Des couleurs et des choses T. Hoban Kaléidoscope 10€50
isbn: 2877670201
C’est un imagier photo, maintenant il en existe plein mais quand la
photographe Tana Hoban l’a fait, en 90 c’était bien plus novateur. On y
reconnait le fil conducteur de tout ses albums: « ‘inciter les enfants à
ouvrir les yeux et à regarder autour d’eux, de ne rien laisser passer
sans y prêter attention. »
L’objectif est atteint, cet album constitue une véritable initiation au regard pour les enfants.
Sur chaque page, un cadre en couleur vive découpe l’espace en quatre. On retrouve sur les objets la couleur dominante (la photographe ne retravaille jamais la couleur après avoir pris les
photos mais il lui est arrivé de peindre des objets avant de les
prendre). Un « intrus » se glisse pourtant dans la page, il n’est pas dans la teinte des autres photos.
Les enfants s’approprient cet album de mile façon différentes. Ils désignent l’objet qui n’est pas à sa place, ou cherchent à retrouver dans les pages les éléments de la frise sur les pages de garde, font des liens d’une image à l’autre, miment la dégustation de ce qui se mange (la glace au chocolat en particulier à un grand succès). Un album qui aide à regarder et qui fait parler. Très réussit.
Monsieur Porchon a vraiment une belle vie. Grâce à son très important travail, il possède une belle maison avec dedans un beau garage et une belle voiture. Et aussi, dans la maison, une femme. Les deux fils de Monsieur Porchon vont tous les jours dans leur très importante école, pour y apprendre des choses qu’on imagine tout aussi importante. Madame Porchon, elle, fait la vaisselle, les repas, le ménage. Et puis elle va aussi à son travail. Pas très important sans doute le travail de cette mère de famille.
Les hommes de la maison sont tout en bouche, grande ouverte la bouche, ils crient pour avoir à manger. Madame Porchon n’a pas de visage. On ne voit que sa tête, penchée sur son ouvrage.
Et puis bien sûr, elle finit par partir, en ne laissant qu’un mot sur la cheminée. Comme souvent chez cet auteur, le monde imaginaire s’invite dans celui du quotidien. Avec le départ de madame Porchon on bascule complètement dans un monde de cochons, déjà préfiguré par les illustrations des premières pages.
Je vous laisse découvrir les images vous même, on ne peut décrire leur richesse. Un coup de cœur pour cet album qui a longtemps été épuisé, c’est une joie de le savoir réédité.
La chasse à l’ours M. Rosen H. Oxenbury kaléidoscope 19€
isbn: 978-2877671996
Un jour de printemps et une famille à l’enthousiasme communicatif, nous
voilà en route pour la chasse à l’ours. Joyeusement, nous allons
surmonter ensemble les épreuves du chemin. C’est même assez amusant de
traverser les hautes herbes, de s’enliser dans la boue, de patauger dans
la rivière.
Bon, dans la foret et la tempête de neige, on fait déjà moins les malins…
Et quand la grotte se dresse devant nous, le rythme s’accélère.
Ce n’est pas pour rien que cet album est un classique. La mise en page, l’alternance d’illustrations en couleur et en noir et blanc, la musicalité du texte, tout est réussit. Il existe aussi en version animée, avec un relief impressionnant. Personnellement je trouve que ces gadgets ne sont pas utiles, l’histoire suffit à intéresser les enfants telle qu’elle est présentée dans la première version, mais les enfants adorent.
A noter: il existe deux traductions de cet album, les deux sont bonnes mais j’ai une préférence pour celle de Claude Lauriot Prévost, c’est d’ailleurs celle qui est actuellement disponible.
En bonus, une vidéo de l’auteur qui chante son texte, c’est en VO mais ça se passe de sous-titre, attention, l’air reste dans la tête, mais c’est tellement bon!
En 2016, Helen Oxunberu a illustré un nouvel album dans le sillage de la chasse à l’ours, Dodo l’enfant do, écrit par Thimothy Knapman qui est également une très belle réussite.
