Les yeux verts, Li Lamarre, Odile Santi, éditions courtes et longues,19€90
Neige vit dans un monde où toutes les chattes ont les yeux jaunes et tous les chats les yeux bleus.
Elle grandit dans un environnement aimant, entourée de sa mère et de ses amis. Sa vie est douce, sieste la journée, chasse et jeux la nuit.
Déjà, elle est connue pour son caractère indépendant.
Quand arrivé le moment d’être adoptée, la séparation est difficile et jamais elle ne s’habitue à son nouvel environnement, pas assez de liberté, pas assez de tendresse.
Alors, elle part, seule.
Rejet des autres, froid, faim, la route est difficile.
Quelle distance elle parcourt? Le paysage change, tantôt immense étendue, on se croirait au Japon, tantôt cours de ferme à l’américaine.
C’est épuré, très précis, beau. Les animaux évoquent les illustrations d’Anne Crauzas, et les paysages mon font penser à Emilie Vast.
Neige fera finalement la rencontre de Tao, un chat libre, un chat qui a les yeux verts.
C’est alors qu’elle découvre que pendant le voyage, ses yeux aussi ont changé de couleur.
Il est vrai que la liberté transforme les êtres, la métamorphose de Neige est probablement bien plus profonde que la couleur de ses yeux.
Un très bel album, texte ciselé et image fortes. Et, cerise sur le gâteau, sa couverture est douce comme le pelage d’un chat.
Le chat et la coccinelle, Laurie Cohen, Mathias Friman, Le diplodocus
Pattes de velours, museau en avant, le chat est en chasse. Tout blanc, il est dessiné au trait, sur un fond coloré, comme pour souligner sa grande délicatesse. L’objet de sa convoitise est une petite coccinelle, qui s’est aventurée dans le salon.
Hum, comme elle est attirante pour le félin, qui aimerait tant jouer avec elle. Il en oublie totalement tous les autres insectes qui sont pourtant à portée de sa patte et de ses babines.
Mais la petite est véloce, elle s’échappe dans le jardin, le chat toujours à sa poursuite.
Un joli album, au format à l’italienne qui se prête bien à cette folle poursuite. Les couleurs sont éclatantes et mises en valeur par l’utilisation du blanc de la page. Et cette histoire, qui pourrait mal finir pour la coccinelle, se termine par une pirouette tout à fait adorable.
Mon chat sauvage, Isabelle Simler, éditions courtes et longues,15€
Il a le format d’un petit roman, peut se lire comme un album et a la précision d’un documentaire. Autant dire que nous avons affaire à un livre inclassable. J’imagine que les bibliothécaires vont s’arracher les cheveux pour savoir où le ranger mais moi, j’avoue, j’aime assez ce côté « hors des cases »
D’autant qu’il offre plusieurs niveaux de lectures tant dans les images que dans le texte.
C’est un portrait du chat, présenté façon documentaire animalier. Les caractéristiques de la bête (sa vivacité, son comportement chasseur, son tonus) sont sans cesse contredites par l’image qui montre un chat beaucoup plus domestique que sauvage, tour à tour vautré sur le radiateur, installé sous la chaleur d’une lampe ou caché derrière le rideau.
Y aurait il un brin de mauvaise foi dans la vision du narrateur qui nous présente son chat?
Je dirais plutôt que c’est un regard à peine déformé par l’amour porté à l’animal, rien de plus naturel!
En contrepoint à ce regard partial, un sous texte plus petit vient enrichir certaines pages.
Il apporte des informations très précises sur les propriétés du chat (imaginiez vous qu’il peut courir 100 mètres en 9 secondes seulement ? Ou qu’il a un champ de vision de 287°?)
Ce double décalage, entre les deux types de texte et les images, font de ce petit album un bijou de drôlerie.
Et bien sûr, on est charmé par les magnifiques illustrations d’Isabelle Simler, si finement travaillés qu’on croirait voir bouger chaque moustache du félin.
Idéalement, un album à coupler avec son pendant, « Mon escargot domestique », tout aussi réussi.
A chacun son chat, Brendan Wenzel, Kaléidoscope, 13€
Oui, à chacun son chat et surtout, à chacun sa vision des choses.
