Dès mon premier billet sur ce blog, on m’a posé la question: Quels livres, pour quel âge?
Au départ, j’avais la ferme intention de ne pas y répondre.
D’abord parce que l’âge de l’enfant et l’âge du lecteur, ce sont deux choses parfois très différentes. Je vois régulièrement dans mon travail des enfants très lecteurs, qui, dès la section des moyens de crèche, peuvent écouter des histoires longues, comme “Max et les Maximonstres”. Et d’autres, moins habitués aux histoires, qui auront du mal à aller jusqu’au bout alors qu’ils sont en maternelle.
Je vois aussi des enfants, absolument pas sensibilisés, qui écoutent avec une grande attention un album long que l’on pourrait considérer pour les plus grands et je ne sais pas à quoi tient cette attention.
Je vois surtout des enfants, très nombreux, qui n’écoutent pas jusqu’au bout et je n’en conclue pas pour autant que le livre n’est pas adapté à l’âge.
Il y a plein de raisons de ne pas aller au terme de l’histoire, le mouflet peut avoir peur, être intéressé brutalement par autre chose, s’ennuyer, avoir besoin de gigoter (à ce sujet, vous pouvez consulter le petit guide sur Lire avec mon bébé, quelle drôle d’idée? que j’ai écrit pour l’association LIRE).
Mais s’il a choisit ce livre, s’il y revient éventuellement plus tard, peut-on dire qu’il n’est pas adapté à son page, au prétexte qu’il ne l’écoute pas de façon linéaire?
Il y a aussi les enfants lecteurs, sensibilisés, habitués aux histoires longues et complexes qui ont un grand plaisir à lire des livres tout simples, qu’ils écoutaient déjà plusieurs années auparavant.
C’est vraiment une idée d’adulte qu’un album puisse faire “trop bébé” pour un mouflet de quelques années.
Mais c’est une idée tellement souvent répétée que les enfants eux-mêmes finissent par l’intégrer et on les voit parfois se détourner d’un livre avec lequel pourtant ils pourraient avoir du plaisir parce que “ils ont passé l’âge”. Comme s’il était dévalorisant de s’intéresser aux livres pour les plus jeunes.
J’ai donc d’abord évité soigneusement de donner des indications d’âge sur mes articles de blog.
Mais rapidement la demande a été très forte pour que je mette au moins une fourchette.
En lisant l’article, il est parfois difficile de se représenter l’album et, tout de même, un livre destiné à des enfants de 5 ou 6 ans, ce n’est pas comme un album premier âge.
Les adultes, qu’ils soient parents ou professionnels, avaient besoin de repère.
Et je les comprends, moi-même, quand je vais sur des sites où il est question de roman, j’aime qu’on m’indique s’il s’agit plutôt d’un livre pour des enfants de primaire ou pour des adolescents.
Je me suis donc efforcée de répondre à cette légitime demande.
En m’appuyant sur mon expérience et sur ma connaissance des enfants.
Pour chaque album, je m’interroge. Alors voyons, l’autre jour à la PMI je l’ai lu à un petit de 14 mois, il était en joie… A la crèche, je me souviens bien, il était toujours demandé dans la section des grands, entre 3 et 4 ans donc… Humm, il faut que je mette un truc, il faut que je mette un truc, je vais mettre dès 1 an tiens. Ah mais oui mais non parce que si je fais ça les parents d’enfant de 3 ans penseront qu’il fait “trop bébé” pour leur enfant, c’est dommage quand même. Bon, je vais mettre les deux alors, “dès un an” et “dès 3 ans”. Et puis aussi “dès deux ans” au milieu pour faire bonne mesure…
Ne vous étonnez donc pas si vous voyez des fourchettes assez larges sur certains albums, à vous de voir en fonction des habitudes de lecture des enfants à qui vous destinez le livre.
On ma fait remarquer que je pêche parfois par optimisme. Je tague par exemple “dès 2 ans” un livre qui donnera souvent du fil à retordre à un enfant de cet âge. C’est peut-être du au fait que je vois dans certaines crèches des enfants à qui on lit quotidiennement et qui ne sont pas toujours représentatifs. C’est aussi parce que dans une pratique de lecture souple, où on tolère que l’enfant s’éloigne, tourne plusieurs pages d’un coup, joue en même temps ou prenne son doudou pendant la lecture, la palette de livres qu’ils apprécient est beaucoup plus large. C’est sûr que dans une lecture collective et plus coercitive, le choix de l’album est un problème bien plus prégnant pour maintenir l’attention du groupe.
Dans un cadre familial, il n’est pas question de lecture collectives. L’idéal sans doute est alors de laisser tout simplement l’enfant lui même choisir ses livres. Ce qui n’est pas toujours possible quand on veut faire un cadeau ou une surprise par exemple. Dans ce cas, je pars du principe que l’enfant à qui vous destinez le livre va grandir, et que s’il ne s’y intéresse pas tout de suite, il sera sans doute content de le redécouvrir plus tard.
J’avoue, j’ai tendance à penser qu’on devrait toujours avoir quelques livres d’avance, sous le coude, sait-on jamais!
Quoi qu’il en soit, les notions d’âge que je met ici ne sont qu’indicatives et je ne saurais trop vous inviter à vous en détacher. Surtout si c’est à la demande d’un enfant, bien sûr.
Retrouvez d’autres articles et réflexions sur la lecture à voix haute ici.
Cécile Roumiguière
15 mai 2021 @ 10 h 42 min
Ah, cette histoire d’âge… Je ne m’y fais pas non plus, et quand on me demande « pour quel âge j’écris », je réponds que je n’écris pas pour un âge mais pour celles et ceux qui auront envie de lire le livre. Certes, c’est un peu facile comme réponse, mais vraiment, je ne sais pas que répondre d’autre 😉