Professionnelle de la lecture d'album, j'ai eu envie de créer ce blog pour faire connaitre la richesse de la production jeunesse aux parents et aux professionnels de l'enfance. Vous y trouverez des chroniques d'albums (livres de fonds ou nouveautés) mais aussi quelques éléments de pratique de lecture à voix haute et mon actu de formatrice en littérature jeunesse.
2 petites mains, 2 petits pieds M. Fox H. Oxenbury Gallimard jeunesse 13,90€ (ou 5,80€ en petit format, dans la collection « l’heure des histoires »)
isbn: 978-2070622726
Qu’ils soient nés au pays des pingouins ou dans le désert lointain, d’un bout à l’autre du monde, les bébés sont les mêmes. Ils ont deux petites mains, deux petits pieds, et une bouille adorable.
Les illustrations d’Hélène Oxenbury accompagnent toute en douceur le texte rythmé et poétique de Mem Fox, qui se lit comme une comptine. Présentés d’abord dans leur environnement les bébés du monde sont ensuite réunis sur la même page, ensemble dans leur jeux et leurs ressemblances. Les plus jeunes s’identifient et les plus grands s’attendrissent.
Ouaf miaou cui-cui Cécile Boyer, Albin michel jeunesse 12€
isbn: 978 2 226 19 202-8
C’est le propre de l’écrit de donner à voir ce qui n’est pas visible. Cet album en fait remarquablement la preuve.
C’est presque un documentaire sur la vie quotidienne du chat, du chien
et de l’oiseau. L’illustratrice y montre un chat lové sur un coussin, un
chien tout fou qui saute joyeusement partout, des oiseaux dans les
airs… Sans jamais dessiner aucun animal.
J’aime particulièrement la silhouette du chat qui se découpe sur le ciel nocturne. Ouaf, Miaou cui-cui est un album dans le quel la poésie naît du graphisme et où les images naissent des lettres, étonnant et pourtant immédiatement accessible même pour le très jeune enfant. Il a reçu le prix sorcières en 2010.
Vroum! vroum!François Delebecque, les grandes personnes, 14€
isbn:978-2-36-193109-4
Bon, la rentrée approche, comme promis, mon blog reprend du service.
Je commence en douceur, avec une valeur sûre, le dernier livre de
Delebecque. Après les engins de chantiers, les animaux de la ferme et sauvages, il explore les moyens de transports, tous les moyens de transport, toujours avec le même talent. Une ombre en noir et blanc, un volet à soulever et apparaît la voiture. La voiture, déclinée sous
différentes formes.
Je ne pensais pas qu’un livre de photos sur les moyens de transport pouvait être plein d’humour et pourtant c’est le cas, plusieurs clichés prêtent à sourire. Il y a les photos qui font rêver les enfants (mon filleul va sauter de joie en découvrant le camion
poubelle) et celles qui font rêver les adultes (là, c’est selon, je suis sûre que beaucoup fantasment sur le voilier ou la montgolfière, moi c’est le combi vw) Il y a les très attendus comme l’avion et les tout à fait inattendus (et là, je vous laisse la joie de les découvrir vous même)
Ajoutez à cela le plaisir de soulever les caches, et vous obtenez un très bon livre, qui plaira, j’en suis sûre, aux enfants et à leur parents. Testé déjà avec ma mouflette de 5 ans, elle l’a approuvé. La p’tite de 8 mois a essayé de dévorer les caches, ce qui est également bon signe.
Je ne saurais trop vous conseiller d’aller voir sur le site de l’éditeur pour en voir plus.
L’ami du petit tyrannosaure F. Seyvos, A. Vaugelade, école des loisirs
isbn: 9782211081757 5,50€ ou
isbn: 2211073522 12,50 € broché.
C’est important d’avoir des amis, le petit tyrannosaure le sait bien. D’ailleurs, il se fait régulièrement un nouvel ami. Mais il ne le garde jamais longtemps. C’est qu’il a un problème de faim, dès qu’il se fait un nouvel ami, la faim le tenaille jusqu’à ce qu’il le mange.
Après avoir avalé son dernier nouvel ami, le petit tyrannosaure est tout désolé, il réalise qu’il n’en aura plus jamais d’autre. Et plus jamais à manger non plus d’ailleurs, puisqu’il n’y a plus personne. De quoi avoir un gros chagrin.
