tournent beaucoup autour du menu de la cantine ! J’aime bien la façon dont Mario Ramos prend l’enfant par la main pour le rendre acteur et lui donner un pouvoir d’agir. En lui faisant ouvrir les caches, il l’invite à agir, et en lui proposant cette histoire, il l’invite à réfléchir. D’une façon générale, les livres de cet auteur se veulent émancipateurs, ils font confiance à l’enfant, le reconnaissent dans sa capacité à comprendre et à penser le monde. C’est tout simple, c’est ludique, c’est accessible, et en même temps c’est futé et juste assez subversif. Et en plus, c’est drôle, que demander de plus?
Les gens de la plage, Maële Vincensini, Cédric Abt, Thierry Magnier, 2024, 18€50
Sur la plage de Ty Anquer, une baleine est échouée. Les habitants du village veulent spontanément lui venir en aide, ils s’arment de pelles et de seaux. Mais déjà une barrière est dressée devant la baleine, un policier s’interpose entre elle et les gens de la plage. Personne ne passe, c’est interdit.
Seuls les pompiers peuvent tenter quelque chose. Consternation et impuissance du côté des villageois, qui regardent avec inquiétude les pompiers tenter maladroitement des soins peu appropriés.
Voilà qu’arrive une pirate. Elle fait figure d’autorité, sait sauver les baleines et l’a déjà prouvé. Elle fait jouer ses relations et obtient le droit de passer, mais se rend rapidement compte que seule elle n’y suffira pas.
Face à l’urgence, les gens de la plage décident finalement de passer outre les consignes et forcent le passage. Ils aident la pirate juste à temps, avant que la marée ne redescende.
Il y a quelque chose de très apaisant dans les grandes illustrations en pleine page, en particulier dans celle, en fin d’album, qui montre la baleine libre dans les eaux. On trouve aussi du réconfort dans la solidarité dont font preuve les villageois, le naturel avec lequel ils choisissent ce qui est juste plutôt que ce qui est légal.
Mais c’est tout de même la peine et la colère dominent tout au long de la lecture de cet album. Colère à l’idée des règles, aussi réelles qu’absurdes, qui imposent des barrière meurtrières. Peine à la pensée des naufragés qui ne reçoivent aucun secours.
Heureusement, les gens de la plage ont su s’unir, dépasser leur sentiment d’impuissance, se rebeller et agir. Car c’est bien de notre pouvoir d’agir que parle cet album. Heureusement, la littérature enfantine nous offre une vision de l’humanité plus optimiste que les nouvelles du monde. Heureusement, il reste un espoir et les valeurs telles que la solidarité ne sont pas encore totalement criminalisées. Heureusement, on a encore le droit de montrer que pour sauver ceux qui échouent sur nos plages (baleines ou personnes) il faut parfois braver l’autorité.