Une vie merveilleuse M. Pigois éditions Belize 14€
Isbn: 9782917289211
Un arbre en fleur, tronc noir et pétale roses, sur la page blanche. Une phrase, comme une voix off: « c’est ici que j’ai passé la plus grande partie de ma vie. » L’histoire est racontée par une feuille de l’arbre. Une feuille qui grandit, admire la vue du haut de son arbre et observe la vie autour d’elle. Au fil du temps elle change de couleur, finit par se décrocher de l’arbre et commence un voyage.
La petite feuille survole des paysages inconnus, rencontre de nouvelles feuilles.
Son voyage s’achève sur une dernière vision, particulièrement colorée.
Une vie. On naît, on grandit, on découvre, puis le chemin s’arrête. Une vie simple. Une vie merveilleuse.
C’est une façon particulièrement douce (mais pourtant parlante) d’aborder le sujet du deuil avec les jeunes enfants.
Les images très claires, pleines de vie et lumineuses ne sont jamais inquiétante.
La disparition de la protagoniste arrive de façon très naturelle, sans tristesse. Elle est simplement arrivée au bout de sa vie, sans amertume ni regret.
Le livre est très beau, les illustrations attirent les enfants, même si les plus jeunes ne vont pas toujours jusqu’au bout de l’histoire. Tous les adultes à qui je l’ai montré jusqu’ici ont également été séduit.
Y’a une pie dans l’poirier M. Bourre Didier jeunesse 11€
Une nouvelle naissance dans la collection « pirouette » de Didier jeunesse. C’est toujours un plaisir de découvrir de nouvelles comptines et chansons mise en image. Comme à son habitude, Martine Bourre a créé une suite à la chanson, et le résultat est à la hauteur.
Encore une fois, l’image enrichit et complète merveilleusement la chanson de notre enfance.
L’alternance de pages où une seule couleur vient colorer la page blanche et d’images aux couleurs chaudes et vives se prête bien au rythme de la chanson.
Au fil des pages, un bonhomme fait son chemin, comme un fil conducteur.
En marge des paroles de la chanson, des petits bruits se font entendre ci ou là: le scrounch scrounch du bouc qui broute à fait la joie de ma mouflette.
on retrouve le format d’ouverture que l’illustratrice avait déjà choisi pour « le loup et la mésange » (Didier Jeunesse collection « A petit petons ») et un style d’image semblable à ce qu’elle avait exploré dans « L’ogresse et les sept chevreaux » ou dans « am stram gram ». (idem)
C’est doux, c’est tendre, ça donne envie de chanter (on garde l’air dans la tête toute la journée) et c’est rafraichissant. Comme souvent les comptines, cet album conviens vraiment aux enfants de la naissance à 5 ans, voire plus, sans problème.
Ce sont trois amis qui partagent tout. Petit est vraiment riquiqui, Grand est un vrai géant.Quant à Moyen, je vous laisse deviner…
Ils ont chacun une maison, il y en a une grande, une moyenne et une petite. « Mais ce n’est pas ce que tu crois, non, non, non, écoute moi… Petit vit dans la grande maison, avec ses hauts plafonds et ses divans profonds… »
J’aime bien l’idée que la place de chacun n’est pas forcement celle qu’on attend. Le texte est agréable à lire à voix haute et il est très bien servi par les illustrations. Elles sont douces, poétiques, et recèlent quelque surprises (il y a des poissons à la place du feu dans la cheminée).
Ma mouflette m’a quand même fait remarquer que, contrairement à ce qu’affirme le texte, quand ils dorment c’est quand même Grand qui a la grande couverture, Moyen la moyenne et Petit la petite. Ma mouflette est très terre-à-terre que voulez-vous, elle n’a pas l’âme d’un poète.
Burt va le faire. Il va le faire, c’est sûr, il est trop fort Burt, quand il dit qu’il va faire un truc il le fait, d’ailleurs, hop, le voilà qui prend son élan, c’est sûr, certain, il va le faire…
Ou pas.
Enfin, si, il va le faire, il doit le faire parce qu’il s’est préparé mentalement et physiquement, il a tout bien vérifié alors, hein, pas de doute, il va le faire. En plus, faut bien dire, tous ses copains sont là pour l’encourager donc là, faut y aller!