Mais, venue d’une autre foret, arrive une petite souris qui va changer la vie du tyrannosaure, elle est confiante, ils peuvent devenir amis, elle sait comment éviter d’être mangée. Et elle connaît même le moyen d’assouvir sa faim de façon beaucoup plus civilisée qu’en mangeant les gens.
Ma mouflette, qui elle aussi a bien des difficultés pour se contrôler, est pleine d’empathie pour ce petit tyrannosaure aux traits tellement expressifs.
Akiko raconte aux hirondelles qu’elle a rêvé de sa grand-mère. Et aussitôt, elle se met en route vers le lac, lieux de la rencontre onirique avec son aïeule.
Elle traverse la ville, la rivière et la forêt et y rencontre ses amis, l’écureuil, les oiseaux, le renard. Si la symbolique des lieux, des animaux rencontrés n’échappe pas à l’adulte qui lit le livre, l’enfant qui l’écoute, lui, se laisse juste emporter par la douceur de l’histoire.
Une histoire extrêmement paisible, douce, magnifiquement servie par les illustrations qui mêlent le rouge du tissu japonais, le vert de la végétation et le trait noir de l’ancre de Chine.
Une histoire qui semble emprunte du souffle de la vie, et qui parle pourtant du deuil.
On retrouve le personnage d’Akiko dans une série de livres, tous sont réussis et tous font ma joie quand j’ai l’occasion de les lire. Et à chaque fois que j’en lis un à ma mouflette, il provoque en elle de multiples interrogations, de la curiosité, des réflexions étonnantes.
J’aime les dessins de Martine Bourre quand elle utilise très peu de moyens. C’est le cas dans ce petit album, où les bébés ont une expression tellement attachante.
On suit le trajet d’une petite balle rouge, au milieu de bambins. Il y a la fillette qui court après en disant « à moi », celui qui ne sait pas encore marcher mais qui essaye tout de même de saisir la balle, ceux qui tombent l’un sur l’autre. En parcourant cet album, je sentais l’ambiance d’une halte garderie.
Pour finir la balle va retrouver son propriétaire, dans les mains de qui elle va faire la joie de tous.
Je pense qu’il faut un peu de temps pour le mettre en bouche le texte, très minimaliste, juste quelques mots ou onomatopées, mais à mon avis les bébés vont y trouver un écho à leur propre babil qui les enchantera.
Je crois que je me souviendrais toujours de la stupeur de ma mouflette, qui devait avoir environ deux ans et demis, quand elle a découvert que les adultes pouvaient aussi lire des livres. Elle était convaincue que les adultes ne lisaient que « dans l’ordinateur ». Ça m’a bien fait réfléchir à mes propres comportements de lecteurs quand elle m’a sorti ça, après tout, elle à grandit dans une famille où on se plaît à se considérer comme lecteurs et elle nous voit tout le temps le nez dans l’ordi… Humm…
L’âne de cet album à du trop fréquenter des gens comme nous. Des gens qui ont plus d’écrans que de livre. Il est tout surpris quand il voit le singe plongé dans son bouquin. Un truc qui ne fait pas « tooot », qui n’envoie pas de texto et dans le quel il y a plein plein de mots.
Mais, qu’est-ce que c’est que ce truc? C’est un livre, lui explique le singe, avec patience.
Un texte court et percutant et des images terriblement expressives font mouche à tout les coups.
On jubile à la lecture de cet album, si drôle et tellement représentatif.
Le loup ne nous mangera pas! E. Gravett Kaléidoscope 13€
isbn: 978-2-87767-700-4
Il est tout doux, tout tendre ce loup. Comme Emily Gravett sait les dessiner, attachant dès le premier regard. Ils sont minions aussi les trois petits cochons, fiers d’avoir dompté le terrible loup.
Ils en font un spectacle, ils paradent et vont montrer aux spectateurs ébahis qu’ils ont su transformer le loup en agneau. Ils l’affirment fièrement: « Le loup ne nous mangera pas! » Et, pour bien le prouver, ils le mettent dans des situations de plus en plus désagréables… Presque humiliantes. Mais n’iraient ils pas un peu trop loin?