De pages en pages, le chat vagabonde. Il croise tour à tour un enfant, un chien, un renard… Et à chaque fois, l’image nous donne à voir le chat dans les yeux de son interlocuteur. Pour le chien, il est famélique, pour le renard qui le course, bien dodu, pour le poisson, il est une forme vague, tellement grosse qu’on n’en distingue presque que les yeux.
Outre les variations de cadrage (vue plongeante à travers les yeux de l’oiseau ou très gros plan pour la puce), la technique d’illustration change. Papiers collés, gouache, crayons de couleur etc…
Le texte tient à peu de choses près en deux phrases. Mais les enfants comprennent tout de suite qu’ici c’est surtout l’image qui raconte. Et que ce qu’elle raconte, c’est la subjectivité, l’importance du rapport à l’autre.
Bien sûr, certains posent la question: « c’est le quel le vrai? » La discussion qui s’en suit alors est passionnante pour le jeune enfant: la vérité peut donc être une question de point de vue? Et les autres ne me voient pas forcément tel que je m’imagine moi même?
La fin de l’album présente un chat multiple qui finira par disparaître de l’image, ne laissant derrière lui que son collier a clochette…
Sous une apparente simplicité, cet album ouvre un large panel de réflexion, que les enfants apprécient beaucoup. Et moi aussi.
Le petit chat de Lina, LEE, Komako Sakaï, école des loisirs
Tout commence par un petit miaulement derrière une porte. Miii, miii, miii, mais qui pleure ainsi? Lina et sa mère découvrent alors le chaton, tout petit, le poil ébouriffé. Sa mère est là aussi, avec ses deux autres petits. Si elle a accompagné son bébé jusqu’à la porte des humains, c’est qu’il a besoin de leur aide, il est malade, il faut le soigner.
Entre maman, on se comprend. La chatte et la mère de Lina échangent un regard. Et voilà le chaton adopté.
Il a les yeux mal en points mais il n’est pas aveugle, un petit tour chez le vétérinaire et tout rentrera dans l’ordre.
Au début, Lina trouve que ce chat est quand même moins mignon que ceux de l’animalerie, mais il faut bien avouer que quand elle le prend dans ses bras, l’écoute ronronner et le sent respirer elle est sous le charme.
Très vite, elle se sent responsable de lui, au point qu’elle est très inquiète quand il disparaît.
On sait que Komako Sakaï est incroyablement douée pour dessiner les traits de l’enfance. Ici elle arrive en outre à rendre parfaitement la fragilité du chaton, auquel il est impossible de rester indifférent.
Cet album est une histoire très charmante sur l’adoption, le soin qu’on peut apporter aux autres, le sentiment maternel et l’empathie.
Lina est une vraie petite mère pour le chat, puisqu’elle va s’en occuper, s’inquiéter pour lui et finalement, c’est elle qui va le baptiser.
Les aventuriers du soir Anne Brouillard, éditions des éléphants
Les aventuriers ce sont Gaspard, Lapinus, son doudou et Mimi, la chatte. Le terrain d’exploration, c’est la forêt. En tout cas ça y ressemble, puisque nos personnages sont au milieu des feuillages. Ils y ont fait une cabane, avec un vieux tronc d’arbres ils jouent à pêcher d’un bateau puis, lassés du jeu, ils grimpent dans l’arbre pour regarder le monde.
Après quelque pages découpées en vignette, comme une bande dessinée, voilà une pleine page sans texte, au premier plan l’arbre qui abrite les trois amis (et quelques oiseaux), plus loin, la maison familiale baignée de soleil. La mère lit, le père jardine, sur la table on a manifestement pris un thé en fin d’après midi, qui s’est un peu éternisé parce qu’on a le temps. Cette illustration respire le calme des journées d’été, quand on est en vacances, qu’on a oublié quel jour de la semaine on est parce que ça n’a plus d’importance.
Cette double page, on s’y attarde un peu tellement on s’y sent bien. On mesure à quel point Gaspard et ses amis sont en sécurité, à proximité de la maison. Eux aussi semblent rassurés et ils peuvent maintenant repartir à l’aventure, dans le soleil couchant.
Quand la nuit est tombée, Gaspard rentre à la maison, qui est illuminée dans l’obscurité. Un bref instant, il semble avoir un tout petit peu peur et il accélère le pas pour atteindre la porte. Là encore, l’image suffit à raconter ce moment furtif où on serre son doudou un tout petit peu plus fort, où on fixe la porte et la lumière un peu plus intensément.