Donc, Burt prend son élan et… Il saute, les yeux fermés.
Qu’il dessine des enfants (« Anton le magicien ») ou des petits piafs, Ole Könnecke nous donne toujours à voir l’enfance, dans toute sa simplicité merveilleuse.
Un petit livre mimi et efficace.
A noter, avec le même personnage et dans le même registre: bonne chance est sympa aussi.
Dès mon premier billet sur ce blog, on m’a posé la question: Quels livres, pour quel âge?
Au départ, j’avais la ferme intention de ne pas y répondre.
D’abord parce que l’âge de l’enfant et l’âge du lecteur, ce sont deux choses parfois très différentes. Je vois régulièrement dans mon travail des enfants très lecteurs, qui, dès la section des moyens de crèche, peuvent écouter des histoires longues, comme « Max et les Maximonstres ». Et d’autres, moins habitués aux histoires, qui auront du mal à aller jusqu’au bout alors qu’ils sont en maternelle.
Je vois aussi des enfants, absolument pas sensibilisés, qui écoutent avec une grande attention un album long que l’on pourrait considérer pour les plus grands et je ne sais pas à quoi tient cette attention.
Je vois surtout des enfants, très nombreux, qui n’écoutent pas jusqu’au bout et je n’en conclue pas pour autant que le livre n’est pas adapté à l’âge.
Il y a plein de raisons de ne pas aller au terme de l’histoire, le mouflet peut avoir peur, être intéressé brutalement par autre chose, s’ennuyer, avoir besoin de gigoter (à ce sujet, vous pouvez consulter le petit guide sur Lire avec mon bébé, quelle drôle d’idée? que j’ai écrit pour l’association LIRE).
Mais s’il a choisit ce livre, s’il y revient éventuellement plus tard, peut-on dire qu’il n’est pas adapté à son page, au prétexte qu’il ne l’écoute pas de façon linéaire?
Il y a aussi les enfants lecteurs, sensibilisés, habitués aux histoires longues et complexes qui ont un grand plaisir à lire des livres tout simples, qu’ils écoutaient déjà plusieurs années auparavant.
C’est vraiment une idée d’adulte qu’un album puisse faire « trop bébé » pour un mouflet de quelques années.
Mais c’est une idée tellement souvent répétée que les enfants eux-mêmes finissent par l’intégrer et on les voit parfois se détourner d’un livre avec lequel pourtant ils pourraient avoir du plaisir parce que « ils ont passé l’âge ». Comme s’il était dévalorisant de s’intéresser aux livres pour les plus jeunes.
J’ai donc d’abord évité soigneusement de donner des indications d’âge sur mes articles de blog.
Mais rapidement la demande a été très forte pour que je mette au moins une fourchette.
En lisant l’article, il est parfois difficile de se représenter l’album et, tout de même, un livre destiné à des enfants de 5 ou 6 ans, ce n’est pas comme un album premier âge.
Les adultes, qu’ils soient parents ou professionnels, avaient besoin de repère.
Et je les comprends, moi-même, quand je vais sur des sites où il est question de roman, j’aime qu’on m’indique s’il s’agit plutôt d’un livre pour des enfants de primaire ou pour des adolescents.
Je me suis donc efforcée de répondre à cette légitime demande.
En m’appuyant sur mon expérience et sur ma connaissance des enfants.
Pour chaque album, je m’interroge. Alors voyons, l’autre jour à la PMI je l’ai lu à un petit de 14 mois, il était en joie… A la crèche, je me souviens bien, il était toujours demandé dans la section des grands, entre 3 et 4 ans donc… Humm, il faut que je mette un truc, il faut que je mette un truc, je vais mettre dès 1 an tiens. Ah mais oui mais non parce que si je fais ça les parents d’enfant de 3 ans penseront qu’il fait « trop bébé » pour leur enfant, c’est dommage quand même. Bon, je vais mettre les deux alors, « dès un an » et « dès 3 ans ». Et puis aussi « dès deux ans » au milieu pour faire bonne mesure…
Ne vous étonnez donc pas si vous voyez des fourchettes assez larges sur certains albums, à vous de voir en fonction des habitudes de lecture des enfants à qui vous destinez le livre.