On ne peut pas dire qu’on a affaire à un livre à message, parce qu’il tire son intérêt de ses qualités graphiques et littéraires plus que du thème.
Mais il transmet en douceur l’idée qu’il ne vaut sans doute mieux pas trop se laisser aller à nos pulsions sadiques, même si on a affaire à celui qui est identifié comme « le méchant ».
On ne le dira jamais assez, le bébé est une personne. Mais quelle
étrange personne quand même. Certains jours, il faut bien le dire, les bambins ressemblent plus à un genre d’animal polymorphe et des plus perturbant qu’à un humain civilisé.
Zagazou est un adorable bébé tout rose, au sourire charmant, qui fait la joie de Georges et Bella. Mais un jour… Il se transforme en un énorme bébé vautour aux cris stridents. Georges et Bella se demandent comment ils vont supporter ça mais un jour… Zagazou devien un petit éléphant turbulent. Mais un jour… de transformations en transformation, Zagazou n’en finit pas de déstabiliser ses parents, devenant chaque jour un animal différent, voire tout un tas d’animaux en même temps. Puis, il devient une grande chose hirsute, et cette phase là semble durer un peu plus longtemps que les autres.
L’identification fonctionne à merveille, les parents se reconnaissent à tous les coups dans le couple qui a à peine le temps de s’habituer au comportement de leur mouflet avant qu’il ne change de nouveau. Curieusement, les enfants, eux, ne se reconnaissent pas du tout dans cet étrange protagoniste en revanche… Tout au plus certains y reconnaissent leur petit frère ou leur petite sœur.
J’aime toujours autant l’humour de cet auteur et le dessin proche de la BD qui tombe juste avec à peine quelques traits. Il y a quelque chose de réjouissant dans les traits des personnages, tellement expressifs. A la fin l’histoire propose une pirouette, qui met l’histoire en perspective (et qui, il faut l’avouer, peut provoquer chez les parents une forme de spleen)
On ne lit pas tout seul! Lectures et petite enfance sous la direction de S. Rayna et O.Baudelot Ères 25€
isbn:978-2-7492-1343-9
Exceptionnellement, je ne mettrais pas un commentaire personnel sur ce livre, parce que j’y ai participé, que mes collègues et moi-même avons beaucoup travaillé pour permettre sa sortie alors j’ai bien peur de ne pas être un bon juge.
Je précise juste que l’élaboration de cet ouvrage a été pour moi l’occasion de rencontrer des professionnels de la petite enfance ou de la culture, des chercheurs en science humaines et sociales dont le regard m’a beaucoup apporté pour ma pratique professionnelle. Qu’il fait suite à un colloque qui m’a beaucoup fait réfléchir (pendant mais aussi quand on l’a préparé) et que j’ai encore découvert à la sortie du livre de nouveaux articles que j’ai trouvé brillants.
J’y co-signe un chapitre avec ma collègue Laurence Charlot intitulé « Comités de lectures: vers une communauté de pratique ». Il y est question du travail mené en partenariat depuis des années avec les bibliothécaires parisiens en direction des professionnels de la petite enfance de la capitale. De la façon dont nos pratiques à tous se construisent et se modifient grâce aux témoignages de chacun.
Pour le reste, je vous livre juste un extrait de la 4eme de couverture.
« Partager les enjeux actuels des lectures avec les tout petits, approfondir ce qui se joue dans ces rencontres intersubjectives et interculturelles, réinterroger la valeur et la signification des albums jeunesse -d’aujourd’hui, d’autrefois, d’ailleurs-, présenter des dispositifs innovants engageants une diversité de partenaires comme le goûter littéraire, susciter des pratiques d’évaluation participatives: tels sont les objectifs de cet ouvrage, articulé autour des actions de lectures-plaisir, que mène l’association LIRE à Paris, dans une multiplicité de lieux pour lutter contre l’illettrisme et l’exclusion. »
Pour en savoir plus, vous pouvez aussi consulter le site de l’éditeur ERES
Un autre ouvrage émanant de l’association LIRE, et dont j’ai coordonné l’écriture, est sorti chez Eres, il porte sur le travail spécifique qui mêle le livre et le chant avec les albums de comptines.