Dans la maison ce n’est pas parfaitement rangé mais c’est chaleureux. Un foyer.
Il y a quelque chose de profondément juste dans les illustrations d’Anne Brouillard. Elles ont une force évocatrice incroyable. On devine l’odeur du gratin sorti du four, le grincement du plancher sous les pattes du chat, la douceur des draps de Gaspard, la petite brise qui passe par la fenêtre ouverte.
Dans cet album elle exploite les possibilités de variations dans l’image: succession de pages avec et sans texte, images pleine page ou vignettes, travellings, plans fixe ou vue plongeante.
La lecture trouve ainsi son rythme, le regard des enfants fouille l’image, certains détails sont mis en valeur, d’autre seront découverts, comme des secrets, au fil des lectures.
Le tout est servi par un grand format à la française, et une belle qualité de papier.
J’ai eu un vrai coup de cœur pour cet album, que je lirais avec grand plaisir cet hiver, quand j’aurais envie de replonger un peu dans le bain de nature des vacances estivales.
Anne Brouillard est la quatrième lauréate du Grand Prix Triennal de littérature de jeunesse de la fédération Wallonie-Bruxelle, qui vient de la récompenser pour la quarantaine d’albums qu’elle a déjà publiés.
Cet album se présente d’abord comme un imagier ou un documentaire d’ornithologie. Sur la page de droite, un oiseau, avec son nom, sur celle de gauche ses plumes, dessinées avec une telle précision qu’on ne résiste pas à l’envie de passer la main dessus pour les caresser.
L’oie, le regard brillant, et ses plumes gris pales. Le paon, majestueux dont la roue déborde du cadre de l’image. La mésange, délicatement posée sur une branche.
Mais il y a aussi autre chose dans l’image, une silhouette qui se déplace à pattes de velours et qu’on ne perçoit pas tout de suite.
Bien sûr, le chat de la couverture s’est glissé à l’intérieur du livre, et au fond si les oiseaux y laissent quelque plumes, il y est peut être un peu pour quelque chose…
Il y a un désaccord entre les enfants à qui j’ai lu cet album. Si une majorité pense que le chat est l’ami des oiseaux, certains tout de même se demandent si il n’en croquerait pas un de temps en temps, quand le livre est refermé… A vous de vous faire votre propre opinion. Au passage, ne manquez pas de vous attarder sur les pages de garde, où vous verrez des plumes d’oiseaux qui ne sont pas dans le livre. Les enfants aiment bien imaginer comment sont ces volatiles, ils font des hypothèses: « celui là doit être gros, le rouge queue doit ressembler au rouge gorge, il a presque le même nom, il doit avoir plein de couleurs » etc. C’est toujours chouette un album qui donne à voir ce qu’il ne montre pas. On aime bien aussi chercher sa plume préférée.
Et si vous voulez savoir à quoi il ressemble sans vous précipiter dans la librairie la plus proche, vous pouvez regarder cette vidéo.
Des nouvelles de mon chat G. Bachelet Seuil jeunesse 13€
isbn: 2020660490
Ah, voilà un moment qu’on attendait de ses nouvelles. On avait adoré faire sa connaissance dans « mon chat le plus bête du monde », on l’avait retrouvé avec plaisir dans un album souvenir, il était temps que sorte un nouvel album de ses aventures.
L’histoire commence par un déménagement. Forcement, quand on voit la taille de l’animal, on comprend que son maître ait eut besoin d’une grande maison, une maison à sa mesure.
Ainsi, à la campagne, le félin peut manger (puis vomir) toute l’herbe du jardin, il peut arracher cueillir des rosiers et surtout, rencontrer sa fiancée.
La minette, espiègle et vive, va partager la vie loufoque et décalée de l’encombrant matou. Avec un humour très visuel, Gilles Bachelet les montre tendres ou joueurs, dans des attitudes tellement félines qu’on en oublie l’apparence étrange qu’à ce chat là. La différence de taille entre Mon chat (oui, c’est son prénom) et son amoureuse ajoute à l’humour de la situation.
Nous avons décidément affaire à un maître de la contradiction dans le rapport texte/image. Le procédé fonctionne toujours aussi bien au fil des albums et les enfants se régalent à les lires à la suite les uns des autres.