Les aventuriers du soir Anne Brouillard, éditions des éléphants

Les aventuriers ce sont Gaspard, Lapinus, son doudou et Mimi, la chatte. Le terrain d’exploration, c’est la forêt. En tout cas ça y ressemble, puisque nos personnages sont au milieu des feuillages. Ils y ont fait une cabane, avec un vieux tronc d’arbres ils jouent à pêcher d’un bateau puis, lassés du jeu, ils grimpent dans l’arbre pour regarder le monde.

Après quelque pages découpées en vignette, comme une bande dessinée, voilà une pleine page sans texte, au premier plan l’arbre qui abrite les trois amis (et quelques oiseaux), plus loin, la maison familiale baignée de soleil. La mère lit, le père jardine, sur la table on a manifestement pris un thé en fin d’après midi, qui s’est un peu éternisé parce qu’on a le temps. Cette illustration respire le calme des journées d’été, quand on est en vacances, qu’on a oublié quel jour de la semaine on est parce que ça n’a plus d’importance.

Cette double page, on s’y attarde un peu tellement on s’y sent bien. On mesure à quel point Gaspard et ses amis sont en sécurité, à proximité de la maison. Eux aussi semblent rassurés et ils peuvent maintenant repartir à l’aventure, dans le soleil couchant.

Quand la nuit est tombée, Gaspard rentre à la maison, qui est illuminée dans l’obscurité. Un bref instant, il semble avoir un tout petit peu peur et il accélère le pas pour atteindre la porte. Là encore, l’image suffit à raconter ce moment furtif où on serre son doudou un tout petit peu plus fort, où on fixe la porte et la lumière un peu plus intensément.

Dans la maison ce n’est pas parfaitement rangé mais c’est chaleureux. Un foyer.

Il y a quelque chose de profondément juste dans les illustrations d’Anne Brouillard. Elles ont une force évocatrice incroyable. On devine l’odeur du gratin sorti du four, le grincement du plancher sous les pattes du chat, la douceur des draps de Gaspard, la petite brise qui passe par la fenêtre ouverte.

Dans cet album elle exploite les possibilités de variations dans l’image: succession de pages avec et sans texte, images pleine page ou vignettes, travellings, plans fixe ou vue plongeante.

La lecture trouve ainsi son rythme, le regard des enfants fouille l’image, certains détails sont mis en valeur, d’autre seront découverts, comme des secrets, au fil des lectures.

Le tout est servi par un grand format à la française, et une belle qualité de papier.

J’ai eu un vrai coup de cœur pour cet album, que je lirais avec grand plaisir cet hiver, quand j’aurais envie de replonger un peu dans le bain de nature des vacances estivales.

Un album qui se marie à ravir avec Petit Somme, de la même autrice. Et qui est apprécié aussi dans le tiroir à histoires.

Anne Brouillard est la quatrième lauréate du Grand Prix Triennal de littérature de jeunesse de la fédération Wallonie-Bruxelle, qui vient de la récompenser pour la quarantaine d’albums qu’elle a déjà publiés.