On ma fait remarquer que je pêche parfois par optimisme. Je tague par exemple « dès 2 ans » un livre qui donnera souvent du fil à retordre à un enfant de cet âge. C’est peut-être du au fait que je vois dans certaines crèches des enfants à qui on lit quotidiennement et qui ne sont pas toujours représentatifs. C’est aussi parce que dans une pratique de lecture souple, où on tolère que l’enfant s’éloigne, tourne plusieurs pages d’un coup, joue en même temps ou prenne son doudou pendant la lecture, la palette de livres qu’ils apprécient est beaucoup plus large. C’est sûr que dans une lecture collective et plus coercitive, le choix de l’album est un problème bien plus prégnant pour maintenir l’attention du groupe.
Dans un cadre familial, il n’est pas question de lecture collectives. L’idéal sans doute est alors de laisser tout simplement l’enfant lui même choisir ses livres. Ce qui n’est pas toujours possible quand on veut faire un cadeau ou une surprise par exemple. Dans ce cas, je pars du principe que l’enfant à qui vous destinez le livre va grandir, et que s’il ne s’y intéresse pas tout de suite, il sera sans doute content de le redécouvrir plus tard.
J’avoue, j’ai tendance à penser qu’on devrait toujours avoir quelques livres d’avance, sous le coude, sait-on jamais!
Quoi qu’il en soit, les notions d’âge que je met ici ne sont qu’indicatives et je ne saurais trop vous inviter à vous en détacher. Surtout si c’est à la demande d’un enfant, bien sûr.
Retrouvez d’autres articles et réflexions sur la lecture à voix haute ici.
Dans la petite maison verte M.F. Painset M. Malher Didier jeunesse 11, 90€
isbn:9782278062379
C’est une petite comptine, un petit texte simple, un texte qui donne envie de bercer, de se balancer, un rythme de câlin partagé. Au départ, l’adaptation d’une « nursery rythme ». Ça coule doucement dans la bouche quand on le lit, on sent bien que les bébés y trouvent un souvenir de quelque chose, sûrement, ça doit leur rappeler leur avant. Le rythme de la respiration d’un nourrisson dans les bras de sa mère et même encore avant, oui, avant la naissance.
Et puis il y a les illustrations. Subtiles et douces. « Dans la petite maison verte il y a… Une petite maison jaune », qu’on devinait déjà avant même de tourner la page, elle apparaît dans l’abat-jour de la maison verte. Viennent ensuite la maison brune, puis la blanche. Toutes très différentes, elles viennent des quatre coins du monde.
Puis l’image nous guide encore, dans la plus petite des maisons, on devine un cœur… « Un cœur qui bat, pour toi, pour moi, pour toi, pour moi »
Et dans le cœur deux chats fusionnent, ils ont des allures de matriochka, rappelant ainsi le rythme de tout l’album.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas été si touchée par un livre vraiment destiné aux tout petits. Je suis certaine que je vais passer de très bons moments à le lire à des bébés.
Pour voir des images de l’intérieur, le site de l’éditeur Didier Jeunesse (ça vous donnera encore plus envie de l’acheter…)
Achile est un chat heureux. Il mange à tous les râteliers. Dans la rue Aristote, il vit au numéro1, au numéro 2, au 3, au 4, au 5 et au 6. 6 demeures pour un chat signifie 6 noms différents, 6 lits, 6 personnalités et surtout, 6 repas par jour.
Mais le jour où Achile tombe malade, il se retrouve 6 fois chez le même vétérinaire. Et les habitants de la rue Aristote, bien qu’ils n’aient pas l’habitude de se parler, finissent par découvrir le pot aux roses. Et leur première réaction est de mettre fin aux multiples repas du félin… Qui n’en est pas du tout satisfait.
J’aime bien cette histoire d’un chat malin qui sait préserver ses privilèges. Et qui met l’accent sur l’importance de se parler.